Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Thionville – Confréries et corporations (2ème partie)

Publié le par Persin Michel

Les corporations du moyen-âge et celle de la période dite de l’ancien régime sont nombreuses et relativement puissantes, principalement dans les grandes villes où souvent le prévôt des marchands est aussi le maire ou à minima son alter égo.
La société d’ancien régime que l’on peut faire débuter au début du 16èmesiècle possède des caractéristiques bien tranchés.
La religion :
En premier lieu, c’est une société catholique qui est alors une religion d’état, la monarchie est de droit divin. 
La religion est la poutre maîtresse de la société. Elle accompagne chaque individu du berceau à la tombe et les confréries associées aux corporations en sont un maillon important. 

Les prêtres et les pauvres curés de campagne, s’ils n’ont pas accès aux conseils municipaux constituent, dans l’ensemble qu’est la paroisse, une contrepartie fondamentale. Ils ont l’éducation et les connaissances juridiques avec les contacts et l’oreille des nobles, leur poids est considérable. Bien souvent quand une école existe, ce sont eux, les religieux, qui ont en la charge.
Et pourtant  "Les racines chrétiennes de la France et de l’Europe" 
font encore débat

 

Je suis l'Alpha et l'Oméga
La coutume :
Ensuite, cette société d’ancien régime est essentiellement régit par la coutume qui est considérée comme étant le « vrai droit » de la cité et du pays. Cette coutume est bien plus ancienne que l’ancien régime, elle s’est élaborée au cours des temps et les habitants y sont très attachés à tel point qu’à chaque changement de gouvernance, le nouveau venu s’est empressé de reconduire « la coutume » afin de ne pas brusquer le cours des choses.
C’est elle qui régit la vie de la cité et la façon d’y traiter les affaires. Après la prise de Thionville en 1643 par la France, Louis XIV a reconduit la « Coutume » même si lentement, il l’a petit à petit, rendu inopérante.

 

 
Le corporatisme :
L’ancien régime héritier direct du moyen-âge était une époque où l’individu ne comptait guère, isolé on n’était rien ou si peu. Pour être, il fallait faire partie d’une assemblée, d’un groupe, pouvoir être vu comme pouvoir, contre-pouvoir car en face de vous se trouvait d’autres assemblées, d’autres groupes. L’affiliation à une corporation était obligatoire et celle à la confrérie associée allait de soi.
Il existait dans la ville, plusieurs groupes ou corps différents et souvent concurrents:
  • Les nobles, peu nombreux, habitant généralement la campagne, ils possèdent pour leurs affaires, pour leurs commodités, des maisons particulières dans la ville, pour Thionville principalement dans la cour du château ou proche de l’église paroissiale.
  • La paroisse avec son clergé
  • La municipalité avec ses officiers, ses notaires, juges, lieutenants divers, ses greffiers, ses huissiers, ses sergents, son bourreau.
  • Les corporations de marchands, d’artisans et de métiers particuliers souvent rattachés. Corporations en lien étroit avec la paroisse au travers des confréries.
  • Il existait aussi des individus qui n’entraient pas dans ce schéma, je veux parler ici des très pauvres vagabonds, saltinbanques et colporteurs, juifs et hérétiques. Pour eux c’étaient l’errance, l’interdiction, l’emprisonnement, la relégation.
Tous ces groupes travaillaient ensemble et se contrôlaient, tissant des liens plus ou moins serrés, créant de même des inimitiés et des rancoeurs tenaces.
Cela décrit bien l’organisation de la ville de Thionville qui possèdait en plus quelques particularités que nous allons voir de suite au travers d’une des corporations les plus riches de la ville au 17èmeet 18èmesiècle, celle des Cordonniers-Tanneurs.[1]
Je pourrais aussi dire des Tanneurs-Cordonniers sans qu’aucune n’est la préséance sur l’autre, car à Thionville les tanneurs font aussi le métier de cordonnier et les cordonniers aussi celui de tanneur.
 

[1]On peut aisément le croire dans une ville de garnison et où les villages alentours sont exclusivement agricoles et où toutes les activités sont grosses consommatrices de cuir.

