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thionville 18eme siecle

30/08/1705 Thionville-Volkrange: La fête au village (suite 0)

Publié le par Persin Michel

Nous avons vu la relation de l'incident du 30/08/1705 à la fête de Volkrange:

Quels étaient donc ces notables impliqués dans cet incident à la fête patronale de Volkrange  le dimanche 30 août 1705.

Nous allons commencer par la personne qui a porté plainte devant le bailliage, je veux parler de Jean Mathias Bock :

Jean Mathias Bock était seigneur foncier de Volkrange [1] et d’Algrange. Il fut aussi procureur du roi au bailliage de Thionville de 1699 à 1727 et subdélégué de l’intendant de Metz.  Il était né le 15 décembre 1664, il avait donc 41 ans lors de cette fête.

[1]  Pour la moitié seulement de la seigneurie.

 

Armoiries de la famille de Bock : De gueules au bouc d’argent,

Armoiries de la famille de Bock : De gueules au bouc d’argent,

La famille de Bock :

Cette famille était déjà connue vers l’an 1000, on la retrouve au 13ème siècle à Strasbourg qu’un de ses membres, Valentin de Bock, quitta pour suivre l’empereur Charles-Quint avec qui il participa à de nombreuses actions armées. Le 9 novembre 1532, il est fait chevalier et reconnu comme noble de l’empire avec droit de siéger et droit au grand chapitre. Ce titre fut confirmé le 17 juin 1617 par Henri, duc de Lorraine.

Ce Valentin de Bock devint seigneur de Vance et d’Autel proche d’Arlon [1]  il est à l’origine de la branche dite d’Arlon. Il épousa une sœur de Mathias Hilt, conseiller et ministre d’état du Luxembourg. Il en eut  au moins deux fils : Nicolas et Eustache

Eustache de Bock fut à l’origine de la branche des seigneurs de Pétrange [2]

Nicolas de Bock, est qualifié de chevalier, seigneur de Vance et d’Autel [3] dans un partage de 1586. Il épousa Nicole de Varck, fille du noble Michel de Varck. Ils eurent au moins deux fils 

Rutgen de Bock, seigneur de Vance  qui n’eut qu’une fille, c’est son frère Jacob qui continua la filiation.

 

[1] Preuves par le diplôme du 9 novembre 1532 et par des copies expédiées par le magistrat de Luxembourg du 28 juillet 1636 et plusieurs traductions. Toutefois la branche alsacienne ne reconnut la branche Lorraine que comme une famille homonyme.

[2]  Pétrange proche de Boulay

[3] La famille d’Autel était très puissante et alliée à de nombreuses familles nobles du Luxembourg dont probablement la famille de Bock par une épouse, mais le lien n’est pas établi formellement. Toutefois, il n’était seigneur qu’en partie et seulement pour une partie foncière du domaine. Par exemple, la seigneurie de Vance était détenue par plus de 10 familles qui n’en détenait qu’une petite partie.

 

Jacob de Bock, seigneur d’Autel marié à  Anne de Lutzerat. Ils eurent plusieurs enfants dont François de Bock né le 24 octobre 1586, chevalier qui vendit la terre d’Autel, il épousa Marie Vilthem [1] et eut avec elle, un garçon et une fille.

La fille, Félicité de Bock fut Dame de Marienthal, couvent au Luxembourg qui possédait des biens à Thionville -Voir le lien suivant

Le garçon, François de Bock, chevalier, né le 27 janvier 1619. N’ayant plus de biens au pays d’Arlon, la terre d’Autel ayant été vendue par son père, il vint s’installer à Thionville. [2]. Son installation à Thionville se fit peu avant la guerre de Trente ans, où il commerça le bétail autour de la ville pendant les sièges de 1639 et 1643, gagnant beaucoup d’argent.  Le 5 juin 1683, il achète à Jean François de Gévigny [3] la seigneurie foncière de Volkrange pour 1450 écus blancs soit 4350 livres tournois. Il acheta aussi une partie de la seigneurie foncière d’Algrange. Il eut plusieurs enfants dont :

Jean Nicolas de Bock, chevalier et seigneur d’Algrange, né le 20 février 1648, c’est lui qui fit reconnaître en France sa famille, prouvant son ancienneté et sa noblesse dont il obtint confirmation avec tous les privilèges associés par des lettres patentes données à Versailles le 6 septembre 1722 et enregistrées au parlement de Metz le 25 février 1723. Il fut lieutenant particulier au bailliage de Thionville et décéda le 14 avril 1699. Il épousa Agnés Marie Scharff, dont il eut plusieurs enfants.

