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thionville 18eme siecle

1763 – THIONVILLE - La justice de Veymerange

Publié le par Persin Michel

Un cabinet d'avocat ou de notaire au 18ème siècle

Un cabinet d'avocat ou de notaire au 18ème siècle

Comme convenu, nous nous retrouvons en ce mois d’octobre pour continuer nos petites découvertes de l’histoire de notre bonne ville de Thionville et des villages alentours.

Afin de reprendre en douceur, je vais vous présenter un document adressé à la justice de Veymerange [1] par une pauvre veuve du village ne pouvant payer ses dettes et voir comment cette justice a statué sur sa demande.

Pour rappel, sous l’ancien régime [2] existaient dans nos villages des justices civiles chargées de régler les différents entre les villageois. C’étaient des justices « seigneuriales »  mais qui ne géraient que les affaires mineures, une justice de proximité comme nous allons le voir.

 

Pour l’occasion, je vais vous présenter le document expurgé des formules juridiques nombreuses et redondantes qui pourraient vous le rendre indigeste !

Le document est adressé à messieurs les maires et échevins de la haute justice [3]

de Weymerange

 

[1] Village rattaché à la ville de Thionville en 1967.

[2] Principalement vers la fin du 18ème siècle

[3] Weymerange, Veymerange fut érigé en haute justice le 19 juin 1704.

Catherine Granier, supplie humblement les membres de la justice de prendre en considération ce qui suit :

 

« Veuve de Martin Oswalt qui était laboureur à Weymerange, j’ai le grand malheur d’avoir perdu mon mari le 26 mars 1763. Mon mari défunt avait acheté le 24 janvier 1760, par contrat devant le notaire Probst de Thionville, a son frère Antoine Oswalt, plusieurs héritages situés audit village de Weymerange pour une somme de 600 livres tournois et par un autre contrat de vente du 7 février 1760, il avait acheté à ce même frère, Antoine Oswalt, une maison, jardin et portion de grange situés aussi au village de Weymerange et cela pour une somme de 200 livres.

 

Lors de ces achats, ledit Antoine Oswalt, mon beau frère, était encore garçon, majeur d’ans et jouissant de tous ses droits [1]. Son intention était d’aller rejoindre l’armée, en conséquence; il disait n’avoir pas besoin d’argent et que son frère Martin, mon mari, pouvait garder les sommes qu’on lui devait, par devers lui.

 

Antoine Oswalt étant revenu de l’armée l’année dernière, il voulut être payé desdites sommes, soit de 800 livres tournois. Or, mon défunt mari, Martin Oswalt, n’était plus en mesure de payer ces sommes comptant, en conséquence; il passa une obligation devant le notaire Hennequin de Thionville, le 30 mars 1762, au profit de son frère Antoine Oswalt pour une somme de 700 livres tournois, payable en deux termes :

 

  300 livres tournois payables dans un an

 400 livres tournois payables dans deux ans

 

Il a aussi signé un billet de promesse d’un montant de 95 livres payable dans un an.

 

Mon mari étant décédé, moi sa veuve, Catherine Granier, je ne suis pas capable de payer ces sommes et comme je suis menacée de frais et de poursuites de la part d’Antoine Oswalt, mon beau frère, je propose l’arrangement suivant :

 

 Je voudrais relaisser à mon beau frère Antoine Oswalt, tous les biens et héritages que mon mari Martin Oswalt lui a achetés en 1760.

 

Cette demande est « montrée » au procureur d’office de la seigneurie de Weymerange qui autorise le maire de Weymerange, Damien Weis à traiter l’affaire.

 

Le maire, Damien Weis, ordonne le 25 avril 1763, qu’une assemblée de parents, tant paternels que maternels, soit faite par devant la justice, à deux heures de relevée [2] pour délibérer sur la requête de Catherine Granier.

 

En vertu de quoi, Jean Guillaume, sergent résident à Florange, va apporter assignation à Jean Poulmaire, Marthis Oswalt, Nicolas Weynant et Nicolas Oswalt, tous habitants de Veymerange et à Jean Granier, maréchal ferrant demeurant à Guénange pour qu’ils comparaissent à Veymerange et qu'ils parlent en personne à l’heure dite. »

 

Il est précisé que les débats se feront en langue allemande.

 

[1] C’était donc un célibataire majeur.

[2] Soit 14 heures

Voyons maintenant le compte rendu de cette réunion de la justice de Veymerange :

 

Le 25 avril 1763, l’après midi

 

Par devant nous maire et gens de justice de la terre et seigneurie de Weymerange est comparu Catherine Granier, veuve de Martin Oswalt, vivant, laboureur demeurant à Weymerange.

 

Elle nous a dit qu’en vertu de notre ordonnance de ce jour, elle avait fait assigner à comparaitre par devant nous ce jour :

 

Jean Poulmaire, manœuvre de Weymerange, oncle paternel audit mineur Mathis Oswalt

Jean Granier, maréchal Ferrant demeurant à Guénange, oncle maternel.

Nicolas Weynant, demeurant à Weymerange, cousin germain à cause de sa femme.

Nicolas Oswalt, tailleur d’habits, demeurant à Weymerange, aussi cousin germain.

 

L’assemblée constituée doit donner son avis sur la nécessité qu’il y a d’autoriser ladite Catherine Granier, veuve de Martin Oswalt, afin d’être dégagée et libérée de ses dettes, de relaisser les mêmes biens et héritages que son défunt mari avait achetés par actes notariés devant le notaire Probst de Thionville  en 1760 pour la somme de 800 livres, à Antoine Oswalt son beau frère, garçon majeur et qui n’a pas été payé. 

