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1837 -1914 Thionville-Volkrange: Nicolas NOËL

Publié le par Persin Michel

Nicolas Noël encore jeune. Dessin original d'après un livre du fonds documentaire de l'association "Les amis de Liverdun"

Nicolas Noël encore jeune. Dessin original d'après un livre du fonds documentaire de l'association "Les amis de Liverdun"

En général, dans les biographies, on présente le sujet, puis on retrace l'histoire du sujet, souvent de sa mort à sa naissance.  

Aujourd'hui, je ne vais pas présenter le sujet. Une fois n'étant pas coutume, je vais vous présenter sa famille, ses aïeux, en commençant par son ancêtre le plus ancien que j'ai retrouvé et doucement nous arriverons à Nicolas Noël, né à Volkrange en 1837. Dans la deuxième partie, nous parlerons de ce Volkrangeois qui a eu un parcours professionnel plutôt exceptionnel et pourtant fort méconnu.

Noël Schan :

Au 16ème siècle,  vit à Thionville un certain « Schan  [1] » Noël, il est commerçant et comme beaucoup de commerçants de cette époque à Thionville, il commerce dans plusieurs domaines, ici on le dit mercier et marchand de vin [2]. Probablement né en 1550 et marié avant 1575, il a un fils prénommé comme lui, Jean.

 


[1]  Schan = Jean

[2]   Dénombrement de 1611 dans le fonds Braubach A vol : 13 chapitre : 6

Noël Jean :

Ce fils Jean est né vers 1575 à Thionville où il se mariera avant 1615 avec une certaine Elisabeth dont il aura un fils, prénommé Simon.

Ce Jean exercera le métier de vigneron, car il est alors de coutume qu’un marchand de vin achète des vignes  ou un boulanger une métairie à grains. Si en plus c’est le fils qui exploite ces biens, alors la  famille possède et maitrise le processus de production et de vente. Cette façon de faire est courante à Thionville pour les commerçants aisés.

Jean est donc vigneron à Guentrange [1] où naîtra son fils Simon.

 

Noël Simon :

Simon est né entre 1600 et 1615 de Jean Noël et Elisabeth. Il est lui aussi vigneron à Guentrange. Entre 1635 et 1639, il s'est marié avec Suzanne Schweitzer de Thionville, affiliée aux exploitants de la métairie dite de "Vonnerhof", appelée plus tardivement "Marienthal" voir les articles suivants:

http://www.histoiredethionville.com/2014/02/thionville-val-marie-et-marienthal-à-suivre.html

Ce brave Simon aura avec Suzanne 10 enfants, avant de décéder le 17 juillet 1673. Guentrange n'ayant pas encore de cimetière, il sera inhumé dans celui de la léproserie à Saint-François, hors de la ville (cimetière pour les pauvres et les soldats)

 

Il faut savoir qu’au 17ème siècle plusieurs grosses fermes, métairies ou domaine appartenant à des seigneurs des environs ou à des abbayes sont mises à bail autour de Thionville à de grandes familles de laboureurs. Ces métairies comprennent très souvent des vignes mises à bail et exploitées par des vignerons locaux. Ces baux se transmettaient au sein des familles et c’est probablement le cas au début pour la famille Noël.

 

Parmi ses 10 enfants, il n’y a que 3 garçons dont un certain Didier  qui suit :

 

Noël Didier :

Didier est né vers 1644 à Guentrange et il apprend, comme c’est souvent le cas, le métier de son père, vigneron.

 

Les vignes sont nombreuses à Guentrange, mais pas seulement, Beuvange, Elange, Veymerange, Volkrange et Florange possèdent de nombreuses vignes. Bien entendu, les vignes de ces villages n’ont pas la valeur de celles de Guentrange, elles sont moins étendues et produisent  un vin moins réputé que celui de Guentrange.

 

Didier Noël va donc se marier en 1663 avec Catherine Michel de Guentrange, dont il aura une fille, Catherine en 1672. Son épouse Catherine va décéder en 1673 et Didier se remariera le 10 novembre 1674 à Florange avec Jeanne Drapier dont la famille est de Guentrange .  Il aura, avec Jeanne, 7 enfants. Il décédera à Thionville le 8 février 1714.

 

 

 


[1] Cette famille Noël fera souche à Guentrange et plusieurs de ses enfants figurent sur le monument aux morts de 1914-1918.

