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1664 à 1700 - Thionville – Les fortifications (2ème partie)

Publié le par Persin Michel

Dans la continuité de la série d’articles consacrés aux fortifications de la ville de Thionville nous allons voir aujourd’hui un document daté du 19 août 1668.

Pour préciser un peu les choses, à cette époque, la ville est devenue officiellement française depuis 1659, elle n’a encore que deux portes, celle de Metz et celle de Luxembourg, le pont sur la Moselle n’existe pas encore [1] même si a cet endroit existe une petite poterne permettant un accès à la Moselle.

Le document est en fait une adjudication de travaux à faire aux fortifications, il est intéressant à plusieurs titres : Il donne une liste de travaux à exécuter, au moins disant, avec l’endroit où ils doivent être faits et les noms des adjudicataires qui sont de Thionville ou de Metz.

« L’an 1668, le 19 août nous Jean Paul de Choisy, chevalier, seigneur de Baumont, conseiller du Roi en ses conseils et  d’honneur en son parlement de Metz, intendant de la justice, police et finances en la généralité de Metz, Luxembourg et frontières de Champagne, nous nous sommes transportés à Thionville pour la suite des publications et affiches qui ont été faites à Metz des réparations à faire à ladite place de Thionville et pour procéder à l’adjudication desdits travaux, suivant et conformément à ce qui est porté par le devis qui a été dressé par le sieur Brioys [2], ingénieur du Roi le 19 juillet dernier »

[1] Il sera construit en 1673 par le capitaine d’origine suisse « Saltzgueber »

[2] Il fut un mathématicien et ingénieur spécialisé dans les fortifications. Il a écrit un ouvrage sur le sujet qu’il a dédié à Jean Paul de Choisy. Il devait superviser la démolition des fortifications de Sierck.

Coupe standard d'une fortification

Coupe standard d'une fortification

Premièrement :

Le pont à faire sur le ruisseau qui donne dans le fossé (probablement sur la Fensch, à la porte de Metz), lequel pont doit être de 72 pieds de long et où il y aura 9 chevalets d’un pied carré, ledit pont aura 16 pieds de large et les gardes fous auront 3 pieds et demi.

De plus 40 toises de chaussée à raccommoder avec des pièces de bois et du sable aux deux extrémités du pont et de même largeur que le pont.

Mise à prix :

François Courtois, charpentier de Metz pour 500 livres, rabaissé par,

Jean Wehl, charpentier de Thionville à 450 livres,

Jean Adam à 400 livres, charpentier de Metz,

Thil Wegener, bourgeois de Thionville à 380 livres,

Daniel Watry de Metz 360 livres,

Jean Adam de Metz à 350 livres à qui les travaux ont été adjugés, le tiers par avance, l’autre tiers au milieu du travail et le dernier tiers à la fin du travail.

En second lieu :

Les travaux à faire au poste de garde de la demi-lune de la porte de Metz ou il faut un plancher et ventillons [1] neufs et refaire les dégâts et raccommoder le pont de l’avancée de la demi-lune ou il faut trois chevalets avec les « bauchamps » (support) nécessaires.

Mis à prix

Pierre Meslin, charpentier de Metz à 160 livres rabaissé par :

Jean Wehl charpentier de Thionville à 150 livres.

Pierre Meslin à 140 livres,

Thil Wagener à 135 livres,

Pierre Meslin le jeune de Metz à 130 livres

Thil Wagener à 1250 livres,

Pierre « Duranin » de Metz à 120 livres,

Daniel Watry à 110 livres,

Thiel Wegener à 105 livres,

Daniel Watry de Metz à 100 livres à qui les travaux ont été adjugés.

En troisième lieu :

La chaussée depuis la porte de Metz jusqu’à la croix des capucins pour 84 toises de longueur, 2 toises et demie de largeur et bien entendu, il faudra mettre 2 pieds de terre à l’endroit le plus creux et bordé ledit pavé de pieux de bois qui auront 1 pied et un quart.(les capucins sont installés à Thionville depuis 1624 aux environs de la porte de Metz)

Mis à prix :

Daniel Watry à 4 livres la toise au carré, rabaissé par :

François Courtoy à 3 livres et 15 sols,

Gaspar Gérard à 3 livres 13 sols,

Daniel Watry à 3 livres et 10 sols,

Gaspar Gérard à 3 livres et 8 sols à qui ont été adjugés les travaux.

En quatrième lieu :

Réparations à faire avec toutes les ferrures nécessaires, au pont de l’ouvrage à corne à la porte de Luxembourg.

Mise à prix :

Par le sieur Hullin pour 148 livres rabaissé par :

François Courtoy à 134 livres,

Le sieur Hullin à 132 livres à qui les travaux ont été adjugés.

En cinquième lieu :

Deux corps de garde maçonnés qui sont à faire, l’un à l’avancée de la porte de Metz et l’autre à l’avancée de la porte de Luxembourg. Ils devront avoir 26 pieds de longueur sur 10 pieds de largeur et 8 pieds de hauteur hors de terre, planchés et avec une séparation pour coucher l’officier où il y aura une cheminée commune au corps de garde. Les murailles du corps de garde auront 1 pieds et demi en bas et 1 pied en haut, le tout couvert de tuiles, avec une vitre dans chambre de l’officier, des portes et ventillons, le tout rendu clés en main.

Mise à prix pour les deux corps de garde :

Le sieur Hullin pour 750 livres rabaissé par :

Daniel Watry à 650 livres,

Le sieur Hullin à 600 livres,

Isay Porin pour 590 livres,

Le sieur Hullin pour 580 livre,

Daniel Watry pour 570 livres et ainsi de suite pour se conclure par  530 livres pour le sieur Hullin à qui ont été adjugés les travaux.


[1] Chicanes aux fenêtres pour filtrer l’air y entrant

En sixième lieu :

Toutes les barrières et palissades et aussi toutes les portes et ferrures nécessaires à savoir les barrières de 6 pieds de haut avec les poteaux de 10 pieds ou 9 pieds au carré, les palissades de 10 pieds de haut avec des poteaux de 10 pieds carré avec des cadres mortaisés et les palissades chevillées :

Mise à prix :

Le sieur Hullin pour 16 livres la toise et les barrières à 8 livres y compris les portes et ferrures rabaissé par :

Pierre Meslin  pour 14 et 7 livres,

Daniel Watrin pour 12 et 6 livres,

Le sieur Hullin pour 11 et 5 et demie livres,

Jean Wehl pour 9 et 4 et demie livres,

Au final, Thiel Wagener pour les palissades à 5 livres et 15 sols et les barrières à 55 sols à qui ont été adjugés les travaux, il faudra aussi qu’il fasse deux guérites en chêne pour 11 livres chacune.

En septième lieu :

Des travaux à l’avancée de la porte de Luxembourg adjugé à François Courtoy pour 200 livres.

Les ouvrages de maçonnerie à faire au flan de l’ouvrage appelé le Ferdinand (bastion porte de Metz) sont adjugés au sieur Watrin pour 19 livres et 10 sols la toise.

