Le moment est venu de faire le point sur les confréries de Thionville sous l’ancien régime.
Comme toujours à Thionville, par manque de sources, il est difficile de passer le « plafond de verre » de la guerre de Trente ans. Donc peu d’informations nous sont parvenues sur les confréries actives à Thionville avant le 16ème siècle, mais nous avons quelques documents qui témoignent de leur existence sans guère plus de précisions.
Ainsi en 1476, deux échevins de Thionville attestent d’une vente fait au maître de la nouvelle confrérie d’une rente de 8 escallins messins sur une maison de la ville.
En 1483, deux échevins de Thionville attestent qu’un tailleur de pierre du nom de Mathis dit « Clopstein der steymetz », tailleur de pierre, a vendu à Pierson, maître de la nouvelle confrérie, une rente de 12 escallins messins sur une maison située au château de la ville.
Encore ne savons-nous pas si le terme de confrérie employé ici, n’indique pas une corporation, la distinction n’allait pas de soi.
Ce que nous savons par contre c’est que les confréries étaient toujours d’essence religieuse même affiliée à une corporation de métier. Plusieurs documents font état d’une confrérie dite du Saint-Sacrement qui était systématiquement associée et gérée par la paroisse Saint-Maximin.
Confrérie du Saint-Sacrement :
Elle fut créée le 23 janvier 1602 par Johan Menchin von Arle, greffier du conseil des nobles du duché de Luxembourg, échevin de Thionville et son épouse Elisabeth Arnoldt qui vont donner par testament une somme de 1000 « tallers [1]» pour la placer à constitution, afin que des 2000 florins, les rentes qui en résulteront servent à habiller cinq pauvres le jour de la Sainte-Elisabeth et alors, ils prieront pour leur donateur et leur famille dans la chapelle de l’ossuaire (Saint-Michel), et de plus permettront à deux pauvres enfants de faire des études chez les jésuites de Luxembourg ou à apprendre un métier.
Le curé de Thionville est alors Adam Putz qui fera de cette confrérie une des plus importante de la ville en suscitant les donations et en la rattachant à la paroisse.
Le 20 septembre 1602, à peine créée, la confrérie verra déjà les dons afflués comme celui de 1170 florins de Luxembourg figurant au testament de Nicolas Wolff, échevin et synodal de Thionville et son épouse Anne Uttringerin.
[1]Ou Thaler, monnaie de compte sous Charles Quint appelé encore « Rixdaler » 1 Thaler = 2 florins. Cette monnaie resta en circulation pendant 400 ans dans les pays germaniques. On la dit ancêtre du Dollar américain.
A l’origine, cette confrérie était liée au métier de tailleur de pierre comme l’indique un acte du 17 mars 1668 qui nous indique que Bernard Liff, jardinier et son épouse Elisabeth Trattert, doivent à Nicolas Louis et Nicolas Gangs, ancien et jeune maîtres du corps de métiers des tailleurs de la confrérie du Saint-Sacrement de Thionville, une somme de 50 tallers monnaie de Luxembourg sur 2 chambres de soldats situées à Thionville proche du four banal.
Ces chambres sont propriétés du corps de métier des tailleurs depuis plus de vingt ans et l’origine de la dette vient d’un prêt fait le 6 août 1633 par le corps de métiers.
Donc cette confrérie était affiliée à la corporation des tailleurs de pierre, faut-il mettre cela en relation avec la vente faite par un tailleur de pierre d’une rente à la nouvelle confrérie en 1483 à un certain Pierson (Pierre) maître de la nouvelle confrérie ?
Et cette nouvelle confrérie était-elle déjà celle du Saint-Sacrement ?
Rien ne permet de le dire, mais il est certain que de nombreuses confréries qui étaient tombées en désuétude ou interdites à certains moments furent recrées par la suite et remises au goût du jour !
Quoi qu’il en soit, cette confrérie du Saint-Sacrement fut une des plus importante de Thionville et ne fut supplantée plus tard que par la confrérie du Rosaire. Elle n’avait pas de chapelle mais était réunie à la fabrique de la paroisse et le service se faisait dans l’église paroissiale.
