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7 juin 1664 –Thionville - L’ancienne chapelle des sœurs clarisses (salle des mariages de la mairie actuelle)

Publié le par Persin Michel

Le 24 avril 2017 est paru sur « Facebook » un article de la mairie de Thionville donnant des informations historiques sur la ville et en particulier sur l’ancienne chapelle des clarisses devenue la salle des mariages de la mairie.

7 juin 1664 –Thionville - L’ancienne chapelle des sœurs clarisses  (salle des mariages de la mairie actuelle)

Article intéressant qui a attiré mon attention, car j’avais au cours de mes recherches sur la chapelle des lépreux de Saint-François [1], trouvé aux archives départementales de la Moselle, un acte notarié, concernant cette chapelle des clarisses.

Je n’avais pas eu le temps de lire cet acte, je l’ai donc fait. Il s’est révélé fort intéressant pour l’histoire de cette chapelle des clarisses qui de l’aveu même des archivistes de la ville est fort peu documentée en ce qui concerne ses origines.

Cet acte est un contrat ou marché passé devant notaire [2], entre les religieuses clarisses [3] de la ville et un maitre maçon [4], bourgeois de Thionville, pour construire, en 1664, leur chapelle. Chapelle qui est devenue actuellement, la salle des mariages de la mairie.

Cet acte inconnu à ce jour, nous décrit par le menu les opérations de démolition d’un ancien bâtiment [5] et la construction de la nouvelle chapelle. Bien qu’assez difficile à interpréter, il nous donne des renseignements précieux sur les origines de cette chapelle des clarisses intégrée dans leur couvent.

 

Avant de voir cet acte, quelques plans pour bien situer la chapelle dans la mairie actuelle.


[1] Pour la rédaction de mon ouvrage sur cette chapelle paru le 2 mai 2017. « Histoire de l’ancienne chapelle des lépreux »

[2] Helminger 3E720.

[3] Les clarisses sont des religieuses du couvent du Saint-Esprit de Luxembourg venues s’installer à Thionville vers 1629. L’ordre des clarisses se divise en deux obédiences, les pauvres clarisses et les clarisses « riches » dites « Urbanistes ». Ordre proche des Augustins.

[4] Gaspard Gérard

[5] Non pas une ancienne chapelle ayant été endommagée par le siège de 1643 comme le dit souvent, mais un bâtiment conventuel, probablement un logement pour les sœurs.

7 juin 1664 –Thionville - L’ancienne chapelle des sœurs clarisses  (salle des mariages de la mairie actuelle)
7 juin 1664 –Thionville - L’ancienne chapelle des sœurs clarisses  (salle des mariages de la mairie actuelle)
7 juin 1664 –Thionville - L’ancienne chapelle des sœurs clarisses  (salle des mariages de la mairie actuelle)

On trouvera ci-dessous le texte intégral de cet acte (avec simplement une petite mise en forme pour qu’il soit plus compréhensible).

« Aujourd’hui septième de juin 1664, les dames abbesse et religieuses du couvent du Saint-Esprit de cette ville de Thionville ont fait et arrêté un marché avec Gaspard Gérard, maître maçon et bourgeois de ladite ville de Thionville pour toutes les maçonneries qu’il y a à faire pour la construction entière de leur église, la taille de toutes les pierres qu’il faut pour le bâtiment entier de ladite église et pour quelques fenêtres qu’il faudra à l’arrière de ladite église comme il sera déclaré plus complétement ci-après.

Ledit marché a été fait et arrêté suivant et moyennant les conditions ci-après déclarées, lesquelles conditions, l’une et l’autre des parties réciproquement chacune celles qui les toucheront, les garderont et observeront inviolablement .

Les conditions sont telles que ledit Gaspard Gérard s’oblige à faire toutes les maçonneries nécessaires pour ladite église et à tailler toutes les pierres pour la grande porte ou portail qui sera sur la place publique de la ville et pour toutes les fenêtres et grilles. Les fenêtres sont au nombre de onze grandes fenêtres, dont trois seront au-dessus du portail, quatre seront d’un côté de l’église et quatre de l’autre côté.

Au-dessus des trois grandes fenêtres, il fera un cercle ou fenêtre ronde dans la muraille (mur) qui sera pour soutenir l’autel et contre laquelle, il faudra laisser, il y fera deux fenêtres pour y mettre deux grilles et au milieu dudit autel y fera une petite fenêtre comme il y en a chez les pères Augustins, le tout enrichi et orné d’une architecture convenable pour ce qui est de la maçonnerie qu’il fera, elle consistera en deux grandes murailles, l’une de son côté et joignant le logis ou loge ledit Gaspard Gérard et l’autre du côté joignant Abraham Genson.