Un document notarié du 27 août 1708, nous indique que Didier et Jeanne ont vendu à Jean Picard, censier de la ferme de Schaudenbourg [1], pour une somme de 390 livres tournois tous les biens qu’ils possèdent à Beuvange-sous-Saint-Michel et qu’ils avaient hérité de leurs parents. Ces biens sont vendus à cause du remembrement du ban de Beuvange. Le document est signé de Didier Noël, Jeanne Drapier et Claude Noël, leur fils aîné dont nous reparlerons plus loin.

 

Il faut être conscient que ces gens vivent en pleine guerre de Trente ans, la soldatesque écume les villages autour de Thionville, vivant sur le pays et les paysans, commettant rapines et massacres. Certains villages sont désertés, comme Elange et Beuvange, Veymerange et Volkrange sont au trois quart vide d’habitants. L’économie est au point mort. Au sortir de cette guerre, au village de Beuvange qui a été  pratiquement abandonné pendant plusieurs années, les terres sont en friches et les propriétaires sont morts ou exilés,  plus personne ne connaît les propriétaires et les limites parcellaires des terres. La France a conquis le pays, Thionville est maintenant française et le roi vend les offices et les seigneuries à des militaires (souvent) ou à des gens de justice qui deviennent les seigneurs des villages autour de la ville. Il faut donc rétablir les bans communaux, faire arpenter, redéfinir les saisons et octroyer les terres, soit aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers soit à de nouveaux venus [2].  C’est ce qui arrive à Beuvange en 1708 où les terres changent de mains.  La famille Noël semble y avoir eu des biens importants, car une sœur de Didier, Elisabeth Noël mariée à Nicolas Jacobs va vendre au laboureur Jean Boué (Baué) des prairies situées à Beuvange et cela aussi en 1708.

 

Revenons à Didier Noël et Jeanne Drapier, l’aîné de leurs 7 enfants, prénommé Claude va signer l’acte de vente du 27 août 1708 et il le signe en précisant qu’il est échevin de Florange.

 

Noël Claude :

Claude est né le 20 septembre 1675 à Ebange alors annexe de Florange.  Il se marie à Florange, le 23 janvier 1703, avec Marie Harmant et il aura avec elle 2 enfants :

Jeanne Noël et Mathias Noël né en 1719 qui va suivre.

 

Marie Hermant décédera en 1723 et Claude épousera le 9 mai 1724, Marguerite Mauritius originaire de Garche. Dont il aura encore 4 enfants.

 

Claude Noêl sera vigneron comme ses parents, toutefois, la vigne sur Florange n’a pas l’étendue et la qualité de celle des villages sur les côtes, Guentrange, Elange, Beuvange, Veymerange et Volkrange, ni le même rapport.  Claude Noël qui est aussi échevin va exercer en plus, le métier de maréchal-ferrant et forgeron. Nous verrons par la suite que ce choix va engager dans le futur une autre voie pour la famille. Il décédera à Florange le 24 octobre 1738, âgé de 63 ans.

 

Noël Mathias :

Nous devions reparler de Mathias, il est né le 23 décembre 1719 à Florange et se mariera le 30 janvier 1748 avec Elisabeth Grassen de Metzervisse. Ils auront ensemble 5 enfants. Il est décédé à Florange le 14 juin 1792 à l’âge de 72 ans.  Il ne reprendra pas les métiers de son père et de ses ancêtres, lui sera tisserand.

 

 

 


[1]  Ferme aujourd'hui détruite qui se situait entre Marienthal (Guentrange bas) et la ferme du Colombier proche d'Elange.

[2] On nomme des experts, souvent des anciens qui connaissent encore un peu les différents bans villageois.

Noël François :

Sur ses 5 enfants, il y a 2 garçons, François et Dominique.  L’aîné, François est né le 25 septembre 1751 à Florange, il se mariera à Fameck le 25 janvier 1791, avec une cousine éloignée, Anne Noël. Il aura avec Anne Noël 4 ou 5 enfants, dont 2 fils, Nicolas et Jean Pierre qui va suivre.  Il exercera comme son père, le métier de tisserand.

 

La famille a connu une certaine aisance au 16 et au début du 17ème siècle. La guerre de Trente ans est passée, les biens en terres et vignes n’ont plus été exploités, ont perdu leur valeur et ont été vendus. Plus de vignes, plus de métier de vigneron, on cherche d’autres débouchés et au final on se retrouve tisserand et journalier, mais rein n’est jamais terminé.

