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1482 - Thionville, la chapelle Saint-Michel (suite)

Publié le par Persin Michel

Le titre de l'article précédent utilisait le terme d'église Saint-Michel, mais le terme de chapelle est plus indiquée.

Nous avons vu précédemment la fondation et la dotation de cette chapelle Saint-Michel, nous allons voir maintenant où se situait cette chapelle.

Pour cela, le texte précédent ne nous donne qu’un seul indice :

 «  …voulant aussi accomplir la volonté de cette défunte, nous avons (décidé) de parachever et accomplir une chapelle qui était commencée en partie à être édifiée et mise en perfection dans un lieu contigüe de la paroisse en l’honneur de Dieu et de la bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Michel l’Archange, Saint-Pierre prince des apôtres, de Saint-Etienne premier martyr, de sainte-Agathe et Sainte-Lucie, vierges… »

Nous savons donc, que cette chapelle dont la construction était commencée [1] ,fut parachevée en 1482 et qu’elle se trouvait dans un lieu contigüe de la paroisse.

Le terme paroisse employé ici peut prêter à confusion. Aujourd’hui une paroisse désigne à la fois une aire géographique précise, le « territoire de la paroisse », et un groupe de personnes habitant sur ce territoire et constituant la communauté paroissiale.

Bien évidemment, on ne peut pas construire une chapelle contigüe à ce genre d’entité administrative  et humaine. De plus à Thionville, il n’y avait qu’une seule paroisse, celle de Saint-Maximim, dont dépendait plusieurs églises [2] ou chapelles [3].

Il faut donc comprendre ici le terme de paroisse, comme désignant « l’église paroissiale », c’est à dire l’église principale de la paroisse, donc l’église Saint-Maximim. On a donc construit cette chapelle de façon contigüe à l’église Saint-Maximim. Fort bien, mais voilà l’église Saint-Maximim de l’époque, n’était pas l’église Saint-Maximim d’aujourd’hui, aussi nous allons partir de l’église que nous connaissons et où il n’existe pas de chapelle contigüe  pour remonter dans le temps et voir si nous retrouvons cette autre église avec une chapelle contigüe.

 


[1] Probablement en 1479.

[2] L’église paroissiale de Thionville alors Saint-Maximim et l’église de Guentrange

[3] Celles des Augustins, Capucins, du Rosaire, de Saint-Pierre, de Sainte-Anne, de Saint-François entre autres.

 La construction de l’église actuelle fut terminée en 1759 sur des plans de l’architecte messin Le Brun, validés en 1756, car l’ancienne église était devenue trop petite et trop vétuste.  Le 13 janvier 1760, l’église est bénie  par le curé Thiersant.

La construction de l’église actuelle fut terminée en 1759 sur des plans de l’architecte messin Le Brun, validés en 1756, car l’ancienne église était devenue trop petite et trop vétuste. Le 13 janvier 1760, l’église est bénie par le curé Thiersant.

Un extrait du cadastre de 1812 qui nous montre l’église Saint-Maximim parallèle à la Moselle, le long du quai Crauser

Un extrait du cadastre de 1812 qui nous montre l’église Saint-Maximim parallèle à la Moselle, le long du quai Crauser

Au 18ème siècle :

Donc, nous avons vu qu’avant 1759 existait une autre église, vétuste et trop petite pour la population de la ville. Cette « autre» église se trouvait au même emplacement que l’église actuelle, la ville d’alors enserrée dans ses remparts, n’offrait pas d’autre emplacement pour construire une église plus vaste.

Il a donc fallu détruire [1] l’ancienne église pour reconstruire l’église actuelle. Si une chapelle existait, contigüe à cette ancienne église, donc ultérieure à 1759, elle a du être détruite en même temps. Nous savons par les plans anciens ci-dessous et par quelques documents d’archives que cette ancienne église se trouvait à peu près au même emplacement que l’église actuelle mais qu’elle avait une autre orientation car perpendiculaire à la Moselle et non pas parallèle comme aujourd‘hui.

 


[1]  Le 26 novembre 1755, pendant ce temps les messes se faisaient dans l’église des Capucins

Plan du centre ville de 1749 (Lacheze cote AMT 326Fi19)

Plan du centre ville de 1749 (Lacheze cote AMT 326Fi19)

L’extrait ci-dessous du plan de la ville (ci-dessus), daté de 1749, nous montre qu’effectivement existait approximativement au même endroit qu’aujourd’hui, une église (82) orientée de façon perpendiculaire au rempart (2) et donc à la Moselle qui coule derrière ce rempart.[1]

 


[1] Les fondations de cette ancienne église furent mises à jour lors de la construction de la nouvelle et aussi à la démolition des remparts en 1903.

