Dans les articles précédents, nous avons vu les biens d’’un riche marchand thionvillois en 1709, puis ceux d’un tisserand d’Elange en 1763, nous allons pour clore cette trilogie voir les biens de Claude François Hue de Saint-Rémy lieutenant général civil et criminel du bailliage de Thionville.
Claude François Hue de Saint-Rémy est un des fils d’Hannibal Hue de Saint-Rémy et de Barbe Chomnel. Il avait un frère Charles François Hue de Saint-Rémy, écuyer, seigneur de Gras.
Contrairement à ce qu’affirme la biographie du parlement de Metz d’Emmanuel Michel, qui parle de deux frères, Charles François et François Claude et de deux autres personnages, Chrestien et un autre Claude François « Sans doute de la famille, mais dont nous ignorons le degré de parenté » , il n’y a qu’un seul Claude François qui est bien le fils d’Hannibal Hue de Saint-Rémy et de Barbe Chomnel devenu à la suite de son père, lieutenant civil et criminel au bailliage de Thionville.
François Claude Hue de Saint-Rémy, fils d’Hannibal, se maria à Metz le 22 janvier 1670 avec Marie-Thérèse de La Cour. Il avait 30 ans et son épouse 25 ans. Il reprit donc la charge de son père comme lieutenant civil et criminel de Thionville.
Le 4 octobre 1677, Marie-Thérèse de La Cour, épouse de François Claude Hue de Saint-Rémy, déclare que son mari étant pressé de rembourser des dettes qu’il avait faites avant leur mariage a exigé d’elle une procuration pour emprunter 100 pistolles afin d’acquitter ses dettes. Pour ce faire il a engagé 1600 livres tournois que lui devaient les jésuites de Metz et encore deux autres sommes de 500 francs barrois qui lui étaient dues par des particuliers de Toul. Elle précise qu’elle a fait cela par pure complaisance envers son mari et qu’il l’avait assuré de l’indemniser sur ses biens propres.
Or, sa belle-mère, Barbe Chomnel , a eu connaissance de cette transaction et a proposé de prêter la somme de 100 pistoles, mais en l’intégrant dans les biens acquis après le mariage, ce qui avait engendré une mésentente durable entre eux, expliquant ainsi le fait que dans le testament et dans la suite des évènements il n’est plus fait mention des parents de François Claude Hue de Saint-Rémy.
Un autre document du 30 décembre 1678, confirme que l’entente et la concorde n’était plus de mise au sein de la famille, puisque dans ce document, il est précisé que les sieurs Charles François Hue de Saint-Rémy, écuyer, seigneur de Gras et de Volkrange et François Claude Hue de Saint-Rémy, écuyer, lieutenant général civil et criminel au bailliage de Thionville ont décidé, afin de sortir de leurs difficultés et différents, de nommé le sieur Phellipes (Philippe), maréchal de camp des armées du roi et lieutenant de son gouvernement à Thionville, afin d’arbitrer et juger les différents entre eux et avec toutes les personnes qu’il jugera à propos de traiter. Ils promettent de trouver agréable, ferme et stable tout ce qui sera jugé par lui ou ceux qu’il aura nommé.
Pour ce faire le sieur Philippe, recevra une somme de 300 livres afin d’arbitrer pour eux tous les différents pouvant survenir
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Les signatures des deux frères sont assez parlantes et marquent bien les différents qui existent au sein de la famille.
Charles François signe Hue de Gras marquant ainsi sont statut de seigneur au sens « féodal » du terme.
François Claude signe Hue de Saint-Rémy, de par la charge qu’il a reprise de son père, il représente l’état royal et sa volonté de marginaliser en douceur les seigneurs hauts justiciers ou fonciers au profit des intendants.