 

Catherine Granier expose en langue germanique pourquoi elle ne peut payer et signe d’une croix, ne sachant écrire, en tant que tutrice naturelle des enfants mineurs qu’elle a procréés avec Martin Oswalt, son défunt mari.

 

L’assemblée ainsi réunie, tous parents des enfants mineurs de Catherine Granier, prêtent serment de bien fidèlement et en bonne conscience, donner leur avis sur la demande de Catherine Granier.

 

Après délibération, tous sont d’avis que pour le bien des enfants mineurs et pour celui de leur mère, Catherine Granier, afin qu’elle soit libérée de ses dettes, elle soit autorisée à relaisser à Antoine Oswalt, son beau frère, les biens et héritages que lui avait acheté son défunt mari, Martin Oswalt en 1760 et cela pour la même somme de 800 livres tournois.

 

En conséquence, nous gens de justice de Weymerange, autorisant Catherine Granier à relaisser lesdits biens à Antoine Oswalt son beau frère qui lui donnera quittance.

 

Tous ont signé ou fait leur marque avec notre procureur d’office et notre greffier, commis en la personne de Dominique Pierre Winse, assermenté, notre greffier ordinaire étant empêché.

Les signatures au bas du document

Les signatures au bas du document

Comme on peut le voir, l’affaire fut relativement vite jugée, par des personnes du village et par la parenté, en prenant en compte l’intérêt des enfants mineurs à charge de leur mère. Au final, le jugement est empreint de bon sens.

 

Ce document illustre de façon claire ce que les historiens [1]  ont constaté, ces justices villageoises étaient de véritables justices de proximité auxquelles les habitants des villages avaient un accès facile et une "relative confiance.

 

Comme nous l’avons signalé dans les notes de bas de page, au début de l’article, le village de Veymerange, fut érigé en haute justice le 19 juin 1704, auparavant, siège d’une seigneurie foncière, il dépendait en partie de la seigneurie de Volkrange.

 

Son premier seigneur haut-justicier fut Charles Bernard de Failly, capitaine de cavalerie au service du roi, également seigneur de Lommerange et cela jusqu’en 1716.

C’était un « vrai » militaire qui participa à de nombreuses batailles où il perdit d’ailleurs la vie. De fait, il était très peu présent, ses seigneuries étaient en quelque sorte gérées par procuration.

 

En 1760, le seigneur en était un certain Plateau [2], apparenté à la famille De Wendel, il ajouta à son nom, le nom du village, se faisait appeler Plateau de Veymerange. Il fut conseiller au parlement de Metz, son fils reprit la seigneurie puis ses neveux en furent expropriés pour dettes. La famille Plateau de Veymerange défraya la chronique au sujet de l'affaire des Indes.

 

Le maire Damien Weis [3] avait en charge la justice foncière, aidé en cela par deux échevins, un sergent, parfois un greffier.

 

Il était maréchal ferrant à Veymerange où il tenait la forge héritée de son père, Mathis Weis, le 9 février 1750

 

* Tiré des documents du bailliage de Thionville -  B4418

 

NB : On remarque qu’en 1760, la langue germanique c’est à dire le « Francique luxembourgeois » était la langue la plus usitée à Veymerange, mais aussi dans les villages environnants.[4]

 

 

 

[1] Ceux qui étudient les documents d’époque

[2] Prit possession de la seigneurie en 1751, son fils fit reprise en 1776 et ses neveux furent expropriés en l’an X, le 25 pluviôse.

[3] La famille Weis ou Weiss s’était appelée quelques années auparavant la famille « Blanc » quand la volonté et la « mode » était à la francisation des noms à consonance germanique. Ainsi lors de prise de bail le 12 décembre 1676 d'une terre à  Volkrange.

[4] Thionville n’est française officiellement que depuis 1759 et dans les faits depuis 1643.

Voir les commentaires

1709 - THIONVILLE - Testament et inventaire des biens d'un riche marchand de la ville

Publié le par Persin Michel

Dans mes deux articles de mai et juin, sur le couvent des clarisses et sa chapelle, aujourd’hui mairie et salle des mariages, je vous avais dit que nous allions reparler prochainement de ce couvent, mais il me manque encore quelques documents pour avoir une vision plus claire de son histoire, des recherches sont en cours.

Je vais donc regarder avec vous le testament d’un riche marchand thionvillois du début du 18ème siècle et nous verrons ensuite l’inventaire après décès qui a été fait de sa maison.

La famille Degoix était alliée à la famille Delhaye étudiée dans mon dernier ouvrage sur la chapelle des lépreux de Thionville Saint-François [1].

Jean Degoix était né vers 1650, marié à Françoise Col qui été née vers 1655.

Françoise Col est décédée avant 1709, année du décès de Jean Degoix, alors âgé d’environ 59 ans. Ils ont eu trois filles, l’aînée Christine, née vers 1685 et mariée à Pierre Jacques Petelot puis Marie Catherine, mariée en 1713 avec Nicolas Conset (Conseil) ainsi qu’une autre fille plus jeune. En 1703, le couple avait eu un garçon prénommé Jean décédé en bas âge.

Voici son testament :

« Par devant nous, notaires royaux établis à Thionville et y résidant, soussignés fut présent en personne, Jean Degoix, marchand ourgeois de cette ville, gisant au lit de maladie dans sa cuisine. Il est sain d’esprit et d’entendement ainsi qu’il est apparu aux notaires et aux témoins ci-après nommés, dignes de foi.

 Appelé, il a dit que considérant la certitude de la mort et l’incertitude de sa vie et pour ne pas être pris au dépourvu avant d’avoir ordonné ses dernières volontés, il avait fait son testament et dicté ses dernières volontés ainsi qu’il suit :

A savoir qu’il demande très humblement pardon de toutes ses pensées à Dieu, son créateur par les mérites infinis de notre seigneur Jésus Christ, par l’intercession de la bienheureuse vierge Marie, mère de Dieu et celle de son ange gardien, de son patron et de tous les saints du paradis. Il demande pardon aussi de bon cœur à ceux qu’il aurait put offenser.

