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1482 – Thionville, l’église Saint-Michel (1ère partie)

Publié le par Persin Michel

Aux archives de la ville figure un « rare » document [1] du 10 janvier 1482 qui nous relate l’édification et la dotation d’une « mystérieuse » chapelle Saint-Michel à Thionville en l’année 1482. Sa construction avait commencée en 1479, on l'appelait encore la chapelle de l'ossuaire.

Rare, parce que les documents antérieurs à la guerre de Trente ans le sont, mystérieuse, parce que même chez les « aficionados » de l’histoire de Thionville, cette chapelle Saint-Michel est pratiquement inconnue.

Ce document de trois pages et demie d’une écriture fine et serrée et très lisible, sauf pour les noms propres toujours délicats à interpréter et les lieux dits en dialecte qui ne sont pas traduits juste écrit phonétiquement par un traducteur ne connaissant probablement pas le dialecte Thionvillois.

J’emploi le terme de traducteur car à l’origine le document daté du 10 janvier 1482 a été rédigé en latin puis traduit en français par un notaire public le 3 septembre 1631 afin de certifier le document comme conforme et au final valider les donations de la fondation.

 

[1] Cote : 1c1 Tiré du canon du concile de Reims de 1583.

En exemple la page N°3 du document.Le document est très condensé, parfois un peu aride du fait des tournures de phrases.

En exemple la page N°3 du document.Le document est très condensé, parfois un peu aride du fait des tournures de phrases.

Pour fixer la période : En 1482, Thionville est sous la coupe de la Maison impériale de Habsbourg (1477 à 1519) et sort juste de la période dite Bourguignonne (1461 à 1477

.Donateur pour édifier et fonder la chapelle : Mme veuve Dominique Fagelin

« …en exécution de la page testamentaire ou des dernières volontés d’une certaine Dominique veuve du nommé Tilman Fagelin (de Thionville) afin que soit connu à tous et un chacun qui les présentes lettres verront que lorsque Dominique (Fagelin) était en vie, elle aurait fait un testament et certains codicilles de sa dernière volonté pour ou elle ordonne une messe quotidienne dans l’église paroissiale de Thionville ou dans un lieu contigüe à cette paroisse par fondation et destitution pour être célébrée et chantée à perpétuité et comme elle nous a donné pleins pouvoirs et commis pour doter cette messe…. »

suivent les noms des exécuteurs testamentaires qui sont aussi les rédacteurs de ce document :

Nicolas Zuich, curé d’Entrange et résident à Metz

Jean Audain, prêtre

George Stiffeldinger, laïc habitant de Thionville.

Le document continue comme suit :

« …voulant aussi accomplir la volonté de cette défunte, nous avons (décidés) de parachever et accomplir une chapelle qui était commencée en partie à être édifiée et mis en perfection dans un lieu contigüe de la paroisse en l’honneur de Dieu et de la bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Michel l’archange, Saint-Pierre prince des apôtres, de Saint-Etienne premier martyr, de sainte-Agathe et Sainte-Lucie, vierges… »

 

Cette chapelle déjà en partie construite va être terminée puis consacrée et enfin il va falloir la doter pour la faire vivre.

« …nous désirons doter cette chapelle et la mieux défendre selon l’intention de sa pieuse mémoire et pour l’entretien et la manutention du service divin et la continuation de celui ci perpétuellement, d’un consentement unanime et après mûre délibération entre nous, nous avons doté cette chapelle et avons ordonné ce qui suit : … »

Suit donc une énumération de « biens » qui seront affectés à la vie de la chapelle. Au final ces biens sont assez importants, il est intéressant de les lister car ils comportent des indications souvent précieuses sur la ville et ses habitants.

«  Nous assignons à cette chapelle et donnons amplement et à perpétuité 6 francs monnaie de Metz, 2 maldres [1] de froment, 10 maldres de seigle et 8 maldres d’avoine à prendre tous les ans sur la cense de « Conteren » située à Thionville avec toutes ses dépendances et appendances de cette métairie. Si à la suite des temps cette métairie venait à être laissée a un plus grand prix et cens, nous nous réservons et à nos successeurs l’augmentation du surplus »

« Nous donnons de plus à cette chapelle 10 francs monnaie de Metz tous les ans à prendre et percevoir et lever sur tous les héritages, cens et rentes du domaine du noble homme, le seigneur Wilhem de Raville [2], chevalier et maréchal du Duché de Luxembourg et cela dans ses métairies de Monhen (Manom) et Garchem (Garche), qui nous sont dus pour lors et qui nous appartiennent. »

 

