Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

1731 – Thionville – Christine Rosa, 16 ans, veut être admise chez les Clarisses

Publié le par Persin Michel

1731 – Thionville – Christine Rosa, 16 ans, veut être admise chez les Clarisses

Nous avions vu dans l’article précédent la construction de l’église des Clarisses de Thionville dont le couvent est aujourd’hui la mairie de la ville.

Un acte du 31 décembre 1731, nous éclaire sur la démarche d’une jeune fille de seize ans pour être admise au sein de la communauté des religieuses de Sainte-Claire de Thionville. [1]

« Le lundi trente unième et dernier jour de l’années 1731, après midi, par devant moi, Damien Augustin, notaire royal au bailliage et siège de Thionville, y demeurant, soussigné et en présence des témoins cy-après nommés est comparue en personne :

Christine Ana [2], fille mineure, âgée à ce qu’elle dit de seize ans, actuellement pensionnaire au couvent du Saint-Esprit des religieuses de l’ordre de Sainte-Claire en cette ville. Laquelle (Christine Ana) dans l’étude de moi, notaire susdit, et en présence des témoins a déclaré de pleine liberté, sans induction, ni suggestion de personne généralement quelconques, qu’ayant la vocation par la grâce du seigneur et souhaitant être admise au nombre des dames religieuses dudit couvent, ses parents et ses héritiers présomptifs n’étant pas en état de lui procurer cet heureux état (être religieuse) et leur en avoir parlé différentes fois.

 

[1] On notera que les religieuses de Sainte-Claire dites clarisses sont à Thionville des « Urbanistes » ayant le droit de posséder des biens matériels, contrairement aux « Pauvres clarisses » qui suivent une règle beaucoup plus astreignante.

[2] Christine Ana Rosa, fille mineure, au décès de ses parents, se voit mise sous la tutelle d’un oncle Nicolas Florentin, jardinier, marié à Antoinette Rosa, une sœur de son père

Si même, le sieur Nicolas Florantin, son tuteur, lequel au lieu de lui être reliquataire de sa gestion, lui a dit que la comparanet mineure lui était débitrice de plus de six cents livres tournois.

Et comme pour parvenir audit état de religieuse, elle voudrait donner audit couvent une somme de quatre milles livres tournois (4000) pour sa dot, quatre cents livres (400) pour présent à l’église et se faire un fonds de trente six livres (36) de pension viagère pour ses menus besoins et nécessités, lorsqu’il aura plu aux dames religieuses de chœur et étant d’ailleurs dénuée de tout secours temporel, n’ayant pas ou très peu de linge, ni habillement, point d’argent pour se pouvoir de meubles pour sa chambre et habits de religieuse, elle a déclaré après avoir invoqué le saint nom de Dieu à son secours, qu’elle voulait dès à présent faire rédiger par script ses dispositions et ordonnances, de ses volontés par forme de testament, comme effectivement, elle a déclaré fait et dicté à moi, notaire susdit et témoins, lesdites dispositions en la manière suivante :

Savoir que ses désirs étant tels que dessus et dans l’espérance d’y parvenir, elle donne, lègue et abandonne dès à présent et pour toujours audit monastère et religieuses du couvent du Saint-Esprit, ordre de Sainte-Claire en cette ville, généralement tous ses biens meubles et immeubles généralement quelconques et de quelle qualité et nature qu’ils puissent être et que ses parents lui ont dit, consister en deux métairies au village, ban et finage d’Illange, seigneurie de Meilbourg [1], dont :

L’une (métairie) provenant de Nicolas Rosa et Françoise Grouselier ses aïeuls paternels, métairie laissées à bail héréditaire moyennant quatre (4) maldres de froment, quatre (4) maldres de moitange, un bichet de pois et cinquante (50) œufs de rente annuelle.

