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thionville 17eme siecle

1664 à 1700 - Thionville – Les fortifications (3ème partie)

Publié le par Persin Michel

** En premier lieu, je voudrais signaler et corriger une erreur sur le plan de la ville figurant dans l’article précédent. Lors de la mise en page, l’étiquette indiquant le bastion « le Ferdinand » a bougé. Pour le nom des bastions, il faut se référer au plan joint à la fin de cet article.

Comme nous l’avons déjà dit et redit, le premier pont de Thionville, point de bois couvert, monté sur des piles de maçonnerie a été édifié en 1673, sous la direction de Rodolphe Salzgueber [1], capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service du roi en poste à Thionville. Ce capitaine est fort peu connu, on sait qu’il  a supervisé de près la construction du pont, ce que l’on sait beaucoup moins, voir pas du tout, c’est qu’il a  supervisé d’importants travaux concernant les fortifications de la ville. Ces travaux étaient exécutés suivant des profils et des plans fournis par ses supérieurs.[2]

L’acte que nous allons voir est daté du 25 janvier 1674. Il est assez long et décrit par le menu les travaux à réaliser à différents endroits de la ville, je laisserai quelques paragraphes techniques pour les spécialistes, mais je me permettrai aussi de synthétiser l’ensemble qui sinon deviendrait vite abscons.

L’acte est passé entre messire Louis de Saint-Lô [3], écuyer, seigneur de l’Espinay, ayant la direction des fortifications des places de Lorraine et du Luxembourg, capitaine au régiment de la marine et le sieur Rodolphe Salzgueber [4] qui s’oblige donc par cet acte de faire exécuter les travaux suivants :

1- Construction d’un parapet tant à la porte de Metz qu’à celle de Luxembourg et cela depuis l’endroit où leurs ponts commencent et finissent et cela jusqu’à 20 toises au-delà du parapet du chemin couvert.

Les parapets seront composés de bonnes pierres qui aient beaucoup de qualité et qui seront toujours posées en boutisse [5] et non point en parement.

Les parapets auront chacun une largeur de 15 pieds et sera fait en dos d’âne, c’est à dire plus élevé d’un pied sur le milieu que sur sa bordure et il sera si bien pressé et battu qu’il ne pourra s’enfoncer.

Pour ces parapets, Salzgueber sera payé à raison de 13 livres et 10 sols la toise quarrée.[6]

[1] Comme toujours à ces époques l’orthographe du nom est assez imprécise : Salzgueber, Salzgaiber, Saltzgeber, parfois Saltzgaiber ! Ne retenons aujourd’hui seulement  la phonétique.

[2] Malheureusement ses plans et profils n’étaient pas joints aux actes.

[3] Monsieur Louis de Saint Lô peut-être considéré comme un ingénieur travaillant souvent sous les ordres de Vauban avec lequel il n’était pas toujours d’accord comme dans l’affaire des fortifications de Marsal.

[4] Orthographe utilisé dans cet acte.

[5] Ne laissant voir au-dehors du mur que le bout étroit de la pierre, pose traversière.

[6] Valant à peu prés 3,8 m2

2- Il devra rétablir le fond de la muraille qui sert de face gauche à la demi-lune le long de la rivière Moselle du côté de la porte de Metz et cela en la manière suivante :

« Faire exécuter un pillotage [1] sur le devant égal à celui des pilles du pont et après avoir ôté toute la terre jusqu’au bon fond, il fondera avec de la chaux vive ainsi que l’on a fait audit pont jusqu’à fleur d’eau où il sera fait une retraite de 2 pieds sur le devant en prenant soin de poser la première assise de pierre de taille 1 pied plus bas que la plus basse eau et cette retraite sera couverte par une pierre de taille, le parement de pierre de taille sera élevé d’assise égale à la hauteur de la muraille qui le joint et le reste sera fait avec de gros moellons de Ranguevaux qui ne gèle point. Le corps de la maçonnerie sera  composé de gros moellons posés dans un bain de mortier tierce de chaux et les deux tiers de sable bien dégraissé et de la meilleure qualité qui se trouve dans le pays. Si après avoir approfondit d’environ 6 pieds ou plus au-dessous de l’eau, l’on ne trouve pas le bon fond, il sera posé une grille sur 2 pillotis ainsi qu’il est marqué sur le profil ci-joint, la faisant pencher d’1 pied sur le derrière. Les pillotis, madriers et bois nécessaires seront fournis audit Salzgueber, mais il sera obligé de battre les pillotis jusqu’à 40 à 50 coups de moutons [2] pesant 1000 livres [3] et plus…. »

Ensuite, il est précisé que ledit Salzgueber devra mettre en œuvre les bois et qu’il devra se régler sur le profil joint, il sera en outre obligé de garantir la muraille pendant 3 années à compter du jour de sa réalisation, moyennant quoi, il sera payé à raison de 40 livres chaque toise cube [4] de maçonnerie et il lui sera possible de se servir des vieux matériaux de la muraille qu’il démolira et à l’égard des terres qui proviendront de l’excavation des fondations, elles seront portées et battues et fascinées derrière le bâtiment et du reste l’on formera le parapet et la banquette qui sera gazonnée pour cela Salzgueber sera payé à raison de 55 sols pour chaque toise cube de terre.