Lesquelles murailles, il élèvera de la même hauteur et épaisseur et plus s’il est nécessaire que celles du vieil (vieux) bâtiment qui donne sur la place et qui doit servir à ladite église et leur donnera une telle pente que les eaux de la couverture de ladite église puissent s’écouler par les chenaux ou canaux qu’il mettra depuis un bout de ladite église jusqu’à l’autre bout. Les quels chenaux il taillera de même que toutes les autres choses, il fera toutes les fenêtres, portes et grilles de même hauteur et largeur qu’elles sont dans les trois dessins qu’il a signés avec lesdites Dames religieuses, le tout en pied de roi qui font douze pouces et en cas qu’il soit nécessaire de piloter les fondements des murailles, il fera les pilotis et les plantera.

 

Lesdites murailles seront jointes et liées avec celles du vieil bâtiment et viendront se rejoindre et terminer contre et à celle de derrière le logis où demeurent les Dames religieuses. Parce que la muraille de derrière ladite maison des dames religieuses est fort mal unie, ledit Gaspar Gérard remplira les brèches et trous et l’enduira et projettera comme tout le reste de l’église, ce qui s’entend pour ladite muraille qui……….. dans ladite église et qui sera comprise entre les deux grandes murailles et où il y aura des vieilles fenêtres, il en arrachera les pierres de taille et remplira les trous ou brèches de maçonnerie et pour le bout de la muraille qui sera de son côté, il y fera autant de fenêtres

et de même forme, figure et grandeur qui seront celles que ladite muraille commandera afin de donner du jour et lieu où ladite muraille l’ôterait.

De plus, il jettera à bas le pignon qui fait le bout de derrière du vieil bâtiment jusqu’au niveau du parvis de la place publique et se servira des pierres et moellons qui proviendront de la démolition de ladite muraille ou pignon, pour maçonner les grandes murailles et étançonnera le tout afin qu’il n’en vienne à fauter ledit pignon étant mis à bas.

De plus, il démolira la montée de pierres de taille et les parois ou séparations qui sont dans ledit vieil bâtiment, arrachera et mettra à bas les manteaux de cheminées et où il y aura des buffets dans les murailles, de part et d’autre, il arrachera les pierres de taille et remplira les trous ou brèches avec de la maçonnerie et le long où auront passé les canaux ou tuyaux desdites cheminées, il les arrachera puis les remaçonnera, il arrachera pareillement les portes et fenêtres du vieil bâtiment et où il sera nécessaire remplira les trous ou brèches de maçonnerie tant d’un côté que de l’autre et redressera lesdites vieilles murailles de part et d’autre, il projettera, enduira et blanchira entièrement pour les rendre pareilles et de niveau avec celles qu’il doit faire et s’il trouve quelques fentes ou ruines dans lesdites vieilles murailles, il les réparera avec les chenaux ou canaux qui sont arrachés desdites murailles.

Item, il fera deux ou trois rangs de marches de pierres de taille qu’il posera en lieu convenable après les avoir taillé et fait à leur giron un quart de rond, lesquelles marches tiendront toute la largeur de ladite église.

Item, il relèvera la bouche du puits qui est dans le vieil bâtiment jusqu’au niveau du parvis de ladite église et ladite bouche, il fermera d’une pierre de taille qu’il ajustera ronde ou en carrée.

Item, il fera la muraille de derrière l’autel de l’épaisseur qu’elle est et de la hauteur de x pieds au-dessus ou hors le niveau du parvis de l’église et à cette muraille, il y fera deux grilles et fenêtres ci-dessus mentionnées aux endroits et lieux convenables et de même hauteur et largeur, figures et formes comme celles qui sont sur le dessin.

Item, il fermera douze portes ou trous qui sont par derrière dans la cour, proche le puits.

Item, il fera le portail de même longueur, hauteur, forme et figure qu’il est dans ledit dessin, auquel portail, il ajoutera pour l’ornement douze pilastres avec leurs bases, chapîtaux et corniches de tel ordre d’architecture qu’il jugera convenable et qu’il taillera de même que toutes les autres choses ci-dessus mentionnées.

Item, il arrachera la porte de la cour et la montée ou descente de ladite cour et remaçonnera le tout après avoir tiré les marches de ladite descente ou escalier hors de ladite cour, cette porte et celle qui donne sur la place.