La confrérie de Saint Joseph, Saint François et Saint Cyprien :
(Dite aussi des trépassés)
Créée en 1615, peut être dans la chapelle Saint-François, elle périclita pour des raisons inconnues. Refondée en 1648, elle disparue une nouvelle fois après 1694 où on la voit payer 26 livres tournois et 20 sols à la confrérie du Rosaire pour se servir des ornements de leur chapelle pour ses propres fêtes [1]. C’est François Delhaye [2], brasseur et Jean Bheme marchand de Thionville, qui refondèrent la confrérie dans l’église paroissiale en 1727. Liée à la bonne mort et aux mourants, elle avait pour buts de payer les enterrements pour les pauvres, le pain béni, les cierges pour les cérémonies et le paiement des porteurs pour amener les corps au cimetière Sainte-Suzanne, au dehors des remparts. Les inhumations des pauvres de la paroisse se faisaient alors au cimetière Sainte-Suzanne qui jouxtait la chapelle des lépreux ou de Saint-François. Nous savons que le premier maître après sa refondation de 1727 fut François Delhaye et l’année suivante ce fut Jean Bheme puis Guillaume Merlinger. Nous savons aussi que la statue de bois de Saint-Joseph appartenant à la confrérie avait été payée par Anne Ham [3]et Jean Well.
[1]Cet état de fait semble lié à des problèmes avec leur lieu de culte, peut-être la chapelle Saint-François a-t-elle été endommagée par le siège de 1643 dont les opérations militaires se sont principalement faites de ce côté de la ville
[2]Voir mon ouvrage « Histoire de l’ancienne chapelle des lépreux » - 2017 encore disponible au syndicat d’initiative de la ville ou chez moi.
[3]Anne Ham était de la famille de l’épouse de François Delhaye.
En 1727, à sa refondation la confrérie avait 44 confrères, puis 123 membres en 1740, ensuite sa fréquentation baissa inexorablement, malgré une tentative de relance en accordant des indulgences aux donateurs et membres. La confrérie n’était pas viable financièrement, elle n’avait qu’un seul contrat de rente, trop peu de membres et des frais importants pour les inhumations des pauvres nombreux à Thionville. De plus elle n’eut jamais les autorisations de l’évêché. La construction de la nouvelle église de la ville inaugurée en 1760, associé à un regain des inhumations dans les caveaux sous l’église marquèrent la fin définitive de cette confrérie.
La confrérie de Saint-André et Saint-Nicolas :
Crée en 1615, par le corps de métiers des jardiniers, elle n’eut que peu de succès.
Un acte la concernant daté du 15 décembre 1707, nous donne un effectif de 4 membres seulement : Louis Fromentin, Pierre Marchand, Pierre Lefevre et Dimanche Surlot.
Toutes ces petites confréries créées par des métiers manuels aux membres peu instruits et sous représentés, n’eurent bien souvent pas de lettres patentes de création, pas d’aval de la paroisse, ni de la ville et donc aucun avenir !
La confrérie de Saint-Roch, Saint-Sébastien et Saint-Antoine :
Créée en 1630, toutefois sans statut, sans règlement et sans lettres patentes ni autorisation. Elle possédait un autel (chapelle collatérale) dans l’église paroissiale. A l’origine elle était liée aux épidémies de peste ou autres fièvres qui sévissaient sporadiquement dans la région. Elle a pu aussi être liée à une compagnie bourgeoise d’archers en l’honneur de Saint-Sébastien. (Ci-dessous)
Ces membres étaient nombreux, bourgeois de Thionville, ils se firent remarquer de mauvaise manière et la confrérie fut interdite le 27 août 1733 par le parlement de Metz, pour les raisons suivantes :
« Elle avait dégénéré en compagnie bourgeoise, s’assemblant sous les ordres du maître échevin qui prenait alors le titre de colonel des suppliants et en tirait un profit.
Lors de ses assemblées bruyantes avec port d’armes sur les foires, elle faisait tirer à blanc moyennant finance, le tout sans lettres patentes du souverain.
Les membres se rendaient entre eux les recettes et dépenses de la confrérie, sans participation du curé, ni des synodaux. »
Aussi le parlement de Metz sur réquisition du procureur du roi, fit défense aux bourgeois et habitants de Thionville de s’attrouper sous prétexte de ladite confrérie, comme aussi d’y prendre les armes en aucun temps sauf s’ils y ont été expressément commandé par le gouverneur, le lieutenant du roi ou autre officier autorisé. Défense leur ai faite aussi de recevoir des deniers sur les foires ou d’aucune personne sous peine d’être poursuivis suivant la rigueur des ordonnances. Il ordonne à la police de la ville de veiller à ces interdictions.