La terre apportée derrière les murailles, payée à la toise, est adjugée à 50 sols la toise au sieur Hullin en mettant par lui une douzaine d’arbres de chêne à la tête de la muraille qui y feront le coin de la rivière du coté de la porte de Metz, les trous seront remplis 

Attention : Une erreur d'impression fait que le "Ferdinand" ne pointe pas en (7) mais en réalité en (2) le long de la Moselle près du pont

Attention : Une erreur d'impression fait que le "Ferdinand" ne pointe pas en (7) mais en réalité en (2) le long de la Moselle près du pont

Pour conclure cet article, on relèvera que des travaux ont été faits au-devant des deux portes de la ville, Metz et Luxembourg, afin de renforcer la défense de ces portes en y installant dans postes de gardes et des guérites, en y ragréant des remparts abîmés au niveau du bastion appelé le « Ferdinand » et en y implantant des barrières et des palissades qui sont de qualité car assemblées par mortaises et chevilles.

On y voit aussi que les adjudications sont faites par des artisans de Metz, peu de fois par des artisans thionvillois et que les artisans de Metz remportent le plus souvent les adjudications car ils peuvent descendre leur prix de façon plus importante du fait de la taille de leur entreprise.

On peut constater également que les travaux exécutés par des entrepreneurs locaux sont sous la supervision d’un ingénieur militaire spécialiste des fortifications.

Enfin et à titre indicatif pour se donner une idée du volume des travaux :

Un pied mesure 0,325 cm et une toise environ 2 m (environ)

Dans le prochain article, nous verrons un acte plus important et plus technique, daté du 25 janvier 1674, soit juste après la construction du premier pont « couvert » en bois de Thionville, par le sieur Rodolphe Saltzgerber ou Saltzgaiber, capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service du roi. (voir l' articles sur le sujet en cliquant sur le lien ci-dessous)

http://www.histoiredethionville.com/15-juin-1674-travaux-aux-fortifications-de-thionville

ou la série d'articles sur les ponts de Thionville

 

Voir les commentaires

Des origines à 1634 - Thionville - Les fortifications (1ère partie)

Publié le par Persin Michel

Après un mois de vacances où j’ai refait le voyage en Italie qu’avait fait Montaigne en 1580 [1], me voilà de retour dans ma bonne ville de Thionville. J’avais annoncé la parution prochaine de « l’Histoire de la chapelle des lépreux » au quartier Saint-François, mais l’idée m’est venue d’y adjoindre « l’Histoire de la Chapelle du lépreux » du mont Saint-Michel à Beuvange, ce surcroît de travail va donc retarder la parution de l’ouvrage dont je ne manquerai pas de vous avertir.

J’avais aussi annoncé la parution sur le blog d’une série d’articles sur les fortifications de Thionville et leur remaniement à une époque de transition qui a suivi la prise de la ville en 1643 et son rattachement à la France, c’est donc aujourd’hui le premier article sur le sujet.

Ces articles dérivent d’une série de documents notariaux trouvés aux archives départementales de la Moselle sous la cote 3E7534-3E7535 (Helminger). Certains s’étonneront que des documents notariaux évoquent les fortifications de la ville, toutefois, il faut savoir que très souvent les travaux demandés par le roi et ses ingénieurs étaient réalisés par des artisans et entrepreneurs locaux sous le contrôle de militaires en garnison dans la ville que l’on pourrait assimiler aux régiments du génie actuels. Ces travaux faisaient donc l’objet d’actes notariés les décrivant, en fixant le prix et les termes de paiement, comme tous les autres actes commerciaux.

On verra que les documents décrivent les travaux à  réaliser de façon très précise et de ce fait, ils sont souvent un peu « arides » aussi j’en ferai le plus souvent possible le résumé en essayant d’y mettre quand même des éléments se rattachant à la technique qui peuvent intéresser les spécialistes du genre.

En toutes choses, commencer par le début est un gage de bonne compréhension, aussi :

[1] Montaigne – Journal de Voyage –L’Italie via l’Allemagne te la Suisse  - Editions Arléa 2006

« A tout seigneur, tout honneur »

Notre seigneur n’est autre que Charlemagne qui fit quelques séjours [1] dans notre ville, habitant alors une villa probablement construite par son père Pépin qui y séjourna fréquemment. L’on situe généralement cette villa aux alentours de la cour du château, de la tour aux puces et de la mairie.

On sait que les rois francs contrairement aux romains aimaient à construire leur villa dans des endroits marécageux, proche d’une rivière et de bois. Avouons ensemble que l’emplacement de la cour du château se prête fort bien à  leurs goûts.


[1] En 772, 775, 783, 805 et 806 pour ne plus y venir mais certains de ses fils y vinrent encore.Voir à ce sujet L’histoire de Thionville de Guillaume Teissier  paru en 1928

Toutefois, aucun vestige n’est venu corroborer cette hypothèse, il faut dire que très peu de recherches archéologiques ont été conduites dans cette cour du château. De plus il faut prendre en compte qu’avant Charlemagne, la plupart des constructions était en bois et en terre, Charlemagne essaya d’introduire à nouveau la pierre dans la construction en particulier à Aix-la-Chapelle mais ses fils et les rois qui suivirent revinrent aux construction mélangeant la pierre en soubassement et le bois pour les superstructures ce qui donna à notre région et avant la guerre de Trente ans  un aspect identique à l’Alsace et à la Champagne [1] où ce genre d’architecture existe toujours.[2]

Qu’étaient ces villas qu’on appelait aussi palais ?

Elles s’apparentaient le plus souvent à de grosses fermes possédant deux cours de forme rectangulaire, la première cour plus basse [3] que l’autre, abritait les bâtiments dit utilitaires , écurie, granges, remises et logement du « petits » personnel, cette cour donnait via un portique sur une seconde cour qui comportait l’habitation du roi, du comte avec le logement de son personnel proche, les salles de réception et cuisines, le tout contenu dans une enceinte fortifiée de remparts en bois et terre, souvent entourée par un fossé pouvant être mis en eau.

Voilà une description qui cadre avec ce que furent par la suite l’architecture des châteaux forts et autres villes fortifiées. De plus, elle coïncide bien avec la structure de la ville de Thionville telle qu’elle nous apparaît sur un des anciens plans de la ville de 1565, celui de Jacques de Deventer. 

(Reprit ci-dessous par l’érudit  historien thionvillois, Gabriel Stiller  1921-2006)

[1] Voir les dessins de l’abbé Jean Bretels réalisés au 16ème siècle.

[2] Voir l’essai sur les châteaux royaux, villas royales ou palais du fisc des rois mérovingiens et carolingiens paru en 1878 à Amiens – Auteur : Martin Marville

[3] Qui deviendra la basse-cour des châteaux et des fermes ;

Ci-dessus l’aire rectangulaire dite du château estimée comme l’emplacement de la villa carolingienne.  Par extension cette aire rectangulaire s’agrandit pour accueillir la ville, ceinturer par ses remparts comme l’était l’aire du château. L’aire du château comme plus tard la ville est appuyée sur la Moselle et tout autour s’étendent des marécages avec la forêts sur les crêtes de Guentrange et Veymerange toutes proches.