Item, sur le pignon qui donne sur la place, il y fera un cordon de pierres de taille de part et d’autre qu’il taillera comme il sera nécessaire et sur le point tout en haut, il mettra une croix de pierre de taille de même façon que celle qui est sur le pignon de l’église des pères Augustins, laquelle croix, il taillera aussi comme toutes les autres choses ci-dessus mentionnées et projettera bien ledit pignon

Par le dehors et par le dedans après l’avoir aussi projeté comme toutes les autres murailles, tant anciennes que nouvelles, il les blanchira toutes par dedans et par dehors.

Item, il démolira la petite montée qui est derrière le vieil bâtiment, jettera à bas l’arcade ou voûte qui couvre l’entrée de la cour, c’est à dire au-dessus du puits sur quoi Abraham Genson a un petit jardin. Il démolira et arrachera jusqu’aux fondemenst les murailles qui sont du côté d’Abraham Genson et les restes qui sont du côté ou loge ledit Gaspar Gérard et toutes les dépouilles de toutes les démolitions dudit Gaspard Gérard, il les mettra en lieu et place ou elles ne puissent nuire.

Enfin, il fera le tout que dessus et rendra ladite église en tel état qu’il ne reste plus qu’à y mettre la couverture, excepté le parvis qu’il ne sera pas obligé de faire par le présent marché, mais toujours bien entendu, il taillera toutes les pierres qui entreront dans tout l’ouvrage ci-dessus mentionné et pour ses gages, salaire et façon, lesdites Dames abbesse et religieuses lui donneront la somme de douze cent écus blancs dont il en aura vingt par avance et le reste à mesure qu’il travaillera et de plus, il aura les douze marches de l’escalier du vieil bâtiment avec un fourneau de fer et de fonte qui vient aussi du vieil bâtiment, plus une demie pistole de vin, déjà payée et on lui fournira, la chaux, le sable et les pierres qu’il sera obligé de prendre dans les lieux où ils sont tous présentement.

De plus on lui fournira une douzaine de tendrières avec un cent de planches de sapin avec des traverses pour faire les échafaudages qu’il fera lui même et s’il faut piloter lesdites murailles, les Dames religieuses lui fourniront les bois pour les pilotis qu’il aiguisera et plantera ou enfoncera lui même ou par d’autres de sa part pour lui. Il se servira de toutes les pierres qui lui seront données tant pour la taille que pour la maçonnerie et ladite maçonnerie étant faite et parachevées, lesdites tendrières, le cent de planches et les traverses seront rendus audites Dames religieuses avec toutes le démolitions qui n’auront par servi à ladite maçonnerie.

Il tirera hors du derrière de ladite vieille maison, douze pieux de bois qu’il mettra derrière son logis afin que lesdites Dames religieuses s’en puissent servir au besoin et de plus ledit Gaspard Gérard garantira tout l’ouvrage ci-dessus en telle sorte que si pendant un an après que ledit ouvrage sera achevé, venait à manquer faute d’avoir assez bien fait, il le rétablira et réédifiera à ses propres frais et dépens et par le présent marché, il s’oblige de rendre parfait tout ledit ouvrage couché dans le présent marché dans quatre mois au plus tard et commencera incessamment en foi de quoi il a signé le présent marché comme aussi les Dames abbesse et religieuses en présence aussi des témoins soussignés.

Fait audit Thionville le jour et an que ci-dessus, le tout soit pour la plus grande gloire de Dieu. Le tout que dessus si bien entendu que lesdites Dames religieuses ne lui fourniront quoi qu’il ne soit porté, que ce qui porté et couché dans le présent marché.

Signatures :

Gaspard Gérard

Sœur Mz de Beurthey, indigne abbesse

Sœur Marie Magdeleine Raons, discrète

Sœur Maria Catherine de Petelot, discrète

Témoins :

Trippel et Richemont

Fenêtres actuelles dans la salle des mariages, les boiseries sont du 18ème siècle

A partir de cet acte nous pouvons établir ce qui suit :

 

La construction du gros œuvre de l’église des clarisses de Thionville a eu lieu du 10 juin 1664 au 10 septembre 1664.

Ce gros œuvre ne prenait pas en compte la couverture de l’église, ni son parvis, mais tous les ornements architecturaux et la croix au sommet du pignon donnant sur la place du marché.

Une partie des ornements, des fenêtres et de la croix se voulaient identiques à ceux de l’église des Augustins qui se trouvait alors vers la place actuelle du Luxembourg.