Il demande à être enterré dans l’église paroissiale de cette ville, dans le tombeau de sa femme et que ses obsèques et funérailles soient faites ainsi qu’il lui sied.

Il veut qu’il soit distribué aux pauvres pour prier Dieu, le jour de son enterrement, une maldre de blé et qu’outre les messes dites dans la paroisse, il soit encore dit incessamment après son décès par les révérends pères capucins de cette ville, cent messes de requiem pour le salut de son âme à raison de quoi, il lègue audits révérends pères capucins, la somme de trente sept (37) livres et dix sols tournois qu’il veut  délivrer à leur syndic sans aucune relance.

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[1] « Histoire de l’ancienne chapelle des lépreux »  paru au 1er trimestre 2017.

Il déclare qu’il a appris des habitants de Beuvange-sous-Saint-Michel, paroisse de Volkrange qu’ils avaient le dessein de faire rétablir la chapelle [1] en ruine audit lieu et voulant contribuer au rétablissement de ladite chapelle, il veut et ordonne que lors du rétablissement de la chapelle, ses héritiers abandonnent pour y souscrire certains engagements ou ventes à facultés de rachat à lui fait par Jean Baué d’un pré au même lieu de Beuvange pour soixante (60) livres tournois

 

Jean Degoix a encore deux filles mineures et à cause de leur bas âge, il lègue et leur fait don de six cent livres tournois pour les deux pour leur entretien, éducation et habillement durant leur minorité.

 

Il déclare en outre qu’il a payé pour dot, habillement de sa fille aînée la somme de onze cent vingt cinq (1125) livres tournois y compris l’achat et la réception des métiers de marchand à Jacques Petelot, son gendre et dont il a quittance qui se trouve dans ses papiers.

 

Il veut et ordonne que chacune de ses filles mineures reçoivent pareille somme de onze cent vingt cinq (1125) livres tournois pour dot.

 

Il déclare que pour le mariage de sa fille aînée, outre la dot de onze cent vingt cinq livres tournois, il a aussi donné une croix en or et deux bagues et une chaîne d’argent et que pour égaliser avec elle, ses deux filles mineures, il leur est destiné les deux croix d’or, les quatre bagues d’or et deux chaînes d’argent qu’il a achetées pour elles.

 

Il veut, entend et ordonne que sa fille aînée et son gendre ne puissent interférer, ni contredire ses dernières volontés exprimées dans les présentes.

 

Présentes qui constituent son testament et dernières volontés, exprimées et fait en la cuisine dudit Jean Degoix, testateur, en présence du sieur Pierre Petner, marchand bourgeois de Thionville et de Noël Glaudy, maître sellier, bourgeois de Thionville, témoins dignes de foi et personnellement requis et appelés de la part du testateur, ce jourd’hui vingt sixième jour du mois de février, l’an mille sept cent neuf, à trois heures de relevée.

 

PS : Suite à un arrangement de dernière minute sur la destination des croix et bagues d’or entre les fille mineures, mais qui ne remet pas en cause le testament.

 

[1] Le dernier chapitre de mon ouvrage « Histoire de l’ancienne chapelle des lépreux » évoque aussi l’histoire de cette chapelle du mont Saint-Michel

 

Signatures de Jean Degoix et des témoins

Signatures de Jean Degoix et des témoins

Ce testament permet à Jean Degoix de partager entre ses filles plus de quatre mille livres [1] tournois, en comprenant la dot de sa fille aînée mariée un an auparavant.

 

Nous allons voir maintenant l’inventaire après décès de Jean Degoix dont le décès est intervenu entre la mi-mars et la mi-avril 1709.

 

Inventaire des effets de Jean Degoix du 24 avril 1709

 

Inventaire fait par nous, Etienne Heu de Saint-Rémy, écuyer, conseiller du roi, lieutenant général civil et criminel, conseiller aux inventaires du bailliage du siège royal de Thionville, à la requête de Pierre Jacques Petelot au nom et comme tuteur des enfants mineurs du défunt Jean Degoix, vivant, marchand bourgeois de cette ville. Inventaire de tous les meubles, effets et papiers de la famille du défunt Jean Degoix en exécution de notre ordonnance de ce jour.

 

Lequel inventaire nous avons fait rédiger par Alexandre Joseph Bailler , notaire et greffier aux inventaires, avec Pierre Jacques Petelot mari de Christine Degoix, le procureur du roi et son adjoint.

 

Du mercredi 24 avril :

 

Premièrement nous sommes montés dans une chambre haute qui prend jour dans la grande rue et dans la rue de derrière  [2]où nous avons trouvé les effets suivants :

 

Six (6) fauteuils en bois de noyer usés,  garnis de toile et de bourre .

  • Un vieux bois de lit garni de cinq (5) rideaux de serge verte, bordés d’un galon de fil écru, le tout en falbala avec ses tringles.
  • Un matelas avec palliasse avec leur courtille à rayures bleues et blanches, un peu usagé et une courte pointe de toile teintée.
  • Une armoire en bois de noyer à quatre battants et demi, fermant à deux serrures dans  laquelle se trouve :

                    Treize draps en toile

                       Trois draps d’étoupe

                       Douze chemises de toile de chanvre assez usées

                       Quatre autres chemises en toile fort vieilles

                       Un cendrier

                       Trois douzaines de serviettes de toile de chanvre, rappées

                       Une autre douzaine de serviettes de chanvre

                       Une douzaine de nappes de toile de chanvre de bon usage

                       Deux douzaine de serviettes, nappes en toile de lin.