Et notre protagoniste de l’incident à la fête de Volkrange :

Jean Mathias de Bock, chevalier, seigneur foncier d’Algrange et de Volkrange, né le 15 décembre 1664 et décédé sans enfant.

La généalogie de la famille de Bock montre ensuite des alliances avec d’autres familles de notables thionvillois comme les « Hue de Saint-Rémy », les « de Gargan du Chatel », les « Baudet de Puymaigre », les « Blanchard » qui sont tous à des degrés divers impliqués dans la vie militaire de la région et de la France en général ainsi que dans les charges civiles municipales, du bailliage ou/et du parlement de Metz. [4].

 

Pour les spécialistes et érudits qui liraient cet article, je tiens à signaler que dans  le livret de Sylvain Chimello « Le château de Volkrange et ses chatelains » paru en 1991, la généalogie qu’il donne en page 15 concernant Jean Mathias Bock est erronée. Il en est de même pour les notes « Christiany » des archives municipales. La généalogie que je donne ci-dessus est reconstituée d’après des documents notariaux originaux des archives départementales de la Moselle.

 


[1] La famille Vilthem ou Wilthem était affiliée à d’autres seigneurs de Vance.

[2]  On ne sait pas pourquoi la famille de Bock vint s’installer à Thionville où elle acheta ou hérita la seigneurie foncière d’Algrange.

[3] Capitaine retraité d’un régiment de dragons, seigneur de Meilbourg et grand bailli d’épée à Thionville sous Louis XIV. Il n’avait gardé cette seigneurie foncière qu’une seule année. Il l’avait achetée à Marie Madeleine de Siebricht Neursbourg.  (Sylvain Chimello Le château de Volkrange et ses chatelains 1991)

[4] Charges achetées comme souvent aussi leur grade dans l’armée, car à la base nous avons très souvent des familles bourgeoises enrichies dans le commerce.

 

 Au décès de Jean Mathias de Bock, n’ayant pas de descendance, la moitié de la seigneurie foncière dont il était propriétaire passa à Jean Emery de Boislogé [1] le mari d’Anne Fourot [2] pour la bonne raison qu’ils achetèrent à la famille cette seigneurie foncière. En sachant qu’Anne Fourot avait comme grand-mère maternelle Anne Françoise de Bock qui s’était mariée avec Bathélémy Fourot.

Avant de voir dans un prochain article, le co-seigneur haut-justicier et foncier de Volkrange, Jean de Pouilly et son fils François Issaïe de Pouilly directement impliqués dans cet incident puisque l’ayant en quelque sorte provoqué, regardons deux autres protagonistes de l’affaire, je veux parler des sieurs Jean Louis Larminat et François Nicolas Fringan.

Jean Louis Larminat :

Il avait fait l’université de Paris et fut reçu comme avocat au parlement de Metz le 13 mars 1684. Il a exercé au bailliage de Thionville comme avocat et comme receveur des amendes, vacations et épices du bailliage. Il deviendra subdélégué de l’intendant. Il fut aussi nommé le 20 juin 1705, procureur fiscal pour François Issaïe de Pouilly [3]. Marié à Marie Helminger, il aura en 1686, un fils Louis Larminat. Il décéda à Thionville le 1er novembre 1709 soit 4 ans après l’incident de Volkrange.

Son fils Louis Larminat fit ses études à Reims puis devint avocat au parlement de Metz le 15 août 1709 et succéda rapidement à son père comme subdélégué de l’intendant dont il fut aussi conseiller à partir de 1714.

La famille Larminat portait comme des armoiries :

D’azur au pal d’argent, chargé d’un tourteau d’Azur.

