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1737-1760 THIONVILLE Construction de l'église Saint-Maximim (1ère partie)

Publié le par Persin Michel

Nous avons vu dans l’article précédent l’ancienne église Saint-Maximim et la chapelle Saint-Michel dite de l’ossuaire, accolée à cette église. Cette église s’était dégradée et ne pouvait plus contenir l’ensemble des paroissiens de la ville y compris la garnison.

La ville rachètera en 1755, les maisons des sieurs de La Roche, Limbourg et le jardin du sieur de Latouche [1] .  Toutefois, avant d’en arriver à l’achat de ces maisons, et à la construction de la nouvelle église Saint-Maximim, il y eut tout un processus que je vais dérouler ci-dessous :

Toutes les visites pastorales [2] de l’ancienne église de Thionville pointent l’impossibilité d’accueillir l’ensemble des paroissiens à cause de la petitesse de l’église et toutes signalent également un ensemble de problèmes liés à sa vétusté. Tout le monde s’accorde donc sur la nécessité d’agrandir cette église.

De plus, nous sommes encore assez proches de la cession de la ville à la France [3] et l’administration civile et religieuse n’est pas encore finalisée. Ainsi en 1733, on interdira trois confréries de Thionville, Saint-Sébastien, Saint-Roch et Saint-Antoine car les habitants se pressent aux cérémonies de ces confréries, se forment en défilés armés et parcourent la ville, perturbant  le calme de la cité.

 

[1] Marie Madeleine le Brun veuve de Jean François de la Roche Girault , écuyer et seigneur de Bétange, ancien capitaine d’infanterie. Jacques François de la Roche Girault, écuyer et seigneur de Bétange, commissaire d’artillerie à Thionville et enfin Suzanne de la Roche Girault.

Le sieur Limbourg était procureur du roi en la maitrise des eaux et forets.

Le sieur de Latouche était conseiller du roi au bailliage.

[2] De 1721 à 1751

[3] Prise en 1643, cédée en 1659

 

Toujours en 1733, la paroisse de Thionville se verra dorénavant imposer des religieux et curés d’origine française et l’abbé de l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves,

qui nommait les prêtres et curés de Thionville, car il était le collateur et décimateur de la paroisse, se voit contester dans ses choix.

 

L'abbaye Saint-Maximim de Trêves au 17ème siècle (Internet)

L'abbaye Saint-Maximim de Trêves au 17ème siècle (Internet)

Malgré cela l’affaire de l’agrandissement de l’église se précise, le sieur de Creil qui est l’intendant et commissaire de la généralité de Metz depuis 1723, écrit le 3 avril 1737 à son subdélégué de Thionville la lettre suivante :

« J’ai bien reçu votre courrier du 28 mars avec les plans que je vous avez demandés concernant l’église, j’en ai conféré avec monsieur Thiersant, curé de Thionville.

Il faudra s’en tenir pour l’agrandissement à la maison de monsieur de la Roche, ce parti convient mieux que l’autre, mais il y a un préliminaire indispensable à observer avant toutes autres choses, c’est qu’il faut avoir le consentement par écrit des abbés et religieux (de Saint-Maximim de Trêves) pour la dépense de la réédification et agrandissement de l’église qui les regarde ou une condamnation qui les y oblige et pour cela il faut commencer par une sommation judiciaire de la part des différents ordres et paroissiens de Thionville, à moins que vous ne preniez le parti, attendu que vous connaissez ces religieux, de leur écrire pour savoir leur résolution là-dessus, peut-être se détermineront-ils volontairement à se porter à cette dépense, sinon on suivra l’autre voie.

Nous verrons ensuite à prendre les moyens les plus convenables pour la dépense qui regardera les paroissiens de Thionville.

Je vous prie de faire part de ce que je vous marque, aux officiers de l’hôtel de ville. »

Les officiers de l’hôtel de ville prévenus, se réunissent le 8 avril 1737, avec les membres du bailliage, le curé Thiersant, les notables et les maîtres de tous les corps.

