1914 - 1918 Veymerange/Elange Morts aux combats
A l'occasion du centenaire de la guerre de 1914
Les soldats de Veymerange et d'Elange tombés sur les champs de bataille pendant la grande guerre.
Pour commencer une évocation de mes grands pères ayant fait cette première guerre mondiale, un du côté français, l'autre du côté allemand.
Gaston Ernest Albéric PERSIN :
Grand père paternel, enrôlé en 1914, dans un régiment français de forteresse à Gironville puis en raison de son âge (36 ans) versé dans la territoriale.
Décédé à Saint Rémy en Bouzemont (51) en 1970.
Gabriel BOLZINGER dit “Victor” :
Grand père maternel, qui connaissait tous ces jeunes hommes de Veymerange et d’Elange, tombés entre 1914 et 1918. Grâce à son métier, d’électromécanicien à la mine de fer de Metzange, il fut enrôlé dans la Marine Impériale à Wilhelmshaven.
Décédé à Veymerange en 1942.
Article dédié à mon père...
Noël Ernest PERSIN :
Aviateur, engagé en 1935 dans ce qui n'était pas encore l'armée de l'air, qui à 90 ans passés, honorait de sa présence toutes les cérémonies du 11 novembre à Thionville-Veymerange. Décédé à Veymerange le 15 août 2008.
Le 11 novembre de mon enfance.
C’était dans les années 1960, je fréquentais alors l’école primaire du village, notre instituteur, un grand monsieur, très gentil, Monsieur Malvaux, nous enseignait entre autres, l’hymne national.
Pour le 11 novembre, un petit groupe était choisi pour chanter la Marseillaise devant le monument aux morts du village qui se situait à l’entrée du cimetière.
Souvent, j’ai fait parti de ce groupe, vers 11h, avec un temps de Toussaint, froid, brumeux ou sous le crachin, nous chantions cette Marseillaise avec entrain mais aussi avec timidité
Le maire était là qui faisait un discours et déposait une gerbe, les anciens combattants présents avec leurs médailles, leurs bérets et leurs drapeaux et puis il y avait une grande partie de la population. Après la cérémonie, les gens allaient sur leur tombe de famille.
En sortant du cimetière, on mettait quelques francs dans les boites du souvenir français et on nous accrochait au revers de la veste, un petit bleuet en papier qu’on portait toute la journée avec fierté ...
Au final, une cérémonie assez impressionnante pour de jeunes garçons et filles d’une douzaine d’années.
Moi, je regardais ces noms inscrits sur le marbre et j’essayais d’imaginer leur âge, où étaient-ils morts, comment et dans quelles conditions ?
Maintenant retraité, le temps m’est donné pour apporter quelques lumières sur ces époques déjà lointaines, pleines de fureur et de sang, où la jeunesse de notre pays a été prise de grè ou de force dans des événements qui la dépassaient, eux, paysans, ouvriers ou mineurs qui n’avaient jamais quitté leur petit village, où Metz était déjà si loin....
Certains sont morts si jeunes, dans des pays lointains dont ils n’avaient jamais entendu parler, loin de leur famille, de leurs amis, de leur village.
Leurs corps sont encore là-bas dans les plaines d’Ukraine, de Pologne, de Lituanie, d’Argonne ou du Nord, leurs familles n’ont jamais eu que le souvenir, quelques photos et des noms sur une plaque de marbre...C’est la raison de ce petit mémoire, leur rendre encore hommage, en faisant connaître l’histoire de ces hommes et de ces monuments,
Honorer les jeunes gens de nos villages tués pendant cette première grande guerre ne fut pas simple car en 1914 la Moselle comme l'Alsace faisait partie de l'empire allemand depuis déjà 44 ans.
Ils furent donc appelés à combattre dans l'armée allemande où ils payèrent un lourd tribu, principalement sur le front Est, où par défiance envers leur loyauté à l'Empire, on les envoyait combattre.
Le monument aux morts de Strasbourg, illustre bien ce propos.
Une mère (ici la ville de Strasbourg), tient ses deux fils mourants contre elle.
L'un regarde en direction de la France, l'autre vers l'Allemagne.
Ils sont tombés après avoir combattu l'un contre l'autre mais devant la mort, ils se donnent la main.
Ils n’ont plus d’uniforme et illustrent tout le drame de l’Alsace de la Moselle !
Sur le monument une inscription: A NOS MORTS
A la fin des hostilités en 1918, Veymerange et Elange sont des communes associées dont Veymerange est le centre administratif. La mairie est à Veymerange comme l'église et le cimetière où sont inhumés les habitants.
Dans le cimetière (à Veymerange) qui entoure encore l'église, existe depuis le milieu du 19ème siècle, une belle croix dite de "mission". Elle est en pierre de "Jaumont" avec une très belle vierge polychrome au manteau bleu, sur le socle sont apposées des plaques de marbre blanc où sont gravés des versets de la bible. C'est le plus beau monument du cimetière, il se trouve non loin de l'entrée et appartient à la paroisse.
Une directive du ministère des anciens combattants envoyée aux communes de Moselle, précise les modalités à respecter pour élever un monument aux morts en tenant compte de leur spécificité.