François Nicolas Fringan :

Il fut subdélégué et lieutenant particulier des eaux et forêts au bailliage de Thionville où il mourut le 23 octobre 1752 à 75 ans.

Son fils Pierre Fringan fut lui aussi subdélégué et lieutenant général civil et criminel au bailliage de Thionville. Il décéda en 1779.

Dans notre prochain article nous verrons la Famille de Pouilly dont jen  et son fils François Issaie furent seigneur haut-justicier et moyen et bas foncier pour moitié de Volkrange, Metzange et Beuvange.

(à suivre)

 


[1]  Chevalier de Saint-Louis, maréchal des camps et armées du Roi. Lieutenant-général commandant l’artillerie dans les trois évéchés.

[2] Contrat de mariage du 26 décembre 1696 à Thionville

[3]  Le 8 août 1705, lors de l’incident à la fête de Volkrange, il était donc déjà procureur fiscal de la haute justice de Volkrange.

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1707 - THIONVILLE - Réception d’un boulanger

Publié le par Persin Michel

Avant de prendre un peu de vacances en septembre, une nouveauté dans mon blog et un petit article sur la réception d’un boulanger thionvillois au sein de la corporation des boulangers-patissiers de la ville.

 

La nouveauté, c’est que vous pouvez me contacter pour des demandes ou des avis divers à l’adresse mail suivante :

 

Boulangerie au 18ème siècle

Boulangerie au 18ème siècle

Réception d’un boulanger

 

Voici la transcription d’un acte notarié passé à Thionville le 27 septembre 1707 devant maître Augustin, notaire royal de Thionville.

 

« Furent présents en personne ,les maîtres du corps des boulangers et patissiers de la ville, lesquels ont dit que Félix Will, marchand bourgeois de la ville, se serait présenté à eux pour être reçu et agréé dans leur corps, sur quoi et ayant eu une assemblée convoquée de tous les confrères du même métier, ce jourd’hui à une heure de relevé (13h), dans laquelle tout le corps ayant conféré ensemble et délibéré sur la requête du sieur Will, ils ont d’une voix unanime dit et déclaré consentir à la réception du nouveau confrère.

 

C’est pourquoi, ils vendent et concèdent par les présentes ledit métier de boulanger et patissier de cette ville, audit Félix Wil,l présent et acceptant pour eux, Madeleine Ham sa femme, ses hoirs et ayant cause, aux régles, usages, statuts et ordonnancement dudit corps à tout quoi, il promet de se conformer sans aller, ni faire au contraire, directement ni juridiquement.

 

A charge pour lui de payer les droits de la réception ordinaire et accoutumés ainsi qu’ont fait tous les aspirants audit corps des boulangers-patissiers.

 

Il devra faire le chef d’œuvre incessamment et au plus tard dans les deux mois de la manière et en la forme ordinaire présentée par le règlement du corps.

 

La présente concession sera faite et accordée pour et moyennant la somme de 300 livres tournois et payable par le sieur Will entre les mains des maîtres en son office, à savoir 50 livres incessamment, 50 livres l’année suivante, 100 livres le jour de la Saint-Michel, patron du corps des boulangers-patissiers, le 29 septembre 1709 et 100 livres à la Saint-Michel 1710, engageant généralement tous ses biens meubles et immeubles, présents et à venir.

 

Pour preuve de sureté est aussi comparu en personne, le sieur Jean Bernard Ham, marchand boucher, de cette ville et beau père du sieur Will.

Lequel, sieur Ham, nous a dit se porter fort pour son beau fils et prêt à payer les termes de la somme de 300 livres et d’engager personnellement ses biens comme cautionnement »

 

Suivent les signatures des boulangers-patissiers de la ville  en copie ci-dessous.

 

La page des signatures.

La page des signatures.

Sur 26 boulangers présents seuls 2 ne savent pas signer ce qui en 1707 est plutôt valorisant pour le métier. Il est amusant aussi de voir que le sieur Rosar  associe à son nom, un petit dessin de fleur, une rose sans doute !