3 - Il promet en plus de faire percer la muraille vis à vis du pont sur la rivière avec une voûte qui traversera l’épaisseur du rempart en la manière suivante :

« A l’égard de la poterne, il aura pour modèle celle de la porte de Metz, tant à l’égard des des ponts « …… » pour les portes et feuillures, pour leur orgues [5] que pour leur ceinture, à l’exception que pour observer la symétrie , il fera à gauche une fausse porte comme celle de droite et que l’on ne sera pas obligé d’y sculpter les armes du roi mais bien apposer des collages pour le faire quand on le voudra, pour le reste, il suivra les plans et profils ci-joint, il devra bien entendu construire sur un fond solide et le corps de la maçonnerie sera composé de moellons ainsi qu’il est dit, le tout sera bien lié aux anciennes (maçonneries). Après avoir élevé le fondement jusqu’à la hauteur du rez-de chaussée, il fera une retraite de 6 pouces [6] sur le devant sur laquelle il posera 2 assises de pierre de taille d’un pied chacune et le reste du parement sera de gros moellons de Ranguevaux posés en liaison et assise égale jusqu’à la naissance de la voûte qui commencera sur une petite plaine de pierre de taille et ne « régnera » qu’autant qu’il sera nécessaire pour mettre leur orgue à couvert, c’est à dire que le reste du côté de la ville ne sera pas voûté présentement à moins qu’on ne le juge à propos et en cela ledit Salzgueber sera tenu de le faire, sinon,

[1] Mettre en place des pilotis enfoncés dans le sol. Venise est construite avec cette technique.

[2] C’est un gros « marteau » mécanique servant à enfoncer les pilotis.

[3] Mouton d’un poids d’environ 500 kg

[4] Soit environ 7,40 m3 la toise cube et la toise carrée environ 3,80 m2

[5] Les orgues sont des herses de bois dont les barreaux descendants sont indépendants

[6] Soit environ 2,7 cm.

 il disposera les choses pour pouvoir le faire. Il suivra les plans et profil et sera payé à raison de 28 livres chaque toise cube de maçonnerie et 12 sols par pied carré de parement de pierre de taille. »

4 – Comme il faudra couper le rempart de la longueur suffisante pour avoir celle des fondements, la terre enlevée sera transportée tant dans les lieux ou le terre plein n’est pas bien uni que dans un vide prochain entre le château et les jardins des religieuses, observant qu’il faudra en laisser sur le bord, suffisamment pour remplir l’espace derrière le « bâtiment » après qu’il sera fait et bien battu et fasciné [1] et pour cela ledit Salzgueber sera payé tant pour le déblai que pour le remblai à raison de 55 sols la toise cube.

5 – Le sieur de Salzgueber sera tenu aussi de faire construire des guérites de pierre de taille de Ranguevaux sur tous les angles flanqués des bastions, observant que la liaison avec la muraille devra être assez bonne pour soutenir sans risque tout le poids des guérites, s’il le faut elles seront jointes ensembles avec des clés [2]et des crampons aux endroits qui seront jugés nécessaire en cela il suivra les plans, profils et façades ci-joint et accepté. Pour ce travail le sieur Salzgueber sera payé 400 livres.

6 – Le sieur Salzgueber devra faire à la tête du pont une redoute [3]de maçonnerie avec un paravent tant en dehors qu’en dedans, fait de moellons de Ranguevaux et suivra pour l’épaisseur et l’élévation les plans et profils, observant qu’il devra faire des créneaux de 3 pieds en 3 pieds pour y pouvoir tirer, comme aussi de former leurs angles avec de la pierre de taille et sera payé à raison de 33 livres par toise cube de maçonnerie et pour ce prix il devra faire les lits de camp avec  les portes et les bancs.

7 – Enfin, le sieur Salzgueber fera autour de la redoute un fossé de la largeur indiquée dans le profil avec un petit pont pour traverser le fossé. Il fera planter une palissade dans le milieu. Les terres qui proviendront du fossé seront portées et rangées ainsi qu’il est marqué sur le profil, pour cela le sieur Salzgueber sera payé 30 sols la toise cube de terre et les palissades, et bois lui seront fournis sur les lieux mais il devra les aplanir [4] et les espointer et les planter. Pour les voitures nécessaires pour le transport des matériaux pour tous les ouvrages, elles seront consignées [5]par le pays qu’il devra payé à l’ordinaire comme pour les marchés précédents.

Enfin concernant le paiement des travaux, il sera fait à l’avancement des travaux, mais il recevra pour avance une somme de 3000 livres.

Passé à Thionville le 25 janvier 1674.

[1] Fasciné veut dire que l’on mélangeait des petites branches souples à la terre afin de la retenir en place et de la rendre moins friable

[2] la clé d’arc était en fait une pierre en forme de  trapèze fermant une voûte et assurant sa solidité

[3] Une redoute est une constructionn sans angles rentrants, située à l’extérieur de la place ou ville  fortifiée

[4] Les rendre plates sur deux côtés et les tailler en pointe

[5] Réquisitionnées dans les villages alentours et Salzgueber devra payer les paysans pour le service

Exemple d’agrafe ou de crampon métallique chargé de  solidifier une liaison entre deux pierres.

Exemple d’agrafe ou de crampon métallique chargé de solidifier une liaison entre deux pierres.

Les signatures de Saint Lô et de Salzgueber

Les signatures de Saint Lô et de Salzgueber

Notes :

Dans les signatures, on remarquera qu’à la fin du texte, il y a écrit : « Salzgueber signe avec nous… » pourtant la signature de la main de l’intéressé, se termine par « ..gaibre ». Il semble que sa famille venant de Suisse, se soit fixée en France sous Louis XV, en profitant pour françiser l’orthographe du nom. Nous verrons à la fin de cette série d’articles, les quelques informations que nous avons pu trouver sur le sieur Salzgueber.