                       Une taie d’oreiller tant petit que grand toile de chanvre.

                       Quatre taies de toile de lin  et de chanvre

                       Une culotte de toile avec une chemise de toile de chanvre

                       Deux tabliers de cuisine en toile d’étoupe

                       Cinq cravates de toile de cloitre

 

[1] C’est une somme importante pour l’époque.

[2] la maison se trouve donc dans rue principale de Thionville, actuelle rue Paris et la chambre a une ou des fenêtres donnant sur les rues de part et d’autre de la maison ;

Au chapitre des étains :

Des quarts en étains, des pots, plats et assiettes en étain à la fleurs de lys pour cinquante six livres.

 

Au chapitre de la cuisine :

Une vieille balance de cuisine

Un grand nombre de pots, bassinoires, poilons, tourtières en cuivre,  casseroles,                     bassin à eau, mortier, chandeliers, tant en fer, étain et cuivre rouge, hachoir,           chenets…

 Dans la  cuisine existe aussi un accouchoir [1] avec une paillasse, un matelas de       laine  et de crin garni de chanvre, des oreillers.

Dans cette cuisine se trouve une armoire fixée dans la muraille et dans laquelle on a trouvé :

Cent quarante deux livres, neuf sols en pièces de monnaies

 

Au chapitre de la cave :

 

            Seize briques de savon

            Dix cordes

            Douze brassées de grosses cordes

            Quatre vingt cinq livres de chandelles

            Dix huit fromages de Géromé

            Trois gros fromage de Hollande entier

            Un demi fromage de Gruyère

            Vingt brassée de petites cordes

            Sept manches de bêche

            Dix entonnoirs de fer blanc et un entonnoir de bois

            Un vieux coffre en bois de chêne

            Une écuelle de poix blanche

            Un baril de poix noire [2]

 

La cave semble contenir une partie des objets liés au commerce de Jean Degoix comme nous allons le voir dans l’inventaire de la boutique.

 

Au chapitre de la boutique : (Quelques éléments parmi des centaines)

 

            Huit livres et demie de ficelle, tant grosse que petite

            Sept livres de corde

            Trente sept paille de fer battu

            Quarante quatre simples gobelets de verre à boire de la bière

            Six cuillères à pot et trois écumoires

            Sept petits poilons et huit autres plus grands

            Quatre grands couvercles de pot

            Cinq faux à faucher

 

[1] On trouve dans cette cuisine le lit où était couché, Jean Degoix le jour où il a fait son testament.

[2] Poix blanche, matière jaunâtre ou blanchâtre produite par le pin et le sapin. Poix noire, obtenue par combustion lente de débris résineux. Servait à coller ou à calfater.

            Six enclumes de faux avec les marteaux

            Vingt cinq anneaux de sceau

            Vingt trois cadenas tant gros que petits

            Vingt et une étrilles

            Quatre clochettes

            Quatre vingt quinze boucles de fer

            Douze cent clous

            Quatorze mille semences de clous

            Cinq cent clous de talons

            Cinq mille broquettes

            Trois mille trois cent cinquante clous rondelest, beaucoup d’autres clous de siège

            Trente six livres de colle de menuisier

            Dix neuf livres de catéchisme

            Six douzaines de couteaux de boucher et treize couteaux de table

            Quarante cinq peignes de corne

            Quatorze petits forets

            Vingt trois pièces de pistolet

            Six livres de moutarde

            Trois livres de gingembre`

            Quatre vingt alènes de cordonnier

            Sept livres de poivre

`           Sept livres de fromage de Hollande

            Deux douzaines de pipes en bois

            Neuf livres de souffre

            Six livres de poudre à poudrer

            Vingt cinq muscades et une once de fleur de muscade

            Dix livres de riz

            Trois onces [1] de clous de girofle

            Vingt deux douzaines de boutons

            Cinquante cinq cahiers de papier

            De nombreux fils de Flandres

            Quarante cinq lacets de toutes les couleurs

            Quinze milliers d’épingles tant grosses que petites

            Deux couteaux à manche de cerf

 

            Et encore des dizaines et des dizaines d’articles différents….

 

Les marchandises sont estimées à 950 livres tournois soit le prix d’une petite maison.

 

Cet inventaire à la Prévert, nous donne à penser que Jean Degoix, qualifié de marchand, tenait en réalité un magasin de type droguerie, vendant un assortiment de produits très diversifiés allant des clous à la moutarde. Il avait ainsi une clientèle importante, tant chez les particuliers que les professionnels, autres artisans et marchands de la ville.

On remarquera aussi que de nombreux produits sont importés d’autres pays ou provinces, en particulier le fromage de Hollande et des Vosges ainsi que des épices plus exotiques comme le gingembre, la muscade et les clous de girofle.

 

Enfin, après la visite et l’inventaire de la boutique, nous en venons maintenant à l’inventaire des différents papiers conservés par Jean Degoix.

 

[1] Une once correspond à environ à un poids compris entre 25 et 35 g

Ils sont, là aussi, très nombreux et je ne citerai que les plus importants en terme d’avoir.

 Nous verrons en particulier que Jean Degoix avait des intérêts fonciers et immobiliers assez importants dans les villages de Beuvange-sous-Saint-Michel, Volkrange et Morlange ce qui explique son intérêt pour la réparation de la chapelle du mont Saint-Michel de Beuvange.

 

Au chapitre des papiers : (Réalisé le 27 avril 1709)

 

            Une liasse de papiers concernant le partage des biens, immeubles de la succession        de Jean Henry  Schmit, prêtre habitué en cette ville, Bernard Frisch maître boucher,          bourgeois de cette ville à cause de Madeleine Schmit sa femme et autres consors          dénommés audit partage entre ledit Jean Degoix comme tuteur des enfants mineurs     de Françoise Collin et au droit de Françoise Col sa femme.