 

Quant à la somme de 300 livres tournois payable en 4 fois et s’étalant de 1707 à 1710, elle représente la valeur suivante :

1 livre tournois valait en 1707 environ 0,38g d’or fin, soit une valeur actuelle de 3700 €.

 

Pour mémoire un ouvrier aux forges de Hayange gagnait 300 livres dans son année en 1787

 

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1705 – Thionville : Rubrique faits divers

Publié le par Persin Michel

 

A l’époque, pas de journaux, pas de rubrique faits divers, mais des procès-verbaux d’enquêtes faites  par le  bailliage  dans le cadre d’incidents, d’accidents ou autres atteintes à l’ordre public.

 

Ces procès verbaux écrits à la hâte sont particulièrement difficiles à lire et à interpréter, toutefois en voici deux que vous trouverez transcrits en langage courant, les textes d’origine étant encombrés de redites et de termes juridiques du début du 18ème siècle, encore compliqués par la fâcheuse habitude prise par les nouvelles autorités française (Thionville n’est française que depuis une cinquante d’années) de traduire les noms propres d’origine luxembourgeoise ou allemande en français !

 

Un homme enseveli par l’effondrement d’une cheminée

 

Le 26 février 1705, une certaine Madeleine Boyon fait avertir les autorités du bailliage en la personne d’Etienne Hue de Saint-Rémy, conseiller du Roi, lieutenant général civil et criminel de ce siège, que son beau-frère, Dominique Maréchal, manouvrier à Thionville étant allé à la pêche près de la redoute qui est vis à vis du moulin de la ville [1], est entré dans cette redoute pour y prendre du feu dans la cheminée et ainsi allumer sa pipe. Mal lui en prit, car à ce moment le plancher et la cheminée de la redoute, se sont effondrés, l’ensevelissant sous les gravats. Des maçons qui travaillaient là, sont venus à son secours, l’ont déterré et trouvé mort.

 

Nous avons donc dépêché sur place notre huissier  et le sieur Metzinger, chirurgien juré de la ville pour examiner le corps.  Le cadavre fut trouvé sur place et examiné, il ne présentait ni blessures, ni meurtrissures, mais l’ayant fait déshabillé, il fut trouvé sur son corps, sous sa chemise, dans ses bas, sous sa ceinture, des débris de chaux et de ciment. De plus  une grande partie du haut de son corps était de couleur violette et pourpre ce qui laisse penser qu’il a été étouffé et a suffoqué sous les gravats de la cheminée comme le laisse à penser plusieurs témoignages de personnes l’ayant tiré de dessous les gravats. Son corps a été conduit à la conciergerie du bailliage dans l’attente du témoignage des témoins

 

Témoignages :

 

François Delhaye, brasseur à Thionville, âgé de 42 ans, témoin assigné qui confirme ne pas être de la parenté du mort, ni à son service puis dépose qu’il ne sait rien de l’accident mais qu’il peut dire que Dominique Marchal était un honnête homme, catholique et qu’il avait fait dimanche passé, ses dévotions à l’église des capucins. [2]

 

 

 

[1] Le moulin se trouvait vers la place Marie-Louise où existe toujours les bâtiments du moulin « Nouviaire ». Là se trouvait la porte de Metz.

[2] Ce témoin  qui ne sait rien de l’accident est un témoin de moralité.

Michel Kaikin, maçon de Thionville, âgé de 55 ans, témoin assigné, dépose que  ce jour, vers les 10 ou 11 heures du matin, il travaillait avec d’autres à la démolition de la redoute qui se trouve proche du moulin de la ville. Il fut surpris d’entendre un grand bruit qui provenait d’une cheminée et d’un décombre du plancher qui venait de tomber.

 

Etant allé voir si cet abattement de cheminée n’avait pas été cause de quelques malheurs, il accourut avec d’autres et trouva un petit garçon, un fils de Nicolas Virt, qui était enterré sous les décombres qui venaient de tomber. Il n’avait que la tête qui dépassait dehors les gravats et nous dit d’une voix étouffée que d’autres personnes étaient encore sous les ruines du bâtiment. Avec les autres personnes accourues, nous ôtèrent sur le champ des briques et des pierres et on retira des ruines de la redoute, le petit garçon.

