Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les fours banaux à Thionville et aux alentours

Publié le par Persin Michel

Four banal de Negrepelisse en 1772

Four banal de Negrepelisse en 1772

Dans les débuts de la féodalité [1], les fours banaux comme les moulins et les pressoirs étaient des biens utiles, je dirais même vitaux pour les communautés urbaines ou villageoises, car à la base même de leur alimentation journalière.

La construction de ces édifices faisait appel à des connaissances techniques spécifiques et à une exigence de durabilité, toutes caractéristiques qui impliquaient des dépenses assez conséquentes et hors de porté des habitants. De plus, ces édifices nécessitaient une occupation foncière que n’avaient pas non plus ces communautés.

Donc, le seigneur de la ville, du village qui possédait le foncier et l’argent construisait le pressoir, le moulin et le four, puis obligeait les habitants à les utiliser moyennant finance. C’est ce qu’on appelait les droits de banalité [2] , car au final ces biens profitaient à toute la population et au seigneur également car il bénéficiait lui aussi des services offerts par ces équipements et percevait les taxes sensées lui revenir du fait qu’il en était propriétaire. Bien entendu, il se devait aussi d’en assurer l’entretien ou la reconstruction car il n’était pas rare que ces équipements soient détruits par les intempéries, la vétusté, les incendies accidentels ou volontaires au cours des guerres, sièges ou coup de main, fréquents dans nos régions.

Effectivement, du fait de l’utilité impérieuse de ces équipements, lors des épisodes guerriers, ils étaient souvent les premiers à être endommagés ou détruits, privant ainsi les habitants d’une partie de leur alimentation quotidienne et le seigneur du lieu d’une rentrée d’argent, le soumettant de surcroît, à des dépenses futures pour les reconstruire ou les réparer.

 

[1] Du 10 au 12ème siècle, mais dont divers droits, impôts perdurèrent jusqu’à la révolution

[2] Banal : ce qui est commun au plus grand nombre

 

Ces destructions, n’amenaient pas toujours une reconstruction rapide et parfois même le four n’était jamais reconstruit, soit par manque de volonté de la part du seigneur, manque d’argent, litige divers. Alors on dérogeait à la règle et on permettait aux habitants de cuire le pain chez eux mais en payant quand même le droit de banalité et au final on s’aperçut très vite que cette façon de faire convenait à tout le monde car le bourgeois, le villageois pouvait cuire son pain chez lui sans se déplacer au four banal ou attendre le jour de la cuisson et le seigneur qui percevait la taxe n’avait plus à reconstruire et à entretenir le four. Mais la taxe de four banal continua à être due et payée  au seigneur.

Les habitants des villes et des campagnes étaient soumis à un ensemble de taxes ou d’impôts divers comme les droits de banalité, mais aussi les corvées [1], la taille [2], le tonlieu [3] le terrage ou none [4] et d’autres encore plus spécifiques sur les vins, le cuir, les fenêtres, le mariage et puis il y avait les dîmes dues au clergé.

Tout cela grevait fortement les maigres revenus des habitants. Toutefois au fil du temps, ces impôts avaient soit disparus, soit n’ayant pas été réactualisés ne représentaient plus grand chose, certains à l’aube de la révolution n’étaient déjà plus payés depuis longtemps. Bien entendu, on a attribué et l’on attribue encore la révolution à la pression insupportable de la fiscalité sur les habitants, mais la fréquentation assidue des documents  du 18ème  siècle m’oblige à corriger fortement cette assertion qui est battue en brèche par la réalité des faits telle qu’on la constate dans l’ensemble des documents de l’époque où les impôts et même le pouvoir réel [5] des seigneurs n’avaient absolument plus rien à voir avec les temps où ils furent mis en œuvre.

Ce cadre général étant fixé, revenons maintenant à Thionville et aux villages alentours pour ce qui concerne les fours banaux [6]. A Thionville, seule une rue dite du « four banal » dans le prolongement de la rue « brûlée » évoque encore l’existence de cet équipement au centre de la vieille ville.