 

NB: Ces familles : Schmit, Frisch, Collin et Col sont alliées et impliquées dans l’histoire de la chapelle des lépreux qui se trouve à Saint-François (Voir mon ouvrage sur le sujet)

 

            Un bail d’une chambre et d’un cabinet laissés à Jean Cademy par Jean Niclo,         huissier de police, portant somme de trente livres de loyer. Ledit loyer cédé à      Jean Degoix pour quatre années.

 

            Un cran de chaptel [1] par Jean Degoix à Mathis Probst de Metzange pour une         somme de trente écus en date du 28 novembre 1703, et un autre à Nicolas Jacob de            Beuvange pour vingt écus au 24 septembre 1707.

 

            Une promesse consentie par Jean Hagen, laboureur demeurant à la cense de        Daushaus [2]  pour trente huit livres en date de 1708 .

            Une obligation consentie par ledit Hagen au profit de Jean Degoix en date de        l’année 1705 pour une somme de soixante seize écus blancs.

 

            Une quittance sous seing privé donné par Jean Degoix le 25 février 1703 d’une   somme de vingt et un écus à la décharge de Didier Baué de Beuvange.

 

            Une constitution consentie par Diimanche Schweitzer de Metzange au profit de    Jean Degoix pour un principal de trois cents livres en date de 1706.

 

            Une obligation consentie par Jean Baué de Beuvange portant une somme de trois            cents livres en date de 1705.

 

            Une obligation faite au profit de Jean Degoix portant une somme de trois cents     livres par Pierre Allerborn de Thionville en date de 1709. Ladite obligation       portant intérêts au denier dix huit au profit de Marie Catherine Degoix, fille mineure, et à elle léguée par son père Jean Degoix.

 

        Il avait aussi à bail une métairie à Volkrange pour neuf cents livres de loyer

 

[1] Cela correspond à un bail à cheptel, un troupeau de bêtes est donné à garder et à prospérer à une personne qui doit en partager les bénéfices au bout de l’an.

[2] Actuellement la ferme du Colombier entre Veymerange et Elange

Dans ces papiers fut retrouvée la quittance faite par Pierre Jacques Petelot son gendre pour la dot du mariage avec sa fille aînée Christine, le festin, le linge et l’habillement.

 

Retrouvé également un billet, signé par Jean Degoix le 12 mars 1709, par lequel, il fait le partage de son argenterie et bijoux entre les trois enfants et par lequel il apparaît que les parts des deux filles mineures sont entre les mains de Jean Fischbach [1], laboureur d’Elange et de sa femme.

 

Une quittance donnée par le greffier de police portant la somme de neuf livres payées pour les droits de métier pour son gendre Pierre Jacques Petelot.

 

Enfin une liasse de vieux papiers en parchemin concernant sa maison de Thionville située dans la grande rue entre celle de Nicolas Herga et celle des héritiers Latouche avec un autre appartement situé derrière la maison dudit Louis Lamiotte.

 

Un registre journalier contenant quarante huit articles concernant les débiteurs qui n’avaient pas payé les marchandises.

 

Je pourrais continuer comme cela sur plusieurs pages,  mais je vais vous épargner cette litanie de reconnaissances de dettes, de constitutions, d’obligations diverses toutes au profit du défunt Jean Degoix.

 

Le montant total des avoirs représentés par l’ensemble de ces documents se monte à plusieurs milliers de livres tournois

 

Les débiteurs sont de Thionville et des villages alentours  (extrait)

 

            Cademy et Niclo de Thionville

            Mathis Probst de Metzange

            Nicolas Jacob de Beuvange

            Jean Hagen du colombier

            Didier et Jean Baué de Beuvange

            Pierre Allerborn de Thionville

            Agnès Klopstein et son mari Robert Delapierre de Thionville

            Léonard Mathis de Fontoy

            Noël Claude de Thionville

            Barthélémy meunier à Morlange

            Louis Pichier de Thionville

            Pierre Clocqui de Morlange

            Jean Baué le jeune de maison rouge

            Le meunier d’Immeldange et Mathis Veinant de la Haute-yutz

            Martin Monnelle

            Bodard de Thionville

            Jean Michel Scharff, avocat à Thionville

            Nicolas Koch d’Elange

            Nicolas Fischbach d’Elange

            Et tant d’autres…..

           


[1] C’est lui qui donnera le verger où fut construite la chapelle d’Elange en 1726.

Nous voyons aussi que dès 1699, Jean Degoix avait acheté des biens importants à Morlange, Beuvange et Volkrange. Nous sommes là quelques dizaines d’années après la fin de guerre de Trente ans et du dernier siège de Thionville en 1643.  Les villages alentours ont payé un lourd tribu et beaucoup ont très peu d’habitants, les terres sont laissées à l’abandon depuis des années et n’ont plus guère de valeur, aussi quelques marchands de Thionville, qui profitent de la reprise économique [1] et retrouvent des liquidités, les investissent dans l’achat de terres, métairies et troupeaux dans ces villages proches de la ville.

 

Enfin comme beaucoup de bourgeois de Thionville, Jean Degoix se devait de loger un officier de la garnison. Dans la chambre occupée par cet officier, on a recensé, un vieux châlit de bois de chêne, une palliasse ou matelas avec des draps, oreillers et couvertures de toile, le tout usagé.. Il y avait aussi un plat en étain, une table en sapin, un grand chaudron et des chenets.