Celui-ci nous expliqua qu’il y avait un grand homme avec un habit de tirtaine [1] qui était venu allumer sa pipe et qui avait eu le malheur de rester sous les ruines. Avec les autres personnes nous enlevèrent encore des gravats et des pierres où l’on trouva le corps dudit Dominique Maréchal qui était un homme de bonne vie et mœurs, de religion catholique et que ce fut un accident que sa mort.

 

Jean Chastelin, bourgeois de Thionville, âgé de 62 ans, après avoir prêté serment de dire la vérité et de dire qu’il n’était pas famille, ni serviteur, ni domestique des parties dépose qu’il est accouru comme les autres quand il a entendu le bruit de la cheminée et des décombres de la redoute qui sont tombés. Quand il est arrivé, il fut surpris de voir un petit garçon qui était enseveli sous les ruines du bâtiment, lequel ne pouvait parler qu’avec peine, mais revenu à lui, il nous déclara qu’il y a avait encore 2 personnes sous les ruines. Aussi nous fûmes quelques temps à dégager les gravats et nous trouvèrent un autre petit garçon, qui lui avait perdu la parole et ne la retrouva que lorsqu‘on lui donna à boire. Une fois revenu à lui, il nous dit qu’il y avait encore un grand homme sous les ruines. Avec les témoins sur place nous enlevèrent encore des briques et nous trouvâmes ledit Dominique Marchal qui était mort étouffé sous les ruines du bâtiment. Il était un bon catholique qui avait encore fait ses dévotions dimanche passé.

 

Jean Pultier, maçon de Thionville, âgé de 44 ans après son serment de dire la vérité, expliqua qu’il connaissait Dominique Marchal, que c’était un bon catholique, qu’il fréquentait souvent les églises et les sacrements et que sa mort était arrivée par accident imprévu car il était présent quand la cheminée était tombée sur son corps. Il dit avoir aidé a le déterrer et à le sortir des ruines de la redoute mais qu’il ne sait rien de plus.

 

Après avoir entendu tous ces témoins, il a été décidé par le lieutenant général civil et criminel, Etienne Hue de Saint-Rémy, que le cadavre du sieur Dominique Marchal, serait enterré en terre sainte [2], avec les cérémonies ordinaires et accoutumées.

 

NB : Toutes les affirmations sur la religion catholique de Dominique Marchal, sur sa conduite de bon chrétien et sur la nature accidentelle de sa mort, n’avaient d’autre but que de permettre sa sépulture au cimetière paroissial.

 

[1] Tissu grossier fait de coton, de lin et de laine mélangés aussi appelé Tiretaine ou tritaine.

[2] C’est à dire au cimetière paroissial.

Une affaire d’enfant naturel et de violences

 

 

Il se trouve que quelque temps avant cet accident, le 7 janvier 1705, une autre enquête conduite par le même lieutenant général civil et criminel, Etienne Hue de Saint-Rémy, a mis en cause le domestique du premier témoin dans cette affaire d’accident, je parle ici du témoin de moralité, François Delhaye, brasseur à Thionville, âgé de 42 ans.

 

L’objet de l’enquête est de savoir qui est le père d’un enfant et s’il est l’auteur des violences commises envers la mère de l’enfant.

 

La mère se trouve être Anne Marie, jeune fille « imbécile » au service de Rémy Suisse [1], laboureur à la cense de Vonnerhof (Marienthal) et le père supposé et auteur de violences envers Anne Marie se trouve être George Laurent [2], valet et domestique de François Delhaye, brasseur à Thionville. Pour arriver à la vérité plusieurs témoins furent entendus, voici ce qu’il déclarèrent : (Toute l’enquête est menée en langue germanique)

 