Au 13ème siècle, Thionville, après avoir failli être livrée au Duc de Lorraine reste en possession des comtes de Luxembourg. Ils vont accorder à certaines villes et à leurs habitants, des chartes de franchises, à l’exemple des rois de France.

Ces chartes de franchises desserraient un peu le carcan qui maintenait les habitants dans un ensemble de règles et de devoirs très rigides avec bien peu de droits en contre partie.

 

[1] Travaux divers dus au seigneurs : Remblais, nettoyage, chariotage des matériaux…

[2] Taxe générale apparentée à un impôt direct

[3] Droit de passage pour une personne, souvent pour des marchandises d’une seigneurie ou ville à une autre.

[4] Prélèvement d’une partie d’une récolte, souvent le dixième ou neuvième.

[5] Ils n’avaient conservé que des titres honorifiques, peu de pouvoirs et souvent bien peu d’argent, tout au moins pour la majorité des seigneurs provinciaux.

[6] Les moulins ont déjà étaient abordés dans plusieurs articles du Miscellanées 2013/2014 et dans l’ouvrage « Terville, histoires retrouvées - 2013»

 

La charte de franchise de Thionville fut « donnée » à la ville en 1239 par Henri, comte de Luxembourg.  On y trouve cette petite phrase laconique :

« Li boursois de tyonville doient cuire au four bannal »

Petite phrase qui indique que le bourgeois de Thionville doit cuire au four banal, et qui nous est mieux expliquée dans la charte de franchise de la ville de Bitbourg, postérieure à celle de Thionville puisque datée de 1262, et où il est précisé que :

 « Nous nous réservons et à nos successeurs, comtes de Luxembourg, les fours banaux de Bitbourg, selon ce qui est usité à Thionville, en cette manière qu’aucun bourgeois n’ait son four propre et nous ne pourrons en permettre l’usage à personne, ni les inféoder, mais nous en retirerons tout le profit qui nous revient de droit »

Donc en 1239,  il existe un four banal à Thionville où tous les bourgeois doivent cuire leur pain avec défense de posséder leur propre four. Ce four est la propriété des comtes de Luxembourg qui en retire un profit (droit de banalité) mais ne peuvent l’inféoder (louer contre une rente). Nous sommes là dans le droit fil de la féodalité, de ses taxes et impôts. En général, les habitants avaient aussi obligation d’aller faire moudre leurs grains au moulin banal de la ville, toutefois à Thionville, la situation sera rapidement différente [1] .

Les habitants amènent donc la pâte à pain qu’ils ont confectionnée avec la farine venant du moulin de la ville et là un « boulanger » fait cuire cette pâte moyennant finance où contre une part de cette même pâte. Dans les villages, la cuisson a lieu qu’une fois par semaine, mais à Thionville, il est probable que des cuissons avaient lieu tous les jours ou du moins plusieurs fois la semaine.

En 1438, Guillaume de Saxe « donne » à la ville de Thionville le nouveau moulin construit à la porte de Metz sur une dérivation de la Fensch, car les moulins banaux situés sur la Moselle ont été détruits lors du remaniement des fortifications de la ville.

 

[1] Voir dans « Terville, Histoires retrouvées » du même auteur paru en 2013

Philippe III de Bourgogne

Philippe III de Bourgogne

C’est finalement Philippe III de Bourgogne, duc de Luxembourg [1] qui en 1462, donnera définitivement à la ville le moulin de la porte de Metz et le droit d’en construire un autre à Terville.[2]

Lorsque l’on dit que l’on donne le four ou le moulin aux habitants, cela veut dire à la ville. Effectivement, Thionville est une communauté d’habitants qui dépend directement des comtes puis des ducs de Luxembourg au travers d’un prévôt, d’un bailli, d’un représentant nommé.  Pas de seigneur à Thionville, pas de seigneur de Thionville, même si quelques familles ont pris le nom de Thionville [3], elles n’avaient en général aucune autorité sur la ville.