Ci-dessus l’aire rectangulaire dite du château estimée comme l’emplacement de la villa carolingienne. Par extension cette aire rectangulaire s’agrandit pour accueillir la ville, ceinturer par ses remparts comme l’était l’aire du château. L’aire du château comme plus tard la ville est appuyée sur la Moselle et tout autour s’étendent des marécages avec la forêts sur les crêtes de Guentrange et Veymerange toutes proches.

Voilà ce que fut sans doute la villa carolingienne, un ensemble de bâtiments, adossés à la rivière, construits en bois et en terre [1]avec des levés et des fossés mis en eaux grâce à la Moselle, entourés de marécages hostiles et de bois giboyeux.

J’entends certains me dire que les palais ou villas carolingiennes n’étaient pas fortifiés, car aucune découverte archéologique ne le prouverait !

Cette assertion n’est pas crédible, quand on ne trouve pas s’est souvent qu’on ne cherche pas ou qu’on cherche au mauvais endroit. D’abord toute la littérature ancienne avec ses multiples allusions à des fortifications à des endroits où l’on gardait des prisonniers souvent illustres, le prouvent. De nombreuses découvertes archéologiques récentes attestent l’existence de fortifications autour des palais carolingiens comme à Perderborn [2]. Et puis, comment imaginer un seul instant qu’à ces époques somme toute assez sombres, les villas ou palais où résidaient les plus importants personnages du pays ne fussent pas fortifiés !

Après la mort de Charlemagne en 814 et celle de ses fils, puis de ses petits fils, soit vers le 10ème siècle, Thionville n’étant plus une résidence royale n’est plus mentionnée dans les chroniques ou dans les actes, la ville s’étiole et la villa royale se ruine par manque d’entretien, par manque de finance, n’étant plus habitée que par un intendant, un soldat sans doute, dont l’histoire n’a pas retenu le nom.

En 939, l’empereur Othon Ier, fit détruire la chapelle construite par le Louis-le-Débonnaire, dernier vestige de la gloire désormais passée de la ville.

Le plan de 1565 fait par Jacques de Deventer, nous montre les fortifications de la ville juste après sa prise éphémère par les français en 1558. Regardons la description faite de la place de Thionville à cette occasion.

« On pense alors que les fortifications n’ont guère évolué depuis le 13ème  siècle, qu’elles consistent en de grosses tours rondes reliées entre elles par des murs épais, eux même entourés d’un large fossé emplit d’eau.

Dans les mémoires des affaires de France sous la fin du règne d’Henri II, il est précisé que la ville est ceinturée d’un haut mur avec de distance en distance de renflements semi-circulaires, qu’elle a deux portes, est entourée d’un fossé rempli d’eau, au devant duquel le terrain est marécageux. »

Plusieurs militaires disent en substance que les murailles ne sont guère un obstacle, mais que les marécages et le fossé empli d’eau sont bien plus embêtant pour leurs troupes.

Toutes ces descriptions cadrent bien avec le plan « Deventer » et avec une ville dont les fortifications n’ont guère évoluées depuis plusieurs siècles, sauf à parer aux  réparations les plus urgentes.

Lors de mon voyage, cet été en Italie, j’ai pu voir de nombreuses petites villes restées dans leur « Jus » médiéval, souvent perchées, elles subissent aujourd’hui l’assaut des touristes. Je voudrais vous montrer ci-après la photo d’une de ces petites villes fortifiées, il s’agit de Montériggioni en Toscane.


[1] Peut-être avec des soubassements ou quelques structures en pierre ;

[2] Fouilles conduites de 1964 à 1977. Voir Nouvelles données sur le palais de Charlemagne et de ses successeurs dans les Actes du VIIe congrès international d’archéologie médiévale en septembre 1999.

Toscane - Monteriggioni

Toscane - Monteriggioni

Avec un minimum d’imagination, des tours semi-circulaires, une situation dans une vallée avec une rivière coulant le long des remparts et voilà à quoi pouvaient ressembler les fortifications de Thionville à l’aube du 16ème siècle.

Lors de la prise de la ville par les français en 1558 [1], c’est la partie de la muraille vers la tour au puces qui fut la plus endommagée, mais rapidement après la capitulation le 22 juin 1558, les dommages furent réparés [2], puis quand le 3 avril 1559, la ville fut rendue à l’Espagne par le traité de Cateau-Cambrésis, on nomma Jean de Wiltz (1570-1628) comme gouverneur de la ville, c’est lui qui commença la reprise des fortifications avec le but de les rendre plus aptes à résister aux mines et à l’artillerie.

Nous allons voir maintenant le premier document faisant parti du lot des documents traitant des fortifications de la ville.

Ce document assez court est daté du 16 février 1634,  il émane du roi d’Espagne, il est signé Della Faille [3] et de Pierre Jean Van Heurck. Il est répertorié au registre des chartres de Luxembourg.

Ordre pour dans les bois

 communaux proche de Thionville

prendre les arbres servant

à la fortification de la ville de Thionville.

[1] Siège conduit par le duc de Guise et le maréchal de Vieilleville, le siège débuta le 17 avril, la ville fut cernée le 25 mai et capitula le 22 juin. Tous les défenseurs de la ville furent à minima blessés et les français avouèrent 400 tués. (Voir le récit du siège par Barthélemy Aneau écrit rapidement après le siège et publié à Metz en 1957 par Marius Mutelet)

[2] Par des civils de la ville et des villages alentours, réquisitionnés dans le cadre des corvées.

[3] Famille encore alliée à la famille royale de Luxembourg

 

Sa majesté ordonne que dans les bois communaux proche de Thionville et dans les lieux où il y aura moins de dommages et inconvénients l’on prenne les arbres servants à la fortification de la ville de Thionville et qu’au cas d’opposition de ceux de la commune, l’on envoie leurs raisons au marquis d’Aytona pour y prendre l’égard et ordonner ce que de raison, mais comme les ouvrages en question ne peuvent souffrir aucun délai que cependant l’on ne laisse d’abattre lesdits arbres et de les employer audits ouvrages en tenant bonnes et pertinentes notes pour y avoir recours et regard quand besoin sera. Fait à Bruxelles le 16ème février 1634 cacheté par le cachet de sa majesté.

Déclaration des ouvrages que son altesse a voulu qu’on fasse aux fortifications

de la ville de Thionville.

Premièrement, doivent se faire deux rauelins devant les deux portes des entrées

Plus un blovard nouveau dessus la Moselle et une contrescarpe

Faire un parapet alentour de la muraille de 8 pieds [1]  de large et 6,5 pied de haut.

Soit 2,60 m de large pour 2,11 m de hauteur

Réparer les parapets des bolvards et qu’ils soient l’épreuve de l’artillerie à savoir 20 pieds de large et 6,5 pieds de haut et assurer les casemates avec une muraille de l’épaisseur d’une brique. (Soit 6,5 m de large sur 2,11 m de hauteur)

Nettoyer et approfondir le fossé

Et aux œuvres susdites on ira travailler en cette sorte :

En premier lieu, réparer les bolvards et assurer les casemates

Ensuite faire le parapet alentour de la muraille

Ensuite nettoyer et approfondir le fossé

Ensuite faire la contrescarpe avec les deux rauelins devant les portes

Enfin faire le bolvard au-dessus de la Moselle.