 

Noël Jean Pierre :

Jean Pierre va naître le 29 novembre 1801 à Florange. Le 10 avril 1830, il va épouser Elisabeth Fischbach qui habite à Volkrange, elle vient d’une famille de laboureurs d’Elange plutôt aisée dont certain furent échevins et maire. Lui comme son père et son grand père est tisserand et demeure avec son épouse à Volkrange. Il aura 2 enfants, Marie et Nicolas.

Il décéde le 29 mai 1869 à Volkrange.

 

Pour résumer le chemin que nous venons de parcourir, nous sommes partis de Thionville vers 1550 avec une famille de commerçants, puis nous sommes montés à Guentrange avec plusieurs générations de vignerons. Enfin vers le milieu du 17ème siècle, la famille se fixe à Florange, exerçant les métiers de vigneron, de forgeron, de tisserand. A l’aube du 19ème siècle, cette famille va se fixer à Volkrange suite à un mariage, toujours comme tisserand. Le métier de tisserand est souvent saisonnier, mal payé,harassant avec de mauvaises conditions de travail.

 

Noël Nicolas :

Jean Pierre à une fille; Marie et un garçon, Nicolas.

Nicolas est né le 11 avril 1837 à Volkrange.

Dans nos villages, les écoles ouvrent dans les années 1820/1830, servies par les « hussards noirs », instituteurs exigeants et fermes. Le savoir se diffuse, Nicolas est intelligent, il s’intéresse à la mécanique agricole, aux engins de culture,  aux découvertes et techniques de ce siècle industrieux. Il connaît les métiers de ses ancêtres et celui de Claude Noël, échevin de Florange et forgeron lui semble convenir parfaitement à l’industrie naissante dans le bassin de la Fensch et de la Moselle.

 

C’est décidé il sera forgeron.

 

À suivre….

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2015 - Culture - Patrimoine et Malgré-nous

Publié le par Persin Michel

En 2011, j’ai édité deux livrets :

 

1 - « Croix votives et bildstocks » avec en complément dans le même livret, « La maison des vignes » et « la maison blanche » à Veymerange.

 

2 – « Soldats et monuments 1914-1918  1939-1945 »

 

Ces deux livrets avaient chacun moins d’une centaine de page. Au fil de mes recherches sur l’histoire de ces « villages d’en bas » que sont Terville, Veymerange, Elange, Volkrange, Metzange et Beuvange-sous-Saint-Michel et dont certains sont devenus depuis 1967/1968 des quartiers de Thionville, de nouvelles informations, de nouvelles photos ont été retrouvées, tant sur les croix que sur les monuments aux morts et soldats.

 

A la demande de certains de mes lecteurs, J’ai donc fait une mise à jour de ces livrets et je les ai rassemblés en un seul ouvrage de 150 pages, tout en couleur.  Il est actuellement en cours de rédaction et de mise à jour et devrait paraître courant octobre 2015.

 

Je voudrais profiter de cette annonce pour faire ici le point sur quelques questions et remarques qui me sont remontées de mes lecteurs.

 

Pourquoi ce blog ?

 

J’ai fait une page sur le sujet  parue le 16 août 2013  à voir en cliquant sur le lien ci-dessous 

http://www.histoiredethionville.com/précisions-sur-le-blog

 

Concernant l’histoire générale de la ville de Thionville, je voudrais vous conseiller les pages d’histoire qui figurent sur le site web de la mairie. http://www.thionville.fr/

 

Mon blog ne fait qu’apporter des précisons, des rectifications, des commentaires, des documents inédits, en quelque sorte une histoire des sans grade, des inconnus, des simples quidams qui ont fait l’histoire de la ville et des villages alentours mais qui n’ont pas laissé dans l’histoire de la région, d’autres traces que celles qui figurent dans les actes notariés, de la prévôté, du bailliage, de l’état civil, des annales, de la presse ou leur nom et celui de leur parenté, gravés sur un monument funéraire au cimetière.

 

Ce sont ces gens là qui ont subi, souvent,

qui ont fait, quelques fois,

mais qui toujours ont participé, à l’histoire nationale et internationale de notre pays.

 

C’est à travers leur vie de tous les jours, leurs liens familiaux et amicaux ou professionnels que l’on peut appréhender ces époques historiques.