 

[1] Appellation courante mais en fait il ne prit jamais ce titre

[2] Qu’on appellera le moulin Rouge

[3] Comme par exemple un certain Arnoux de Thionville portant le titre d’écuyer en 1302

Pendant des années, on ne sait rien de plus sur ce four banal qui doit rendre le service attendu de lui avec sans doute des aléas inévitables, mais voilà en 1558, la ville de Thionville subit un siège victorieux de la part des français conduit par le Duc de Guise.

Dès 1559, la ville revient dans son giron Luxembourgeois, mais il est probable que le four banal ait subi des dommages, qu’il faille le reconstruire, devant cette dépense, Philippe II [1], en charge de la ville décide en 1577, de donner à la ville le four banal, ce qui de son point de vue implique le droit des habitants d’avoir des petits fours, moyennant la somme de 50 florins, valant 87 livres et 17 sols tournois, payable en deux termes.Nous voyons ici qu’en 1577, la règle générale, valable et applicable, depuis la charte de franchise de 1239 et sans doute avant, est caduque. Le moulin tout comme le four banal a été donné aux habitants de Thionville, donc à la ville, de ce fait, la banalité réelle de ces deux équipements n’existe plus, pourtant les droits de banalité continueront à être exigés et à être payés avec plus ou moins de régularité suivant les temps et les lieux.

A Thionville toutefois, le four semble avoir été reconstruit car une partie des habitants n’avaient pas les moyens [2] de cuire le pain chez eux, on avait donc un système mixte avec des particuliers qui cuisaient chez eux en payant la taxe afférente et une partie des habitants qui continuaient à cuire au four banal en payant la taxe afférente qui devait être moins élevée.

Extrait d’un acte notarié passé chez le notaire Helminger le 3 janvier 1685 :

« Jean Michel Wehe et Jean Herman, marchands bourgeois de Thionville disent avoir loué à Pierre Limptgen et à sa femme Marie Klain, le four banal de la ville pour une durée de trois années consécutives avec les mêmes clauses et conditions que leur à fait la ville de Thionville soit la somme de cinquante cinq Herren Gulden [3] payables chaque année au receveur de la ville. Les preneurs s’engagent aussi à cuire le pain de leur ménage pendant les trois années dans ledit four. Les témoins sont : Jacob Henry et Jean Volmeringer qui signent, les loueur signent également et les preneurs ne savent pas écrire. »

L’emplacement exact du four n’est pas connu, nous savons simplement qu’en 1686, il est mitoyen à la maison de Jean Rollinger comme indiquer dans un acte notarié concernant la vente d’une maison proche de ce four.

Les fours banaux étaient très souvent construits un peu à l’écart des autres habitations par peur des incendies, les plans anciens de Thionville n’indiquent pas ce genre de construction, il semble donc bien avoir été mitoyen avec une maison ou dans une maison particulière.

Le four banal de la ville fut détruit en 1748.

Regardons un peu la situation dans quelques villages autour de Thionville :

 

[1] 1555 – 1598, fils de Charles-Quint

[2] Moyens matériels et financiers

[3] Soit environ 1 florin dit du seigneur par Herren Gulden

Terville

Le four banal est commun au deux seigneurs qui se partagent le village dont l’abbaye de Bonnevoie au Luxembourg. C’est elle qui perçoit l’argent du four et en redonne une part au co-seigneur. Le four se situe dans la rue « Vingasse » [1]

En 1485, le four banal est mis à ferme (loué) au sieur Noël pour la somme de 20 gros de Metz, soit 32 deniers auquel il fallait encore ajouter 7 chapons.

En 1568, le four est ruiné, les seigneurs locaux dont l’abbaye de Bonnevoie autorisent donc les habitants à cuire chez eux pour une redevance de 6 patards par an.[2]

Le four sera refait puis à nouveau détruit.