Anne Augustin, sage femme âgée de 60 ans et demeurant à Guentrange qui après les formules d’usage précisant qu’elle n’est liée en aucune façon aux parties dépose qu’il y a 10 ou 12 ans qu’elle connaît Anne Marie pour lui avoir vu garder les troupeaux de la cense de « Vonnerhof ». Il y a environ 2 mois, ayant perdu un veau, elle a parlé à Anne Marie pour lui demander si elle ne l’avait pas vu, c’est à cette occasion qu’elle s’est aperçue qu’elle était enceinte à la grosseur de son ventre. Cela l’engagea à lui demander qui était l’auteur de sa grossesse, après biens des difficultés, elle dit que la vérité était qu’elle était enceinte des œuvres de George « Goeury ». Après les couches, c’est elle qui apporta l’enfant, un garçon, à la ville, où il fut baptisé à l’église paroissiale et ce qui l’engagea à porter cette enfant à l’église c’est que sur son lit de couches, encore alitée, Anne marie lui confirma que le père était bien George « Goeury ». Bien entendu elle à toujours su qu’Anne Marie était « imbécile » d’esprit et que ce n’était pas la première fois qu’elle se laissait engrosser puisqu’il y a 3 ou 4 ans qu’un garçon du « Quartier du Roi » (Terville), aujourd’hui parti à la guerre l’avait pareillement engrossée et que l’enfant était actuellement chez la mère du soldat qui se chargeait de l’élever.

 

Rémy Suisse, laboureur, à la cense de Vonnerhof, âgé de 60 ans qui après le serment et les formules d’usage, dépose qu’ Anne Marie demeure chez lui depuis 10 ans et que pendant tout ce temps, il s’est aperçu qu’elle était « imbécile » et faible d’esprit et que depuis qu’elle est à son service, elle a fait deux enfants à savoir un premier avec un certain Jean du « Quartier du Roi » actuellement absent car au service du Roi et le deuxième avec George « Goeury » qui est l’objet de cette plainte. Il sait qu’il travaillait dans une vigne proche qui appartenait à François Delhaye, brasseur à Thionville, et qu’il appelait souvent Anne Marie qui gardait son troupeau pour lui donner du pain blanc et de la bière, qu’elle ramenait à la cense.Quand je lui demandais qui lui avait donné ce pain et cette bière, elle répondait que c’était George « Goeury ». Je lui ai demandé qui l’avait  engrossée cette fois ci, ne voulant pas répondre, je dus la menacer de la renvoyer pour qu’elle me dise qu’un jour gardant le troupeau, elle fut appelée par George « Goeury » qui travaillait à la vigne, quand elle arriva près de lui, il la renversa sur un fagot de ceps de vigne et la connu charnellement.

Rémy Suisse dit alors qu’il avait eu envie de la chasser de sa maison, mais que c’est monsieur le procureur du Roi qui lui avait dit de n’en rien faire. Il l’a donc gardée par charité et l’a fait soulager lors de ses couches, en appelant la sage femme qui arriva après que l’enfant soit né. Mais pendant le plus fort de ses douleurs, elle a toujours dit, n’avoir pas connu d’autre homme et que le père de l’enfant était George « Goeury ».

 

 

Marguerite Koch, femme de Rémy Suisse [3], âgée de 50 ans, dépose qu’elle vit dans sa maison depuis 10 ans et qu’elle a toujours su qu’elle était faible d’esprit et incapable de faire la moindre chose qui soit conforme au bon sens. De plus, elle a la facilité de se faire engrosser par les garçons, tout d’abord par un garçon de Terville qui lui a fait un enfant à la garde de la mère dudit garçon et maintenant, la malheureuse s’est laissée engrosser par l’accusé, George « Goeury », valet du nommé François Delhaye. Pressée de question elle me raconta la même chose qu’à mon époux et s’il est vrai de depuis sa grossesse je n’ai pas vu de familiarité entre Anne Marie et ledit George « Goeury », il est vrai aussi que l’accusé se sentant offensé avait attendu Anne Marie qui se rendait à l’église de Guentrange et l’avait battue et maltraitée à grand coups de bâton et qu’il l’aurait assommée si l’on n’était pas venu à son secours. Voilà ce qu’elle sait de l’affaire.