1482 - Thionville, la chapelle Saint-Michel (suite)

Nous voyons un bâtiment et un seul, accolé à cette église, c’est la chapelle Saint-Michel qu’on appelait aussi la chapelle de l’ossuaire, car il faut savoir que sous cette église, on trouvait le cimetière de la ville, plus tard il y eu aussi un cimetière sur le coté droit de l'église. (Toujours en regardant cers le choeur)

Saint-Michel avec son épée et sa balance

Saint-Michel avec son épée et sa balance

Un mot sur le nom de cette chapelle Saint-Michel ou de l’ossuaire. Pour les chrétiens l'archange Saint-Michel se trouve entre l'homme et Dieu au moment de la mort et pèse les âmes des défunts, il est donc souvent représenté avec une épée et une balance. Nous le retrouvons gravé dans la pierre sur les tympans de certaines églises: Saint-Michel pesant les âmes en regardant droit devant lui sans se laisser distraire par le diable qui tente de faire pencher la balance de son côté. La balance est l'emblème permettant de peser, de mesurer et d'évaluer les actions et les pensées du défunt.

Ainsi, dans l'offertoire de la messe des défunts, Saint-Michel est chargé de prendre soin des âmes de tous les fidèles défunts, en sorte que, lui « le porte étendard céleste », les introduise dans la sainte lumière promise à Abraham et à sa descendance."

De ce fait, il est très souvent associé aux ossuaires dont l’origine remonte aux environs du 10 et 11ème  siècle. Les civilisations de l’antiquité, les romains, procédaient à l’incinération de leurs morts. La religion chrétienne se généralisant avec la croyance en la résurrection de la chair fit que l’inhumation devint la règle.  Au début de la chrétienté, les cimetières sont encore à l’écart du village. Vers le 10ème siècle, on inhume dans l’église même, les personnages important puis par mimétisme, les cimetières s’établissent entoure des églises, chacun voulant reposer au plus près de la maison du Seigneur. L’église et son cimetière deviennent alors une entité sainte à part entière.

Mais voilà, les églises et leur cimetière sont par essence bornés et non extensibles. Alors quand la place manquait [1], on faisait le « ménage » et on entreposait les ossements dans un ossuaire. Dès le 11ème siècle, les premiers ossuaires virent le jour, la place manquait et les animaux qui erraient dans les cimetières alors peu protégés causaient des dégâts aux tombes, les profanant. On installait les ossuaires dans les cimetières, souvent contre le mur de l’église, plutôt vers le chœur. C’étaient de petits bâtiments plus ou moins fermés où l’on entassait les crânes et les os des anciens défunts qui gentiment  faisaient de la place au plus jeunes. Ces ossuaires avaient aussi une valeur pédagogique qui était de signifier aux paroissiens leur condition humaine. Déjà, la cérémonie du mercredi des cendres leur rappelait tous les ans:

«Tu es poussière et tu retourneras en poussière »

Les moeurs évoluant, comme les conditions sanitaires, les cimetières furent interdits autour des églises, au sein des villes et des villages. On mit les cimetières à la « campagne » leur offrant plus de place. Plus besoin de faire régulièrement de la place et les hommes des lumières se croyant plus libres, lassés qu’on leur rappelle leur éphémère condition humaine ne voulurent plus voir ces sinistres ossuaires, aussi vers la fin du 18ème siècle, ils furent abandonnés ou détruits.[2]

Pour Thionville, le cas est un peu particulier, la ville est petite et contrainte dans ses remparts, la place autour de l’église paroissiale qui se trouve au milieu de la ville est comptée, alors on utilisait une crypte sous l’église comme cimetière et l’ossuaire se trouvait alors relégué dans un coin de ladite crypte, en l’occurrence sous la chapelle Saint-Michel.

Ce même procédé a été utilisé lors de la construction de la nouvelle église Saint-Maximim en 1755/1760. Crypte qui existe toujours servant aujourd’hui de débarras où l’on peut encore trouver des vestiges de cet ancien cimetière. [3]

En écrivant cet article, je me suis rendu compte que cette chapelle Saint-Michel et sa situation dans la ville, à côté de l’ancienne église Saint-Maximim, amenait à se poser d’autres questions sur les chapelles internes à l’église, sur les lieux d’inhumations dans la ville. Des recherches plus poussées aux archives de la ville et du département associées à un document rare, ayant appartenu à Charles Abel en 1884, et actuellement dans la collection de Monsieur Dominique Laglasse, archiviste à Thionville, va me permettre de répondre à plusieurs de ces questions et cela viendra compléter ces deux articles sur cette chapelle Saint-Michel.

Dans le prochain article nous verrons donc ce fameux document et nous pourrons sans doute amener quelques clartés sur ces points ignorés de l’histoire de Thionville.
 

 

[1] A Thionville en 1701 on dénombrait environ 150 décès non compris les militaires pour 3 lieux de sépultures dans et hors la ville, sans compter les Augustins.

[2] Voir à ce sujet l’ouvrage de JP Lang « Ossuaires lorrains » 1998.

[3] Voir article dans RPL du 20 octobre 2015 « Le cœur de Reine Petit » jeune femme décédée en 1781.

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