Le problème qui se posa fut que cette confrérie avait en compte des rentes et des donations faites par des personnes pieuses pour dire des messes pour leurs défunts. L’évêque incita donc la confrérie désormais interdite à donner ses contrats et rentes à la fabrique de la ville à charge pour elle de faire les services prévus.
Ce qui fut fait et approuvé par la chambre épiscopale de Metz.
Toutefois cette confrérie étant très ancienne et relativement importante, on rédigea des statuts et règlements et on officialisa sa réédification, ce qui fut fait le 21 novembre 1733 soit quelques mois après son interdiction.
Malgré tout, cette affaire avait terni durablement la confrérie qui n’eut plus d’autel dédié dans l’église paroissiale [1]mais dut se contenter d’un autel uniquement dédié à Saint-Sébastien, associé avec celui de la Sainte-Croix. De Saint-Roch et Saint-Antoine, on ne parla plus et la confrérie disparue ainsi discrètement, ayant donné ses biens à la fabrique elle ne parvint plus à se reconstituer une clientèle suffisante.
La confrérie de Saint-Hubert :
Très en vogue dans les Ardennes
Elle fut créée en 1665 à l’initiative du curé et régent de Thionville, Mathias Hollinger avec l’aide d’officier de l’hôtel de ville. Elle n’avait pas de lettres patentes, ni d’autorisation de l’évêché et seulement deux contrats de rente. Elle eut en 1669, une autorisation de l’évêque de Metz de se maintenir mais sans lettres patentes Elle recevait donc des membres indûment et élisait un maître sans y être autorisée.
Aussi en 1735, Philippe Henrion, marchand à Thionville, alors maître de la confrérie, effectua des démarches pour obtenir les autorisations nécessaires. A cet effet, un inventaire des biens de la confrérie fut effectué et elle n’était guère riche :
Une statue de Saint-Hubert en bois
1 cornet en argent
1 drap de Damas vert
2 aulnes garnies de franges d’or
1 bannière
1 plat de quête en étain
1 clochette de ¾ de livre
Peu de membres, peu d’argent, absence d’autorisation officielle, pas de règlement ni de statut tout était réuni pour que la vie de cette confrérie soit difficile.
La confrérie Saint-Urbain :
Créée d’ancienneté par les vignerons de Guentrange, on en retrouve la trace dans des documents du 8 août et 9 décembre 1694 (AMT BB3 41V 44R).
Elle a fait récemment [2]l’objet d’une étude complète par Paul Médoc, président actuel de la confrérie.
[1]Certaines confréries, pas toutes, avaient un autel collatéral dans l’église paroissiale qui leur était dédié. Ainsi la visite canonique du 11 septembre 1721 précise qu’il y avait dans l’église (ancienne église Saint-Maximin) 5 autels ou chapelles collatéraux : Sainte Croix – Sainte-Trinité – Saint Jean Baptiste – Sainte-Vierge – Saint-Sébastien. La dédicace de ces autels pouvait variée un peu au cours des années, ainsi la visite canonique du 2 mars 1751 ne cite plus que 4 autels collatéraux : Saint-Jean – Sainte-Croix – Sainte- Vierge et Sainte-Elisabeth. Dans la nouvelle église Saint-Maximin (celle d’aujourd’hui) la visite du 25 septembre 1763 cite les autels suivants : Sainte-Vierge – Sainte-Anne – Sainte Croix et Saint-Jean
[2]Décembre 2017 – Revue « Azur et Or » encore disponible à la vente ou aux archives municipales
Vous y retrouverez tous les renseignements sur cette très ancienne confrérie typique d’une confrérie dite de corporation, c’est à dire affiliée à un corps de métier, en l’occurrence les vignerons de Guentrange.
De toutes ces confréries créées avant le rattachement de Thionville à la France, seule la plus ancienne, la confrérie du Saint-Sacrement qu’on avait réuni à la fabrique de la paroisse et qui bénéficiait de toutes les autorisations, règlement et statut, connut une grande popularité, attirant des dons, rentes et membres.
