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1704 – Evasion à la prison de Thionville

Publié le par Persin Michel

1704 – Evasion à la prison de Thionville

Dans l’article précédent nous avons vu qu’une certaine Madeleine Schaff avait été incarcérée à la prison royale de Thionville pour prostitution de son corps. Il se trouve que j’ai découvert, il y a quelques jours, un document daté du 1er juin 1704 qui relate une évasion de cette même prison où avait été incarcérée Madeleine Schaff en juin 1669.

Voici  le rapport de cette évasion fait par le « geollier » et l’annotation au bas du rapport demandant une inspection de la prison :

« Ce jourd’huy, premier de juin 1704, aux environs des quatre heures du matin, moi Jacques Huyart, geollier commis aux prisons royales du bailliage et siège royal de Thionville [1], certifie m’être transporté dans une des chambres desdites prisons où était enfermé le nommé Jean Barthel, bourgeois de cette ville comme prisonnier à la requête du sieur Grinsar, marchand, bourgeois de Metz, pour une dette de 241 livres tournois, sauf néanmoins à déduire le reçu au paiement de laquelle somme, ledit Barthel a été condamné par sentence de ce siège, même par corps, comme il paraît sur son écrou du 7 mai dernier.

La nuit du dernier jour du mois de mai et premier juin, ledit Barthel se serait évadé de force desdites prisons, quoique qu’ayant fait bonne garde de sa personne.

Il aurait arraché et défait deux barreaux de la fenêtre de ladite chambre, lesquels cependant étaient tenus et liés avec deux chainettes qui entouraient les deux barreaux.

A l’instant, j’ai fait la recherche de la personne dudit Barthel par toute la maison de Claude Lestamy par laquelle il s’est sauvé et même dans la maison des voisins et n’ayant pu trouver ledit Barthel, j’ai été obligé de dresser le procès verbal pour servir et valoir ce que de droit d’autant qu’il ne vient aucune erreur de ma faute. Fait à Thionville dans les prisons royales du bailliage. » Signé du « geollier », Jacques Huyart.

 


[1] Au début du 18ème siècle, ces chambres servant de prisons pour les bourgeois de Thionville, étaient situées dans le bâtiment du bailliage (Beffroi) et la prison pour les militaires se trouvait dans le couronné de Yutz

 

Noté au bas du procès verbal par le procureur du roi au bailliage :

Je requiers pour le roi, que le bris de prison mentionné dans ce procès verbal, il en soit informé, circonstances et dépendances et cependant que lesdites prisons soient vues et visitées pour en être dressé procès verbal et qu’on me le communique.

A Thionville le 3 juin 1704, signé de Jean Mathias Bock [1], procureur du roi au bailliage.

Rapport sur les prisons royales de Thionville suite au bris et évasion :

L’an de 1704, le 3 juin, nous, Jean Fringan, doyen des conseillers du bailliage et siège royal de Thionville en absence du sieur lieutenant général audit siège en vertu du procès verbal dressé le 1er du présent mois par Jacques Huyart, concierge de la conciergerie dudit siège et sur réquisition du procureur du roi, mis au bas du procès verbal de Jacques Huyart, je me suis transporté avec Jean Gorgon Bailly, clerc au greffe à cause de l’absence du greffier en ladite conciergerie. Ledit Jacques Huyart, nous a conduit dans une petite chambre où il met d’ordinaire les prisonniers et qui prend jour [2]sur la cour de Claude Lestamy dit « Picquart », bourgeois de cette ville.

Dans cette chambre, nous avons trouvé une fenêtre barrée de haut en bas de quatre barreaux de fer carré et un pareil qui les barrait au travers des barreaux et les cramponnait l’un dans l’autre. Le quatrième barreau et la barre traversant quoi que cramponnée a été ôtée de force avec des outils de fer et les pierres de celle qui traversait ont été cassées. Le trou de la pierre d’embase où le quatrième barreau était posé a été creusé par dessous. C’est par ce brisement que ledit Jean Barthel détenu prisonnier dans ladite chambre s’est sauvé et évadé nuitamment. Pour assurer d’avantage ladite chambre en forme de prison, il faudrait que toutes les barres de fer fussent plombées par les bouts d’avec les pierres et murer une pierre de taille par dessus jusqu’au haut de la barre de fer et il restera encore un jour suffisant pour éclairer ladite chambre et les prisonniers.

Fait à Thionville le jour dit et signé du greffier et de moi-même.

On ne sait pas si le sieur Jean Barthel a été repris ou s’il a échappé durablement à la prison. Il n’était pas un bien grand criminel puisqu’incarcéré pour une dette importante envers un marchand de Metz, une somme de 241 livres ce qui à l’époque représentait la moitié du prix d’une maison en la rue brûlée ou le prix d’une maison et jardin dans la banlieue de la ville.

NB : Le beffroi actuel est bien différent de celui du 18ème siècle qui abritait aussi le bailliage, la chapelle du Rosaire et le poids de la ville. Il l’est bien plus encore de celui du beffroi originel. Toutefois, on peut voir qu’en 1704, la prison pour les bourgeois [3] de Thionville se limitait à une ou deux chambres situées dans le bâtiment du beffroi, au rez-de-chaussée, sans doute à l’arrière et donnant dans la cour d’une maison privée. Ces chambres ont une fenêtre avec des barreaux de fer et le concierge loge sans doute assez loin de ces chambres pour n’avoir rien entendu des « travaux» effectués par le prisonnier pour démonter deux des barreaux de la fenêtre. On a souvent dit que les prisons se situaient dans le sous-sol du beffroi, mais celui-ci servait au poids de la ville et les ouvriers y travaillant se plaignaient des odeurs à cause des fuites dans les écoulements des latrines de la prison qui se trouvaient donc au-dessus du poids et donc au rez-de-chaussée, ce qui corrobore ce rapport d’évasion.

 


[1] Il était aussi co-seigneur de Volkrange.

[2] Où il y a une fenêtre.

[3] Les habitants hors les militaires

 

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