Les voisins de cette église et des religieuses étaient d’un coté Abraham Genson et de l’autre côté Gaspard Gérard, lui même étant également le maître maçon en charge de la construction de cette église.

Les religieuses habitaient alors derrière cette nouvelle église soit dans l’actuel bâtiment de la mairie qui était alors leur couvent.

Il ne semble pas que cette nouvelle église soit venue en remplacer une autre qui aurait été endommagée par le siège de 1643.

L’église a été construite en intégrant un ancien bâtiment donnant sur la place du marché et appartenant aux sœurs religieuses.

Ce bâtiment n’était pas une église car il comportait des cloisons internes, des cheminées et des buffets incorporés dans les murs, une cour et un puits.

Cet ancien bâtiment ressemblait à un petit couvent où avait logé les sœurs avant d’intégrer un autre bâtiment situé derrière, elles ont alors transformé cet ancien petit bâtiment conventuel pour en faire leur église.

La nouvelle église donnait sur la place du marché et avait un portail comportant douze pilastres, six de chaque côté du portail, et un escalier de trois ou quatre marches sur toute la largeur de l’église pour accéder au parvis sur la place du marché.

L’autel se trouvait sur le mur mitoyen intérieur adossé au couvent où logeaient les sœurs clarisses. Il faisant face au portail. Au-dessus de l’autel, il y avait une petit fenêtre avec une grille comme dans l’église des pères Augustins et deux autres fenêtres aussi avec des grilles, ses fenêtres donnant sur le couvent des sœurs.

La cour de l’ancien bâtiment avec son puits était couverte d’une arcade ou voûte, elle faisait partie de l’ancien bâtiment et fut incorporée dans la nouvelle église.

L’église a été construite par le maître maçon Gaspard Gérard, voisin des sœurs clarisses, pour une somme de 1200 écus blancs soit 3600 livres tournois, dont 20 livres payables d’avance et le reste au fur et à mesure des travaux.

Les sœurs lui ont prêté les échafaudages et lui ont fourni les pierres, le sable, la chaux, le bois devant éventuellement servir à faire des pilotis pour les fondations des murs.

Il se devait de réemployer les matériaux provenant de la démolition de l’ancien bâtiment et de donner aux sœurs le surplus.

Le maçon, Gaspard Gérard donnait une garantie d’une année sur son travail à charge pour lui de le refaire à ses frais si des malfaçons étaient constatées.

 

Le croquis ci-dessous esquisse ce qu’était alors la façade de l'église donnant sur la place.

 

Les clarisses :

L’ordre des clarisses appelées aussi les « Pauvres dames » fut créé en 1212 par Claire d’Assise sur demande de François d’Assise. Elles suivaient une règle très stricte :

  • Clôture (cloîtrées)
  • Contemplatives`
  • Mendiantes
  • Ne pouvant avoir de bien personnel ou collectif

Au fils des temps la règle s’étant adoucie, s’est Sainte-Colette qui vers le 15ème siècle remit en usage la règle originale.

L’ordre des clarisses s’est alors divisé en deux branches :

  • Les Damiénistes, capucines ou pauvres clarisses respectant la règle la plus stricte.
  • Les Urbanistes suivant une règle aménagée leur permettant d’avoir des biens et des revenus.

A Thionville, c’est la branche des « Urbanistes » en provenance du couvent du Saint-Esprit de Luxembourg qui s’installe vers 1629. Elles feront construire un petit couvent le long de la Moselle où l’on construisit un pont vers 1673.

Les Clarisses étaient très proches des Augustins de la ville qui avaient leur église vers la place actuelle du Luxembourg. Comme les Augustins, elles faisaient partie des ordres mendiants et avaient en charge l’éducation de la jeunesse de la ville.

Après leur installation à Thionville, elles firent construire un petit couvent donnant sur la place du marché au Nord et sur la Moselle au Sud. Quand plus tard, elles accédèrent a leur nouveau couvent, la mairie actuelle, c’est ce petit couvent qui fut transformé en église en 1664.

Il est aussi probable qu’elles suivaient avant cette date, les offices dans l’église des Augustins toute proche. Eglise qu’elles prirent en modèle pour leur propre église.

Ces clarisses urbanistes ou réformées de Thionville envoyèrent en 1637/38 une des leur, Marie Françoise de Wal, pour fonder à Liège un couvent de même type que celui de Thionville.

Dans un prochain article nous verrons dans qu’elles conditions une jeune fille de 16 ans pouvait entrer, en 1731, dans la communauté thionvilloise des religieuses de Sainte-Claire

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