[1] Le pied mesurait avant 1668 : 326,59 mm puis après cette date : 324,83 mm, soit une valeur moyenne de 325 mm.

Les rauelins sont les petits bâtiments triangulaires qui se trouvaient en dehors de l’enceinte fortifiée et qui permettaient la défense des remparts ou courtine. Des soldats pouvaient y être embusqués et avoir ainsi des angles de tirs dans toutes les directions. Souvent, ils se trouvaient au milieu des fossés remplis d’eau et accessibles par des ponts de bois.

Les rauelins sont les petits bâtiments triangulaires qui se trouvaient en dehors de l’enceinte fortifiée et qui permettaient la défense des remparts ou courtine. Des soldats pouvaient y être embusqués et avoir ainsi des angles de tirs dans toutes les directions. Souvent, ils se trouvaient au milieu des fossés remplis d’eau et accessibles par des ponts de bois.

Bolvard :

Ce mot vient de l’allemand « Bollwerk » qui signifie « fortification ». C’était le chemin se trouvant en haut des remparts où l’on pouvait faire circuler des chevaux avec leur charrettes (à Thionville on disait que trois charrettes pouvaient s’y croiser) et bien entendu y placer des canons et autres mousqueteries.

De ce mot dérive « Boulevard », quand ces fortifications n’eurent plus d’utilité pour les militaires, on y planta des arbres et les habitants vinrent s’y promener (sur les boulevards) profitant souvent d’une belle vue sur la ville ou la rivière, des « Sky lines » avant l’heure.

 

Les "rauelin" sont les petites structures triangulaires en bas à gauche et à droite reliées à la ville par des ponts de boiset le "bolvard" est la partie bordée d'arbres au-dessus du rempart tout autour de la ville

Les "rauelin" sont les petites structures triangulaires en bas à gauche et à droite reliées à la ville par des ponts de boiset le "bolvard" est la partie bordée d'arbres au-dessus du rempart tout autour de la ville

Le marquis d’Aytona cité dans le texte était Francesco de Moncada y Moncada, né à Valence en Espagne le 29 décembre 1586 et décédé en 1635 à Goch en Allemagne. Il fut tout à la fois militaire,  diplomate et même sur le tard un grand historien espagnol. Il a œuvré pour le Saint Empire germanique et fut gouverneur des Pays Bas espagnols en 1632, c’est à ce titre qu’il est cité dans cet acte.

Le marquis d’Aytona cité dans le texte était Francesco de Moncada y Moncada, né à Valence en Espagne le 29 décembre 1586 et décédé en 1635 à Goch en Allemagne. Il fut tout à la fois militaire, diplomate et même sur le tard un grand historien espagnol. Il a œuvré pour le Saint Empire germanique et fut gouverneur des Pays Bas espagnols en 1632, c’est à ce titre qu’il est cité dans cet acte.

Nous voyons donc que les fortifications de la ville évoluent vers un système plus élaboré afin de les adapter à l’artillerie et aux nouveaux systèmes de défense des villes qui se répandent un peu partout en Europe suivant les théorie des ingénieurs militaires dont le plus connu en France fut Vauban, bien qu’il eut mieux maîtriser le siège des villes et leur prise que leur défense où d’autres furent souvent plus « pointus ». A ce propos, il est utile de préciser que Vauban n’est sans doute jamais venu à Thionville, mais que certaines modifications des fortifications lui ont été présentées par ses ingénieurs auxquelles il a apporté « sa patte ».

Nous reparlerons de Vauban dans les articles à venir.

Une précision encore, à l’origine le large fossé entourant la ville était alimenté par des écluses situées sur la Moselle, vers la porte de Metz, toutefois lors des crues de la rivière cela entraînait des dégâts importants aux fortifications et quand en été la Moselle était trop basse, on ne pouvait remplir le fossé. On décida donc d’aller chercher l’eau d’une petite rivière, la Fensch, qui coulait à Terville. Un canal de dérivation fut construit qui alimentait les moulins de Terville, Beauregard et celui de la ville puis l’eau était au besoin dirigée dans le fossé ou rejetée dans la Moselle. La Fensch est une petite rivière au débit rapide et assez constant, qu’on peut maitriser plus facilement que la Moselle et par un système d’écluses et de réservoirs on pouvait assez facilement régler son cours et alimenter ainsi de façon plus sûre et régulière les fossés autour de la ville.

Si vous êtes un promeneur, un marcheur, un spectateur de « Rives en fêtes » vous avez donc longé les remparts le long de la Moselle. Vous avez vu leur construction de briques insérer dans des parements de pierre de taille où figure la signature des tailleurs, des poseurs, signes qui permettaient de les payer à la tâche. Il faut savoir que l’ensemble des remparts entourant la ville était fait de briques rouges avec des parements de pierre de taille.

Peut-être vous êtes vous demander d’où venait toutes ces briques rouges ?

Il y avait une « briquerie » vers le lycée technique qui en a gardé le nom, une autre vers le quartier de Lagrange et encore une vers Illange, elles produisaient aussi des tuiles par milliers comme nous le verrons.

Les prochains actes ont été passés à partir de 1668, soit peu de temps après la prise de la ville par les français en 1643 [1] et son rattachement à la France par le traité des Pyrénées le 7 novembre 1659, nous verrons alors les travaux réalisés par les français afin de garantir leur nouvelle prise de toutes tentatives de retour à l’ordre ancien.

[1] Le siège débuta le 16 juin 1643, les armées sont aux ordres du Duc d’Enghien. La ville capitule le 8 août  après une défense plus qu’honorable.

 Des origines à 1634 - Thionville - Les fortifications (1ère partie)
Marques de tailleurs de pierre

Marques de tailleurs de pierre

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1704/1783 - THIONVILLE - Trois documents originaux

Publié le par Persin Michel

1704 - Le transfert d’une prisonnière à Metz
1705 - La vente des seigneuries
 1783 - Le libraire licencieux 

1704 - Transfert d’une prisonnière de Thionville à Metz

Un acte du 11 août 1704, nous donne un aperçu de la manière dont se faisait le transfert d’une prisonnière de Thionville à Metz pour son procès.

«Le 11 du mois d’août 1704, par devant nous Estienne Hue de Saint-Rémy, escuyer, conseiller du roi et lieutenant criminel au bailliage et siège royal  de Thionville, étant en la chambre criminelle est comparu le procureur du roi qui a dit qu’il a fait afficher et apposer à la porte de cet auditoire, qu’il sera aujourd’hui procédé au bail au rabais de la conduite d’Anne Arnous, prisonnière en la prison de notre conciergerie de Thionville, pour être menée sous bonne et sûre garde en la conciergerie du parlement de Metz, pour son procès requérant sa comparution.