 

 

Anne (illisible), jeune fille servante à Rémy Suisse dépose qu’elle a vu Anne Marie pendant l’été qui causait dans une vigne qui appartenait au nommé Delhaye, avec l’accusé qui lui donnait du pain blanc qu’elle ramenait à la cense. Qu’un jour de dimanche, George « Goeury », croyant que personne n’était au logis, était venu à la cense voir Anne Marie, de sorte que sur le bruit qu’elle entendit, elle se rapprocha et elle a entendu et vu que l’accusé lui donnait des coups de bâtons en lui disant : « Pourquoi dis tu que c’est moi qui t’as rendu enceinte, je t’ai donné autrefois du pain blanc et de la bière à boire, une autre fois tu n’auras rien ». Cela en continuant à la maltraiter, Anne Marie fut obligée de se sauver derrière la maison pour lui échapper. J’ai aussi entendu dire par la nommée Elisabeth qui logeait à la cense dans la même maison qu ‘Anne Marie, que l’accusé était venu lui dire : « Pourquoi tu dis que c’est moi qui t’as fait un enfant, tu dois dire que c’est un soldat » et comme Elisabeth s’était montrée, il était parti.

 

Le rapport qui fut fait par le lieutenant général civil et criminel du bailliage au procureur du roi, relate les faits évoqués par les témoins et précise que ladite Anne Marie est hors d’état de nourrir et s’occuper de l’enfant et convoque une audience ultérieure du tribunal.

 

Malheureusement, le rapport de cette audience ultérieure n’a pas été trouvé, nous ne connaitrons donc pas la fin, même s’il est probable que seuls les faits de violences furent retenus contre ledit George « Goeury » qui dans les rapports officiels du bailliage est toujours dénommé George Laurent.

 

 

 

[1] De son vrai nom, Rémy Schweitzer. Suisse n’étant que la traduction française de Schweitzer.

[2] Dans les témoignages, en langue germanique, il sera appelé « Goeury »

[3] Rémy Suisse était aussi maire d’Elange

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1704 - Un duel à Thionville et le bourreau de la ville.

Publié le par Persin Michel

1704 - Un duel à Thionville et le bourreau de la ville.

 

Le 24 août 1704 eut lieu un procés extraordinaire fait par le lieutenant criminel au bailliage de Thionville à la requête du substitut du procureur général du roi au même siège à l’encontre de Jean Krieger, curateur établi au corps mort [1] du nommé « Aubry » qui vivant était sergent à la compagnie du sieur Brouk au régiment de pied [2] espagnol tenant garnison actuellement à Thionville.

 

Son corps fut déposé à la conciergerie du siège et il est accusé (le cadavre) de s’être battu en duel avec le nommé « Jollicoeur » aussi sergent dans la même compagnie.

 

Le curateur du corps mort du nommé « Aubry » fait appel au parlement de Metz, de la sentence rendue au bailliage de Thionville le 20 août 1704.

 

Cette sentence a établi et déclaré que le sieur « Aubry » a été suffisamment atteint et convaincu de s’être battu en duel et pour ce faire de s’être transporté, le 18 août 1074 à 6 heures du matin, avec le sieur « Jollicoeur » sergent dans la compagnie de Brouck, dans le bois d’Illange, éloigné de trois quarts de lieue de Thionville. Dans le duel il aurait été blessé d’un coup d’épée dont il serait mort.

 

Pour réparation, la sentence du bailliage a ordonné que le cadavre du sieur « Aubry » serait mis dans les mains de l’exécuteur de la haute justice [3] pour être trainé sur la claye la face contre terre [4] en lieux ordinaires et accoutumés de Thionville, puis pendu par les pieds à la potence qui est située sur la place d’armes de la ville et y demeurer pendant deux heures et ensuite attaché à un arbre, dans le bois d’Illange, sur le grand chemin de Metz. Ses biens acquis et confisqués au profit de sa majesté.

 

A l’égard du sieur « Jollicoeur », il est ordonné qu’il sera fait perquisition [5] de sa personne pour être pris et appréhendé au corps et conduit dans la prison du bailliage et son procès extraordinaire fait et parfait, sinon par contumace.