Ces actes sont écrits d’un seul « jet » sans aucune virgule, les points sont à deviner quand il y a une majuscule et de nombreux mots sont encore différents des nôtres comme :

Espointer pour épointer

Eslevé pour élevé 

Moislong pour moellon  

Tierce pour tiers

Desgraisser pour dégraisser  

Quy et Quoy pour Qui et Quoi  

Chasque pour chaque

Lespoisseur pour l’épaisseur 

Cymétrie pour Symétrie 

Droict pour droit 

Déblay pour déblai 

et bien d’autres,  en prenant en compte que dans le même acte, ces mêmes mots peuvent être écrits différemment.

Une autre difficulté vient les termes techniques propres à la « Poliorcétique » ou l’art des fortifications.

Pierre de Ranguevaux :

Nous voyons aussi qu’une grosse partie des pierres employées aux fortifications venaient de Ranguevaux où existaient des carrières depuis le 12ème siècle, ainsi que de nombreux tailleurs de pierre qui ont œuvré sur les fortifications de Thionville et de Metz comme à la cathédrale de Metz.

Cette pierre est une chaux carbonatée qui ne gèle pas et possède une très grande solidité. On trouvait aussi à Ranguevaux, de l’argile fine et pure, propre à la fabrication de poterie. De nombreuses églises de nos villages et nos anciennes routes ont été réalisées pour le gros œuvre ou les dallages, en pierre venant de ce village bucolique proche de Hayange et Fameck.

Ci-dessous, vous trouverez un plan de Thionville daté de 1650, sur lequel est reporté le nom des différents bastion et les zones où eurent lieu ces travaux.

Plan daté de 1650 (Le fond de plan vient des archives municipales de Thionville)

Plan daté de 1650 (Le fond de plan vient des archives municipales de Thionville)

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1664 à 1700 - Thionville – Les fortifications (2ème partie)

Publié le par Persin Michel

Dans la continuité de la série d’articles consacrés aux fortifications de la ville de Thionville nous allons voir aujourd’hui un document daté du 19 août 1668.

Pour préciser un peu les choses, à cette époque, la ville est devenue officiellement française depuis 1659, elle n’a encore que deux portes, celle de Metz et celle de Luxembourg, le pont sur la Moselle n’existe pas encore [1] même si a cet endroit existe une petite poterne permettant un accès à la Moselle.

Le document est en fait une adjudication de travaux à faire aux fortifications, il est intéressant à plusieurs titres : Il donne une liste de travaux à exécuter, au moins disant, avec l’endroit où ils doivent être faits et les noms des adjudicataires qui sont de Thionville ou de Metz.

« L’an 1668, le 19 août nous Jean Paul de Choisy, chevalier, seigneur de Baumont, conseiller du Roi en ses conseils et  d’honneur en son parlement de Metz, intendant de la justice, police et finances en la généralité de Metz, Luxembourg et frontières de Champagne, nous nous sommes transportés à Thionville pour la suite des publications et affiches qui ont été faites à Metz des réparations à faire à ladite place de Thionville et pour procéder à l’adjudication desdits travaux, suivant et conformément à ce qui est porté par le devis qui a été dressé par le sieur Brioys [2], ingénieur du Roi le 19 juillet dernier »

[1] Il sera construit en 1673 par le capitaine d’origine suisse « Saltzgueber »

[2] Il fut un mathématicien et ingénieur spécialisé dans les fortifications. Il a écrit un ouvrage sur le sujet qu’il a dédié à Jean Paul de Choisy. Il devait superviser la démolition des fortifications de Sierck.

Coupe standard d'une fortification

Coupe standard d'une fortification

Premièrement :

Le pont à faire sur le ruisseau qui donne dans le fossé (probablement sur la Fensch, à la porte de Metz), lequel pont doit être de 72 pieds de long et où il y aura 9 chevalets d’un pied carré, ledit pont aura 16 pieds de large et les gardes fous auront 3 pieds et demi.

De plus 40 toises de chaussée à raccommoder avec des pièces de bois et du sable aux deux extrémités du pont et de même largeur que le pont.

Mise à prix :

François Courtois, charpentier de Metz pour 500 livres, rabaissé par,

Jean Wehl, charpentier de Thionville à 450 livres,

Jean Adam à 400 livres, charpentier de Metz,

Thil Wegener, bourgeois de Thionville à 380 livres,

Daniel Watry de Metz 360 livres,

Jean Adam de Metz à 350 livres à qui les travaux ont été adjugés, le tiers par avance, l’autre tiers au milieu du travail et le dernier tiers à la fin du travail.

En second lieu :

Les travaux à faire au poste de garde de la demi-lune de la porte de Metz ou il faut un plancher et ventillons [1] neufs et refaire les dégâts et raccommoder le pont de l’avancée de la demi-lune ou il faut trois chevalets avec les « bauchamps » (support) nécessaires.

Mis à prix

Pierre Meslin, charpentier de Metz à 160 livres rabaissé par :

Jean Wehl charpentier de Thionville à 150 livres.

Pierre Meslin à 140 livres,

Thil Wagener à 135 livres,

Pierre Meslin le jeune de Metz à 130 livres

Thil Wagener à 1250 livres,

Pierre « Duranin » de Metz à 120 livres,

Daniel Watry à 110 livres,

Thiel Wegener à 105 livres,

Daniel Watry de Metz à 100 livres à qui les travaux ont été adjugés.

En troisième lieu :

La chaussée depuis la porte de Metz jusqu’à la croix des capucins pour 84 toises de longueur, 2 toises et demie de largeur et bien entendu, il faudra mettre 2 pieds de terre à l’endroit le plus creux et bordé ledit pavé de pieux de bois qui auront 1 pied et un quart.(les capucins sont installés à Thionville depuis 1624 aux environs de la porte de Metz)

Mis à prix :

Daniel Watry à 4 livres la toise au carré, rabaissé par :

François Courtoy à 3 livres et 15 sols,

Gaspar Gérard à 3 livres 13 sols,

Daniel Watry à 3 livres et 10 sols,

Gaspar Gérard à 3 livres et 8 sols à qui ont été adjugés les travaux.