Nous avons donné acte au procureur du roi de sa requête et avons ordonné qu’il soit présentement procédé à l’attribution du bail au rabais et avons fait lire à haute et intelligible voix ladite affiche par le sieur Barthel, huissier de service.

Après quoi, l’huissier a mis la conduite de ladite Anne Arnous à la conciergerie du parlement de Metz pour son procès aux enchères qui suivent :

Bail mis à prix à 50 livres

Collignon propose 45 livres

Chabot propose 42 livres

Niclou propose 40 livres

Collignon propose 38  livres et 10 sols

Chabot propose 37 livres

Collignon propose 36 livres

Personne ne venant rabaisser le bail, celui-ci est alloué au sieur Collignon qui devra donc mener ladite prisonnière, Anne Arnous, à son procès au parlement de Metz et la remettre en la conciergerie du parlement en assurant une bonne et sûr garde. La dite prisonnière lui sera remise en main propre et le tout noté sur le registre.

NB : Il est intéressant de constater qu’il y a plus de 300 ans, le transfert de prisonnier de Thionville à Metz était sous-traité à des particuliers, moyennant finances et garanties données par le particulier ayant remporté l’offre.

1705 – La vente des seigneuries de la prévôté de Thionville

« Le 14 mars 1705, examen par le lieutenant général et les conseillers du bailliage au siège royal de la ville, de la remontrance fait par le procureur du roi audit bailliage disant que l’édit de sa majesté ayant ordonné la vente et l’aliénation à titre d’inféodation et de propriété « incommuable » des justices et seigneuries des paroisses ordinaires du royaume, la plupart de celle de la prévôté de Thionville ayant été adjugées à différents acquéreurs et lesquels au lieu de se faire recevoir et installer en possession et jouissance par les officiers de sa majesté ainsi qu’il est dit au contrat de vente de messieurs les commissaires généraux et conformément à l’édit du roi du mois de juillet 1704 concernant les justices seigneuriales et quoi que ces règlements qui ne peuvent être ignorés par les acquéreurs, lesdits acquéreurs se sont mis en possession eux même ou par un sergent non commissionné.

Ils ont créé des maires et des gens de justice au mépris de l’édit du roi aussi il est requis du procureur du roi de faire réprimer pareils entreprises et que les possessions prises par les acquéreurs de Koenisgmacker, Terville, Elange, Boulange, Gandrange, Volkrange, Beuvange et d’autres lieux soient déclarés nulles avec défense aux maires et gens de justice créés par les dits acquéreurs d’exercer aucune fonction de leur office à peine de faux, les sergents qui les ont mis en possession sans aucune commission seront condamnés chacun à trois livres d’amende avec défense de ne plus récidiver sauf aux acquéreurs qui doivent se pourvoir pour leur installation et réception des maires et gens de justice ainsi qu’il est ordonné et que le jugement qui interviendra soit signifié aux acquéreurs et aux maires et gens de justice afin de s’y conformer.

Nous membres du bailliage en égard à la remontrance du procureur du roi et y faisant droit, nous avons déclaré et déclarons kes possessions prises par les acquéreurs des justices et seigneuries des paroisses de Koenisgmacker, Terville, Elange, Boulange, Gandrange, Volkrange, Beuvange et autres lieux dépendants du bailliage de Thionville, nulles, défendons aux maires et gens de justice de ces lieux d’exercer leurs offices sous peine de faux et d’arbitraire . De même nous condamnons les sergents ayant mis en possession les acquéreurs sans la mission de le faire d’une amende de trois livres et de défense de récidiver sous peine d’interdiction. Nous demandons aux acquéreurs de se pourvoir et ordonnons aux acquéreurs et gens de justice d’attendre d’être signifiés du jugement d’acquisition qui sera rendu ».

Ce texte est en deux parties, la première est une remontrance faite par les officiers royaux au bailliage de Thionville expliquant que certains acquéreurs de seigneurie dépendant dudit bailliage, ont une fois acté leur achat, nommés leur maire et leurs échevins, leur sergent et bangardes sans en référer aux officiers royaux et sans leur autorisation. Or l’administration royale avait prévu un contrôle sur ces acquisitions en terme de paiement effectif du montant de la seigneurie acquise et un contrôle sur les nominations du maire et des gens de justice. N ‘oublions pas que certaines seigneuries avait été acquises par deux seigneurs [1], qui nommaient chacun leur maire et gens de justice au sein du même village avec les inconvénients pouvant en découler.

La deuxième partie n’est que la confirmation de la remontrance par les membres du bailliage qui de toutes les façons n’avaient pas le pouvoir d’aller contre les officiers royaux.

On demanda donc aux gens de justice ainsi nommés de ne pas exercer leur fonction et aux acquéreurs de se pourvoir en justice pour demander la validation par les officiers royaux de leur acquisition avant de pouvoir créer et nommer leur maire, leurs échevins, sergent et autres. En fait le roi et son administration mettaient les choses au point et l’église au milieu du village.

Le roi avait vendu ses seigneuries mais restait le maître et les futurs seigneurs qui pour la plupart étaient d’anciens militaires, petits nobles ou plus simplement des bourgeois, commerçants de la ville comprirent vite quelle était leur place. Beaucoup qui s’étaient  endettés pour ce titre de seigneur déchantèrent bien vite, les rentes, droits et cens divers n’étaient souvent pas payés par des paysans pauvres ou par des laboureurs plus riches, mais chicaneurs et procéduriers. La mésentente était fréquente entre les co-seigneurs et le morcellement des propriétés lors des successions n’arrangeait rien. De ce fait, beaucoup de seigneuries furent revendues plusieurs fois en quelques dizaines d’années [2].

La vente des seigneuries du royaume avait atteint son but, renflouer les caisses royales mais fut souvent un marché de dupe pour les acquéreurs.

Ci-dessous, la déclaration de l’achat de la seigneurie de Terville-Elange par le sieur Jean de la Martinière de Thionville [1] pour une somme de 12760 livres et pour un rapport annuel théorique [2] de 500 livres, en cens, rentes et droits seigneuriaux divers, soit à minima 25 ans pour amortir l’achat. En 1722, la seigneurie sera vendue à Marie Anne Léopold de Neuhof, veuve de André Brandenbourg de Breyfeillac, comte de Trévoux et ses deux enfants la revendront en 1763, à Benoît Nicolas Wolter de Neurbourg, déjà seigneur de Cattenom, pour la somme de 18714 livres qui lui seront remboursé par le roi qui avait entre temps repris les domaines.[3]

Donc, entre 1704 et 1770, la seigneurie de Terville/Elange ne s’est valorisée que de 5954 livres soit d’environ 100 livres par année !

 


[1] Il est commissaire garde du parc d’artillerie de Thionville

[2] Théorique car de nombreux droits et cens n’étaient pas payés ou avec énormément de retard à cause des mauvaises récoltes, des guerres et des épidémies.