Tous ces actes de la vie de tous les jours avec leur lot de joies, de peines, leur coup du sort peuvent avec le temps, nous sembler vains et anodins, tous ces actes  c’est juste ce qui émerge encore de leur vie, quand les années et l’oubli sont passés.

 

Et parfois, on peut relativiser, voire corriger l’histoire trop générale que l’on a appris en partie de nos historien du 19ème siècle.

Dans un prochain article, je donnerai quelques exemples frappants de ce décalage entre l'histoire officielle et la petite histoire, car il est certain que la généralisation est fille de la synthèse et souvent mauvaise fille !

 

C’est quoi la Culture ?

 

Je ne vais pas ici commencer un débat mais simplement redonner une définition :

 

« La culture est un ensemble organisé de comportements appris et de résultats de comportements, dont les éléments composants sont partagés et transmis par les membres d'une société particulière. »

 

La culture est essentiellement affaire de tradition.

 

Au moins la définition est claire, notre culture est assez facile à identifier, les autres cultures aussi. Bien entendu « les cultures » peuvent se côtoyer, se superposer ou s’interpénétrer et créer ainsi à plus ou moins long terme une autre « culture ». Mais souvent ce n’est pas simple et les soubresauts sont monnaies courantes.

 

C’est quoi le patrimoine ?

 

Pour faire simple, le patrimoine c’est ce qu’on hérite de nos pères.

 

« Père » devant être entendu ici, comme une notion très large, car ce que j’hérite de ma mère, de ma tante ou du cousin germain de mon voisin devient aussi mon patrimoine !

 

Ce patrimoine peut être un somme d’argent,  de l’immobilier, des terrains, des aptitudes physiques ou morales, une éthique, une éducation, des préjugés, une histoire, une langue, une écriture, bref, c’est une enveloppe qui peut contenir beaucoup de choses.

 

Cette enveloppe contient de facto « la culture » et cette culture que j’hérite, viens de nos pères au sens large.

 

Tout cela pour en venir au fait que la culture est dans mon patrimoine. Que la grande et petite histoire régionale sont mon patrimoine et ma culture.

 

Bien entendu, on peut aussi « adopter » une autre culture par intérêts intellectuel ou affectif, mais il est difficile d’oublier sa propre culture, on devint donc de fait multiculturel.

On peut alors transmettre plusieurs cultures dans son patrimoine.

 

Voilà quelques notions simples qu’il est utile de relire pour bien comprendre l’histoire si spécifique de notre région ou des alternances de nationalités, parfois longues et difficiles ont « bousculé » [1] parfois profondément la vie des gens.

 


[1]  « Bousculer est un bien faible mot, quand  dans une famille, 2 ou 3 fils tombent en Russie en 1917 à 20 ans.

 

Les 2 livrets évoqués en début d’article traitent, pour le premier, des croix votives, bildstocks et croix des chemins, petits monuments populaires dont l’histoire fait partie intégrante de notre culture et de notre patrimoine commun.  Le second, nous retrace l’histoire des monuments aux morts et des soldats de nos villages qui sont tombés lors des deux guerres mondiales, là aussi nous sommes au cœur du sujet, culture et patrimoine.

 

Ces soldats, ces jeunes hommes dont les noms figurent sur nos monuments aux morts,  ont combattu presque exclusivement dans les armées allemandes et pour la plupart sont morts sur le front Est, en Pologne, en Russie, dans les Balkans.

 

Pour avoir échangé avec plusieurs personnes sur ce sujet malheureusement encore sensible des malgré-nous et avoir essuyé quelques remarques abruptes, genre « Yakafoquon ». Ces personnes prennent l’exemple rare de quelques soldats de nos villages tués dans l’armée française  et vous assènent :

 

« Ils n’avaient qu’à pas y aller » ou « Ils n’avaient qu’à se sauver, déserter »

 

Concernant la dernière guerre, je voudrais juste rappeler quelques vérités premières :

 

Les quelques exemples de soldats de nos villages morts dans l’armée française sont pour la plupart des jeunes gens incorporés dans l’armée française juste avant la déclaration de guerre et qui se sont retrouvés avec peu de chance de survivre face à une armée allemande mécanisée et moderne.

 

Quelques uns, incorporés dans l’armée d’Afrique ont effectivement prit part au débarquement en Provence et à la libération de la France.