 

Nous savons que sa fille aînée, Christine, mariée avec Pierre Jacques Petelot fit souche à Thionville comme sa seconde fille Marie Catherine, mariée avec Nicolas Conset ou Conseil. Elles avaient toutes les deux épousé des marchands de la ville, quant à sa plus jeune fille, nous n’avons cherché plus d’informations. Contrairement à d’autres inventaires après décès, il ne figure pas de reconnaissance de dettes envers des tiers, ce qui n’est pas courant à l’époque, preuve de la bonne et saine gestion faite par Jean Degoix.

 

Voilà donc en ce début de 18ème siècle, ce que possédait un riche marchand, bourgeois de Thionville, ce qu’il léguait à ses enfants. On peut le dire, c’était là un patrimoine assez élevé, nous verrons dans les articles à venir, le patrimoine laissé par un manouvrier d’Elange et ensuite par un officier de la noblesse, seigneur de plusieurs villages alentours. 

 

Comparaison n’est pas raison, on le dit, mais à n’en pas douter, ces comparaisons nous donneront une idée assez juste de l’état de cette société  thionvilloise au début du siècle des lumières.

 

[1] Reprise favorisée par la présence française, la fin des hostilités, la pacification du pays et des voies commerciales. Aussi par l’appétit de vie des habitants sortant d’une longue période troublée, voir dévastatrice.

Dans ce document de juillet 1723, on voit que Nicolas Confes et Marie Catherine Degoix continuent à mettre à bail au sieur Baué, la métairie de Beuvange,  héritée de Jean Degoix.

Dans ce document de juillet 1723, on voit que Nicolas Confes et Marie Catherine Degoix continuent à mettre à bail au sieur Baué, la métairie de Beuvange, héritée de Jean Degoix.

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1734 – Thionville – La métairie de Marienthal en péril

Publié le par Persin Michel

Sceau ordinaire du couvent de Marienthal au Luxembourg

Sceau ordinaire du couvent de Marienthal au Luxembourg

En février 2014, j’avais sur mon blog www.histooiredethionville.com, initié une série d’articles sur l’histoire de la ferme de Marienthal à Thionville-Guentrange. [1]

 

Pour plus d’explication,s reportez vous à cette série d’articles sur le sujet toujours disponible sur le blog : www.histoiredethionville.com

Une fois sur le blog, taper dans la zone RECHERCHE : Val Marie et vous trouverez tous les articles parus sur le sujet.

Vous pouvez aussi consulter le « Miscellanées 2013-2014 » aux archives municipales.

 

 

 

[1] On retrouve ces articles dans le « Miscellanées 2013/2014 » consultables aux archives municipales et bien entendu sur mon blog.

Dans l’avant dernier article de la série, nous voyons que Balthazar Schweitzer, fils de Rémy Schweitzer, ayant repris la ferme [1]de « Marienthal-Vonnerhof » après son père, a des difficultés financières. Il contacte un emprunt en 1719 auprès du juif Lazard Limbourg, il est étranglé par ses dettes et en 1717, les Dames du couvent de Marienthal veulent le voir déchu de son bail, car en plus de ses dettes, il a dégradé un bois au ban d’Oeutrange, ce qui a provoqué un procès initié par le procureur du roi de la maitrise des eaux et forets de Thionville.

 

Ainsi ses dettes se montent alors à 1430 livres tournois, on lui a retiré de son bail l’exploitation du fameux bois d’Oeutrange, il doit aussi procéder aux réparations à la maison de la cense et aux dépendances..

 

En 1736, on le voit vendre à Nicolas Helminger une vigne d’un arpent pouvant être labourée, pour la somme de 200 livres tournois. Nous savons qu’il est probablement décédé le 12 mars 1739.

 

Nous ne savions pas ce qu’était devenue la ferme de Marienthal [2] après son décès et jusqu’à la révolution.

 

L’acte qui suit va nous donner la suite de l’histoire :

 

Nous soussignées Dames prieure et sous-prieure et autres dames du conseil du noble couvent de « Mariendalle », toutes capitulairement assemblées dans le lieu ordinaire où nous traitons de nos affaires temporelles, après avoir mûrement réfléchi et délibéré sur la situation du couvent et particulièrement sur le sujet de notre cense appelée « Vonnershoffe » située dans le ban de Thionville et bans circonvoisins, confessons et déclarons qu’ayant ci-devant laissé à titre de bail emphytéotique pour nonante neuf années à Rémy Schweitzer, notre dite cense étant passée dans la possession et jouissance de Balthazar Schweitzer, son fils, qui au lieu de satisfaire aux clauses et conditions énoncées par ledit bail avait entièrement négligé d’y satisfaire, ce qui nous avait obligé de le faire déchoir du bénéfice du bail par sentence du 6 avril 1732, à laquelle néanmoins, l’on avait formé opposition de la part des créanciers dudit Balthazar Schweitzer qui prétendaient la faire vendre (la cense) , le bénéfice de la vente devant couvrir leur dû.

 

Pour éviter que notre cense soit vendue, et pour le bien et la conservation de ladite cense, nous avons, c’est à dire immédiatement après la sentence du 6 avril 1732, relaissé notre cense, par bail verbal au sieur Nicolas Elminger, notre officier et admoniateur au département de Thionville, à charge de faire bâtir la maison de ladite cense à ses frais et sans espoir d’indemnité et de payer toutes les dettes hypothécaires contractées par ledit Balthazar Schweitzer jusqu’au jour de ladite sentence du 6 avril 1732 pour que le sieur

 

[1] Ferme= cense = métairie

[2] Marienthal ou Val Marie zone résidentielle située à Thionville-Guentrange, non loin du super marché Leclerc au bas de la côte menant au Kinépolis.. Ici francisé en « Mariendalle ».

Elminger puisse jouir de la cense et ses dépendances suivant et conformément audit bail de 1698 et comme ledit Rémy Schweitzer en a joui sans en rien excepter, ni réserver.

