Après les deux intermèdes concernant Saint-Nicolas et les 60 ans de l’église Notre Dame de l’Assomption, revenons aux travaux sur les fortifications de Thionville réalisés par et sous la supervision de Rodolphe Salzgueber.
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Le 15 juin 1674, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg
à réaliser à dires d’expert et gens de connaissances, deux corps de garde pour les officiers, un à la porte de Metz sous la voûte et l’autre à la porte de Luxembourg, joignant l’entrée de la voûte à main droite, lequel sera couvert d’ardoises.
Il devra faire les murailles (murs) de bonne maçonnerie, d’y faire des fenêtres garnies de vitres et de fil d’archet au-devant. Les jambages seront de pierre de taille, des cheminées et aussi des lits de camp, tables et bancs seront nécessaires pour la commodité de l’officier.
Il rebouchera les petites brèches qui sont au-dessus des portes, pour cela il recevra 350 livres.
Il devra aussi recouvrir les corps de gardes à l’avancée de la porte de Metz, c’est à dire d’y remanier toutes les tuiles et en remettre des neuves pour remplacer celles cassées ou manquantes afin qu’il ne pleuve plus dans les corps de garde et pour cela il recevra 3 livres.
Il devra encore faire les réparations aux ponts des portes de Metz et de Luxembourg, consistant en la pose de madriers à remettre sur le dessus des ponts, il lui faudra fournir le bois et la main d’œuvre et recevra alors 103 livres et 15 sols.
Dans la rue brûlée, il devra rétablir les grands moulins à cheval dans les magasins du Roi, vis à vis de la maison du sieur Klein. Il devra fournir la main d’œuvre et toute la ferrure nécessaire et aussi le bois et rendre les moulins propres à faire de la farine, alors il touchera 278 livres et 10 sols.
Le sieur de Salzgueber, devra démolir toutes les maisons [1] qui sont comprises dans l’alignement de la rue qui doit conduire de la porte du pont à la place et fera transporter une partie des matériaux proche de la porte de Luxembourg en des lieux où ils ne gêneront pas. Pour ces démolitions, il recevra 318 livres.
Le 19 juin 1674, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg à faire les réparations nécessaires aux chemins couverts de Thionville et de la manière suivante :
[1] D’après les plans, cela n’a semble-t-il concerné, qu’une seule maison située devant l’entrée du pont.
Après avoir bien aplani, dressé, épointé les palissades, il sera fait une rigole profonde de 3 pieds ou 3 pieds et demi dans laquelle seront plantées les palissades, attachées et bien chevillées avec de bons linteaux comme prévu sur le profil qui lui a été remis afin que les palissades soient si bien dressées et alignées que les pointes ne fassent qu’une même ligne. La rigole sera remplie de terre, lesquelles seront si bien battues entre et contre les palissades qu’elles seront rendues inébranlables. Salzgueber sera payé 7 livres et 10 sols pour chaque cent de palissades qu’il aura planté, il s’est en outre engagé à faire des barrières de sortie vis à vis des fossés des bastions, des demie lunes suivant l’alignement des palissades, aux barrières ils remettra les vieilles serrures en état et les attachera en sorte qu’elles ferment bien et il sera payé 6 livres pour chaque barrière.
Il devra aussi faire le gazonnage au-dessus du parapet de maçonnerie qui se fera comme suit : Le gazon sera coupé tout d’une main, en bonne terre et bien enraciné. Il aura 14 à 15 pouces de long, 4 pouces d’épaisseur et 6 pouces de largeur. Il sera posé en boutir de liaison avec les terres qui seront mises entre ledit gazon et les palissades, lesquelles terres seront choisies les meilleures, les plus grasses, bien battues.
Les gazons seront bien joints et posés l’un contre l’autre en sorte que les lits de l’un couvrent bien les joints de l’autre et de deux en deux. Il sera posé sur un lit de petites fascines de bois de saule coupé en saison afin qu’elles puissent reprendre et elles auront leurs cimes tournées du coté du parement c’est à dire le gros bout du coté des palissades.