En 1696, Louis XIV toujours à court d’argent, confia à Charles René d’Hozier conseiller du roi, généalogiste du roi, juge des armoiries de France la charge de répertorier, de créer et même d’imposer à tout un chacun, comme aux couvents et corporations, un blason moyennant la délivrance d’un certificat contre 20 livres tournois. 
La corporation des Tanneurs-Cordonniers de Thionville se vit donc imposer le blason ci-contre, qu’elle n’utilisa jamais, comme la plupart des autres corporations qui utilisèrent la plupart du temps leurs marques de métiers spécifiques et bien plus anciennes.
« D’azur au chef d’argent chargé d’une billette d’azur »

 

Dans la plupart des villes, les tanneurs et les cordonniers dont les métiers sont différents étaient donc groupés au sein de corporations distinctes.
La logique voulait que les tanneurs fournissent en peaux déjà tannées les cordonniers chargés d’en faire des souliers, tabliers, ceintures, sacs, courroies et autres brides. 
Or, un document daté du 13 novembre 1708, nous apprend qu’à Thionville contrairement aux villes voisines, les tanneurs exercent aussi, impunément, le métier de cordonnier et réciproquement et que cet usage a été toléré mal à propos depuis des années car il est contraire aux différents métiers et au bien publique. Les taxes et impositions se font de manières différentes envers ces deux métiers et donnent un avantage aux tanneurs qui maitrisent la matière première, pouvant ainsi, vendre des souliers moins chers et parfois de meilleures qualités que les cordonniers. Ceux-ci n’ont alors plus assez de travail pour faire vivre leur famille.
Extrait de l'acte en question

Extrait de l'acte en question

L’acte en question vise à remédier à cette dérive et confie aux sieurs Mathias Bonjean, conseiller et assesseur de l’hôtel commun (de ville) et André Wolkringer, marchand tanneur, la mission de séparer les deux corps de métiers et de conduire cette affaire, en précisant bien que les membres de la confrérie qui continueront à exercer les deux métiers seront considérés comme mutins et en conséquence pourront être poursuivi.
Les sieurs Bonjean et Wolkringer ayant pouvoirs délégués de poursuivre en justice aux noms des deux corps, tanneurs et cordonniers.
Les membres des deux corps ont signé cet acte.
Nous pouvons y relever les noms suivants (à l’orthographe prêt et tous métiers confondus) :
André Wolkringer (Tanneur)
Michel Léonard le jeune
Zacharie Clerf
Jean Médar (signe)
Jean Merlinger
Jean Gascher (cordonnier)
Nicolas Goffin (signe)
Adam Arnould (signe)
Jean Thibault le jeune (signe)
Nicolas Cune (signe Qunne)
Chaude Jaunage
Martin Fock (Signe Foc)
Simon Villain 
Pierre Ernest
René Londres
Nicolas Touvion
Georges Sommeny
Claude Michel
Georges Mazillon
Jean Weiler
François Jessier
Philippe Clément
Adam Poiret Pierre Jean
Nicolas Mozeller
Simon Champion
Nicolas Collebrand
Pierre Rossignon (signe)
Signe également un certain Pierre Merling qui n’apparaît pas dans la liste des confrères, peut-être un ascendant lointain de la famille Merlin, illustre à Thionville, qui aurait eu une responsabilité au bailliage ou à l’hôtel de ville comme les ancêtres connus du célèbre conventionnel.
Cette liste bien fournie montre l’importance de ces métiers qui semblent bien avoir travaillé dans cette confusion des genres depuis de nombreuses années comme l’atteste un acte du 15 février 1663 précisant l’échange de leur maison de métiers, celle du corps des métiers de tanneurs et de cordonniers avec une autre maison en la ville de Thionville.
Nous verrons cet acte en détail dans le prochain article [1]
 

[1]Contraintes dues au format du blog

Sources:

Actes notariaux aux ADM du notaire Helminger 3e7520-7538L

Les corporations de métiers à Thionville - JM Yante - Juin 2008 (article) AMT

 

Commenter cet article