 

Enfin, ceux qui ont survécu à la débâcle de 1940, démobilisés, ont regagné leur foyer en Moselle, en Alsace avec l’autorisation et la bénédiction des autorités françaises et au mépris de toutes les conventions internationales, se sont retrouvés incorporés de force dans l’armée allemande et envoyés sur le front Est où ils sont morts par milliers.

 

« Ne pas y aller »

 

Certains, se sont cachés pendant toute la durée de la guerre et furent recherchés par les autorités allemandes. Les parents mentaient, disant ne pas savoir où étaient leurs fils, au risque qu’ils soient découverts ou dénoncés.

 

Beaucoup, ont fuit, surtout des alsaciens proches de la frontière Suisse, mais dès 1943, les familles des fuyards, furent déplacées en Allemagne du Nord, déportées dans des camps de sinistres mémoires, ou fusillées.

 

Il faut aussi prendre en compte l’organisation et les méthodes de l’administration allemande qui ne laissaient que peu de place à l’approximation et à l’oubli. Ceux, qui comme moi, fréquentent les archives, connaissent la précision et la qualité des renseignements qu’on trouve dans les fiches, les comptes rendus, les recoupements de cette administration.

 

« Déserter »

 

Là aussi, beaucoup l’on fait. Mais la plupart des incorporés de force, étaient envoyés sur le front russe et quand ils se rendaient aux troupes russes, ils étaient fusillés sur le champ n’arrivant pas à expliquer leur situation.

Les plus chanceux, prisonniers, furent mis dans des camps comme « Tambow » (voir le site : www.nithart.com/incorpor.htm) où ils sont morts de faim et de travail forcé. De plus, les russes ne les ont libérés qu’avec réticence souvent plusieurs années après la fin de la guerre.

La France, alors largement communiste, avait peur de l’image négative que pouvait engendrer le récit de ces soldats sur une idéologie, que le 13 février 1979, Georges Marchais (PC), jugeait encore « globalement positive »

 

Enfin, ils sont rentrés, parfois encadrés par la police ou l’armée, avec le bien triste rôle, de perdant, de traître, dans une France qui avait largement collaboré et n'avait dû son salut qu’à la détermination et la puissance industrielle des anglo-saxons et à quelques français résistants, maquisards et soldats partis rejoindre Londres.

 

Les quelques uns qui se permettent de porter des jugements à l’emporte pièce, devraient juste se demander ce qu’ils auraient fait dans la même situation...

 Il n’est pas du tout certain qu’il n’y soit pas aller ou qu’ils aient déserté.

 

 

1970, un malgré-nous  m’a raconté ce qui suit :

 

En 1943,  il avait 20 ans, travaillait à l’usine De Wendel à Hayange, habitait à Florange.

Un jour qu’il rentrait à pied de son travail, un camion de l’armée allemande s’était arrêté à coté de lui, et on l’avait « invité » à monter.

Là, on lui a signalé qu’il n’avait pas répondu à la convocation lui enjoignant de se présenter à la caserne. Lui et sa famille ne parlaient pas allemand et peu le « platt ».

Il fut incorporé de suite et envoyé en Allemagne pour une rapide formation militaire puis dirigé sur le front Est avec un bataillon où il était le seul Mosellan, avec aussi quelques alsaciens. Il faisait froid,  ils marchaient pendant des heures,  harcelés par les troupes Russes et puis une nuit, ils se battirent à coups de grenades, de trous d’hommes à trous d’homme. Au matin, la moitié de sa section était hors de combat. Alors, désespéré, il a décidé de se tirer une balle dans la main, après avoir mis une tranche de pain entre sa main et son gant pour éviter une brûlure autour de la blessure, synonyme de blessure volontaire donc de condamnation à mort.

 Il passa en conseil de guerre, au bénéfice du doute, il fut rapatrié en Allemagne où on le  soigna.

Mais voilà, bientôt les américains débarquèrent en Normandie et il fut envoyé sur ce nouveau  front. En rejoignant à pieds, le régiment où il avait été affecté, il entendit le vol chuintant d’un obus et se réveilla quelques jours après dans un hôpital de campagne américain avec la jambe droite coupée sous le genou.

La guerre prit fin,  il rentra dans sa famille à Florange, la main gauche estropiée, la jambe droite coupée sous le genou, il avait 22 ans et il était vivant, n'avait pas revu sa famille depuis ce fameux jour de 1943, où un camion s'était arrêté sur le chemin de son usine à sa maison.

