Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Saint Nicolas patron de la Lorraine et des écoliers

Publié le par Michel Persin

La statue de Saint-Nicolas dans l'église Saint-Nicolas à Bari (Italie) 2011

La statue de Saint-Nicolas dans l'église Saint-Nicolas à Bari (Italie) 2011

** Cette statue représente un Saint-Nicolas de type moyen-oriental, ce qu'il était assurément.

Dans quelques jours, nous serons le 6 décembre, jour de Saint-Nicolas, patron de la Lorraine et des enfants. Quelques personnes n'ont posé des questions sur cette fête qui me laissent à penser qu'aujourd'hui notre saint et son histoire sont fort peu connus !

J'ai, dans ma jeunesse, pas si lointaine, entendu, la nuit tombante, le son de sa clochette dans les rues de Veymerange. J'ai connu l'angoisse du père fouettard, sachant bien que j'avais "parfois" mérité son courroux. J'ai apprécié les quelques friandises qu'il m'avait données de sa main gantée de blanc. Il m'est resté de ces visites de Saint-Nicolas et de son éternel acolyte à la baguette menaçante, des souvenirs nostalgiques d'avant Noël, quand la chaleur de la maison et de la famille réunie nous entouraient de bienveillance rassurante.

Plus tard, quelques fois, j'ai moi même pris les traits du saint ou de son noir compagnon, lors de visites à l'école du village ou dans une ou l'autre des maisons voisines.

On dit souvent que pour aimer une personne, il faut la connaître, gageons que pour une tradition, il en va de même. 

Voici donc un abrégé de l'histoire de Saint-Nicolas et du père fouettard.

Nicolas en grec, veut dire "Victoire du peuple", c'était l'évêque de Myre en Lycie, actuellement au sud del'Anatolie, dans la Turquie actuelle. Myre où il décédera en l'an 345. Il était né à Patare (Patara dans la même province) vers les années 270, dans une famille riche et chrétienne.

Vers ses 8 ans, il perd ses parents et certains disent qu'il aurait été recueilli par son oncle Nicolas alors évêque de Myre qui l'aurait fait prêtre puis évêque. Mais cette période de sa vie n'est pas totalement établie.

Ce que l'on sait de façon plus précise c'est qu'il a participé au 1er conseil de Nicée en 325 et qu'il y lutte contre l'arianisme [1]. On lui attribut une grande générosité et un sens aigu de la justice sociale. Il connaîtra la prison comme ses frères chrétiens, il sauvera dit-on plusieurs fois, trois jeunes gens, puis trois officiers, d'une exécution certaine et cela grâce à son autorité naturelle, sa dialectique et sa combativité.

Après son décès en 345, il est inhumé à Myre dans l'église Saint-Nicolas, où de nombreux pèlerins viennent le prier. Sa légende est déjà bien établie et ses ossements sont réputés secréter un huile parfumée. Toutefois en 1071, la guerre qui dévaste la région, pousse des marchands venus de Bari, dans le sud de l'Italie à "voler" les reliques du saint homme pour les mettre à l'abri des turcs, c'était le 9 mai 1087.

Une basilique sera construite à Bari, entre 1089 et 1197, entièrement consacrée au Saint.

En 1098, un chevalier Lorrain, Aubert de Varangéville fait le pèlerinage à Bari d’où il rapporte une phalange  de la main du saint. Cette phalange sera déposée à Port, petit village près de Nancy. Aussitôt, un grand nombre de pèlerins vinrent à Port pour vénérer la sainte relique et dès 1095, l’évêque de Toul [2] consacra une nouvelle église à Port pour y abriter la relique. Plusieurs miracles furent attestés et la vénération du saint prit une ampleur considérable faisant de Saint-Nicolas-de-Port un pèlerinage important de la Lorraine et des régions limitrophes. La ville en bordure de la Meurthe et au carrefour commercial entre plusieurs provinces, abrita au 16ème siècle, une des foires les plus importantes d’Europe et cela bien entendu grâce à Saint-Nicolas, à ses pèlerins et à sa basilique.