[1] Maldre = mesure de capacité qui à Thionville équivalait à un peu plus de 2hl, variant un peu suivant le type de grain (Blé, seigle, avoine)

[2] Wilhem ou Willem (Guillaume) de Raville était maréchal héréditaire de la noblesse du Luxembourg. En 1461, il déclare dans une charte qu’il reprend en fief du Duc de Bourgogne sa maison castrale de Thionville. (Archives nationales du Luxembourg) A cette époque le prévôt est Jean de Vy et son lieutenant est Guerlach de Volkrange. Thionville conserve un édifice « Hôtel de Raville » dans la cour du château qui était la demeure de Wilhem ou Guillaume de Raville. Voir : les sites suivants :

http://www.thionville.fr/article/162-La_Mairie_de_Thionville

https://books.google.fr/books?isbn=2859440933

Cour de la mairie, une partie de la maison de Raville.

Cour de la mairie, une partie de la maison de Raville.

« Nous donnons à cette même chapelle et nous lui assignons perpétuellement 20 septiers [1] de vin tous les ans à lever et prendre sur les vignes dans Guentrange lieu nommé « Nun charts »  d’un côté la vigne du sieur Jean Crû, échevin de Thionville et de l’autre côté, la vigne du nommé « Clapers »

[1] Septier ou setier mesure de volume variant suivant les régions mais généralement autour de 8 pintes soit pratiquement 8 à 10 litres (Sous réserve car les mesures anciennes varient beaucoup d’une région à une autre)

 

« Nous donnons aussi à cette même chapelle 40 septiers de vin tous les ans à lever et à prendre sur une vigne située dans le lieu nommé « Des jugen scheffens » à coté d’un lieu appelé vulgairement « Des scheuden » et de l’autre côté la vigne de Jean Hayange »

« Nous donnerons ultérieurement à cette même chapelle et assignons 4 francs monnaie de Metz susdite tous les ans à percevoir et prendre sur la maison de Jean Densis située derrière le marché dans Thionville d’un coté la maison de Nicolas « louscholft »  et de l’autre la maison du sieur George « Institous »  laquelle maison est maintenant habitée par Pierre Pistov. »

« Nous donnons semblablement et assignons à cette même chapelle, 3 francs monnaie susdite (de Metz) , tous les ans à lever et à percevoir sur la maison de « Henchen Macholtz » située dans Thionville d’un côté la maison de « Hammenhaye » et de l’autre coté la maison de Jean de Densi» en souligné le texte figurant sur l’extrait suivant.

 

 

« Nous donnons et assignons à ladite chapelle la cire qui nous est due tous les ans dans le village de Distroff [1] pour l’augmentation du luminaire de ladite chapelle, et même les censes et rentes, et héritages et toutes autres choses susdites, nous voulons qu’elles soient tenues et possédées tous les ans par nos chapelains par nous ordonnés et nommés ou bien par nos successeurs pour leur labeur, charges et services et qu’ils les lèveront et recevrons tous les ans. »

« Nous voulons et ordonnons qu’à perpétuité des temps soit célébrée une messe basse tous les jours dans cette chapelle et dans les prédites fêtes de Saint-Michel, Saint-Pierre, Saint-Etienne, Sainte-Agathe et Sainte-Lucie et le jour de la dédicace de cette chapelle une messe haute solennellement avec les vêpres par les chapelains d’icelle. Laquelle messe devra être chantée incontinent après la grande messe de la même paroisse de Thionville ou au moins après l’élévation et non avant ce temps là. »

 

[1] Distroff souvent écrit avec un seul f, Distrof.

« Nous voulons et ordonnons qu’il soit et institué, deux chapelains pour desservir cette chapelle, desquels la collation et nomination nous appartiendra tout comme aussi la destitutions d’iceux, si un ou l’autre le méritait et voilà ce que nous nous réservons. « 

« Nous voulons néanmoins qu’un ou deux de nous venant à mourir, les deux autres ou bien le seul restant ayant ou ait le pouvoir de nommer à icelle (chapelle) dans le jour qu’elle viendrait à vaquer et de la pouvoir conférer et en pourvoir celui ou ceux qu’ils jugeront à propos et après le décès de nous trois, nous avons statué et convenu que la collation [1] de cette chapelle appartiendra au juge de Thionville et aux plus anciens synodaux de ladite église paroissiale pour le temps de leur charge, après néanmoins avoir délibéré avec les justiciers au dit bourg (Thionville) et échevins de ladite paroisse (Thionville). Bien entendu que si un des chapelains un seul n’est pas fait son devoir ou ait manqué à ce que dessus, l’un ou l’autre pourra être privé et oté d’icelle (la chapelle) par nous ou nos successeurs collateurs et pouvoir pourvoir un autre ou deux ou induire et instituer toutes et quantes (autant de) fois qu’ils nous plaira et à nos successeurs collateurs. »

 


[1] La collation est le pouvoir de nommer un bénéficiaire.