 

Plus tard, il fut appareillé, trouva un emploi adapté à ses handicaps et fonda une famille.

 

Je l’ai connu fataliste et sans haine, juste amer d’entendre trop souvent

parler les « Yakafoquon»

 

Sur les malgré-nous, internet donne accès à de nombreux sites comme: 

http://www.malgre-nous.eu/

 

Voilà juste une petite mise au point sur ce sujet encore sensible dans les familles et trop méconnu du grand public.

 

Le prochain article évoquera une famille de Volkrange au destin assez surprenant.

 

George Nospeld, de Thionville-Elange, tué le 28 décembre 1943 à Béchy en Ukraine, âgé de 20 ans.

George Nospeld, de Thionville-Elange, tué le 28 décembre 1943 à Béchy en Ukraine, âgé de 20 ans.

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1849 à 1974 - Les ponts de Thionville (suite et fin)

Publié le par Persin Michel

Le pont des Alliés de Thionville, sacrifié en juin 1940 par le Génie français Photo SCHWEISTHAL-RODICK, Thionville, s.d. (AD 57, 1985 W 73/3)

Le pont des Alliés de Thionville, sacrifié en juin 1940 par le Génie français Photo SCHWEISTHAL-RODICK, Thionville, s.d. (AD 57, 1985 W 73/3)

Notre beau pont de pierre [1] inauguré le 1er novembre 1846 [2] , élargi en 1914, va gentiment rendre le service attendu pendant 94 ans, puis survint la 2ème guerre mondiale.

 

Devant l’avance rapide des armées allemandes, aux alentours du 12 juin 1940, le Génie français va faire sauter 2 arches du pont (coté ville).

 

[1]  Décrit par l'ingénieur des Ponts et Chaussées dans un rapport du 3 février 1951

(1985 W 73) : "Le pont de Thionville était un magnifique ouvrage en maçonnerie calcaire, comportant 5 travées de 22 m. de portée, la portée totale étant de 127,5 m. La pierre ocre avait pris une teinte bronzée du plus bel effet."

[2] Budget : La ville : 25000F Le département de la Moselle : 75500 F - Le ministère de la guerre : 58894 F - Le ministère des travaux public : 481126 F.  Entrepreneur : Guillemard décédé rapidement et remplacé par Eugène Thomas sous l’égide de l’ingénieur Plassiard qui obtiendra la légion d’honneur pour ce travail.

Les allemands vont très rapidement construire une passerelle de bois [1] pour permettre de relier la ville à la gare et  aux villages de la rive droite.

 

[1]  La photo a été prise depuis cette passerelle en bois, au fond on distingue les bâtiments de l’hôpital militaire.

 

Dès 1941, ils vont construire un nouveau pont (photo ci-dessous) en peu en aval du pont de 1846, soit pratiquement à l’emplacement de l’ancien pont couvert de 1673.

Pont construit par les allemands en 1941

Pont construit par les allemands en 1941

Photo de presse (RL) datée de 1947 où l'on voit le pont allemand de 1941 et l'ancien pont de 1846

Photo de presse (RL) datée de 1947 où l'on voit le pont allemand de 1941 et l'ancien pont de 1846

Mais voilà, les américains, les alliés avancent et bientôt, ils sont aux portes de Thionville.

Le 1er septembre 1944, ils sont devant et sur le pont construit par les allemands en 1941, mais ce n’est qu’une reconnaissance de quelques heures et ils rejoignent leur base arrière.

(Voir le récit de ce fait d’armes paru dans ce blog le 18 août 2014)

http://www.histoiredethionville.com/2014/08/1er-septembre-1944-des-americains-a-thionville.html

Ils reviennent en force le 12 septembre 1944 (le 358 combat Team de la 90th infantery) et prennent la rive gauche (ouest) de la ville. A 3 h du matin, les allemands font  sauter les arches centrales de leur pont, construit en 1941.

Grâce à un pont métallique mobile, jeté vers l’ancien pont de 1846, les américains vont rétablir le passage le 10 novembre 1944. Ce pont provisoire sera rapidement démonté pour servir en Allemagne sur un autre théâtre d’opérations.

Les alliés vont franchir la Moselle le 11 novembre 1944 et investir la rive droite.

Rapidement, le 12 novembre1944, ils vont établir une liaison de fortune entre le début du pont allemand de 1941 (coté ville) et la partie du pont de 1846 (coté gare) comme le montre la photo ci-dessous.