Depuis lors, le culte du Saint déjà connu et célébré depuis des siècles en orient, s’amplifia remontant la Meurthe, puis la Moselle pour atteindre le Rhin.[3]

En 1477, le duc de Lorraine, René II, part délivrer sa ville de Nancy assiégée par Charles-le- Téméraire, duc de Bourgogne. Il s’arrête en chemin pour entendre la messe à Saint-Nicolas-de-Port et y placer ses armées sous la protection du saint. Le 5 janvier 1477, la bataille de Nancy tourne à son avantage et Charles le Téméraire y trouve la mort. Le duc de Lorraine attribut sa victoire à Saint-Nicolas et fait du saint, le patron de la Lorraine, ce qu’entérinera le pape Innocent X en 1657.

[1] Courant de pensée n’accordant pas à jésus le statut de Dieu attribué à son père, d’où négation de la sainte trinité.

[2] Pibon

[3] Au Luxembourg s’est le « Kleeschen » ou « Zinnikleeschen », le père fouettard est le « Housecker »

 

Son fils, le duc Antoine confirmera par lettres patentes ce patronage de Saint-Nicolas, ce qui amena de plus en plus de confréries, d’hôpitaux et de chapelles à se placer sous la protection de Saint-Nicolas.[1]  Il est devenu en Lorraine et dans le monde germanique tout proche, un saint très populaire, beaucoup de petits enfants l’eurent comme patron, comme prénom, et les Nicolas ou Nicole ne se comptèrent bientôt plus, tant ils furent nombreux, d’ailleurs se prénom est encore une valeur sûre aujourd’hui. Il donna aussi tous les Colas et tous les dérivés que sont : Collin, Collignon, Collort, Collard …

Dans la légende de Saint-Nicolas existe l’histoire de trois jeunes filles qu’il avait dotées afin que leur père indigne et « gripsous » ne les livrent pas à la prostitution. Il devint donc logiquement le protecteur de la vertu des jeunes filles et de celles des jeunes femmes à marier.

Sa légende accrédite aussi l’histoire de ces trois officiers échappant à une mort certaine par le prêche de Saint-Nicolas en leur faveur, elle cite aussi de nombreux miracles extraordinaires de délivrance et d’accidents évités grâce à son invocation. Il deviendra aussi le patron des navigateurs car il avait sur sa seule invocation, sauvé du naufrage, Saint-louis et la reine de France, qui revenaient de croisade en 1254, la reine offrit une nef d’argent à la basilique de Saint-Nicolas-de-Port en souvenir de ce sauvetage. Il fut ainsi le patron des voyageurs et des flotteurs de bois qui descendaient la Moselle, Jeanne d’Arc elle même s’arrêta à Saint-Nicolas-de-Port en 1429 avant d’aller sauver la France des Anglais.

Dès le 12ème siècle, Saint-Nicolas est déjà le patron des écoliers et des clercs comme en fait état un texte de la bibliothèque nationale.[2]

Enfin, il fut le grand patron des enfants puisqu’il ressuscita nous dit-on, les trois petits enfants coupés en morceaux par un terrible boucher, ce qui donna la chanson bien connue de tous : « Ils étaient trois petits enfants… » dont voici les paroles :

[1] Dans le diocèse de Toul  plus de 180 monuments lui sont dédiés et plus de 64 paroisses lorraines sont sous sont patronage

[2] BN Lat 1139 Folio 46

Image d'Epinal

Image d'Epinal

Ils étaient trois petits enfants

Qui s'en allaient glaner aux champs

Tant sont allés, tant sont venus

Que vers le soir se sont perdus.

S'en sont allés chez le boucher :

"Boucher, voudrais-tu nous loger ?"

"Entrez, entrez, petits enfants,

Y'a de la place assurément."

Ils n'étaient pas sitôt entrés

Que le boucher les a tués,

Les a coupés en p'tits morceaux

Mis au saloir comme un pourceau.

Saint Nicolas au bout d'sept ans

Vint à passer dedans ce champ,

Alla frapper chez le boucher :

"Boucher, voudrais-tu me loger ?"

"Entrez, entrez, Saint Nicolas,

Y'a de la place, il n'en manque pas."

Il n'était pas sitôt entré qu'il a demandé à souper.

"Voulez-vous un morceau d' jambon ?"

"Je n'en veux pas, il n'est pas bon."

"Voulez-vous un peu de rôti ?"

"Je n'en veux pas, il n'est pas cuit.