- Faire un monument très simple de forme si possible pyramidale.
- Mettre ce monument dans le cimetière et non sur la place du village.
- Ne pas y faire figurer la mention: "Mort pour la France" et la remplacer par une dédicace plus neutre du type: A nos morts.
La municipalité va donc faire graver sur une plaque de marbre blanc les noms des soldats morts aux combats de la commune et de celle d'Elange. Ils sont sept.
La plaque sera apposée en bas de la croix de mission, celle-ci devenant ainsi le premier monument aux morts des deux communes, située dans le cimetière, discrète avec un coût modeste pour la commune (200F)
Dès 1920, afin de respecter les nouvelles directives interdisant les cimetières au milieu des habitations, un nouveau cimetière est réalisé en dehors du village à son emplacement actuel. Une grande partie des tombes sera transférée par les familles de l'ancien vers le nouveau cimetière et bien entendu la croix de mission devenue monument aux morts sera transférée également et installée au milieu du nouveau cimetière à son emplacement actuel.
Pendant ce temps,la France se couvre de monuments aux morts à la mémoire de ses chers "poilus". Chaque commune veut le sien, bien en vue, au centre du village.
A Veymerange et à Elange, on commence à penser qu'une simple plaque de marbre sur une ancienne croix, c'est un hommage peu juste pour les 7 jeunes hommes tués au front
Alors le 25 janvier 1925 à l'initiative du Souvenir Français, la commune va décider l'érection d'un nouveau monument aux morts. Il sera mis en place le 24 juillet 1925 à l'entrée du cimetière, le sculpteur en sera, monsieur Hurtu de Hayange.
Une nouvelle plaque y fut apposée et plus tard après la seconde guerre mondiale, on y rajouta les 5 noms des jeunes gens tués dans cette seconde déflagration.
(La municipalité de Thionville vient de restaurer le monument )
Les soldats morts au front
Griselle Adolphe
Griselle Jean Pierre
Messembourg Nicolas
Keip Nicolas
Nidercorn Louis
Schiltz Jean Pierre
Wehr Michel
Pour certains de ces soldats, je n'ai malheureusement pas retrouvé de descendant ou ceux-ci n'avaient aucun document, ni souvenir…
C'est déjà si loin !
La grande majorité de ces soldats qui rappelons le, sont allemands , originaires des villages de Veymerange et d’Elange vont être envoyés et tués sur le front Est.
Aujourd’hui, 100 ans après la fin de cette guerre dévastatrice pour l’Europe, ces jeunes hommes qu’on a envoyés si loin, dans des pays inconnus, pour les livrer à l'ennuie, au feu à l’enfer de la mitraille et des bombes méritent bien que l’on s’arrête un peu sur leur histoire.
GRISELLE Adolphe
Né le 12 novembre 1896 à Veymerange (57), demeurant à Veymerange .
Fils de Nicolas Griselle, ouvrier d’usine et de la défunte Louise Henry.
Célibataire. Soldat à la 7eme compagnie du 372eme régiment d’infanterie.
Tué à 20 ans, le 20 septembre 1916 vers 20 h, à Szelwow (Ukraine).
GRISELLE Jean Pierre
Né le 7 août 1882 à Veymerange (57), demeurant à Veymerange (57)
Fils de Nicolas Griselle, ouvrier d’usine et de Elisabeth Keip
Il était tourneur, marié le 12 janvier 1914 à Basse-Ham avec Marguerite MALINGER, dont il eut un fils, Lucien Joseph, né le 07 décembre 1914 à Veymerange .
Tué le 26 juin 1918 à Mohilew (Russie)
Habitant Veymerange (57), il figure sur le monument aux morts de ce village,
il figure sur la tombe familiale à Basse-Ham où sa famille s’est installée par la suite.
MESSEMBOURG Nicolas
Né le 23 novembre 1876 à Veymerange (57), demeurant à Veymerange .
Fils de Nicolas Messembourg, mineur et de Elisabeth Dilmann
Célibataire.
Tué à 38 ans, le 10 février 1915 à 12h, dans un bois en Argonne (France).
Soldat au 173eme régiment d’infanterie dit de Lorraine.
Régiment caserné à St Avold, il participera à la bataille de la Marne et sera obligé de reculer jusqu’en Argonne où il stationnera au début de 1915, participant à plusieurs offensives, dont celle de janvier 1915 où il fut tué !
NIDERCORN Louis
Né en 1887 à Halstroff (57), demeurant à Veymerange (57)
Fils d’Antoine Nidercorn, cultivateur et de la défunte Catherine Wagner
Tué à 28 ans, en septembre 1915 près de Kowno (Lituanie)
Soldat au 263eme régiment d’infanterie de la 79eme brigade d’infanterie de réserve commandée par le Major Cropp.
Ce régiment prit part au siège de Kowno (Actuel Kaunas) entre le 8 et le 18 août 1915, puis aux batailles de Nièmen et de Vilna du 19 août au 2 octobre 1915 où Louis Nidercorn est tombé en septembre 1915 !