La partie du pont que l’on voit (coté ville) est celle du pont allemand de 1941, la tourelle anti-aérienne se trouve sur la partie du pont de 1846 et la jeep qui arrive roule sur la jonction entre ces deux parties de pont.

La partie du pont que l’on voit (coté ville) est celle du pont allemand de 1941, la tourelle anti-aérienne se trouve sur la partie du pont de 1846 et la jeep qui arrive roule sur la jonction entre ces deux parties de pont.

Après la guerre, on reconstruisit le pont de 1941. il fut opérationnel le 1er octobre 1946 et on détruisit le reste du pont de 1846 aboutissant dans le vide, ayant provoqué la chute dans la Moselle d’un véhicule avec des passagers qui périrent noyés.

 

 

 

Gaston Monnerville
Gaston Monnerville

Après cette seconde guerre mondiale, commence les « Trentes glorieuses », l’économie relancée, tourne à plein régime et notre région sidérurgique est au cœur du phénomène.

L’état décide donc de construire à Thionville, un pont plus en adéquation avec son environnement, ce sera un pont moderne à 2 travées qui sera inauguré le 8 novembre 1954 par Gaston Monnerville, président du conseil de la République [1] et portera le nom de "pont des Alliés".

Ce pont qui bouge quand passe les autos a été ausculté en mars 2013. (Tout va bien)

[1] Du 6 mars 1947 au 2 octobre 1958.

Il a aussi inauguré à Thionville, la tour ‘Charlemagne », la statue de Merlin et la voie sacrée

Vue aérienne du pont des Alliés

Vue aérienne du pont des Alliés

Le très épuré pont des Alliés

Le très épuré pont des Alliés

Esquisse faite en 1962 pour la canalisation de la Moselle par Eugène Spanier

Esquisse faite en 1962 pour la canalisation de la Moselle par Eugène Spanier

L’autoroute A31 passant à l’entrée ouest de la ville, à Beauregard, il a été indispensable d’y construire un pont autoroutier d’envergure « le pont de Beauregard » qui fut inauguré le 16 décembre 1974 par le préfet de région. Il a coûté la somme de 12 millions de francs.

 

Le pont des Alliés doit son nom aux « alliés » de la dernière guerre qui ont libéré la ville, auparavant, on disait « le pont de Thionville » ou simplement le pont.

 

Références:

"Thionville et sa rivière: La Moselle" de G. Stiller et G. Ancel. 

Articles de presse (RL) de 1974 et 1978

Ces documents sont consultables aux archives municipales de Thionville où vous serez bien acceuillis par messieurs  Laglasse et Gaudinet

 

Pour de belles photos anciennes de Thionville vous pouvez consulter le site suivant :

http://sites.google.com/site/pascalbertrandthionville/1940

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1673 à 1846 - Les ponts de Thionville (1ère partie)

Publié le par Persin Michel

Il y a quelques jours, je fus bloqué dans la circulation, en plein milieu du pont des Alliés, pendant 15 minutes ! 

Je sentais bien le tablier du pont qui tremblait et sursautait au gré des voitures et des camions qui passaient dans l’autre sens, libres, eux, de circuler.

Alors, pour chasser le sentiment d’anxiété de finir peut-être dans notre chère Moselle, je me suis refais mentalement, l’histoire de ce pont.

En voici un aperçu :

Jusqu’en 1673, Thionville ne possède pas de pont, la Moselle borde la ville et coule de tout son saoul le long de ses remparts, comme le prouve le plan ci-dessous, dressé par Jacob Van Deventer vers 1560, où la ville est encore dans ses fortifications du moyen-âge et où bien entendu, il n’y a pas de pont.

1673 à 1846  -  Les ponts de Thionville (1ère partie)

On passe la Moselle par des gués souvent situés assez loin de la ville et l’on revient vers la ville par la porte de Metz ou celle de Luxembourg.

Les personnes peuvent aussi passer la rivière en barques. Plusieurs passeurs sont à disposition pour les faire transiter d’une rive à l’autre et entrer dans ville, par la porte de la poterne, comme nous le verrons plus avant.

La construction d’un pont était devenu une nécessité, tant au point de vue civil que militaire. Toutefois, il faudra attendre la prise de la ville par les français en 1643 et son rattachement officiel à la France en 1659 pour que la population et le commerce croissant, associés à des nécessités militaires, rendent impérieuse la construction de ce premier pont.