Pour les nouvelles autorités françaises qui dirigeaient la ville depuis 1643 c’était une confrérie issue de « l’ancien monde » celui de la prévôté luxembourgeoise où se retrouvait la plupart des bourgeois de la ville avec la paroisse Saint-Maximin, elle aussi, encore sous l’autorité du diocèse de Trêves. Toutefois, la confrérie était bien gérée par la fabrique avec un livre de compte à jour et les différentes visites canoniques qui eurent lieu au 18èmesiècle nous montre une confrérie du Saint-Sacrement bien vivante et solidement associée à la paroisse.
La plupart des corporations de métiers de la ville y était associées car peu de corporations avait assez de membres, étaient assez riches et organisées pour créer et faire vivre une confrérie spécifique à leur métier comme cela avait sans doute été le cas au moyen-âge où les contraintes administratives étaient moins lourdes et la foi plus enracinée.
Le cas de la confrérie de Saint-Thiebault est particulier, ce n’était pas une confrérie mais une corporation qui regroupait plusieurs métiers, les maçons, les charpentiers, les couvreurs, les potiers de terre.
La confrérie du Rosaire :
Les nouvelles autorités françaises décidèrent donc de créer une confrérie strictement religieuse à laquelle toutes les corporations de la ville et tous les bourgeois et militaires pourraient adhérer. La population avait changé, les notables également, les postes clés à l’hôtel de ville et à la paroisse avaient changé de mains.
Même si à Thionville le protestantisme n’était pas une menace pour la religion catholique, les moeurs dans cette ville de garnison semblaient bien relâchés, les filles de la campagne venaient y chercher une occasion de sortir de leur condition et ne trouvaient souvent que la prostitution.
En un mot, le moment avait semblé propice pour édifier cette nouvelle confrérie. A cette époque, les confréries dites du rosaire, dédiée à la vierge, étaient à la mode, il s’en créait beaucoup. Elles n’étaient pas liées à une corporation de métier, elles n’étaient que religieuse et vouées à la vierge Marie toujours très populaire. De plus elles consistaient à prier le chapelet (le rosaire) en groupe ou seul dans un lieu dédié, un autel ou une chapelle, ou même seul chez soi, donc facile à pratiquer et puis elles avaient l’attrait de la nouveauté.
Donc le 21 mars 1666, le sieur Dufay de la Garenne [1], major de la place avec Jean François Freidrich [2], échevin de la ville, conseiller au bailliage de Thionville et receveur des finances, associé à François Caulier, garde des magasins et receveur des domaines de Thionville
[1]Charles Dufay de la Garenne major de la place, mort à Thionville le 4 avril 1684 à 80 ans.
[2]Ou Jean Nicolas Freidrich, voir mon article sur les corporations 3èmepartie qui donne des précisions ;
firent requête avec d’autres bourgeois de la ville au Révérend Père provincial des Jacobins (dominicains) [1]pour lui signaler qu’ils avaient obtenu du vicaire général de l’évêché la permission d’établir à Thionville une confrérie du Rosaire
Qui plus est, qu’ils avaient obtenu de l’hospice de Thionville, donc de la ville, la
permission d’installer la nouvelle confrérie dans la chapelle de l’ancien hospice de la ville (Beffroi), chapelle alors dédié à Sainte-Elisabeth.
L’autorisation officielle leur fut donnée le 2 avril 1666 par Claude de Breuillart de Coursan, vicaire général de l’évêché. La confrérie à l’initiative des notables de la ville, avec son règlement, ses statuts, son autorisation de l’évêché et sa chapelle dédiée pouvait prendre un départ prometteur, il le fut !
Pourtant, elle n’eut guère l’assentiment du clergé Thionvillois qui mettra en avant plusieurs griefs à son encontre :
La chapelle est petite, elle ne peut contenir que 60 à 80 personnes et les jours de fête la foule qui veut assister à la messe se répand sur la place du marché et dans les rues adjacentes occasionnant des perturbations dans la ville.
Les curés et vicaires de la paroisse sont distraits de leur devoir envers l’église paroissiale, de plus les paroissiens donnent plus à la confrérie qu’à la paroisse.
Aussi le clergé de la ville va demander le rattachement de la confrérie à la fabrique comme pour celle du Saint-Sacrement afin d’en avoir les commandes et les bénéfices.
Mais l’évêque les déboutera en juin 1698, la fabrique ne gardera que la confrérie su Saint-Sacrement qui est en relative désaffection au profit de celle du Rosaire.
Cette confrérie et sa chapelle sont décrites dans chaque visite canonique de l’évêque de Metz comme richement pourvue et bien administrée.