Les fascines seront fournies sur les lieux à la charge de sa majesté. Salzgueber sera payé à raison de 40 sols par toise carrée de gazonnage posé.
Il devra transporter toutes les terres superflues et inutiles dans le chemin couvert pour en former les glacis suivant les plans et alignements qu’il aura reçu. Il sera payé pour ce travail 40 sols pour chaque toise cube de terre charriée.
Le 29 août 1674, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg afin de réaliser un rempart à l’extrémité du pont, afin de gagner le terrain qui est beaucoup plus bas que les piles du pont et qu’on puisse s’en servir pendant que l’on construit l’ouvrage à la tête dudit pont.
Chaque chevalet ne différera en rien de ceux qui ont été faits contre la porte de la ville si ce n’est pour leur hauteur, ils seront posés sur le bon fond et arrêtés avec des pillots, en sorte que les débordements des eaux ne puissent les endommager. Le dessus du pont sera conforme à la charpenterie faite sur les piliers de maçonnerie.
L’on observera que la rampe devra être douce afin que les chariots puissent monter et descendre avec beaucoup de facilités.
L’entrepreneur sera payé à raison de 15 livres la toise courante en mesurant du milieu de la dernière pile jusqu’à l’endroit où finira le rempart.
Le fer nécessaire sera fourni et posé par ledit Salgueber.
Le 15 mai 1675, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg à faire toute la charpenterie nécessaire aux ouvrages de la ville, pour les toitures, couverture des orgues, guérites, planchers, lits de camp, lambris et les portes et ventillons, les toitures seront en ardoise, le bois sera du sapin. Il fera aussi deux guérites en bois de chêne, une sur le devant de la porte de Metz et l’autre sur le coté qui regarde la place. Il sera payé pour cela 700 livres tournois.
Il devra faire les réparations au tambour qui joint le flanc gauche du bastion de Metz, y démolir tout ce qui n’est pas solide et le rétablir bien solide et pour cela il aura 28 livres la toise cube.
Il devra faire trois aisances de pierre de taille dans le grand fossé aux endroits convenus et recevra alors 220 livres pour chacune.
Il fera aussi la maçonnerie à une petite écluse qui sera sur le glacis du chemin couvert, vis à vis de l’angle flanqué de la branche droite de l’ouvrage vers Terville et recevra alors 200 livres la toise cube. La terre nécessaire pour faire la digue de l’écluse lui sera payée 40 sols la toise cube et il recevra le même prix pour les terres utiles pour former la digue qui joindra la gorge de l’ouvrage le long de la Moselle avec le chemin couvert et cela pour retenir l’eau dans le marais, les terres superflues seront mises sur le glacis et bien battues.
Ensuite, il fera tout le pavé depuis la porte du pont jusqu’à la place d’arme et il fera aussi une chaussée au bout du grand pont. Il devra terminer ces travaux pour la fin octobre de ce mois (soit 5 mois) et sera alors payé d’après le toisé.
Un avenant à ce contrat daté du même jour, stipule qu’il devra aussi faire six barrières, avec leur cadenas, aux accès aux remparts, il fera aussi un petit corps de garde en planches dans le bas du «Ferdinand »[1] et devra démolir une croix de pierre qui est sur la place, le tout pour 44 livres et 10 sols.
Sierck :
Le même jour, 15 mai 1675, un autre contrat lui demande de réparer toutes les brèches qui sont aux murs du château de Sierck avec une bonne maçonnerie de chaux et de sable en utilisant les meilleurs moellons du pays. Il devra en outre fournir sept barrières avec cadenas pour la petite place proche les « Récollets ». Pour ces travaux, il recevra 20 livres la toise cube de maçonnerie et 22 livres et 10 sols pour les barrières.