L’assemblée constituée va proposer deux projets :

1er projet :

« Acheter la maison de monsieur de la Roche qui l’a acquise lui-même en 1733 de la succession des héritiers « Hugony » pour y faire construire par l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves, une nouvelle église dont l’entrée sera du coté du nord vers la maison du sieur Petit et dont on fournira le plan. »

2ème projet :

« Au cas ou le sieur de la Roche ne voudrait pas vendre sa maison, on agrandira l’église du côté du couchant, on y comprendra la maison d’école qui appartient à la ville et celle de la demoiselle Barthel, de monsieur Probst et consorts, dont on fera l’acquisition.

Si cela ne suffit point, on fera du côté du midi un collatéral qui comprendra le cimetière en son entier et un autre du côté du bord dans l’endroit où sont les trois chapelles de telle largeur qu’on pourra prendre. L’ancien clocher subsistera dans l’état où il se trouve, pour pouvoir faire le tour de l’église, on rétablira l’escalier ou la pente qui est à côté de la sacristie comme elle était d’ancienneté. 

Le tout approuvé, chaque corps en particulier et tous en général, ayant même promis pour ferme et stable ce que sera fait pour l’exécution de l’un ou l’autre des projets, il ne sera pas demandé d’octroi.[1]

Pour parvenir au paiement chacun y contribuera après y avoir employé les revenus et biens de la ville disponibles et particulièrement les coupes de bois. »

 

[1] La ville n’augmentera pas les tarifs des octrois situés aux portes de la ville

Voir la situation des maisons sur ce plan de 1750 (Collection Dominique Laglasse)

Voir la situation des maisons sur ce plan de 1750 (Collection Dominique Laglasse)

Le 4 mai 1737, l’intendant [1] à qui ont été envoyé les résultats, par le curé Thiersant, a autorisé le projet.

Les religieux et abbés de Saint-Maximim de Trêves ont été invités sous plusieurs formes et depuis le 25 février 1735 à faire l’agrandissement de l’église de Thionville, mais ils ne donnent pas suite, faisant la sourde oreille.

L’assemblée de l’hôtel de ville de Thionville réunie le 4 mais 1737, notifie qu’elle serait en droit de se pourvoir en justice ordinaire pour les y faire condamner, cependant comme on ne peut trop mettre en usage les voies de la douceur, il a été résolu que le sieur Gand, conseiller échevin, se transportera à Trêves avec le curé Thiersant pour communiquer les résultats et intentions de l’assemblée, pour les porter à s’exécuter, les paroissiens s’offrant de fournir le terrain convenable pour l’église nouvelle.

Au cas, où contre tout espoir, les religieux de Trêves refuseraient de rendre une réponse favorable par écrit, l’assemblée a donné au sieur Gand pouvoir de faire une sommation à l’abbé de Saint-Maximim de Trêves, signée par les officiers de l’assemblée.

 

[1] Depuis 1721 c’est Jean François de Creil de Bournezeau, baron de Brillac

Le 10 mai 1737, sommation est faite à l’abbé de Saint-Maximim de Trêves.

 

Le 15 mai, la réponse est négative donc le 17 juin 1737, l’assemblée de Thionville est résolue à envoyer une copie du dossier au sieur Desjardins [1], procureur au Parlement de Metz et de cette ville, pour prendre avis de trois avocats.

Le 22 juin, la consultation des avocats signée de Vannier, Vigum et Gabriel avocats à la cour, donne raison aux paroissiens de Thionville et les trouve fondés à former une demande contre Saint-Maximim de Trêves en qualité de curé primitif et gros décimateur. Les avocats conseillent de s’adresser en première instance au lieutenant général du bailliage de Thionville pour faire saisir les dîmes de Saint-Maximim de Trêves.