Du p'tit salé, je veux avoir

Qu'il y a sept ans qu'est au saloir."

Quand le boucher entendit ça,

Hors de la porte il s'enfuya.

"Boucher, boucher, ne t'enfuies pas,

Repens-toi, Dieu te pardonnera."

Saint Nicolas alla s'asseoir

Dessus le bord de son saloir :

"Petits enfants qui dormez là,

Je suis le grand Saint Nicolas."

Et le Saint étendit trois doigts,

Les petits se levèrent tous trois.

Le premier dit : "J'ai bien dormi."

Le second dit : "Et moi aussi."

Et le troisième répondit

"Je croyais être au Paradis."

Il est célébré dans toute l’Europe et la Russie s’est placée sous son patronage, il y a fort longtemps. La Lorraine l’a choisi depuis le moyen-âge et à Saint-Nicolas-de-Port on chante encore le cantique :

Saint-Nicolas, ton crédit, d’âge en âge, a fait pleuvoir des bienfaits souverains, viens, couvre encore de ton doux patronage, tes vieux amis, les enfants de Lorraine

Donc tous les 6 décembre, Saint- Nicolas vient offrir aux enfants, aux écoliers, des présents pour les récompenser de leurs efforts et les inciter à être gentils et serviables aux parents et aux autres. Aujourd’hui, il passe encore dans les écoles maternelles et défile dans les rues de nos villes faisant la joie des petits mais aussi des grands, le coeur empli de nostalgie.

Vous me direz que j’ai oublié un autre personnage, compagnon rituel de Saint-Nicolas, je veux parler du « Père Fouettard ».

Ce personnage est apparu bien plus tard dans l’histoire de Saint-Nicolas et son apparition n’est pas très bien documentée. Toutefois, il semble qu’il ait été associé au grand saint après 1552. Avant cette date, Saint-Nicolas venait seul, mais en 1552, Charles Quint vint mettre le siège devant Metz.

Le moral des messins étaient bas et la corporation des tanneurs eut l’idée d’inventer un personnage rébarbatif armé d’un fouet qui poursuivait dans les rue de la ville, les jeunes garçons et jeunes filles afin de les divertir des affres du siège qui dura jusqu’en janvier 1553.[1]

Après la levée du siège et pour fêter cela, une fois l’an, les tanneurs faisaient courir les rues à leur personnage, poursuivant les enfants. Au fil des années, il advint que cette évocation de Charles Quint tomba en même temps que la Saint-Nicolas et on prit l’habitude de les faire défiler en même temps, le père fouettard était né et devint le pendant du saint, aux enfants sages les friandises, aux enfants moins sages les menaces de coups de bâton.[2]

[1] Le siège dure d’octobre 1552 au début janvier 1553. L’armée de Charles Quint est décimée par le typhus et par les désertions, rien ne va dans la conduite des opérations, le temps est exécrable et Charles Quint malade abandonne le siège début janvier, se repliant sur Thionville

[2] C’est une des hypothèses, il y en a d’autres.

A notre époque où tout doit être sous contrôle, où la peur de traumatiser justifie toutes les précautions, à notre époque, où la norme, les normes, le principe de précaution, le politiquement correct cadrent et encadrent toute notre société, le père fouettard se voit interdire de visiter certaines écoles maternelles, les défilés… Pour certains extrémistes de la pensée unique, on lui nie même le droit d’exister. J’ai connu, comme des milliers et sans doute des millions d’européens, bien des « pères fouettard de Saint-Nicolas »[1] sans en être le moins du monde traumatisé. Alors, avant de passer à la trappe nos coutumes ancestrales, juste un peu de réflexion et de bon sens. Il est bien plus traumatisant pour un petit enfant de voir la violence de notre société dans beaucoup de domaine s’étaler à la télévision que de voir un « père fouettard » qui ne fouette jamais, frayeur vite effacée par la présence du bon Saint-Nicolas.

[1] Père fouettard de comédie

Statue en bronze de Saint-Nicolas devant l'église Saint-Nicolas de Bari (Italie) 2011

Statue en bronze de Saint-Nicolas devant l'église Saint-Nicolas de Bari (Italie) 2011

Sources :

Saint Nicolas Jean Marie Cuny 1978

Les photos: collection Michel Persin

Commenter cet article