En 1604, le four banal est en ruine.

En 1691, la dame d’Argelet possède le four banal qui est toujours en ruine, il ne sera plus jamais reconstruit. Chaque habitant qui cuisait son pain payait par année la  taxe de 9 sols et 6 deniers, les droits perçus annuellement sont encore de 24 sols toutefois les chapons ne se paient plus.

En 1694, au regard de la population, les droits perçus auraient dû se monter à 100 sols soit environ 5 livres tournois, or ces droits n’étaient pratiquement plus acquittés, ainsi en 1720, les droits de four banal se montaient à 24 sols.

En 1735, le droit dit de four banal n’est plus payé et ne le sera plus jamais.

En 1786, le maire du village déclare qu’il n’a pas souvenir de ce droit de four banal !

Veymerange  et Elange :

Les fours sont en ruine en 1604 et jamais reconstruits, la redevance due était d’un batz en 1704 soit environ 1 sol et 6 deniers. A Veymerange, le four se trouvait dans une maison derrière l’église, rue Saint-Martin, dans la petite ruelle qui contourne l’église.

Hayange :

En 1562, c’est Nicolas Scholler, aussi meunier à Marspich qui cuisait au four banal, à sa mort cette même année le droit sera transmis à son fils pour faire du pain blanc.

Volkrange :

En 1698, les habitants qui veulent cuire le pain chez eux font une demande aux deux co-seigneurs, Jean de Pouilly et Jean Mathias Bock pour obtenir ce droit, voici un extrait de cette demande :

« Nous Paul Adam maire de Volkrange, Nicolas Picard aussi maire de Volkrange [3] aussi échevins des seigneurs avec Henry Cune aussi échevin, Nicolas Adam, Jean Suisse, Demange Suisse, Henry Bentz, Nicolas Legrand, Marguerite veuve de Jean Marche, Jean Dalliot, Jacques Lefranc, Jean Lefranc, Antoine Priard, Jacques Philippe, François Grund fils, Paul Mathelin, Pierre Hofman, François Mathelin, Didier Noël, Gérard Noël, Humbert Breibach, Abraham Hennequin, Jean Mollet, tous  habitants composant la communauté du village de Volkrange et Metzange déclarent que leur prédécesseurs avaient été obligés de cuire leurs pains dans un four banal qui était construit dans la seigneurie de Volkrange.

 

[1] Voir l’ouvrage « Terville, Histoires retrouvées » par Michel Persin - 2013

[2] Le patard est une petite monnaie des Pays-B.as Bourguignon sans grande valeur, comme un sou, un liard

[3] Volkrange avait deux seigneurs donc deux maires

 Ce four leur est tout à fait à charge et coûte cher, ils voudraient se libérer et s’exempter de cette servitude, ils sont prêts à payer aux seigneurs communs annuellement et pour toujours, chaque ménage faisant feux ou particulier une taxe (cens) de deux blankens [1] payable entre les mains des seigneurs en contrepartie, ils seraient libre de faire construire chez eux, dans leur maison, des fours pour cuire leurs pains et pour que les seigneurs aient le même privilège que leur prédécesseurs, ils s’engage, chaque ménage ou particulier, à payer annuellement et pour toujours ce cens de deux blankens à un jour fixé de l’année.

Cette proposition a été acceptée par les co-seigneurs, Jean de Pouilly et Jean Mathias Bock qui est aussi conseiller, procureur du roi de l’hôtel de ville de Thionville et subdélégué de l’intendant.

Ces co-seigneurs acceptent, aussi par pure charité, en considération des misères dues aux dernières guerres qui ont accablées les habitant,s de leur faire remise des arrièrages de deux blankens à charge dans l’avenir de payer ce cens pour toujours, le premier lundi après la Saint-Martin. Fait au château de Volkrange le 17 février 1698 avant midi, explications en langue germanique mot pour mot et intelligiblement.