Le 26 juin, la ville se dit résolue d’agir en conséquence et de poursuivre jusqu’à l’arrêt définitif au Parlement de Metz, elle obtient l’approbation du subdélégué de l’intendant le 29 juin 1737.

Le 5 juillet 1737, monseigneur Claude de Saint-Simon, évêque de Metz prend l’ordonnance suivante :

« Vu le procès verbal de la visite de l’église de Thionville faite le 11 juin par le sieur Louis, curé d’Usselkirch et archiprêtre de Thionville, nous ordonnons que l’église sera agrandie de façon qu’elle puisse contenir commodément les habitants de la paroisse et attendu l’inexécution des ordonnances précédentes rendues par nous ou nos prédécesseurs, nous déclarons que l’église sera interdite de fait au 15 octobre 1737, nous exhortons les habitants de Thionville et nommément les magistrats et synodaux de faire toutes diligences possibles, afin d’y contraindre ceux aux frais de qui l’agrandissement doit être fait [2]. Nous retenons de l’interdiction la chapelle du Rosaire [3] dont le sieur Everling est titulaire. »

Le 9 juillet 1737, le même évêque écrit à monsieur Wolkringer, maire de Thionville :

« Vous devez avoir appris que j’ai rendu une ordonnance qui enjoint l’agrandissement de l’église de votre ville sous peine d’interdiction, afin que les officiers de l’hôtel de ville soient encore plus autorisés à faire les diligences nécessaires pour obliger les gros décimateurs à remplir leurs obligations. Vous devez être persuadé que j’emploierai tout ce qui dépend de moi pour soutenir mon ouvrage et vous procurer les moyens de faire exécuter mon ordonnance. Quand vous aurez besoin d’être à nouveau autorisé par monsieur l’intendant, donnez m’en avis et j’agirai auprès de lui. »

Mais voilà le temps passe et rien ne se passe côte Saint-Maximim de Trêve!

Il faut préciser que l’évêque Claude de Saint-Simon était en délicatesse avec le Parlement de Metz  et que souvent ces demandes n’avaient pas l’accueil espéré.

Le 7 novembre 1739, la chambre ou assemblée de Thionville se réunit avec le bailliage et les notables de la ville pour un point de la situation.

 


[1] Claude Desjardins procureur au Parlement de Metz depuis 1695

[2] On remarquera que l’abbaye Saint-Maximim n’est pas citée

[3]  La chapelle du Rosaire se trouvait au sous/sol du beffroi de Thionville.

Il ressort de cette réunion que le dossier n’a guère avancé, la ville a été déboutée, de sa demande de se pourvoir contre l’abbé prieur de l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves qui est le curé primitif et collateur de la paroisse et décimateur dans toute l’étendu du ban, par le parlement de Metz à cause de la jurisprudence qui y est pratiquée de tous temps.  En conséquence, elle va se pourvoir en cassation pour faire condamner l’abbaye à agrandir l’église et faire lever l’interdit qui est prononcé au 1er février 1740, car il a déjà été repoussé plusieurs fois.

Signé de :

Wolkringer, maire,

Brousse fils et Larminat, échevins,

Larminat et Metzinger députés du bailliage,

Soucelier, syndic,

Dumaire, receveur,

 Handry, Bonnaventure, Louis, Debatz et Hennequin notables.

Sceau de cire rouge de la ville de Thionville de 1739 (Photo Michel Persin)

Sceau de cire rouge de la ville de Thionville de 1739 (Photo Michel Persin)

Comme on le voit, la ville n’a guère de poids dans cette affaire et doit pour agir avoir l’aval du subdélégué de l’intendant, de l’intendant, du Parlement de Metz, du conseil du Roi et l’accord « écrit » de l’abbé de l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves sur le fait qu’il soit disposé à payer les travaux, la ville donnant le terrain.

Encore quelques  réunions et courriers à venir ! 

 

A suivre…

 

Archives municipales de Thionville. Notes Braubach BB8/14/22/27/34/3644

 

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