Le 7 avril 1679, François Claude Hue de Saint-Rémy et son épouse Marie-Thérèse de La Cour vont vendre au sieur Collignon, bourgeois de Metz et à son épouse Catherine Georges, un bien qu’ils ont encore au pays messin, précisément au village de Chassel . En l’espèce, une métairie avec ses terres arables et non arables, le jardin et le potager, une chènevière et 18 nouées de vignes avec en plus la moitié de la maison qu’il partage avec le sieur de Wauvamont le tout pour une somme non précisée.
Trois jours plus tard, soit le 10 avril, tombé « violemment malade », il fait son testament qu’il enferme dans une cassette bordée d’or et qu’il met en sureté dans un bahut de son domicile de Thionville.
Ce testament rédigé comme tous les testaments de l’époque, affirme que la mort est certaine mais que son heure est incertaine, donc par précaution de son âme et de ses biens, il rédige ses dernières volontés qui sont résumées ci-dessous :
Pour son âme, il se confie au seigneur Jésus Christ et à sa mère la bienheureuse vierge Marie ainsi qu’à ses bons anges gardiens que sont Saint-François et Saint-Claude.
Il demande que soit dites 25 messes basses par les révérends père Augustins et 10 en la chapelle du Rosaire et encore autant à Manom.
Pour son corps, il désire être inhumé dans l’église des pères Augustins de la ville.
Après son inhumation il veut que Jean Nicolas Bock, conseiller du roi et lieutenant particulier du bailliage de Thionville fasse faire un inventaire et une estimation de ses biens afin d’éviter à son épouse les formalités ordinaires.
Il veut aussi que l’on paie ses dettes et que le reste de ses biens demeurent à son épouse jusqu’à ce que ses enfants, tant celui qui est à Metz que celui qui est en nourrice à Thionville soient en étant d’être pourvu de leur part et sans que son épouse ne soit obligée de vendre des biens. A charge pour elle de nourrir ses enfants et de les entretenir dans la crainte de Dieu, elle restera leur mère et tutrice et en cette qualité, il lui donne tout pouvoir et autorité pour vendre sa charge de lieutenant civil et criminel quant elle trouvera à propos de le faire de manière avantageuse pour elle et ses enfants.
Il précise encore les ponts suivants :
« Si mes enfants meurent avant mon épouse, leur mère sera la seule héritière à l’exclusion de toutes autres personnes.
Si mes enfants survivent et se trouvent en état d’être pourvu de leur part de mes biens, elle les leur donnera conformément à l’inventaire qui en aura été fait.
Pour l’exécution de mon testament je fais entière confiance à mon épouse, à sa probité en vertu de l’amitié qu’elle m’a toujours témoignée.
Fait à Thionville le 10 avril 1679, en mon poële où je suis tombé malade et où je suis alité. »
Signé : Hue de Saint-Rémy
Le 15 mai 1679, soit un mois et demi après être tombé malade, François Claude Hue de Saint-Rémy décède, muni des sacrements de l’église, en son domicile de Thionville, âgé de 39 ans ou environ.
Acte de décès de François Claude Hue de Saint-Rémy
Le même jour, le procureur du roi ayant connaissance du testament fait mettre les scellés sur le bahut qui contenait la cassette renfermant ledit testament.
Le lendemain 16 mai 1679, François Claude Hue de Saint-Rémy est inhumé à 7h du soir dans la chapelle de notre Dame des pères Augustins..
Le lendemain de l’inhumation, le 17 mai 1679, les gens du bailliage vont à la maison du défunt pour ouvrir la cassette et prendre connaissance du testament.
Enfin le dernier jour du mois de mai 1679, vers les 3 heures de l’après midi, Jean Nicolas Bock, conseiller du roi et lieutenant particulier au bailliage, procède sur requête de la veuve Marie-Thérèse de La Cour, à l’inventaire et estimation des biens du défunt, comme stipulé dans le testament.
L’inventaire se fait en présence de deux marchands de la ville chargés de l’estimation des biens, il s’agit de Pierre Scharff et Nicolas de la Mothe.