Ont signé : Les deux co-seigneurs ; Jean de Pouilly et Jean Mathias Bock et aussi Jean Dalliot, Nicolas Picard, Abraham Hennequin, tous les autres habitants ont fait une croix ou leur marque habituelle. (Notaire : Helminger) »

 

Ici, nous voyons que le four banal est à la charge des habitants au niveau de l’entretien et qu’ils devaient payer quand même la taxe banale. Mais les deux sièges de Thionville de 1639 et 1643 ont mis à mal le four banal et le service n’étant plus rendu, la taxe n’est plus payée. Au final, le four est laissé à l’abandon, voir démoli, chacun va cuire chez lui en payant la même taxe qu’auparavant et tout le monde y trouve son compte comme dans la plupart des villages alentours. A Thionville, va subsister un système mixte jusqu’en 1748, puis chacun prendra l’habitude de se fournir chez le boulanger [2] ou de cuire chez lui quand il dispose d’un four personnel.

 

 

[1] Blanken veut dire « Blanc » donc une pièce en argent d’un écu soit un tiers de livre

[2]  En 1818, il y a 15 boulangers à Thionville

 

NB :

Les sources de cet article sont : Actes du notaire Helminger (ADM 3E7520-7538)

L’histoire  de Thionville par G.F. Teissier 1828.

Voir les commentaires

1704 – Evasion à la prison de Thionville

Publié le par Persin Michel

1704 – Evasion à la prison de Thionville

Dans l’article précédent nous avons vu qu’une certaine Madeleine Schaff avait été incarcérée à la prison royale de Thionville pour prostitution de son corps. Il se trouve que j’ai découvert, il y a quelques jours, un document daté du 1er juin 1704 qui relate une évasion de cette même prison où avait été incarcérée Madeleine Schaff en juin 1669.

Voici  le rapport de cette évasion fait par le « geollier » et l’annotation au bas du rapport demandant une inspection de la prison :

« Ce jourd’huy, premier de juin 1704, aux environs des quatre heures du matin, moi Jacques Huyart, geollier commis aux prisons royales du bailliage et siège royal de Thionville [1], certifie m’être transporté dans une des chambres desdites prisons où était enfermé le nommé Jean Barthel, bourgeois de cette ville comme prisonnier à la requête du sieur Grinsar, marchand, bourgeois de Metz, pour une dette de 241 livres tournois, sauf néanmoins à déduire le reçu au paiement de laquelle somme, ledit Barthel a été condamné par sentence de ce siège, même par corps, comme il paraît sur son écrou du 7 mai dernier.

La nuit du dernier jour du mois de mai et premier juin, ledit Barthel se serait évadé de force desdites prisons, quoique qu’ayant fait bonne garde de sa personne.

Il aurait arraché et défait deux barreaux de la fenêtre de ladite chambre, lesquels cependant étaient tenus et liés avec deux chainettes qui entouraient les deux barreaux.

A l’instant, j’ai fait la recherche de la personne dudit Barthel par toute la maison de Claude Lestamy par laquelle il s’est sauvé et même dans la maison des voisins et n’ayant pu trouver ledit Barthel, j’ai été obligé de dresser le procès verbal pour servir et valoir ce que de droit d’autant qu’il ne vient aucune erreur de ma faute. Fait à Thionville dans les prisons royales du bailliage. » Signé du « geollier », Jacques Huyart.

 


[1] Au début du 18ème siècle, ces chambres servant de prisons pour les bourgeois de Thionville, étaient situées dans le bâtiment du bailliage (Beffroi) et la prison pour les militaires se trouvait dans le couronné de Yutz

 

Noté au bas du procès verbal par le procureur du roi au bailliage :

Je requiers pour le roi, que le bris de prison mentionné dans ce procès verbal, il en soit informé, circonstances et dépendances et cependant que lesdites prisons soient vues et visitées pour en être dressé procès verbal et qu’on me le communique.