En quatrième lieu :

Réparations à faire avec toutes les ferrures nécessaires, au pont de l’ouvrage à corne à la porte de Luxembourg.

Mise à prix :

Par le sieur Hullin pour 148 livres rabaissé par :

François Courtoy à 134 livres,

Le sieur Hullin à 132 livres à qui les travaux ont été adjugés.

En cinquième lieu :

Deux corps de garde maçonnés qui sont à faire, l’un à l’avancée de la porte de Metz et l’autre à l’avancée de la porte de Luxembourg. Ils devront avoir 26 pieds de longueur sur 10 pieds de largeur et 8 pieds de hauteur hors de terre, planchés et avec une séparation pour coucher l’officier où il y aura une cheminée commune au corps de garde. Les murailles du corps de garde auront 1 pieds et demi en bas et 1 pied en haut, le tout couvert de tuiles, avec une vitre dans chambre de l’officier, des portes et ventillons, le tout rendu clés en main.

Mise à prix pour les deux corps de garde :

Le sieur Hullin pour 750 livres rabaissé par :

Daniel Watry à 650 livres,

Le sieur Hullin à 600 livres,

Isay Porin pour 590 livres,

Le sieur Hullin pour 580 livre,

Daniel Watry pour 570 livres et ainsi de suite pour se conclure par  530 livres pour le sieur Hullin à qui ont été adjugés les travaux.


[1] Chicanes aux fenêtres pour filtrer l’air y entrant

En sixième lieu :

Toutes les barrières et palissades et aussi toutes les portes et ferrures nécessaires à savoir les barrières de 6 pieds de haut avec les poteaux de 10 pieds ou 9 pieds au carré, les palissades de 10 pieds de haut avec des poteaux de 10 pieds carré avec des cadres mortaisés et les palissades chevillées :

Mise à prix :

Le sieur Hullin pour 16 livres la toise et les barrières à 8 livres y compris les portes et ferrures rabaissé par :

Pierre Meslin  pour 14 et 7 livres,

Daniel Watrin pour 12 et 6 livres,

Le sieur Hullin pour 11 et 5 et demie livres,

Jean Wehl pour 9 et 4 et demie livres,

Au final, Thiel Wagener pour les palissades à 5 livres et 15 sols et les barrières à 55 sols à qui ont été adjugés les travaux, il faudra aussi qu’il fasse deux guérites en chêne pour 11 livres chacune.

En septième lieu :

Des travaux à l’avancée de la porte de Luxembourg adjugé à François Courtoy pour 200 livres.

Les ouvrages de maçonnerie à faire au flan de l’ouvrage appelé le Ferdinand (bastion porte de Metz) sont adjugés au sieur Watrin pour 19 livres et 10 sols la toise.

La terre apportée derrière les murailles, payée à la toise, est adjugée à 50 sols la toise au sieur Hullin en mettant par lui une douzaine d’arbres de chêne à la tête de la muraille qui y feront le coin de la rivière du coté de la porte de Metz, les trous seront remplis 

Attention : Une erreur d'impression fait que le "Ferdinand" ne pointe pas en (7) mais en réalité en (2) le long de la Moselle près du pont

Attention : Une erreur d'impression fait que le "Ferdinand" ne pointe pas en (7) mais en réalité en (2) le long de la Moselle près du pont

Pour conclure cet article, on relèvera que des travaux ont été faits au-devant des deux portes de la ville, Metz et Luxembourg, afin de renforcer la défense de ces portes en y installant dans postes de gardes et des guérites, en y ragréant des remparts abîmés au niveau du bastion appelé le « Ferdinand » et en y implantant des barrières et des palissades qui sont de qualité car assemblées par mortaises et chevilles.

On y voit aussi que les adjudications sont faites par des artisans de Metz, peu de fois par des artisans thionvillois et que les artisans de Metz remportent le plus souvent les adjudications car ils peuvent descendre leur prix de façon plus importante du fait de la taille de leur entreprise.

On peut constater également que les travaux exécutés par des entrepreneurs locaux sont sous la supervision d’un ingénieur militaire spécialiste des fortifications.

Enfin et à titre indicatif pour se donner une idée du volume des travaux :

Un pied mesure 0,325 cm et une toise environ 2 m (environ)

Dans le prochain article, nous verrons un acte plus important et plus technique, daté du 25 janvier 1674, soit juste après la construction du premier pont « couvert » en bois de Thionville, par le sieur Rodolphe Saltzgerber ou Saltzgaiber, capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service du roi. (voir l' articles sur le sujet en cliquant sur le lien ci-dessous)

http://www.histoiredethionville.com/15-juin-1674-travaux-aux-fortifications-de-thionville

ou la série d'articles sur les ponts de Thionville

 

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Des origines à 1634 - Thionville - Les fortifications (1ère partie)

Publié le par Persin Michel

Après un mois de vacances où j’ai refait le voyage en Italie qu’avait fait Montaigne en 1580 [1], me voilà de retour dans ma bonne ville de Thionville. J’avais annoncé la parution prochaine de « l’Histoire de la chapelle des lépreux » au quartier Saint-François, mais l’idée m’est venue d’y adjoindre « l’Histoire de la Chapelle du lépreux » du mont Saint-Michel à Beuvange, ce surcroît de travail va donc retarder la parution de l’ouvrage dont je ne manquerai pas de vous avertir.

J’avais aussi annoncé la parution sur le blog d’une série d’articles sur les fortifications de Thionville et leur remaniement à une époque de transition qui a suivi la prise de la ville en 1643 et son rattachement à la France, c’est donc aujourd’hui le premier article sur le sujet.