L’autre corps de biens provenant de Baltazard Meslinger et sa femme aïeuls maternels , rapportant actuellement, trois (3) maldres de froment et trois (3) maldres de moitange [2], outre environ sept (7) nouées de vignes, portions de maisons, granges, écuries, pressoirs, jardins et vergers, biens situés au village, ban et finage d’Illange et bans circonvoisins, sans rien en réserver, ni excepter généralement quelconques consistant encore lesdits biens de la comparante dans une maison située à Thionville en la rue brûlée, provenant de ses aïeuls maternels de la valeur d’environ mille deux cent (1200) livres tournois et quelques cens en argent sur des jardins à la porte de Metz et affermés par ledit défunt Nicolas Rosa et sa femme à différentes personnes et enfin aux dires de ses parents, en une somme d’environ deux mille (2000) livres tournois à elle dû par Nicolas Florentin, jardinier, et Antoinette Rosa sa femme sur tous leurs biens et spécialement sur une brasserie située à la porte de Metz au long de la Fensch et comme elle n’a pas d’autre connaissance de ses biens et facultés, elle déclare qu’elle comprend dans la présente donation tous ses autres biens, recettes et revenus généralement quelconques sans rien en réserver ni excepter directement ou indirectement et provenant tant des successions paternelles et maternelles soit mobilières ou immobilières.

A charge par lesdites dames abbesses et religieuses de payer et de satisfaire a tout ce qu’il conviendra, soit pour sa pension pendant le temps de sa postulation, celle de son année d’épreuve ou de noviciat, comme aussi des dettes et des charges auxquelles ses biens ci-dessus légués peuvent être obligés, et de lui constituer valablement une pension viagère payable par année pour subvenir a ses menus besoins et nécessité et enfin de lui garnir une chambre convenable à son état de religieuse, le tout ainsi fait à l’étude de moi, notaire, lesdits jour et année susdits.

 

[1] Meilbourg ancienne seigneurie située à côté d’Illange et alliée au Rodemack (en 1325) et au Lagrange

[2] Le ou la maldre contient environ 2 hectolitres de grains. Moitange ou méteil = un mélange de grains, généralement du blé et du seigle

Le tout en présence de maître François Nicolas Fringan, conseiller du roi, lieutenant particulier de la maîtrise des eaux et forets de cette ville et avocat au parlement, aussi de maître Joseph Grégoire Soucelier, conseiller du roi, procureur du roi au siège de la police, échevin de la ville et avocat au parlement, et encore de maître Jean Robert aussi avocat au parlement et syndic de l’hôtel de ville, demeurant tous les trois en cette ville de Thionville,.

Témoins et spécialement requis et appelés et après que le présent contrat a été lu et relu à ladite Christine Rosa, comparante, elle a dit qu’il (le contrat) contenait ses volontés et dispositions, elle a persisté et signé avec lesdits témoins et moi notaire.

Un document additionnel a été ajouté au contrat :

« En mon étude, en présence des témoins dignes de foi, Christine Rosa dénommée au testament ci-dessus, a requis que la lecture qui lui a été faite à l’instant, et bien qu’âgée de seize années, elle l’avait bien compris et entendu et qu’elle persiste comme étant sa volonté sans suggestion ni induction de personne, étant en pleine liberté de quoi elle a requis, acté et signé en présence de Henry Tocker, prêtre vicaire à Weimerange et du sieur Dominique Jacquin, marchand orfèvre de cette Thionville et qui ont signé comme témoins après la lecture faite du présent contrat. »

Voilà comment une jeune fille de seize ans, pensionnaire au couvent des Clarisses de Thionville, persuadée de sa vocation de « sœur Clarisse », se dépossède de tous ses biens par testament afin d’assumer cette vocation.

L’âge de la jeune fille a obligé le notaire à s’entourer d’un maximum de précautions, en ayant la participation d’un certain nombre de témoins de qualité, notables patentés de la ville, et au final de refaire une lecture du testament, devant la jeune fille, en la présence d’un témoin apportant la caution d’un religieux, en la personne d’Henry Tocker, vicaire de Veymerange [1].

PS : Les Clarisses de Thionville eurent un blason figurant à l’armorial général de France [2] :

« D’azur à une sainte Catherine de carnation, et au buste du roi, d’or »

 

Référence: Notaire Augustin 3e7670

La dernière abbesse fut Dorothée Elminger, famille connue de Thionville

En 1774, l’abbesse était Elisabeth-Claire de Coussidon.

En 1674 l’abbesse est Marie-Thérèse Gennesson

En 1664, l’abbesse est M… de Beurthey ou de Beurth

 


[1] La cure de Veymerange dépend alors de la paroisse de Volkrange.

[2] Moyennant finance.

[3] La chapelle des lépreux au quartier Saint-François est également un des plus anciens bâtiment de la ville, voir son histoire dans mon ouvrage récent ‘Histoire de l’ancienne chapelle des lépreux » 2017

Commenter cet article