[3] Voir « Terville, Histoires retrouvées » par Michel Persin 2013


[1] Un seigneur haut-justicier et un seigneur foncier comme à Volkrange avec l’incident qui en avait découlé lors de la fête du village.en

[2] Ainsi entre 1705 et 1789, la seigneurie de Veymerange eut plus de cinq seigneurs différents

 

Déclaration de l'achat de la seigneurie de Terville/Elange (ADM)

Déclaration de l'achat de la seigneurie de Terville/Elange (ADM)

Le libraire licencieux

« Aujourd’hui 8 avril 1783, nous Jacques Barthélémy Blouet, conseiller du roi, lieutenant générale civil et criminel au bailliage de Thionville ainsi que de la police de la ville, en procédant à l’assistance  de la réquisition de maître Antoine Collar, procureur du roi au siège de Thionville, et procédant à l’apposition des scellés chez le défunt Louis Bonin, libraire et bourgeois de Thionville, nous sommes descendu dans une cave attenante à la maison du sieur Bonin ou nous avons trouvé un coffre de chêne dans lequel il y avait des livres prohibé, c’est la raison pour laquelle nous avons fait transporter le coffre dans notre hôtel du bailliage pour en faire l’examen détaillé et en dressé l’inventaire .

Le 4 juin 1783, nous avons procédé à l’inventaire des biens du sieur Bonin, libraire de son état afin d’établir sa succession, inventaire fait sous la requête de maître Jean Joseph Delavallée, avocat au parlement de ce siège. Afin d ‘établir un inventaire le plus justement estimé, nous avons fait appel au sieur Pierre Bertrand, libraire de Thionville qui a prêté le serment qu’il s’acquitterait fidèlement de sa mission.

Nous nous sommes transporté au grenier de la maison du sieur Bonin défunt et avons commencé l’inventaire  des livres :

L’histoire de Clarisse en 4  volumes estimés à 4 sols.

La partie de chasse d’Henri IV en 4 volumes estimés à 12 sols.

(Suivent une liste de plusieurs dizaines de livres avec leur estimation)

Le 25 juin 1783, après avoir fait faire l’inventaire des livres de la boutique, nous avons fait celui du coffre avec les livres prohibés et nous en avons établi l’inventaire suivant :

10 exemplaires du livre « le système de la nature »

8 exemplaires du livre « Le mal et la liberté » de Jean Jacques Rousseau

3 exemplaires du livre « la belle allemande »

12 exemplaires du livre « Les amours de ……. »

8 exemplaires du livre « La confession du comte de *** » 1742 par Charles Pinot Duclos

4 exemplaires du livre « Le parnasse libertin »

18 exemplaires du livre « Le carillon de Cytère »

31 exemplaires du livre « Candide » de Voltaire.

36 exemplaires du livre « L’homme aux quarante écus » par Voltaire.

114 exemplaires du livre « La nouvelle Messaline » Nouvelles érotiques 1737

105 exemplaires du livre « la tourière des carmélites »

74 exemplaires du livre « Recueil de pièces galantes »

67 exemplaires du livre « Apologie de la fine galanterie »

88 exemplaires du livre « Les cinq jouissance à mourir »

7 exemplaires du livre « La putain errante » de l’Arétin

43 exemplaires du livre «L’histoire de la demoisselle B »

72 exemplaires du livre « La légende Joyeuse » de maistre Pierre Faifeu

5 exemplaires du livre « L’honnête philosophe 

NB: Beaucoup de ses livres sont pour le moins "Erotiques" les autres contestent Dieu, l'église et la morale, toutes choses fort peu appréciées par la royauté au 18ème siècle

L’inventaire terminé, nous avons mis notre cachet sur le coffre dans l’attente de la décision à prendre à son égard.

Le 24 juin 1783, le procureur du roi donne l’ordre qui suit :

« Je requiers que les livres prohibés mentionnés au procès verbal d’inventaire soit porté à la conciergerie du bailliage pour y être lacérés par l’huissier de service puis jetés au feu. »

L’ordre est exécuté le 29 juillet 1783.

Ci-dessous un exemple de livre prohibé que l'on peut encore trouver chez les bouquinistes

Le « Système de la nature » est un livre écrit en 1770, sous le pseudonyme de Jean Baptiste de Mirabaud, par le baron d’Holbach, Paul Henri Thiry (1723 à 1789) Le livre nie l’existence d’une âme et donc celle d’un Dieu. Pour lui, seul le cerveau est aux commandes et détermine la vie.

Le « Système de la nature » est un livre écrit en 1770, sous le pseudonyme de Jean Baptiste de Mirabaud, par le baron d’Holbach, Paul Henri Thiry (1723 à 1789) Le livre nie l’existence d’une âme et donc celle d’un Dieu. Pour lui, seul le cerveau est aux commandes et détermine la vie.

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Les fours banaux à Thionville et aux alentours

Publié le par Persin Michel

Four banal de Negrepelisse en 1772

Four banal de Negrepelisse en 1772

Dans les débuts de la féodalité [1], les fours banaux comme les moulins et les pressoirs étaient des biens utiles, je dirais même vitaux pour les communautés urbaines ou villageoises, car à la base même de leur alimentation journalière.

La construction de ces édifices faisait appel à des connaissances techniques spécifiques et à une exigence de durabilité, toutes caractéristiques qui impliquaient des dépenses assez conséquentes et hors de porté des habitants. De plus, ces édifices nécessitaient une occupation foncière que n’avaient pas non plus ces communautés.

Donc, le seigneur de la ville, du village qui possédait le foncier et l’argent construisait le pressoir, le moulin et le four, puis obligeait les habitants à les utiliser moyennant finance. C’est ce qu’on appelait les droits de banalité [2] , car au final ces biens profitaient à toute la population et au seigneur également car il bénéficiait lui aussi des services offerts par ces équipements et percevait les taxes sensées lui revenir du fait qu’il en était propriétaire. Bien entendu, il se devait aussi d’en assurer l’entretien ou la reconstruction car il n’était pas rare que ces équipements soient détruits par les intempéries, la vétusté, les incendies accidentels ou volontaires au cours des guerres, sièges ou coup de main, fréquents dans nos régions.

Effectivement, du fait de l’utilité impérieuse de ces équipements, lors des épisodes guerriers, ils étaient souvent les premiers à être endommagés ou détruits, privant ainsi les habitants d’une partie de leur alimentation quotidienne et le seigneur du lieu d’une rentrée d’argent, le soumettant de surcroît, à des dépenses futures pour les reconstruire ou les réparer.

 

[1] Du 10 au 12ème siècle, mais dont divers droits, impôts perdurèrent jusqu’à la révolution

[2] Banal : ce qui est commun au plus grand nombre

 

Ces destructions, n’amenaient pas toujours une reconstruction rapide et parfois même le four n’était jamais reconstruit, soit par manque de volonté de la part du seigneur, manque d’argent, litige divers. Alors on dérogeait à la règle et on permettait aux habitants de cuire le pain chez eux mais en payant quand même le droit de banalité et au final on s’aperçut très vite que cette façon de faire convenait à tout le monde car le bourgeois, le villageois pouvait cuire son pain chez lui sans se déplacer au four banal ou attendre le jour de la cuisson et le seigneur qui percevait la taxe n’avait plus à reconstruire et à entretenir le four. Mais la taxe de four banal continua à être due et payée  au seigneur.