Ces articles dérivent d’une série de documents notariaux trouvés aux archives départementales de la Moselle sous la cote 3E7534-3E7535 (Helminger). Certains s’étonneront que des documents notariaux évoquent les fortifications de la ville, toutefois, il faut savoir que très souvent les travaux demandés par le roi et ses ingénieurs étaient réalisés par des artisans et entrepreneurs locaux sous le contrôle de militaires en garnison dans la ville que l’on pourrait assimiler aux régiments du génie actuels. Ces travaux faisaient donc l’objet d’actes notariés les décrivant, en fixant le prix et les termes de paiement, comme tous les autres actes commerciaux.

On verra que les documents décrivent les travaux à  réaliser de façon très précise et de ce fait, ils sont souvent un peu « arides » aussi j’en ferai le plus souvent possible le résumé en essayant d’y mettre quand même des éléments se rattachant à la technique qui peuvent intéresser les spécialistes du genre.

En toutes choses, commencer par le début est un gage de bonne compréhension, aussi :

[1] Montaigne – Journal de Voyage –L’Italie via l’Allemagne te la Suisse  - Editions Arléa 2006

« A tout seigneur, tout honneur »

Notre seigneur n’est autre que Charlemagne qui fit quelques séjours [1] dans notre ville, habitant alors une villa probablement construite par son père Pépin qui y séjourna fréquemment. L’on situe généralement cette villa aux alentours de la cour du château, de la tour aux puces et de la mairie.

On sait que les rois francs contrairement aux romains aimaient à construire leur villa dans des endroits marécageux, proche d’une rivière et de bois. Avouons ensemble que l’emplacement de la cour du château se prête fort bien à  leurs goûts.


[1] En 772, 775, 783, 805 et 806 pour ne plus y venir mais certains de ses fils y vinrent encore.Voir à ce sujet L’histoire de Thionville de Guillaume Teissier  paru en 1928

Toutefois, aucun vestige n’est venu corroborer cette hypothèse, il faut dire que très peu de recherches archéologiques ont été conduites dans cette cour du château. De plus il faut prendre en compte qu’avant Charlemagne, la plupart des constructions était en bois et en terre, Charlemagne essaya d’introduire à nouveau la pierre dans la construction en particulier à Aix-la-Chapelle mais ses fils et les rois qui suivirent revinrent aux construction mélangeant la pierre en soubassement et le bois pour les superstructures ce qui donna à notre région et avant la guerre de Trente ans  un aspect identique à l’Alsace et à la Champagne [1] où ce genre d’architecture existe toujours.[2]

Qu’étaient ces villas qu’on appelait aussi palais ?

Elles s’apparentaient le plus souvent à de grosses fermes possédant deux cours de forme rectangulaire, la première cour plus basse [3] que l’autre, abritait les bâtiments dit utilitaires , écurie, granges, remises et logement du « petits » personnel, cette cour donnait via un portique sur une seconde cour qui comportait l’habitation du roi, du comte avec le logement de son personnel proche, les salles de réception et cuisines, le tout contenu dans une enceinte fortifiée de remparts en bois et terre, souvent entourée par un fossé pouvant être mis en eau.

Voilà une description qui cadre avec ce que furent par la suite l’architecture des châteaux forts et autres villes fortifiées. De plus, elle coïncide bien avec la structure de la ville de Thionville telle qu’elle nous apparaît sur un des anciens plans de la ville de 1565, celui de Jacques de Deventer. 

(Reprit ci-dessous par l’érudit  historien thionvillois, Gabriel Stiller  1921-2006)

[1] Voir les dessins de l’abbé Jean Bretels réalisés au 16ème siècle.

[2] Voir l’essai sur les châteaux royaux, villas royales ou palais du fisc des rois mérovingiens et carolingiens paru en 1878 à Amiens – Auteur : Martin Marville

[3] Qui deviendra la basse-cour des châteaux et des fermes ;

Ci-dessus l’aire rectangulaire dite du château estimée comme l’emplacement de la villa carolingienne.  Par extension cette aire rectangulaire s’agrandit pour accueillir la ville, ceinturer par ses remparts comme l’était l’aire du château. L’aire du château comme plus tard la ville est appuyée sur la Moselle et tout autour s’étendent des marécages avec la forêts sur les crêtes de Guentrange et Veymerange toutes proches.

Ci-dessus l’aire rectangulaire dite du château estimée comme l’emplacement de la villa carolingienne. Par extension cette aire rectangulaire s’agrandit pour accueillir la ville, ceinturer par ses remparts comme l’était l’aire du château. L’aire du château comme plus tard la ville est appuyée sur la Moselle et tout autour s’étendent des marécages avec la forêts sur les crêtes de Guentrange et Veymerange toutes proches.

Voilà ce que fut sans doute la villa carolingienne, un ensemble de bâtiments, adossés à la rivière, construits en bois et en terre [1]avec des levés et des fossés mis en eaux grâce à la Moselle, entourés de marécages hostiles et de bois giboyeux.

J’entends certains me dire que les palais ou villas carolingiennes n’étaient pas fortifiés, car aucune découverte archéologique ne le prouverait !

Cette assertion n’est pas crédible, quand on ne trouve pas s’est souvent qu’on ne cherche pas ou qu’on cherche au mauvais endroit. D’abord toute la littérature ancienne avec ses multiples allusions à des fortifications à des endroits où l’on gardait des prisonniers souvent illustres, le prouvent. De nombreuses découvertes archéologiques récentes attestent l’existence de fortifications autour des palais carolingiens comme à Perderborn [2]. Et puis, comment imaginer un seul instant qu’à ces époques somme toute assez sombres, les villas ou palais où résidaient les plus importants personnages du pays ne fussent pas fortifiés !