A Thionville le 3 juin 1704, signé de Jean Mathias Bock [1], procureur du roi au bailliage.

Rapport sur les prisons royales de Thionville suite au bris et évasion :

L’an de 1704, le 3 juin, nous, Jean Fringan, doyen des conseillers du bailliage et siège royal de Thionville en absence du sieur lieutenant général audit siège en vertu du procès verbal dressé le 1er du présent mois par Jacques Huyart, concierge de la conciergerie dudit siège et sur réquisition du procureur du roi, mis au bas du procès verbal de Jacques Huyart, je me suis transporté avec Jean Gorgon Bailly, clerc au greffe à cause de l’absence du greffier en ladite conciergerie. Ledit Jacques Huyart, nous a conduit dans une petite chambre où il met d’ordinaire les prisonniers et qui prend jour [2]sur la cour de Claude Lestamy dit « Picquart », bourgeois de cette ville.

Dans cette chambre, nous avons trouvé une fenêtre barrée de haut en bas de quatre barreaux de fer carré et un pareil qui les barrait au travers des barreaux et les cramponnait l’un dans l’autre. Le quatrième barreau et la barre traversant quoi que cramponnée a été ôtée de force avec des outils de fer et les pierres de celle qui traversait ont été cassées. Le trou de la pierre d’embase où le quatrième barreau était posé a été creusé par dessous. C’est par ce brisement que ledit Jean Barthel détenu prisonnier dans ladite chambre s’est sauvé et évadé nuitamment. Pour assurer d’avantage ladite chambre en forme de prison, il faudrait que toutes les barres de fer fussent plombées par les bouts d’avec les pierres et murer une pierre de taille par dessus jusqu’au haut de la barre de fer et il restera encore un jour suffisant pour éclairer ladite chambre et les prisonniers.

Fait à Thionville le jour dit et signé du greffier et de moi-même.

On ne sait pas si le sieur Jean Barthel a été repris ou s’il a échappé durablement à la prison. Il n’était pas un bien grand criminel puisqu’incarcéré pour une dette importante envers un marchand de Metz, une somme de 241 livres ce qui à l’époque représentait la moitié du prix d’une maison en la rue brûlée ou le prix d’une maison et jardin dans la banlieue de la ville.

NB : Le beffroi actuel est bien différent de celui du 18ème siècle qui abritait aussi le bailliage, la chapelle du Rosaire et le poids de la ville. Il l’est bien plus encore de celui du beffroi originel. Toutefois, on peut voir qu’en 1704, la prison pour les bourgeois [3] de Thionville se limitait à une ou deux chambres situées dans le bâtiment du beffroi, au rez-de-chaussée, sans doute à l’arrière et donnant dans la cour d’une maison privée. Ces chambres ont une fenêtre avec des barreaux de fer et le concierge loge sans doute assez loin de ces chambres pour n’avoir rien entendu des « travaux» effectués par le prisonnier pour démonter deux des barreaux de la fenêtre. On a souvent dit que les prisons se situaient dans le sous-sol du beffroi, mais celui-ci servait au poids de la ville et les ouvriers y travaillant se plaignaient des odeurs à cause des fuites dans les écoulements des latrines de la prison qui se trouvaient donc au-dessus du poids et donc au rez-de-chaussée, ce qui corrobore ce rapport d’évasion.

 


[1] Il était aussi co-seigneur de Volkrange.

[2] Où il y a une fenêtre.

[3] Les habitants hors les militaires

 

Voir les commentaires

Juin 1669 - Prostitution et prison à Thionville

Publié le par Persin Michel

Gravure tirée de l’ouvrage : « La prostitution contemporaine » chapitre  « la maison à soldats »  Scène datant du 19ème siècle

Gravure tirée de l’ouvrage : « La prostitution contemporaine » chapitre « la maison à soldats » Scène datant du 19ème siècle

Si je regarde très loin dans le rétroviseur, soit 347 ans en arrière, je vois une certaine Madeleine Schaff, veuve d’un nommé « Roclos », alors soldat de la garnison de Thionville.