SCHILTZ Jean Pierre
Né à Veymerange (57), demeurant à Veymerange (57)
Fils de Nicolas Schiltz, mineur et de Anna Muller.
Mort à 41 ans, le 13 mai 1917 à 16h20, des suites de ses blessures, à l’hôpital de Minden (Allemagne)
Soldat dans la 10eme compagnie de réserve du 19eme régiment d’infanterie Von Courbière.
KEIP Nicolas
Né le 12 septembre 1889 à Moncourt (57)
Fils de KEIP André, employé, né en 1867 et de Marie LEGRAND, née en 1866.
Ils eurent 6 enfants,
2 garçons et 4 filles.
Tué le 4 octobre 1917 en Flandres, probablement lors de la bataille de Passchendaele qui dura du 31 juillet au 6 novembre 1917 où les allemands s’affrontèrent aux troupes anglaises, canadiennes et françaises.
Alors au 79eme régiment d’infanterie de réserve, 3eme bataillon, 9eme compagnie.
Cette photo a été prise vers la mi-août 1917 où il l’a envoyée à sa famille qui habite alors à Hayange (57), pour qu’elle le voit en soldat. Dans le texte au dos de la photo, il explique qu’il va bien, qu’il espère que pour eux, il en est de même.
Dans une “Feldpostcarte” envoyée de Hayange (57) le 15 octobre 1917, sa soeur aînée “Marie” lui dit qu’elle entend le canon tonner au loin tous les jours et qu’elle l’espère en bonne santé. Elle lui dit ; prier pour lui, qu’elle sait que tout ira bien !
Elle l’enjoint, si la poste fonctionne encore, de lui écrire, car ils n’ont plus de nouvelles depuis le 25 septembre....
(Il a été tué le 4 octobre soit 11 jours avant l’envoi de cette carte !)
WEHR Michel
Né 24 octobre 1894 à Elange (57), demeurant à Elange (57)
Fils de Jean Pierre Wehr, cultivateur et de Elisabeth Diedrich
Tué à 23 ans, le 2 septembre 1918 près de Crouy (Aisnes -France)
Soldat à la 3eme compagnie de mitrailleurs, 1ère section.
Le village de Crouy fut le théâtre d’âpres batailles entre soldats français et allemands, un important cimetière militaire en atteste. Le village fut pratiquement détruit pendant ces batailles.
Un récit coté français nous décrit l’offensive pendant laquelle fut tué le mitrailleur Wehr Michel. Extraits de l’« Historique du 129ème RI- Campagne 1914-1919 » par le colonel Weiller commandant le 129 RI:
« …La journée du 1er septembre est marquée par un violent bombardement de nos positions par l’artillerie allemande. Au-dessus de la vallée de l’Aisne et de la ville de Soissons, bombardée par l’ennemi, se dresse, au Nord, la ligne des collines calcaires qui forment les avancées du massif de Saint-Gobin-Laffaux, le Chemin-des-Dames. Plateaux aux noms à jamais immortalisés par les combats de 1917.
L’ennemi ne pouvait avoir de meilleure position pour se retrancher, que sur ces plateaux de la rive Nord de l’Aisne. Leurs flancs, escarpés, semblent défier tous les assauts ! Et, cachés dans toutes les aspérités de terrain, les mitrailleuses nombreuses qui hérissent la ligne de front rendent la position quasi-imprenable.
Imprenable ? Douaumont aussi était imprenable… !
Le 2 septembre, la Division se prépare à l’assaut, pendant que de tous côtés gronde la voix de nos canons ...
…La fusillade est vive, les mitrailleuses vomissent la mort dans un crépitement infernal, les grenades pleuvent dru ! Qu’importe ! Rien ne saurait arrêter l’élan sublime des « Ratapoils » du 1er Bataillon…. Pendant que les nids de mitrailleuses sont pris à partie par nos grenadiers, les unités voisines débordent la position et continuent leur mouvement vers l’avant…
Il est 14h30, et les chars d’assaut qui suivent le Régiment en réserve, prêts à lui donner leur appui aux passages difficiles, arrivent à la route de Crouy à la Distillerie. Ce tir d’interdiction, d’une violence inouïe, durera jusqu’à la nuit, gênant considérablement l’arrivée des réserves et nous causant des pertes sensibles. De nombreux tanks, recevant de la cote 132 des projectiles de plein fouet, flambent ou gisent éventrés….
…Pendant la nuit du 2 au 3, les abords du village de Crouy et le village lui-même, sont soumis à un harcèlement méthodique, par obus toxiques et explosifs.
Photo ci-dessus "Dans la tranchée en attendant l'attaque" collection Michel Persin
En cette année du centenaire de cette première guerre mondiale qui a touché au coeur de nombreuses familles européennes, j'espère par cet article avoir mis un peu de lumière sur ces jeunes hommes morts si jeunes et si loin de leur village.
* Photos de ma collection personnelle ou données par les familles.
(Tiré du fascicule "Soldats et monuments 1914 -1918 et 1939 -1945" de 44 pages, paru en 2011 et disponible au prix de 15€ sur demande par la messagerie de ce blog)