Après la mort de Charlemagne en 814 et celle de ses fils, puis de ses petits fils, soit vers le 10ème siècle, Thionville n’étant plus une résidence royale n’est plus mentionnée dans les chroniques ou dans les actes, la ville s’étiole et la villa royale se ruine par manque d’entretien, par manque de finance, n’étant plus habitée que par un intendant, un soldat sans doute, dont l’histoire n’a pas retenu le nom.

En 939, l’empereur Othon Ier, fit détruire la chapelle construite par le Louis-le-Débonnaire, dernier vestige de la gloire désormais passée de la ville.

Le plan de 1565 fait par Jacques de Deventer, nous montre les fortifications de la ville juste après sa prise éphémère par les français en 1558. Regardons la description faite de la place de Thionville à cette occasion.

« On pense alors que les fortifications n’ont guère évolué depuis le 13ème  siècle, qu’elles consistent en de grosses tours rondes reliées entre elles par des murs épais, eux même entourés d’un large fossé emplit d’eau.

Dans les mémoires des affaires de France sous la fin du règne d’Henri II, il est précisé que la ville est ceinturée d’un haut mur avec de distance en distance de renflements semi-circulaires, qu’elle a deux portes, est entourée d’un fossé rempli d’eau, au devant duquel le terrain est marécageux. »

Plusieurs militaires disent en substance que les murailles ne sont guère un obstacle, mais que les marécages et le fossé empli d’eau sont bien plus embêtant pour leurs troupes.

Toutes ces descriptions cadrent bien avec le plan « Deventer » et avec une ville dont les fortifications n’ont guère évoluées depuis plusieurs siècles, sauf à parer aux  réparations les plus urgentes.

Lors de mon voyage, cet été en Italie, j’ai pu voir de nombreuses petites villes restées dans leur « Jus » médiéval, souvent perchées, elles subissent aujourd’hui l’assaut des touristes. Je voudrais vous montrer ci-après la photo d’une de ces petites villes fortifiées, il s’agit de Montériggioni en Toscane.


[1] Peut-être avec des soubassements ou quelques structures en pierre ;

[2] Fouilles conduites de 1964 à 1977. Voir Nouvelles données sur le palais de Charlemagne et de ses successeurs dans les Actes du VIIe congrès international d’archéologie médiévale en septembre 1999.

Toscane - Monteriggioni

Toscane - Monteriggioni

Avec un minimum d’imagination, des tours semi-circulaires, une situation dans une vallée avec une rivière coulant le long des remparts et voilà à quoi pouvaient ressembler les fortifications de Thionville à l’aube du 16ème siècle.

Lors de la prise de la ville par les français en 1558 [1], c’est la partie de la muraille vers la tour au puces qui fut la plus endommagée, mais rapidement après la capitulation le 22 juin 1558, les dommages furent réparés [2], puis quand le 3 avril 1559, la ville fut rendue à l’Espagne par le traité de Cateau-Cambrésis, on nomma Jean de Wiltz (1570-1628) comme gouverneur de la ville, c’est lui qui commença la reprise des fortifications avec le but de les rendre plus aptes à résister aux mines et à l’artillerie.

Nous allons voir maintenant le premier document faisant parti du lot des documents traitant des fortifications de la ville.

Ce document assez court est daté du 16 février 1634,  il émane du roi d’Espagne, il est signé Della Faille [3] et de Pierre Jean Van Heurck. Il est répertorié au registre des chartres de Luxembourg.

Ordre pour dans les bois

 communaux proche de Thionville

prendre les arbres servant

à la fortification de la ville de Thionville.

[1] Siège conduit par le duc de Guise et le maréchal de Vieilleville, le siège débuta le 17 avril, la ville fut cernée le 25 mai et capitula le 22 juin. Tous les défenseurs de la ville furent à minima blessés et les français avouèrent 400 tués. (Voir le récit du siège par Barthélemy Aneau écrit rapidement après le siège et publié à Metz en 1957 par Marius Mutelet)

[2] Par des civils de la ville et des villages alentours, réquisitionnés dans le cadre des corvées.

[3] Famille encore alliée à la famille royale de Luxembourg

 

Sa majesté ordonne que dans les bois communaux proche de Thionville et dans les lieux où il y aura moins de dommages et inconvénients l’on prenne les arbres servants à la fortification de la ville de Thionville et qu’au cas d’opposition de ceux de la commune, l’on envoie leurs raisons au marquis d’Aytona pour y prendre l’égard et ordonner ce que de raison, mais comme les ouvrages en question ne peuvent souffrir aucun délai que cependant l’on ne laisse d’abattre lesdits arbres et de les employer audits ouvrages en tenant bonnes et pertinentes notes pour y avoir recours et regard quand besoin sera. Fait à Bruxelles le 16ème février 1634 cacheté par le cachet de sa majesté.

Déclaration des ouvrages que son altesse a voulu qu’on fasse aux fortifications

de la ville de Thionville.

Premièrement, doivent se faire deux rauelins devant les deux portes des entrées

Plus un blovard nouveau dessus la Moselle et une contrescarpe

Faire un parapet alentour de la muraille de 8 pieds [1]  de large et 6,5 pied de haut.