Cette Madeleine Scharff, fait l’objet d’une lettre du lieutenant général civil et criminel au bailliage du siège royal de Thionville, pour le procureur du roi de la ville, afin de lui signifier que ladite Madeleine Schaff a été constituée prisonnière aux prisons royales du bailliage [1] sur demande dudit procureur du roi en la ville de Thionville à cause de la prostitution de son corps et autres faits par lui constatés.

Suite à cet emprisonnement, ladite Schaff a été condamnée au bannissement de trois ans hors la ville et à une amende de cinquante livres tournois comprenant les frais de justice. Pour payer cette amende, la pauvre n’a aucun moyen, et comme elle a déjà passé plus d’un mois en prison, elle demande à vendre un bien afin de pouvoir payer l’amende et quitter ladite prison.

Dans cette lettre, le lieutenant général civil et criminel au bailliage de la ville signifie au procureur, qu’il autorise ladite Schaff à vendre quelques héritages pour être élargie des prisons royales et lui faire grâce d’avoir tenu la prison aussi longtemps.

 

[1] Les prisons royales ne sont que quelques cellules, se trouvant en général dans les locaux du bailliage (Beffroi)

La suite nous est donnée par un acte du 6 juin 1669, dressé par les notaires royaux de la ville de Thionville, devant témoins et en présence de Madeleine Scharff, veuve du soldat « Roclos » de la garnison de la ville, acte s’ensuivant de la requête faite par elle-même à monsieur le lieutenant général civil et criminel de la ville, lui demandant l’autorisation de vendre quelques héritages pour être élargie des prisons royales de ce siège de Thionville.

Sur consentement du procureur du roi en date du 3 juin de cette année 1669, elle reconnaît avoir vendu pour toujours et irrévocablement, à l’honnête Nicolas Crespin, tailleur d’habits et bourgeois de Thionville et à Madeleine Chopsein, sa femme, un verger situé au village de Volkrange, derrière l’église à coté d’un bien d’église et du chemin communal. Eve Agathe Wirfel, sa mère, et son mari Noël Liger ont l’usufruit leur vie durante [1] sur ce terrain.

Sa mère, Eve Agathe Wirfel, renonce à cet usufruit et vie durante sur ledit verger, qui peut ainsi être vendu pour 12 écus blancs [2] que les acheteurs ont payé comptant et qui seront employés pour l’élargissement de prison de ladite Schaff.

Les témoins sont Pierre Joan et Jean Beran, tous les deux sergents royaux du bailliage de Thionville.

Ces actes nous montrent d’une part, qu’au 17ème et 18ème siècle, la prostitution est un délit réprimé par la loi en vue de son éradication. Les peines sont l’emprisonnement et le bannissement assorties d’une amende. Le bannissement peut être limité dans le temps, ici trois années, et limité dans l’espace, on était banni de la ville ou de la province. Dans certaines régions, la loi est plus dure et peut amener au bagne.

La prostituée est dans un premier temps mise en prison, puis jugée et quand elle a payé l’amende infligée par les magistrats, elle sort de prison pour partir en exil pendant le temps du bannissement. Toutefois, vers le milieu du 18ème siècle, la justice s’adoucit et les mesures prises sont assez peu appliquées.

Dans notre cas nous voyons que Madeleine Schaff était mariée avec un soldat de la garnison de Thionville, elle avait peu de biens, sa mère s’était remariée avec un bourgeois de la ville et quand son soldat de mari est décédé, elle s’est probablement trouvée rapidement sans ressource. Thionville est une ville de garnison où les hommes sont nombreux, seuls et souvent désoeuvrés, une jeune veuve peut très rapidement basculer dans la prostitution pour assurer sa subsistance. Mais la ville est petite et tout se voit, se sait, quelques soupçons venant aux oreilles du procureur et la machine judiciaire se met en route ne laissant que peu de chance d’échapper aux châtiments.  Elle semble être restée plus d’un mois emprisonnée, ne pouvant payer l’amende. Elle n’a qu’un verger à Volkrange qui lui reviendra à la mort de sa mère qui en a l’usufruit sa vie durante, et c’est sa mère qui en renonçant à cet usufruit permettra la vente du bien, le paiement de l’amende et la sortie de prison. Après Madeleine Schaff quittera la ville pour trois années, mais libre.