Les obligations pour les membres de la confrérie étaient de réciter au moins une fois par semaine, un chapelet ou rosaire, les chapelets autorisés étaient ceux comportant 5, 10 ou 15 dizaines, en méditant sur les 15 mystères de la rédemption.
(Ci-dessous un chapelet à 5 dizaines, en nacre dans son étui, daté du milieu du 19èmesiècle provenant de la paroisse de Veymerange)
[1]L’autorisation d’édification des confréries du Rosaire était sous l’égide des dominicains qui en étaient à l’origine et en avaient été de fervents zélateurs.
Il était préconisé que la récitation se fasse au maximum en commun et en public et principalement aux fêtes de la Vierge avec procession le 1erdimanche de chaque mois
La procession se devait d’être plus solennelle le 1erdimanche d’octobre et à la fête de la Vierge Marie.
Voilà notre confrérie du Rosaire bien née, instituée dans la chapelle Sainte-Elisabeth de l’ancien hospice des pauvres de la ville dans le bâtiment du beffroi.
Ce fut la dernière confrérie créée à Thionville. Elle ne disparaîtra, comme les autres, qu’avec l’arrêt du parlement de Metz du 10 mai 1763, interdisant de fait les confréries religieuses sous l’ancien régime. Toutefois quelques temps plus tard, la confrérie du Rosaire sera encore tolérée dans l’église paroissiale quelques années avant la révolution.
Nous verrons dans le prochain article plus précisément la vie de cette ultime confrérie, sa disparition et le devenir de sa chapelle dans le beffroi de la ville.
Sources :
Notaires Thionvillois : Helminger et Fourot et Lanio ADM 3E7538 3E7539 3E7600-7606
Décembre 2017 – Revue « Azur et Or » encore disponible à la vente ou aux archives municipales
Notes de l’abbé Braubach aux archives municipales de Thionville
Thèse de Marie Claude Dubois « la confrérie du Rosaire » 1997- Besançon- Université de Franche-Comté
Association pieuse de laïcs oeuvrant généralement dans un but charitable.
Corporation
Association de marchands ou d'artisans, groupés en vue de réglementer leur profession et de défendre leurs intérêts. Souvent des personnes qui exercent la même profession.
Ces associations nécessitent de rassembler un certain nombre de personnes pour exister, plus ce nombre de personnes sera élevé plus l’association sera puissante.
En règle générale, la corporation se doublait d’une confrérie. Nous verrons que souvent il y eu un peu confusion des genres, on employait un mot pour un autre. Quoiqu’il en soit leur origine est très ancienne.
Pas de corporations dans les villages, donc rarement de confréries [1], car dans un village tous les habitants, peu nombreux, travaillent la terre. Ils ont de fait les mêmes besoins, les mêmes intérêts et forment plutôt une communauté.
En ville, les habitants plus nombreux, exercent des professions différentes aux intérêts parfois divergents, la corporation se prête bien à la défense des individus exerçant le même métier, veillant à la concurrence et contrebalançant le pouvoir municipal.
C’est dans les villes que vont naître les corporations et fleurir les confréries.
Origine très ancienne puisque nous trouvons traces des premières corporations dans la civilisation grecque qui suivant la loi de Solon donne aux bateliers le droit de se donner des règles si elles ne sont pas contraires aux lois.
Plutarque nous parle chez les romains de collèges d’artisans et de la distribution du peuple par métier, parfois les artisans étaient affectés à des rues spécifiques comme cela existe encore en orient. Sous Servius Tullius, ces corporations qu’on appelait alors des confréries étaient des assemblées organisant des fêtes en l’honneur des dieux. Elles n’avaient pas alors les mêmes droits, ni les mêmes devoirs.
Mais ces assemblées qui fêtaient les dieux lares provoquaient des désordres et des orgies. C’est la loi Julia qui vers 64 ou 67 les interdit, elles devinrent souvent clandestines et plus difficiles à maitriser aussi on les remis à l’honneur et sous Auguste elles furent à nouveaux interdites. Seules les confréries purement artisanales purent subsister de façon très réglementée avec le paiement de taxes et de droits divers.
Les confréries d’alors évoluèrent vers des corporations de métiers, laissant aux confréries le coté religieux.