« Si à la suite des temps on donnait et cédait ou si on rachetait quelques cens ou rentes, nous voulons et ordonnons que ces sortes de legs et ……… argent reviennent à nous et entre nos mains ou à nos successeurs collateurs, lesquels, nous ou eux, aurons le pouvoir d’en disposer et de les convertir (en argent) et les appliquer au profit et utilité de cette même chapelle de la manière ci-dessus énoncée à savoir que l’on emploiera les rentes et remplacements pour cette  chapelle pour acheter et acquérir d’autres fonds (biens pour la chapelle) afin que le service divin ne vienne à diminuer dans icelle (la chapelle). »

«  de plus nous donnons et assignons à cette même chapelle pour l’entretien et la manutention des édifices, livres, calices et autres choses nécessaires à cette chapelle qui pourraient y manquer aussi bien que pour un anniversaire d’iceux, Tilman et Dominique son épouse et de leurs plus proches parents et bienfaiteurs chaque année (lequel service se fera dans la chapelle), nous donnons déjà les cens et rentes suivantes sur certains de nos héritages ci-dessous spécifiés à recevoir, lever et prendre. »

 

« Premièrement 8 septiers de vin à prendre et percevoir tous les ans et à perpétuité dans la montagne de Guentrange sur une vigne nommée « Inderbechen », item nous donnons et assignons à cette même chapelle 4 septiers de vin à lever et percevoir à perpétuité sur une vigne située dans le lieu dit « Hafsenloch »

« Nous donnons aussi et assignons 12 escalins de cens, monnaie de Metz ) prendre et à lever sur une certaine maison appartenant à Arnoult fils de Nicolas dit « Hens Nicolaus » dans Thionville dans le coin ou on va au moulin ou à la grande tour d’un côté et de l’autre prés de la maison du susdit Arnould. »

 

« Item sur un jardin situé sur la Moselle dans le chemin ou on va au nouveau château (le Neufchâteau ou Neurbourg puis Gassion)  prés du jardin du sieur Lambert Just, nous donnons et assignons 2 escalins de Metz.

Item nous donnons aussi et assignons à la dite chapelle 15 escalins [1] de Metz à prendre et à lever tous les ans sur les cens et rentes de Jean Henry et de sa femme dans le village de Distrof à nous dus dans le chemin communal et sur notre part du four banal dudit village.

Nous donnons aussi à la même chapelle une pat de cire à nous due dans le susdit village de Distrof. »

« Nous donnons aussi pareillement et nous concédons à la même chapelle un pré situé dans le village de Distrof dans le lieu dit « Hesselingen », nommé déjà « Qaluchetviesse » ou la valeur qui pourrait être reçue et levée tous les ans par nos députés ou commis notre vie durante et après notre décès par nos successeurs collateurs de cette chapelle dans lesquels cens et rentes nous voulons et ordonnons que le nonce ou marguiller de la dite église de Thionville pour le temps ait tous les ans, 9 gros messins. »

 


[1] Escalin monnaie originaire des Pays Bas qui fut très employée dans notre région.

« Nous voulons aussi et  statuons qu’aux susdits fêtes des Saint-Michel, Pierre, Etienne, Agathe et Lucie et le jour de la dédicace d’icelle (la chapelle), le régent des écoliers du dit bourg de Thionville assiste avec ses écoliers dans cette chapelle pendant le temps de l’office divin, et ce régent aura une obole et les écoliers pareillement 7 deniers et une obole. »

Item nous ordonnons aussi que nos successeurs collateurs de cette même chapelle aient pour leurs labeurs et diligence et soins qu’ils se donneront et recevront sur les mêmes cens et rentes 9 gros [1] monnaies de Metz susdite. »