 

Dominique « Ninoy » procurateur à la cour établi par elle comme curateur du cadavre du sieur « Jollicoeur » [6] a été entendu en la chambre du conseil et le bureau a tout considéré. La cour dit qu’il a été bien jugé et sans grief.

 

Signé, le 20 août 1704, au parlement de Metz.

 

NB: Les noms propres ne sont absolument pas fixés à cette époque et peuvent varier au sein d'un même document.

 


[1] Avocat nommé pour la défense du cadavre.

[2] Probablement des dragons.

[3] A cette date, l’exécuteur des hautes et basses œuvres, c’est à dire le bourreau de la ville, est Jean Pierre Dalenbourg, son fils reprendra la charge à sa suite.

[4] Suivante l’ordonnance de 1670, les suicidés ou personnes s’étant défaites eux-même, devaient être traînées par la ville, sur un brancard de bois (la claye ou claie). Le duel rentrait dans ce cadre.

[5] Il sera recherché.

[6] Le duel était en général puni de mort.

Dessin au trait d'un supplicié tiré sur la claie.

Dessin au trait d'un supplicié tiré sur la claie.

Thionville en 1750 - La place d'armes  est au centre des N° 60 - 61 -62

Thionville en 1750 - La place d'armes est au centre des N° 60 - 61 -62

Le bourreau de Thionville

 

Dans le document relatant le duel de 1704, on fait référence au maître des hautes et basses œuvres [1] de Thionville, c’est à dire au bourreau [2] de la ville, chargé d’exécuter les sentences du bailliage.

Un document du 8 juin 1748, nous donne quelles indications sur cette charge de bourreau à Thionville, en voici l’essentiel :

« Nous lieutenant général, conseillers et gens du bailliage et siège royal de Thionville, au vu des lettres patentes de provisions obtenues de sa majesté par Jean Dalembourg, fils du défunt, Jean Pierre Dalembourg, vivant, maître des hautes et basses œuvres de la ville de Thionville, exécuteur des jugements et sentences criminels, des hautes et basses œuvres de Thionville, faubourgs et villages du ressort du bailliage que tenait et exerçait le défunt Jean Pierre Dalembourg, son père, pour en jouir conformément aux lettres patentes datées de Paris du 11 avril 1748 et signées par le Roi.

Les dites lettres à nous adressées et scellées du grand de cire jaune pendant au parchemin, la requête présentée par le sieur Jean Dalembourg, aux fins qu’ils nous plaisent de le recevoir à l’office d’exécuteur des jugements, sentences criminels des hautes et basses œuvres de Thionville, faubourgs et villages du bailliage.

L’assemblée du bailliage a été informée de la vie et mœurs du sieur Jean Dalembourg, de sa religion, naissance et de son affection au service du Roi, cette information faite et communiquée au procureur du Roi. Tout considéré, nous ordonnons que le sieur Jean Dalembourg sera reçu à l’office d’exécuteur des jugements et sentences criminels des hautes et basses œuvres de la ville, des faubourgs et villages en ressortant.

A lui d’en jouir conformément aux lettres de provisions,  et de prêter le serment requis dans ce cas.

Fait et délibéré à Thionville en la chambre du conseil le 8 juin 1748.

 

Signé : FringanLarminat et 2 autres signatures illisibles.

 

A l’instant le sieur Jean Dalembourg, présent à l’audience à prêté le serment ordonné par notre présente sentence d’être fidèle au Roi et de bien fidèlement exécuter son office.

 

Signé : Jean Dalembourg

 

Référence archives: ADM B4277

 


[1] Les hautes œuvres consistaient à l’exécuter les sentences de mort, le marquage aux fer rouge, la mise au carcan… Les basses œuvres étaient  moins « valorisantes », c’était l’équarrissage, le nettoyage, l’abattage d’animaux errants…

[2] Le bourreau était plutôt craint et méprisé par les habitants, si dans d’autres villes, il habitait en dehors des murs, à Thionville son logement se situait vers la porte de Luxembourg, en la rue de la vieille porte appelée au moyen-âge, la rue de la culbute !

 

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