[1]On trouve des exceptions dans les villages viticoles comme à Guentrange où il existe des confréries religieuses pour honorer leur saint protecteur : Saint-Vincent ou Saint-Urbain (Guentrange)
Les anglo-saxons et allemands, peuples du Nord, avaient institué des guildes, genre de confréries de type militaire ou de fraternité d’armes donnant lieu à des banquets et réjouissances avec également un coté religieux. Comme les confréries, ces guildes évoluèrent également vers des corporations de marchands et d’artisans.
Les romains très organisés, avec un sens poussé du droit, permirent aux différents métiers de s’organiser et de se donner des règles précises de fonctionnement et d’insertion dans la vie des cités.
L’avènement du christianisme revivifia les confréries, elles furent alors associées aux corporations, honorant le saint patron d’un même métier, mettant en valeur la piété et le secours matériel et moral qu’elles se devaient d’apporter aux confrères, s’occupant des vivants et des morts.
Pendant la période Gallo-romaine les corporations et confréries s’enracinèrent plus encore dans les villes.
Puis vint des temps plus sombres. Le déferlement discontinu des peuples venus de l’Est, les disruptions dans l’organisation des états liées aux successions et mésententes des rois mérovingiens ont conduit nos historiens, faute de documents exploitables, à penser que les corporations et confréries avaient disparu.
Mais, s’il est certain qu’elles furent en sommeil, nous les retrouverons sous les carolingiens et dans les capitulaires de Charlemagne qui mentionnent douze confréries de métiers.
Au sortir de la période carolingienne, la monarchie naissance a trouvé les corporations de métiers et leurs confréries encore bien vivantes. Le pouvoir municipal leur avait donné des statuts, la monarchie ne les a pas combattus mais a toujours essayé de les réglementer et d’en tirer profit.
Le 12èmepuis le 13èmesiècle voit, dans les grandes villes, les corporations commençaient à monter en puissance. Elle apporte à l’ouvrier ou au marchand, un statut et une protection. Elle forme l’artisan qui d’apprenti chez un maître, devient compagnon puis maître s’il en a les moyens et la compétence. La corporation comme la commune a ses chefs, ses assemblées, sa maison, son drapeau, ses couleurs et ses habits distinctifs, son livre de compte et elle agit comme une entité civile pouvant passer des contrats et faire des actes divers. Quand la maladie ou la mort frappe, c’est la confrérie de la corporation qui prend le relais et vient en aide au confrère ou à sa veuve.
(En haut) Datant du Moyen-âge la maison des corporations de Noyers (89) - (En bas) Une des sculptures représente un bourgeois en armes.
Concernant cette sculpture de bourgeois en armes, rappelons-nous que dans la charte de franchise octroyée en 1239 à la ville de Thionville, on y trouve les paragraphes suivants :
Quand il sera nécessaire de faire garder ma maison de Thionville, les bourgeois devront y coucher, toutes les fois que le maire les fera mander par un sergent de police, sans autre formalité.
Les bourgeois doivent me suivre à la guerre les 8 premiers jours à leur frais et ensuite à mes frais. Le bourgeois qui convoqué 8 jours d’avance, ne m’accompagnerait pas, paiera, pour excuser son absence ou son retard, s’il est à cheval, 10 sous d’amende et s’il est à pied, 5 sous
Dans les grosses villes, les bourgeois des corporations avaient la charge du guet et devaient donc assurer par roulement la garde aux remparts et la mise en défense de la ville en cas de danger. Cette attribution ne fut pas du goût de tous [1]et de nombreuses exceptions furent demandées et acceptées, créant des litiges entre les corporations et leurs membres. Plus tard, après plusieurs révoltes des corporations on commença à se méfier de ces bourgeois en armes qui s’étaient organisés comme une armée, aussi, on mis le guet bourgeois sous la tutelle du guet royal.
Toutefois, comme souvent, dans les grosses villes, les corporations deviennent rivales, exclusives et intolérantes aux autres, jalouses d’une plus riche ou condescendante avec les plus pauvres. Elles sont très procédurières et engagent de nombreux procès qui durent et leur coûte. Inévitablement elles vont essayer d’influer sur la politique municipale ou pour Paris, royale.
Les bourgeois étaient dans l’obligation de s’affilier à une corporation de gré ou de force, on ne pouvait pas rester isolé et ce manque de liberté pesait à certains amenant des dissensions.