 

Comme le sieur Elminger, en conséquence de notre bail verbal, a joui de la cense et a fait faire le bâtiment en question, qu’il a acquitté les dettes dudit Balthazar Schweitzer, nous avons délibéré et résolu par ces présentes de donner plein et entier pouvoir au sieur Jean Frédérique Béchin, notre procureur et chapelain, pour nous et en notre nom, passer bail emphytéotique, portant confirmation et ratification dudit bail verbal par nous fait au sieur Elminger et ce par devant notaire, pour notre cense de « Vonnershoffe » et ses dépendances pour lui et ses, ses hoirs et successeurs, en jouir ainsi et de même que le sieur Rémy Schweitzer en a joui jusqu’à l’expiration du bail emphytéotique du 21 octobre 1698, à charge pour le sieur Elminger de nous livrer chaque année que ledit bail durera, une somme de quatre-vingts écus (80) à trois livres tournois l’écu, monnaie au cours de France, conformément audit bail de l’an 1698, promettant de tenir pour ferme, stable et irrévocable tout ce que ledit sieur Behin gérera en vertu et au contenu de la présente procuration en foi de quoi, nous Dames prieure et sous-prieure et autre dames du conseil, assemblées comme dit, avons signé les présentes et apposé le sceau ordinaire de notre couvent.

 

Fait à Mariendalle le 10 septembre 1734.

 

Signatures :

 

Soeur M. C de Manteville, prieure

Sœur M. R de Coudenhove, sous prieure

Sœur M.U de Manteville

Sœur M. Agnès de Coudenhove

 

Dans cet acte nous voyons que Balthazar Schweitzer a été déchu de son bail le 6 avril 1732. On constate que les créanciers dudit Balthazar, pressés de recouvrer leur argent demande la vente de la métairie. Heureusement, les sœurs de Marienthal, avisées, vont le même jour de la sentence du 6 avril 1732, passer un bail verbal avec Nicolas Elminger l’admoniateur de leurs biens thionvillois, ce qui suspend la vente.

 

Le bail verbal exige que le nouveau bailli de la cense construise le bâtiment d’habitation de la métairie et règle toutes les créances de Balthazar Schweitzer. Une fois que les obligations du bail verbal sont réalisées, rassurées, les Dames de Marienthal vont signer un bail emphitéotique passé devant notaire avec ledit Nicolas Elminger afin qu’il jouisse avec sa famille et ses successeurs de l’exploitation de la cense. Le bail stipule un loyer ou limel de 80 écus soit 240 livres à verser annuellement au couvent de Marienthal.

 

Toutefois, Nicolas Elminger n’était pas fermier, aussi a-t-il mis la cense en fermage à la famille Picard qui exploitait déjà la métairie de Chaudebourg.

La cense ou métairie  aujourd'hui

La cense ou métairie aujourd'hui

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1731 – Thionville – Christine Rosa, 16 ans, veut être admise chez les Clarisses

Publié le par Persin Michel

1731 – Thionville – Christine Rosa, 16 ans, veut être admise chez les Clarisses

Nous avions vu dans l’article précédent la construction de l’église des Clarisses de Thionville dont le couvent est aujourd’hui la mairie de la ville.

Un acte du 31 décembre 1731, nous éclaire sur la démarche d’une jeune fille de seize ans pour être admise au sein de la communauté des religieuses de Sainte-Claire de Thionville. [1]

« Le lundi trente unième et dernier jour de l’années 1731, après midi, par devant moi, Damien Augustin, notaire royal au bailliage et siège de Thionville, y demeurant, soussigné et en présence des témoins cy-après nommés est comparue en personne :

Christine Ana [2], fille mineure, âgée à ce qu’elle dit de seize ans, actuellement pensionnaire au couvent du Saint-Esprit des religieuses de l’ordre de Sainte-Claire en cette ville. Laquelle (Christine Ana) dans l’étude de moi, notaire susdit, et en présence des témoins a déclaré de pleine liberté, sans induction, ni suggestion de personne généralement quelconques, qu’ayant la vocation par la grâce du seigneur et souhaitant être admise au nombre des dames religieuses dudit couvent, ses parents et ses héritiers présomptifs n’étant pas en état de lui procurer cet heureux état (être religieuse) et leur en avoir parlé différentes fois.

 

[1] On notera que les religieuses de Sainte-Claire dites clarisses sont à Thionville des « Urbanistes » ayant le droit de posséder des biens matériels, contrairement aux « Pauvres clarisses » qui suivent une règle beaucoup plus astreignante.

[2] Christine Ana Rosa, fille mineure, au décès de ses parents, se voit mise sous la tutelle d’un oncle Nicolas Florentin, jardinier, marié à Antoinette Rosa, une sœur de son père

Si même, le sieur Nicolas Florantin, son tuteur, lequel au lieu de lui être reliquataire de sa gestion, lui a dit que la comparanet mineure lui était débitrice de plus de six cents livres tournois.

Et comme pour parvenir audit état de religieuse, elle voudrait donner audit couvent une somme de quatre milles livres tournois (4000) pour sa dot, quatre cents livres (400) pour présent à l’église et se faire un fonds de trente six livres (36) de pension viagère pour ses menus besoins et nécessités, lorsqu’il aura plu aux dames religieuses de chœur et étant d’ailleurs dénuée de tout secours temporel, n’ayant pas ou très peu de linge, ni habillement, point d’argent pour se pouvoir de meubles pour sa chambre et habits de religieuse, elle a déclaré après avoir invoqué le saint nom de Dieu à son secours, qu’elle voulait dès à présent faire rédiger par script ses dispositions et ordonnances, de ses volontés par forme de testament, comme effectivement, elle a déclaré fait et dicté à moi, notaire susdit et témoins, lesdites dispositions en la manière suivante :

Savoir que ses désirs étant tels que dessus et dans l’espérance d’y parvenir, elle donne, lègue et abandonne dès à présent et pour toujours audit monastère et religieuses du couvent du Saint-Esprit, ordre de Sainte-Claire en cette ville, généralement tous ses biens meubles et immeubles généralement quelconques et de quelle qualité et nature qu’ils puissent être et que ses parents lui ont dit, consister en deux métairies au village, ban et finage d’Illange, seigneurie de Meilbourg [1], dont :

L’une (métairie) provenant de Nicolas Rosa et Françoise Grouselier ses aïeuls paternels, métairie laissées à bail héréditaire moyennant quatre (4) maldres de froment, quatre (4) maldres de moitange, un bichet de pois et cinquante (50) œufs de rente annuelle.