Soit 2,60 m de large pour 2,11 m de hauteur

Réparer les parapets des bolvards et qu’ils soient l’épreuve de l’artillerie à savoir 20 pieds de large et 6,5 pieds de haut et assurer les casemates avec une muraille de l’épaisseur d’une brique. (Soit 6,5 m de large sur 2,11 m de hauteur)

Nettoyer et approfondir le fossé

Et aux œuvres susdites on ira travailler en cette sorte :

En premier lieu, réparer les bolvards et assurer les casemates

Ensuite faire le parapet alentour de la muraille

Ensuite nettoyer et approfondir le fossé

Ensuite faire la contrescarpe avec les deux rauelins devant les portes

Enfin faire le bolvard au-dessus de la Moselle.


[1] Le pied mesurait avant 1668 : 326,59 mm puis après cette date : 324,83 mm, soit une valeur moyenne de 325 mm.

Les rauelins sont les petits bâtiments triangulaires qui se trouvaient en dehors de l’enceinte fortifiée et qui permettaient la défense des remparts ou courtine. Des soldats pouvaient y être embusqués et avoir ainsi des angles de tirs dans toutes les directions. Souvent, ils se trouvaient au milieu des fossés remplis d’eau et accessibles par des ponts de bois.

Les rauelins sont les petits bâtiments triangulaires qui se trouvaient en dehors de l’enceinte fortifiée et qui permettaient la défense des remparts ou courtine. Des soldats pouvaient y être embusqués et avoir ainsi des angles de tirs dans toutes les directions. Souvent, ils se trouvaient au milieu des fossés remplis d’eau et accessibles par des ponts de bois.

Bolvard :

Ce mot vient de l’allemand « Bollwerk » qui signifie « fortification ». C’était le chemin se trouvant en haut des remparts où l’on pouvait faire circuler des chevaux avec leur charrettes (à Thionville on disait que trois charrettes pouvaient s’y croiser) et bien entendu y placer des canons et autres mousqueteries.

De ce mot dérive « Boulevard », quand ces fortifications n’eurent plus d’utilité pour les militaires, on y planta des arbres et les habitants vinrent s’y promener (sur les boulevards) profitant souvent d’une belle vue sur la ville ou la rivière, des « Sky lines » avant l’heure.

 

Les "rauelin" sont les petites structures triangulaires en bas à gauche et à droite reliées à la ville par des ponts de boiset le "bolvard" est la partie bordée d'arbres au-dessus du rempart tout autour de la ville

Les "rauelin" sont les petites structures triangulaires en bas à gauche et à droite reliées à la ville par des ponts de boiset le "bolvard" est la partie bordée d'arbres au-dessus du rempart tout autour de la ville

Le marquis d’Aytona cité dans le texte était Francesco de Moncada y Moncada, né à Valence en Espagne le 29 décembre 1586 et décédé en 1635 à Goch en Allemagne. Il fut tout à la fois militaire,  diplomate et même sur le tard un grand historien espagnol. Il a œuvré pour le Saint Empire germanique et fut gouverneur des Pays Bas espagnols en 1632, c’est à ce titre qu’il est cité dans cet acte.

Le marquis d’Aytona cité dans le texte était Francesco de Moncada y Moncada, né à Valence en Espagne le 29 décembre 1586 et décédé en 1635 à Goch en Allemagne. Il fut tout à la fois militaire, diplomate et même sur le tard un grand historien espagnol. Il a œuvré pour le Saint Empire germanique et fut gouverneur des Pays Bas espagnols en 1632, c’est à ce titre qu’il est cité dans cet acte.

Nous voyons donc que les fortifications de la ville évoluent vers un système plus élaboré afin de les adapter à l’artillerie et aux nouveaux systèmes de défense des villes qui se répandent un peu partout en Europe suivant les théorie des ingénieurs militaires dont le plus connu en France fut Vauban, bien qu’il eut mieux maîtriser le siège des villes et leur prise que leur défense où d’autres furent souvent plus « pointus ». A ce propos, il est utile de préciser que Vauban n’est sans doute jamais venu à Thionville, mais que certaines modifications des fortifications lui ont été présentées par ses ingénieurs auxquelles il a apporté « sa patte ».

Nous reparlerons de Vauban dans les articles à venir.

Une précision encore, à l’origine le large fossé entourant la ville était alimenté par des écluses situées sur la Moselle, vers la porte de Metz, toutefois lors des crues de la rivière cela entraînait des dégâts importants aux fortifications et quand en été la Moselle était trop basse, on ne pouvait remplir le fossé. On décida donc d’aller chercher l’eau d’une petite rivière, la Fensch, qui coulait à Terville. Un canal de dérivation fut construit qui alimentait les moulins de Terville, Beauregard et celui de la ville puis l’eau était au besoin dirigée dans le fossé ou rejetée dans la Moselle. La Fensch est une petite rivière au débit rapide et assez constant, qu’on peut maitriser plus facilement que la Moselle et par un système d’écluses et de réservoirs on pouvait assez facilement régler son cours et alimenter ainsi de façon plus sûre et régulière les fossés autour de la ville.

Si vous êtes un promeneur, un marcheur, un spectateur de « Rives en fêtes » vous avez donc longé les remparts le long de la Moselle. Vous avez vu leur construction de briques insérer dans des parements de pierre de taille où figure la signature des tailleurs, des poseurs, signes qui permettaient de les payer à la tâche. Il faut savoir que l’ensemble des remparts entourant la ville était fait de briques rouges avec des parements de pierre de taille.

Peut-être vous êtes vous demander d’où venait toutes ces briques rouges ?

Il y avait une « briquerie » vers le lycée technique qui en a gardé le nom, une autre vers le quartier de Lagrange et encore une vers Illange, elles produisaient aussi des tuiles par milliers comme nous le verrons.

Les prochains actes ont été passés à partir de 1668, soit peu de temps après la prise de la ville par les français en 1643 [1] et son rattachement à la France par le traité des Pyrénées le 7 novembre 1659, nous verrons alors les travaux réalisés par les français afin de garantir leur nouvelle prise de toutes tentatives de retour à l’ordre ancien.