Au 14èmesiècle, en 1306, les corporations furent interdites mais ré-autorisées l’année suivante. En 1357, à Paris, suite à des révoltes armées, brèves mais violentes de la part des corporations, celles-ci furent à nouveau dissoutes ainsi qu’en 1380/82 à cause des taxes trop importantes, la corporation des marchands, la plus puissante, redevenait séditieuse.
Les confréries aussi furent dans le collimateur des autorités, ainsi au concile de Sens, en 1524, on jugea les confréries dévoyées, faisant ripailles et orgies sur le dos des pauvres. On les accusa d’être des foyers d’agitation et on les interdit encore en 1624, mais toujours elles se reconstituaient quelques années plus tard car au final elles avaient, corporations et confréries, une réelle utilité.
A Thionville à cette époque ?
Il existe une halle ou marché déjà en 1283.
Vers 1475, Thionville c ‘est environ 1300 habitants, mais nous savons que l’artisanat se porte bien sous Philippe le Bon et plus encore sous Philippe le Beau vers 1494.
En 1489, la sidérurgie anime 11 forges dans la vallée de la Fensch, Thionville est réputée pour son armurerie tout comme Liège .
[1]Il est certain qu’un tailleur d’habit ou un apothicaire ne trouvait pas confortable de passer ses nuits en haut des remparts dans le froid et l’humidité, eux y voyaient plutôt les bouchers !
L’acier de Thionville, de la vallée de la Fensch, est réputé et la ville de Cologne vient y acheter des arquebuses dans les années 1470.
La draperie est mentionnée à Thionville en 1469. La foulerie et les toiliers sont mentionnés en 1565, soit dans des procès, soit dans des livres de comptes, mais sans plus de précisions.
En 1489, il existe une corporation des tanneurs alliée à celle des cordonniers [1]et les bouchers sont connus à Thionville depuis avant 1443. En 1489, ils sont 5 bouchers dans la ville puis leur effectif passe à 25 en 1555. Puissants, ils referont parler d’eux au 18èmesiècle.
Il existe aussi une assemblée de « porteurs de sacs », forts à bras déchargeant les bateaux sur la Moselle à Thionville et à Sierck.
Les merciers [2]sont attestés dès 1504 et les boulangers et tonneliers sont mentionnés en 1554/66. Les pelletiers [3]existent depuis au moins 1580 et la grande foire de la Sainte-Croix [4]qui se tenait hors des remparts au bord de la Moselle avait déjà une bonne clientèle. Elle durait alors une journée puis fut étendue à 4 jours.
Le gant et la ceinture sur ce blason sont les attributs de Mathieu Delhaye, mercier de son état qui a hérité d’une partie de cette maison en 1679, l’autre partie de la maison restant la propriété de sa belle-mère Madeleine Ham. Cette maison fut le siège de l’Hôtel du Cygne qui donna son nom à la rue alors dite du cygne aujourd’hui au N° 20, rue de Jemmapes.
Au Moyen-âge les corporations se développent fortement et prennent de plus en plus d’importance. A l’aube du 17èmeet 18èmesiècle, les corporations, principalement dans les grandes villes du Nord sont devenues des organisations très structurées et très puissantes. En 1550/55, une vingtaine de marchands Thionvillois viennent commercer pour l’armée jusqu’à Anvers.
Elles sont de plus en plus associées au pouvoir municipal principalement chez les corporations de marchands qui n’aspirent qu’à devenir l’aristocratie de la cité à l’égal des magistrats et des officiers de justice.
[1]Contrairement à ce qui souvent dit, il n’y a pas de gantiers à Thionville.
[2]Nombreux à Thionville, ils vendaient un peu de tout dont des gants et des ceintures comme l’atteste le blason de l’ancienne porte, rue de Jemmapes. -Voir « l’histoire de l’ancienne chapelle des lépreux » paru en 2017
[4]Existante déjà en 1414, elle avait lieu le 14 septembre de chaque année et attirait une foule importante
Quand sous Louis XIV, explosa la vente des offices, les riches marchands et même quelques riches artisans achetèrent, quand ils en avaient la capacité intellectuelle, des charges d’officiers à l’hôtel de ville, au bailliage et même au parlement. Une fois installés, ils purent influer la politique dans le sens de leurs affaires et finirent par s’allier à des familles d’anciens officiers municipaux.
ANVERS La grande place avec ses maisons des corporations ou guildes montrant la richesse de ces marchands
Toutefois à Thionville, les choses furent un peu différentes. La ville était petite et la population peu nombreuse ce qui impliquait peu de corporations réduites en membres, donc moins influentes et moins riches.