« En foi de quoi et pour témoignage de tout ce que nous venons de statuer, nous Nicolas Zuich, Jean Audain et George exécuteur dudit testament, nous avons fait faire ces présentes lettres, nous avons mandé et nous de plus pour plus grande force et assurance de ces présentes lettres, avons supplié et prié, comme nous supplions et prions par  la teneur de ces présentes lettres, le vénérable et circonspect honnête homme le sieur vicaire général pour le spirituel du Révérend père en JC (Jésus Christ), Monseigneur évêque de Metz, de vouloir louer, confirmer et approuver tout ce que dessus et nous Jacques d’Ensonge, archidiacre de Metz et vicaire général pour le spirituel au très Révérend père en JC, Monseigneur George [2] par la grâce de Dieu, évêque de Metz priant sa grandeur de vouloir faire attention que tout ce que dessus est très salubre et bien pensé pour la plus grande louange et honneur de Dieu. C’est pourquoi à la supplication des dits exécuteurs nous de l’autorité de mon dit Révérend Père lequel nous assistons aux fonctions avons confirmé et approuvé comme nous louons et confirmons et approuvons le tout et nous avons apposé notre sceau de notre palais de Metz aux présentes, duquel nous nous servons ici.

Fait à Metz le dimanche de l’incarnation, l’an mil quatre cents quatre vingt deux, le second jour du mois de septembre et le sceau de cire verte pendait à son original pour copie collationnée. »

 

[1] Gros = monnaie très utilisée en Lorraine.

[2] George 1er de Bade, évêque de Metz de 1459 à 1484. Il fut le 78ème évêque de Metz, mais ne fut pas sacré

« 2ème Trouvée conforme, par moi notaire public aujourd’hui 3 septembre 1631, signé « Hesf » et translatée du latin en français par moi, du 10 janvier 1482 qui était après le mois de septembre parce que les années commençaient le premier mars.

Nous vicaire général soussigné du révérend père en JC (Jésus Christ), et de mon dit seigneur George par la grâce de Dieu, évêque de Metz à nos chers en JC, Nicolas Zuich, curé d’Entrange, résidant à Metz, Jean Audain, prêtre et George Schisfeldinger, laïc habitant du bourg de Thionville, salut en notre seigneur. »

 

« Comme vous conjointement exécuteurs du testament ou dernière volonté (ce début de phrase manque) de Dominique veuve du nommé Tilman Fagelin de Thionville auriez fondé une chapelle et institué une messe pour chaque jour pour cette Dominique et ses descendants et bienfaiteurs à célébrer à perpétuité comme nous l’avons vu présenter cy devant nommées et comme nous l’avons vu plus au long et que vous nous auriez supplié de vouloir bien confirmer la présente fondation et toutes les autres choses contenues dans icelle (ces lettres). C’est pourquoi sur la bonté de mon dit seigneur et père en JC (Jésus Christ) évêque de Metz par la teneur des présentes nous louons, approuvons et confirmons cette fondation et institution susdite et voulant surabondamment augmenter le culte de Dieu, nous concédons à tous ceux qui confessés et contrits visiteront ladite chapelle aux fêtes ci-dessus annoncées qui se célébreront solennellement et qui pour le maintient et fonction d’icelle (la chapelle) auront prêté les mains et contribué de leurs biens, toutes et quantes fois qu’ils le feront, gagneront 40 jours de pénitence à eux enjoints par la miséricorde de Dieu et ces indulgences sont concédées à perpétuité, donné (ces lettres) sur le sceau de notre cour de Metz duquel nous nous servons en pareil cas. L’an de grâce du seigneur 1482 à Metz, le 10 du mois de janvier. »

Voilà pratiquement de façon exhaustive le document de création et de fondation de cette chapelle qu’on appela « Saint-Michel » qui fut construite à coté de l’église paroissiale de Thionville. On voit qu’elle fut extrêmement bien dotée afin d’assurer sa pérennité au cours des temps à venir.

 

Résumé des dotations : (Tous les ans et à perpétuité.

6 + 10 +4 +3 = 23 francs de Metz [1]

12 + 2 + 14 = 28 escalins de Metz [2]

9 gros + 7 deniers + 1 obole [3]

2 maldres de froment (blé)

10 maldres de seigle

8 maldres d’avoine [4]

20 + 40 + 8 + 4 septiers de vin de Guentrange [5]

La cire pour les bougies et la location d’un pré à Distroff.

La nomination de 2 chapelains pour s’occuper de la chapelle.

Ces dotations ont permis le fonctionnement de cette chapelle durant 276 ans, soit de sa construction qui débuta en 1479 jusqu’à sa démolition avec celle de l’ancienne [6] église paroissiale de la ville en 1755.

 

[1] à 12 gros le franc soit 276 gros de Metz

[2] soit 336 gros

[3] Une obole = 4/8 de denier.

[4] Ces céréales étaient revendues au prix du marché pour en dégager une certaine somme annuelle.

[5] Idem le vin était revendu au prix du marché pour le convertir en revenus

[6] La deuxième église paroissiale reconstruite vers 1500. La première église romane datant de 1123.

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