Dans le prochain article nous verrons cet inventaire et estimation, dont l’énumération est trop longue pour être incluse ici.
Toutefois avant de clore cet article, j’aimerais vous relater ici un événement qui est intervenu le 15 novembre 1671. François Claude Hue de Saint-Rémy est alors jeune marié et encore novice dans sa charge de lieutenant civil et criminel au bailliage de Thionville.
« Donc le 15 novembre 1671, après seulement 4 jours de maladie, décède à Thionville le bourgeois François Hanes. L’avocat du roi au bailliage, François Soucelier, se met dans l’idée que le bourgeois en question est mort empoisonné, aussi en l’absence à Thionville du procureur du roi, il donne requête à François Claude Hue de Saint-Rémy, lieutenant civil et criminel du bailliage, afin que le cadavre de François Hanes soit ouvert et comme il pense que l’empoisonneuse ne peut être que son épouse, Agnès Wintringer aidée de sa servante, il demande qu’elles soient arrêtées et faites prisonnières. François Claude Hue de Saint-Rémy fait exécuter la requête, la veuve et la servante sont arrêtées et l’enquête commence.
Seulement, on ne trouve aucun prétexte à l’empoisonnement, ni aucune preuve formelle. On ouvre le cadavre et les chirurgiens font un rapport à trois des plus grands médecins de Metz qui déclarent qu’il n’y a aucune preuve d’empoissonnement et donc que l’épouse et la servante n’ont pas commis ce crime.
Fort bien, seulement au lieu de libérer la veuve, le juge et l’avocat de connivence, font une demande de dommages et intérêts et le juge rend la sentence suivante :
Il ordonne que la veuve Hanes soit convoquée à la chambre du conseil pour y être fortement réprimandée de n’avoir pas apporté assez de soins pour soulager son mari mort en 4 jours seulement. Il l’a condamne à 9 livres tournois d’amende et à donner 3 livres aux pères capucins pour qu’ils prient Dieu pour le repos de l’âme du défunt. Elle est condamnée au dépends envers le procureur du roi. Enfin on lui enjoint en cas de seconde noce d’apporter plus de soins à la conservation de son nouveau mari. Pour être complet, on interdit à quiconque de lui reprocher le décès de son ex-mari sous peine d’amende.
Mais voilà, la veuve fait appel de la sentence et les procureurs généraux concluent que s’il y a quelques absurdités dans la sentence, elles ne sont pas du fait de la plaignante mais du fait du juge qui l’a rendue. La cour va donc conclure que le procès a été mal requis, mal procédé, mal jugé, elle a donc cassé et annulé toutes les procédures et sentences, elle a déclaré l’emprisonnement de la veuve comme étant injurieux et déclaré que l’écrou sera rayé et qu’en conséquence l’avocat du roi nommera dans les trois jours le dénonciateur à l’origine de l’affaire et le condamne dès à présent à tous les dépends, dommages et intérêts. De plus François Claude Hue de Saint-Rémy, lieutenant civil et criminel au bailliage de Thionville sera assigné à comparaître en la cour pour répondre aux conclusions que le procureur général entend prendre à son égard et dans cette attente, il le suspend de sa charge au bailliage. »
Signé par le premier président Ravot, le samedi 13 août 1672
Toutefois, François Claude Hue de Saint-Rémy, jeune lieutenant civil et criminel à Thionville n’a été dans cette affaire qu’un exécutant aux ordres, aussi après les remontrances on lui rendit sa liberté d’exercice.
Dans l’épisode suivant, nous verrons l’inventaire détaillé des biens de François Hue de Saint-Rémy et de son épouse Marie-Thérèse de La Cour, dont la maison est à Thionville.
Nous verrons l’estimations faite de ses biens par les deux prud’hommes, mais nous verrons aussi ce qu’il advint quelques mois plus tard de son épouse et de la charge de lieutenant civil et criminel au bailliage de Thionville.
A suivre…