L’autre corps de biens provenant de Baltazard Meslinger et sa femme aïeuls maternels , rapportant actuellement, trois (3) maldres de froment et trois (3) maldres de moitange [2], outre environ sept (7) nouées de vignes, portions de maisons, granges, écuries, pressoirs, jardins et vergers, biens situés au village, ban et finage d’Illange et bans circonvoisins, sans rien en réserver, ni excepter généralement quelconques consistant encore lesdits biens de la comparante dans une maison située à Thionville en la rue brûlée, provenant de ses aïeuls maternels de la valeur d’environ mille deux cent (1200) livres tournois et quelques cens en argent sur des jardins à la porte de Metz et affermés par ledit défunt Nicolas Rosa et sa femme à différentes personnes et enfin aux dires de ses parents, en une somme d’environ deux mille (2000) livres tournois à elle dû par Nicolas Florentin, jardinier, et Antoinette Rosa sa femme sur tous leurs biens et spécialement sur une brasserie située à la porte de Metz au long de la Fensch et comme elle n’a pas d’autre connaissance de ses biens et facultés, elle déclare qu’elle comprend dans la présente donation tous ses autres biens, recettes et revenus généralement quelconques sans rien en réserver ni excepter directement ou indirectement et provenant tant des successions paternelles et maternelles soit mobilières ou immobilières.

A charge par lesdites dames abbesses et religieuses de payer et de satisfaire a tout ce qu’il conviendra, soit pour sa pension pendant le temps de sa postulation, celle de son année d’épreuve ou de noviciat, comme aussi des dettes et des charges auxquelles ses biens ci-dessus légués peuvent être obligés, et de lui constituer valablement une pension viagère payable par année pour subvenir a ses menus besoins et nécessité et enfin de lui garnir une chambre convenable à son état de religieuse, le tout ainsi fait à l’étude de moi, notaire, lesdits jour et année susdits.

 

[1] Meilbourg ancienne seigneurie située à côté d’Illange et alliée au Rodemack (en 1325) et au Lagrange

[2] Le ou la maldre contient environ 2 hectolitres de grains. Moitange ou méteil = un mélange de grains, généralement du blé et du seigle

Le tout en présence de maître François Nicolas Fringan, conseiller du roi, lieutenant particulier de la maîtrise des eaux et forets de cette ville et avocat au parlement, aussi de maître Joseph Grégoire Soucelier, conseiller du roi, procureur du roi au siège de la police, échevin de la ville et avocat au parlement, et encore de maître Jean Robert aussi avocat au parlement et syndic de l’hôtel de ville, demeurant tous les trois en cette ville de Thionville,.

Témoins et spécialement requis et appelés et après que le présent contrat a été lu et relu à ladite Christine Rosa, comparante, elle a dit qu’il (le contrat) contenait ses volontés et dispositions, elle a persisté et signé avec lesdits témoins et moi notaire.

Un document additionnel a été ajouté au contrat :

« En mon étude, en présence des témoins dignes de foi, Christine Rosa dénommée au testament ci-dessus, a requis que la lecture qui lui a été faite à l’instant, et bien qu’âgée de seize années, elle l’avait bien compris et entendu et qu’elle persiste comme étant sa volonté sans suggestion ni induction de personne, étant en pleine liberté de quoi elle a requis, acté et signé en présence de Henry Tocker, prêtre vicaire à Weimerange et du sieur Dominique Jacquin, marchand orfèvre de cette Thionville et qui ont signé comme témoins après la lecture faite du présent contrat. »

Voilà comment une jeune fille de seize ans, pensionnaire au couvent des Clarisses de Thionville, persuadée de sa vocation de « sœur Clarisse », se dépossède de tous ses biens par testament afin d’assumer cette vocation.

L’âge de la jeune fille a obligé le notaire à s’entourer d’un maximum de précautions, en ayant la participation d’un certain nombre de témoins de qualité, notables patentés de la ville, et au final de refaire une lecture du testament, devant la jeune fille, en la présence d’un témoin apportant la caution d’un religieux, en la personne d’Henry Tocker, vicaire de Veymerange [1].

PS : Les Clarisses de Thionville eurent un blason figurant à l’armorial général de France [2] :

« D’azur à une sainte Catherine de carnation, et au buste du roi, d’or »

 

Référence: Notaire Augustin 3e7670

La dernière abbesse fut Dorothée Elminger, famille connue de Thionville

En 1774, l’abbesse était Elisabeth-Claire de Coussidon.

En 1674 l’abbesse est Marie-Thérèse Gennesson

En 1664, l’abbesse est M… de Beurthey ou de Beurth

 


[1] La cure de Veymerange dépend alors de la paroisse de Volkrange.

[2] Moyennant finance.

[3] La chapelle des lépreux au quartier Saint-François est également un des plus anciens bâtiment de la ville, voir son histoire dans mon ouvrage récent ‘Histoire de l’ancienne chapelle des lépreux » 2017

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