De plus, c’était une place de guerre soumise à des sièges et à des troubles armés récurrents apportant une insécurité latente peu propice aux affaires. La prise de la ville en 1643, va complètement renouveler la hiérarchie communale ainsi que les structures même de l’organisation de la cité ce qui permettra par un effet d’aubaine à certains marchands et artisans enrichis d’accéder à l’hôtel de ville.
Avant de voir plus précisément dans un prochain article, les corporations et confréries de Thionville, voyons les conditions de travail des ouvriers au sein des corporations.
Les ouvriers travaillent en général de 7h à 8 h par jours en hiver, car le soir vient vite et l’éclairage est inexistant ou trop faible, par contre en été les ouvriers travaillent jusqu’à 14h ou 15h par jour.
Par contre, ils ne travaillent jamais les dimanches, ni pour les quelques 30 jours de fêtes religieuses. Les samedis et les jours de foires, ils ne travaillent que jusqu’à vêpres.
On peut estimer qu’ils ne travaillaient pas pendant environ 2 mois à 2mois et demi par an, bien entendu non payé.
Les apprentis devenaient compagnons, valets ou ouvriers au bout de plusieurs années, parfois jusqu’ à 7 années suivant la complexité du métier. Certains d’entre eux devenaient maîtres après des années d’apprentissage et de compagnonnage en produisant souvent un chef d’œuvre [1]et en payant un droit d’entrée.
Toutefois, on peut dire que souvent les statuts des corporations étaient assez démocratiques, chacun ayant droit au chapitre souvent même les apprentis et par les confréries associées, c’étaient aussi des sociétés d’entre-aide ou tous se sentaient à l’abri
[1]Au début des corporations le chef d’œuvre n’existait pas ou n’était pas exigé pour devenir maître.
Les maîtres trop sévères et surtout violents avec leurs apprentis ou ouvriers pouvaient être inquiétés et punis, voire interdit d’apprentissage.
Les veuves pouvaient reprendre le métier de leur mari, garder et prendre des apprentis, faire travailler des ouvriers. Quand elles se trouvaient sans ressource, la confrérie la soutenait et à Thionville, les bourgeois [1]avaient créé un hôpital dit « des bourgeois ou des pauvres » dès le 14èmesiècle, hôpital en lien très étroit avec la confrérie du Rosaire dont nous seront amenés à reparler.
Pour terminer cet article, un document du 9 août 1646, émanent du Baron de Marolles, maitre de camp, premier gouverneur de Thionville nommé par le Duc d’Enghien.
C’est en fait une réclamation au sujet d’un testament où il cite les maîtres et confrères du métier de tailleur (barré et remplacé) par couturier et la confrérie du Saint-Sacrement.
Cette confrérie avait un autel dédié au Saint-Sacrement dans l’église paroissiale d’alors. Les confréries avaient alors des autels, qui se trouvaient sur les bas-côtés de l’église, dédiés à leur patron.
A Thionville la plus connue fut celle du Rosaire.
[1]Qui étaient des membres des corporations ou/et des officiers de l’hôtel de ville
[1]Qui étaient des membres des corporations ou/et des officiers de l’hôtel de ville
Nous verrons dans un prochain article, plus concrètement, les corporations et confréries de Thionville et ce qu’elles sont devenues par la suite.
Bonne lecture à tous
Sources :
Commerce et marchand de Thionvillois au 15èmeet 16èmesiècle. JM Yante
Histoire des corporations de métiers des origines à 1791. Etienne Martin Saint-Léon 1897
Archives communales de Thionville Notes de l'abbé Braubach
Archives départementales de la Moselle Notaire Helminger
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SOMMAIRE
Elange - Veymerange
Notes, photos des soldats et histoire des deux monuments aux morts
(1914-1918 et 1939–1945)
situés dans le cimetière de Veymerange
Beuvange – Volkrange -Terville
Photos des monuments aux morts
Noms et historique des soldats (pour Terville photo du monument avec les noms)
Beuvange – Elange - Veymerange - Volkrange et Terville
Historique et photos des croix votives et bildstocks
Veymerange
Histoire de la « Maison des vignes » et de la « Maison blanche »
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Auteur de plusieurs ouvrages sur Thionville, créateur et éditeur de ce blog et du périodique annuel "Miscellanées"