Les habitants des villes et des campagnes étaient soumis à un ensemble de taxes ou d’impôts divers comme les droits de banalité, mais aussi les corvées [1], la taille [2], le tonlieu [3] le terrage ou none [4] et d’autres encore plus spécifiques sur les vins, le cuir, les fenêtres, le mariage et puis il y avait les dîmes dues au clergé.

Tout cela grevait fortement les maigres revenus des habitants. Toutefois au fil du temps, ces impôts avaient soit disparus, soit n’ayant pas été réactualisés ne représentaient plus grand chose, certains à l’aube de la révolution n’étaient déjà plus payés depuis longtemps. Bien entendu, on a attribué et l’on attribue encore la révolution à la pression insupportable de la fiscalité sur les habitants, mais la fréquentation assidue des documents  du 18ème  siècle m’oblige à corriger fortement cette assertion qui est battue en brèche par la réalité des faits telle qu’on la constate dans l’ensemble des documents de l’époque où les impôts et même le pouvoir réel [5] des seigneurs n’avaient absolument plus rien à voir avec les temps où ils furent mis en œuvre.

Ce cadre général étant fixé, revenons maintenant à Thionville et aux villages alentours pour ce qui concerne les fours banaux [6]. A Thionville, seule une rue dite du « four banal » dans le prolongement de la rue « brûlée » évoque encore l’existence de cet équipement au centre de la vieille ville.

Au 13ème siècle, Thionville, après avoir failli être livrée au Duc de Lorraine reste en possession des comtes de Luxembourg. Ils vont accorder à certaines villes et à leurs habitants, des chartes de franchises, à l’exemple des rois de France.

Ces chartes de franchises desserraient un peu le carcan qui maintenait les habitants dans un ensemble de règles et de devoirs très rigides avec bien peu de droits en contre partie.

 

[1] Travaux divers dus au seigneurs : Remblais, nettoyage, chariotage des matériaux…

[2] Taxe générale apparentée à un impôt direct

[3] Droit de passage pour une personne, souvent pour des marchandises d’une seigneurie ou ville à une autre.

[4] Prélèvement d’une partie d’une récolte, souvent le dixième ou neuvième.

[5] Ils n’avaient conservé que des titres honorifiques, peu de pouvoirs et souvent bien peu d’argent, tout au moins pour la majorité des seigneurs provinciaux.

[6] Les moulins ont déjà étaient abordés dans plusieurs articles du Miscellanées 2013/2014 et dans l’ouvrage « Terville, histoires retrouvées - 2013»

 

La charte de franchise de Thionville fut « donnée » à la ville en 1239 par Henri, comte de Luxembourg.  On y trouve cette petite phrase laconique :

« Li boursois de tyonville doient cuire au four bannal »

Petite phrase qui indique que le bourgeois de Thionville doit cuire au four banal, et qui nous est mieux expliquée dans la charte de franchise de la ville de Bitbourg, postérieure à celle de Thionville puisque datée de 1262, et où il est précisé que :

 « Nous nous réservons et à nos successeurs, comtes de Luxembourg, les fours banaux de Bitbourg, selon ce qui est usité à Thionville, en cette manière qu’aucun bourgeois n’ait son four propre et nous ne pourrons en permettre l’usage à personne, ni les inféoder, mais nous en retirerons tout le profit qui nous revient de droit »

Donc en 1239,  il existe un four banal à Thionville où tous les bourgeois doivent cuire leur pain avec défense de posséder leur propre four. Ce four est la propriété des comtes de Luxembourg qui en retire un profit (droit de banalité) mais ne peuvent l’inféoder (louer contre une rente). Nous sommes là dans le droit fil de la féodalité, de ses taxes et impôts. En général, les habitants avaient aussi obligation d’aller faire moudre leurs grains au moulin banal de la ville, toutefois à Thionville, la situation sera rapidement différente [1] .

Les habitants amènent donc la pâte à pain qu’ils ont confectionnée avec la farine venant du moulin de la ville et là un « boulanger » fait cuire cette pâte moyennant finance où contre une part de cette même pâte. Dans les villages, la cuisson a lieu qu’une fois par semaine, mais à Thionville, il est probable que des cuissons avaient lieu tous les jours ou du moins plusieurs fois la semaine.

En 1438, Guillaume de Saxe « donne » à la ville de Thionville le nouveau moulin construit à la porte de Metz sur une dérivation de la Fensch, car les moulins banaux situés sur la Moselle ont été détruits lors du remaniement des fortifications de la ville.

 

[1] Voir dans « Terville, Histoires retrouvées » du même auteur paru en 2013

Philippe III de Bourgogne

Philippe III de Bourgogne

C’est finalement Philippe III de Bourgogne, duc de Luxembourg [1] qui en 1462, donnera définitivement à la ville le moulin de la porte de Metz et le droit d’en construire un autre à Terville.[2]

Lorsque l’on dit que l’on donne le four ou le moulin aux habitants, cela veut dire à la ville. Effectivement, Thionville est une communauté d’habitants qui dépend directement des comtes puis des ducs de Luxembourg au travers d’un prévôt, d’un bailli, d’un représentant nommé.  Pas de seigneur à Thionville, pas de seigneur de Thionville, même si quelques familles ont pris le nom de Thionville [3], elles n’avaient en général aucune autorité sur la ville.

 

[1] Appellation courante mais en fait il ne prit jamais ce titre

[2] Qu’on appellera le moulin Rouge

[3] Comme par exemple un certain Arnoux de Thionville portant le titre d’écuyer en 1302

Pendant des années, on ne sait rien de plus sur ce four banal qui doit rendre le service attendu de lui avec sans doute des aléas inévitables, mais voilà en 1558, la ville de Thionville subit un siège victorieux de la part des français conduit par le Duc de Guise.

Dès 1559, la ville revient dans son giron Luxembourgeois, mais il est probable que le four banal ait subi des dommages, qu’il faille le reconstruire, devant cette dépense, Philippe II [1], en charge de la ville décide en 1577, de donner à la ville le four banal, ce qui de son point de vue implique le droit des habitants d’avoir des petits fours, moyennant la somme de 50 florins, valant 87 livres et 17 sols tournois, payable en deux termes.Nous voyons ici qu’en 1577, la règle générale, valable et applicable, depuis la charte de franchise de 1239 et sans doute avant, est caduque. Le moulin tout comme le four banal a été donné aux habitants de Thionville, donc à la ville, de ce fait, la banalité réelle de ces deux équipements n’existe plus, pourtant les droits de banalité continueront à être exigés et à être payés avec plus ou moins de régularité suivant les temps et les lieux.

A Thionville toutefois, le four semble avoir été reconstruit car une partie des habitants n’avaient pas les moyens [2] de cuire le pain chez eux, on avait donc un système mixte avec des particuliers qui cuisaient chez eux en payant la taxe afférente et une partie des habitants qui continuaient à cuire au four banal en payant la taxe afférente qui devait être moins élevée.