Il lui faudra aussi faire une banquette de pierre sèches derrière la grande « Brèche » et mettre sur la redoute un plancher, puis de faire un petit pont au-dessus du fossé avec une palissade à droite et à gauche et enfin une guérite de madriers sur le flanc de la grande face, il recevra alors 34 livres et 15 sols.
[1] Ouvrage bastionné se trouvant à coté du grand pont.
Le 17 janvier 1676, le sieur Saltzgueber [1] sera chargé de transporter toutes les terres pour faire le chemin couvert à la tête de la muraille qui retient les encadrements de la porte de Metz et autour du moulin et cela suivant les plans fournis. Les terres seront prises en défonçant le terrain pour atteindre le niveau demandé qui est au-delà du glacis c’est à dire de manière que le glacis soit vu du corps de la place, il devra laisser en place des témoins de profil afin de pouvoir en faire le toisé [2]. Le tout sera payé à raison de 40 sols la toise cube.
Il devra aussi engazonner les parapets et les banquettes puis les palisser.
Il devra construire en pierre de taille, trois lieux d’aisance aux endroits marqués et les faire comme celles entre le bastion de Metz et d’Enghein et recevra alors 222 livres pour chaque aisance construite.[3]
Ensuite, il fera un corps de garde en maçonnerie à la porte du pont conformément aux plans et recevra la somme de 1100 livres tournois. (Le prix est élevé car le descriptif des travaux est très long et explicite afin d’obtenir un bâtiment de bonne qualité)
[1] Maintenant le nom s’orthographie avec un « t »
[2] Faire le toisé, c’est prendre les mesures des travaux réalisés afin d’établir le prix.
[3] Se reporter aux plans dans les articles 2ème et 3ème parties
Il fera ensuite quatre casernes [1] avec chacune quatre chambres en bas et un couloir au milieu et encore quatre chambres à l’étage avec au-dessus un grenier. Il y aura des cheminées et des portes fermant à clés. Chaque caserne lui sera payé 3300 livres tournois.
Il devra encore faire le magasin à poudre situé vis à vis de la gorge du bastion de Metz suivant les plans joints avec des fondations très solides pour 30 livres la toise cube. Il fera un plancher de madriers de chêne, une porte bien ferrée avec serrures et verrous pour cela il aura 110 livres. Le tout devra être livré pour la fin novembre 1676.
Les voitures pour charrier la terre, les moellons, la chaux et le sable seront payés par les intendants.
Le 21 janvier 1676, le lieutenant Pierre Jean Jacquet de la compagnie de Saltzgueber va passer commande à Dominique « Geyralding » de Raon-l’Etape dans les Vosges, pour un lot très important de bois, dont 3000 planches, livrable à Thionville. Pour cette opération, un bourgeois de la ville, Dominique Scwadol, se portera caution en versant 40 écus blancs à 3 livres tournois l’écu.
Dans le même document, le même lieutenant, Pierre Jean Jacquet passera commande, auprès de Etienne Marmoy et Nicolas Marmoy, frères, demeurant à la tuilerie de Lagrange, pour 60000 tuiles et 30000 briques livrables en juillet pour le prix de 8 livres et 10 sols le mille. Le témoin de l’affaire sera un bourgeois de Thionville, Balthazar Leyendecker.
Nous sommes rendus en 1676 et depuis 1634, soit 42 ans, les fortifications de la ville ont constamment été améliorées et entretenues. Le sieur Saltzgueber avec ses gardes suisses et les artisans de la région, sous les ordres du directeur des fortifications, à l’aide des plans et profils fournis par les ingénieurs du Roi dont Vauban, a été la cheville ouvrière de ces travaux. Nous verrons dans une prochaine et dernière partie, début 2017, les travaux qu’il a encore réalisé sur la place de Thionville avec une petite notice sur ce personnage peu connu faute de document le concernant.
[1] Ce qui correspond à 24 chambres mais sans connaître le nombre d’hommes par chambre.