[1] Le siège débuta le 16 juin 1643, les armées sont aux ordres du Duc d’Enghien. La ville capitule le 8 août  après une défense plus qu’honorable.

 Des origines à 1634 - Thionville - Les fortifications (1ère partie)
Marques de tailleurs de pierre

Marques de tailleurs de pierre

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Juin 1669 - Prostitution et prison à Thionville

Publié le par Persin Michel

Gravure tirée de l’ouvrage : « La prostitution contemporaine » chapitre  « la maison à soldats »  Scène datant du 19ème siècle

Gravure tirée de l’ouvrage : « La prostitution contemporaine » chapitre « la maison à soldats » Scène datant du 19ème siècle

Si je regarde très loin dans le rétroviseur, soit 347 ans en arrière, je vois une certaine Madeleine Schaff, veuve d’un nommé « Roclos », alors soldat de la garnison de Thionville.

Cette Madeleine Scharff, fait l’objet d’une lettre du lieutenant général civil et criminel au bailliage du siège royal de Thionville, pour le procureur du roi de la ville, afin de lui signifier que ladite Madeleine Schaff a été constituée prisonnière aux prisons royales du bailliage [1] sur demande dudit procureur du roi en la ville de Thionville à cause de la prostitution de son corps et autres faits par lui constatés.

Suite à cet emprisonnement, ladite Schaff a été condamnée au bannissement de trois ans hors la ville et à une amende de cinquante livres tournois comprenant les frais de justice. Pour payer cette amende, la pauvre n’a aucun moyen, et comme elle a déjà passé plus d’un mois en prison, elle demande à vendre un bien afin de pouvoir payer l’amende et quitter ladite prison.

Dans cette lettre, le lieutenant général civil et criminel au bailliage de la ville signifie au procureur, qu’il autorise ladite Schaff à vendre quelques héritages pour être élargie des prisons royales et lui faire grâce d’avoir tenu la prison aussi longtemps.

 

[1] Les prisons royales ne sont que quelques cellules, se trouvant en général dans les locaux du bailliage (Beffroi)

La suite nous est donnée par un acte du 6 juin 1669, dressé par les notaires royaux de la ville de Thionville, devant témoins et en présence de Madeleine Scharff, veuve du soldat « Roclos » de la garnison de la ville, acte s’ensuivant de la requête faite par elle-même à monsieur le lieutenant général civil et criminel de la ville, lui demandant l’autorisation de vendre quelques héritages pour être élargie des prisons royales de ce siège de Thionville.

Sur consentement du procureur du roi en date du 3 juin de cette année 1669, elle reconnaît avoir vendu pour toujours et irrévocablement, à l’honnête Nicolas Crespin, tailleur d’habits et bourgeois de Thionville et à Madeleine Chopsein, sa femme, un verger situé au village de Volkrange, derrière l’église à coté d’un bien d’église et du chemin communal. Eve Agathe Wirfel, sa mère, et son mari Noël Liger ont l’usufruit leur vie durante [1] sur ce terrain.

Sa mère, Eve Agathe Wirfel, renonce à cet usufruit et vie durante sur ledit verger, qui peut ainsi être vendu pour 12 écus blancs [2] que les acheteurs ont payé comptant et qui seront employés pour l’élargissement de prison de ladite Schaff.

Les témoins sont Pierre Joan et Jean Beran, tous les deux sergents royaux du bailliage de Thionville.

Ces actes nous montrent d’une part, qu’au 17ème et 18ème siècle, la prostitution est un délit réprimé par la loi en vue de son éradication. Les peines sont l’emprisonnement et le bannissement assorties d’une amende. Le bannissement peut être limité dans le temps, ici trois années, et limité dans l’espace, on était banni de la ville ou de la province. Dans certaines régions, la loi est plus dure et peut amener au bagne.

La prostituée est dans un premier temps mise en prison, puis jugée et quand elle a payé l’amende infligée par les magistrats, elle sort de prison pour partir en exil pendant le temps du bannissement. Toutefois, vers le milieu du 18ème siècle, la justice s’adoucit et les mesures prises sont assez peu appliquées.

Dans notre cas nous voyons que Madeleine Schaff était mariée avec un soldat de la garnison de Thionville, elle avait peu de biens, sa mère s’était remariée avec un bourgeois de la ville et quand son soldat de mari est décédé, elle s’est probablement trouvée rapidement sans ressource. Thionville est une ville de garnison où les hommes sont nombreux, seuls et souvent désoeuvrés, une jeune veuve peut très rapidement basculer dans la prostitution pour assurer sa subsistance. Mais la ville est petite et tout se voit, se sait, quelques soupçons venant aux oreilles du procureur et la machine judiciaire se met en route ne laissant que peu de chance d’échapper aux châtiments.  Elle semble être restée plus d’un mois emprisonnée, ne pouvant payer l’amende. Elle n’a qu’un verger à Volkrange qui lui reviendra à la mort de sa mère qui en a l’usufruit sa vie durante, et c’est sa mère qui en renonçant à cet usufruit permettra la vente du bien, le paiement de l’amende et la sortie de prison. Après Madeleine Schaff quittera la ville pour trois années, mais libre.

 


[1] Il semble ici que sa mère Eve Wirfel se soit remariée avec Noël Liger, mais qu’elle était mariée précédemment avec un certain Schaff, duquel elle a eu cette fille Madeleine. L’usufruit sa vie durante sur le verger lui venait de ce précédent mariage échouant donc à sa fille Madeleine.

[2] Un écu blanc vaut en général 3 livres tournois et demie soit pour 12 écus, 42 livres tournois

 

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