On confie donc cette construction au sieur Rodolphe Saltzgeber qui est capitaine de 2 compagnies suisses et major d'une brigade au service de sa Majesté, il a en charge les travaux aux fortifications de la ville. (voir article paru le 25 février 2013 dans ce blog).

http://www.histoiredethionville.com/15-juin-1674-travaux-aux-fortifications-de-thionville

Il connaît bien la construction en général et les ponts couvert en particulier.

Il va donc édifier un pont couvert, sur le modèle des ponts que l’on trouve depuis le moyen-âge, en Suisse et en Allemagne.

Carte postale de 1917 montrant un pont couvert donnant accès au château de Chillon en Suisse.

Carte postale de 1917 montrant un pont couvert donnant accès au château de Chillon en Suisse.

Ce pont, de par son emplacement et l’accès facile qu’il donne à la ville est stratégique, il sera conçu par le capitaine suisse, avec des travées démontables rapidement à partir de la ville.

Quoi qu’il en soit, en 1673, il est opérationnel.

Ce genre de pont est encore très présent en Suisse et en Amérique du Nord.

Premier pont couvert en bois, il restera en fonction jusqu’en 1846.

En voici une illustration de visu, car il existait encore lors de la parution en 1828 du livre

« Histoire de Thionville » par G.F. Teissier, duquel l'illustration est tirée.

 

1673 à 1846  -  Les ponts de Thionville (1ère partie)

Comme on le voit ce pont a été utilisé pendant 173 ans, des pieux en bois de plus de 2 m de long pointus et ferrés ont été retrouvés dans le fond de la Moselle en 1962, lors de la canalisation de la rivière. Ils avaient une section d‘environ  30 cm au carré et se situaient un peu en aval du pont actuel. 

Bien entendu, ce pont a subi les fureurs de la Moselle, lors de terribles hivers, plus d’une fois, il fut rendu inutilisable et dû être réparé.

Ainsi le 24 février 1682, les glaces sur la Moselle entrainées par un fort courant, firent tomber une partie du tablier dans la rivière, entrainant dans sa chute, quelques habitants.

 

Enfin un acte en date du 31 juillet 1719, nous dit que:

« Jean François de Gévigny, chevalier, seigneur de Meilbourg et autres lieux, bailli d’épée d’honneur de Thionville et François George de Lagrange, conseiller du roi, lieutenant général d’épée du bailli de cette ville, maire perpétuel et seigneur de Meilbourg et autres lieux ont consenti, permis et accordé, aux nommés Philippe Legros, consigne de la porte du pont (la poterne) et Mathis Mellinger, batelier et bourgeois de Thionville, de conjointement, à l’exclusion de tous autres, faire passer et repasser par bateaux ou nacelles toutes les personnes qui se présenteront sur la rivière de Moselle et cela pendant tout le temps où le pont restera hors d’état, soit jusqu’à l’entière réparation dudit pont. Ce contrat est fait à condition que lesdits Legros et Mellinger paient chaque jour, audits seigneurs, 20 sols, à charge auxdits seigneurs d’empêcher que d’autres fassent passer la Moselle avec des barques aux personnes qui se présentent… »

 

Le pont est alors un passage sombre et sale dont le plancher est souillé des déjections animales et humaines et qui nécessite de constantes réparations.

 

Thionville et son pont de bois au milieu du 18ème siècle

Thionville et son pont de bois au milieu du 18ème siècle

Dès le début du 19ème siècle, la ville n’aura de cesse de faire remplacer le vieux pont de bois vétuste et dangereux, par un pont de pierre. En 1834, elle acta le projet et le 22 décembre 1836, elle décida d’allouer 25000 F à sa reconstruction.

Les travaux commencèrent début mai 1844 et enfin on inaugura le nouveau pont, le 1er novembre 1846.

La municipalité décida de ne pas instaurer de payage pour ce pont car la ville retirait un bénéfice certain de sa commodité.

Une médaille fut  frappée à Paris pour cet évènement.

La médaille frappée pour l'inauguration

La médaille frappée pour l'inauguration

Carte postale de 1900, du  pont construit en 1846

Carte postale de 1900, du pont construit en 1846

Nous verrons dans le prochain article, le devenir de ce pont et le nouveau pont des alliés

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