Extrait d’un acte notarié passé chez le notaire Helminger le 3 janvier 1685 :

« Jean Michel Wehe et Jean Herman, marchands bourgeois de Thionville disent avoir loué à Pierre Limptgen et à sa femme Marie Klain, le four banal de la ville pour une durée de trois années consécutives avec les mêmes clauses et conditions que leur à fait la ville de Thionville soit la somme de cinquante cinq Herren Gulden [3] payables chaque année au receveur de la ville. Les preneurs s’engagent aussi à cuire le pain de leur ménage pendant les trois années dans ledit four. Les témoins sont : Jacob Henry et Jean Volmeringer qui signent, les loueur signent également et les preneurs ne savent pas écrire. »

L’emplacement exact du four n’est pas connu, nous savons simplement qu’en 1686, il est mitoyen à la maison de Jean Rollinger comme indiquer dans un acte notarié concernant la vente d’une maison proche de ce four.

Les fours banaux étaient très souvent construits un peu à l’écart des autres habitations par peur des incendies, les plans anciens de Thionville n’indiquent pas ce genre de construction, il semble donc bien avoir été mitoyen avec une maison ou dans une maison particulière.

Le four banal de la ville fut détruit en 1748.

Regardons un peu la situation dans quelques villages autour de Thionville :

 

[1] 1555 – 1598, fils de Charles-Quint

[2] Moyens matériels et financiers

[3] Soit environ 1 florin dit du seigneur par Herren Gulden

Terville

Le four banal est commun au deux seigneurs qui se partagent le village dont l’abbaye de Bonnevoie au Luxembourg. C’est elle qui perçoit l’argent du four et en redonne une part au co-seigneur. Le four se situe dans la rue « Vingasse » [1]

En 1485, le four banal est mis à ferme (loué) au sieur Noël pour la somme de 20 gros de Metz, soit 32 deniers auquel il fallait encore ajouter 7 chapons.

En 1568, le four est ruiné, les seigneurs locaux dont l’abbaye de Bonnevoie autorisent donc les habitants à cuire chez eux pour une redevance de 6 patards par an.[2]

Le four sera refait puis à nouveau détruit.

En 1604, le four banal est en ruine.

En 1691, la dame d’Argelet possède le four banal qui est toujours en ruine, il ne sera plus jamais reconstruit. Chaque habitant qui cuisait son pain payait par année la  taxe de 9 sols et 6 deniers, les droits perçus annuellement sont encore de 24 sols toutefois les chapons ne se paient plus.

En 1694, au regard de la population, les droits perçus auraient dû se monter à 100 sols soit environ 5 livres tournois, or ces droits n’étaient pratiquement plus acquittés, ainsi en 1720, les droits de four banal se montaient à 24 sols.

En 1735, le droit dit de four banal n’est plus payé et ne le sera plus jamais.

En 1786, le maire du village déclare qu’il n’a pas souvenir de ce droit de four banal !

Veymerange  et Elange :

Les fours sont en ruine en 1604 et jamais reconstruits, la redevance due était d’un batz en 1704 soit environ 1 sol et 6 deniers. A Veymerange, le four se trouvait dans une maison derrière l’église, rue Saint-Martin, dans la petite ruelle qui contourne l’église.

Hayange :

En 1562, c’est Nicolas Scholler, aussi meunier à Marspich qui cuisait au four banal, à sa mort cette même année le droit sera transmis à son fils pour faire du pain blanc.

Volkrange :

En 1698, les habitants qui veulent cuire le pain chez eux font une demande aux deux co-seigneurs, Jean de Pouilly et Jean Mathias Bock pour obtenir ce droit, voici un extrait de cette demande :

« Nous Paul Adam maire de Volkrange, Nicolas Picard aussi maire de Volkrange [3] aussi échevins des seigneurs avec Henry Cune aussi échevin, Nicolas Adam, Jean Suisse, Demange Suisse, Henry Bentz, Nicolas Legrand, Marguerite veuve de Jean Marche, Jean Dalliot, Jacques Lefranc, Jean Lefranc, Antoine Priard, Jacques Philippe, François Grund fils, Paul Mathelin, Pierre Hofman, François Mathelin, Didier Noël, Gérard Noël, Humbert Breibach, Abraham Hennequin, Jean Mollet, tous  habitants composant la communauté du village de Volkrange et Metzange déclarent que leur prédécesseurs avaient été obligés de cuire leurs pains dans un four banal qui était construit dans la seigneurie de Volkrange.

 

[1] Voir l’ouvrage « Terville, Histoires retrouvées » par Michel Persin - 2013

[2] Le patard est une petite monnaie des Pays-B.as Bourguignon sans grande valeur, comme un sou, un liard

[3] Volkrange avait deux seigneurs donc deux maires

 Ce four leur est tout à fait à charge et coûte cher, ils voudraient se libérer et s’exempter de cette servitude, ils sont prêts à payer aux seigneurs communs annuellement et pour toujours, chaque ménage faisant feux ou particulier une taxe (cens) de deux blankens [1] payable entre les mains des seigneurs en contrepartie, ils seraient libre de faire construire chez eux, dans leur maison, des fours pour cuire leurs pains et pour que les seigneurs aient le même privilège que leur prédécesseurs, ils s’engage, chaque ménage ou particulier, à payer annuellement et pour toujours ce cens de deux blankens à un jour fixé de l’année.

Cette proposition a été acceptée par les co-seigneurs, Jean de Pouilly et Jean Mathias Bock qui est aussi conseiller, procureur du roi de l’hôtel de ville de Thionville et subdélégué de l’intendant.

Ces co-seigneurs acceptent, aussi par pure charité, en considération des misères dues aux dernières guerres qui ont accablées les habitant,s de leur faire remise des arrièrages de deux blankens à charge dans l’avenir de payer ce cens pour toujours, le premier lundi après la Saint-Martin. Fait au château de Volkrange le 17 février 1698 avant midi, explications en langue germanique mot pour mot et intelligiblement.

Ont signé : Les deux co-seigneurs ; Jean de Pouilly et Jean Mathias Bock et aussi Jean Dalliot, Nicolas Picard, Abraham Hennequin, tous les autres habitants ont fait une croix ou leur marque habituelle. (Notaire : Helminger) »

 

Ici, nous voyons que le four banal est à la charge des habitants au niveau de l’entretien et qu’ils devaient payer quand même la taxe banale. Mais les deux sièges de Thionville de 1639 et 1643 ont mis à mal le four banal et le service n’étant plus rendu, la taxe n’est plus payée. Au final, le four est laissé à l’abandon, voir démoli, chacun va cuire chez lui en payant la même taxe qu’auparavant et tout le monde y trouve son compte comme dans la plupart des villages alentours. A Thionville, va subsister un système mixte jusqu’en 1748, puis chacun prendra l’habitude de se fournir chez le boulanger [2] ou de cuire chez lui quand il dispose d’un four personnel.

 

 

[1] Blanken veut dire « Blanc » donc une pièce en argent d’un écu soit un tiers de livre

[2]  En 1818, il y a 15 boulangers à Thionville

 

NB :

Les sources de cet article sont : Actes du notaire Helminger (ADM 3E7520-7538)

L’histoire  de Thionville par G.F. Teissier 1828.

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