 


[1] Il semble ici que sa mère Eve Wirfel se soit remariée avec Noël Liger, mais qu’elle était mariée précédemment avec un certain Schaff, duquel elle a eu cette fille Madeleine. L’usufruit sa vie durante sur le verger lui venait de ce précédent mariage échouant donc à sa fille Madeleine.

[2] Un écu blanc vaut en général 3 livres tournois et demie soit pour 12 écus, 42 livres tournois

 

Voir les commentaires

1703 - L’enlèvement et la libération de la baronne de Schmitbourg

Publié le par Persin Michel

Aujourd’hui, je vais vous conter une histoire rocambolesque qui est advenue au tout début du 18ème siècle et qui s’est conclue à Thionville au couvent du Saint-Esprit, dont le bâtiment est aujourd’hui occupé par la mairie de Thionville.

Les principaux personnages de l’affaire :

Anne Catherine, baronne de Schmitbourg [1] appelée « la baronne » dans le texte.

La baronne d’Eltz d’Ottange [2]

La dame de Caltenbach de Roussy [3]

Le sieur d’Alanzy [4]

Cretz Peter habitant de Altwies [5]

Le sieur Burthé habitant de Altwies

Le sieur Thierriat d’Espagne, gouverneur de Thionville [6]

Le receveur de l’électeur de Trêves.

 


[1] La famille de Schmibourg originaire de Coblence était alliée aussi à la famille d’Eltz.

[2] La famille d’Eltz alliée à la famille d’Hunolstein avait d’importants biens dans l’Eifel et la région de Trêves, elle avait aussi plusieurs seigneuries dans notre région, Ottange, Volmerange, Fontoy, Thionville..

[3] Cette famille appartient à un ensemble de familles de nobliaux qui s’étaient indûment appropriées des terres à Roussy et qui furent déboutées par François Maguin, conseiller à Metz et mari de marguerite de Wolter qui avait acquis la seigneurie de Roussy. On trouve dans ces familles les Caltenbach et les Halanzy.

[4] Capitaine d’un régiment de Dragons. Originaire de la Gaume.

[5] Commune dépendant actuellement de Mondorf-les-Bains

[6] Charles Thierriat d’Espagne, d’abord lieutenant du roi puis gouverneur de Thionville de 1680 à son décès à Thionville  le 25 juin 1711. Il avait été capitaine et major dans le régiment du maréchal de La Ferté et lieutenant du roi à Dôle avant d’arriver à Thionville.

 

La mairie de Thionville ancien couvent des clarisses

La mairie de Thionville ancien couvent des clarisses

La baronne explique le pourquoi de ce récit:

Anne Catherine, baronne de Schmitbourg, étant présente à Thionville, au couvent des dames abbesses et religieuses du Saint-Esprit en la ville [1], nous a dit qu’ayant réfléchit sur la conduite qu’elle a tenue pendant le temps qu’elle a séjourné chez le nommé Cretz Peter demeurant à Altwies, village dépendant du canton de Rodemack, où elle avait été envoyée, il y a environ quatre mois, de l’ordre de ses parents pour se faire soulager et guérir d’une incommodité [2] qui lui était survenue au visage. Cette conduite ayant donné lieu à ses parents d’en être mécontents, en sorte qu’ils ne voulaient plus l’écouter, ni la recevoir chez eux. C’est pourquoi voulant les désabuser des fausses impressions que cela aurait fait sur leurs esprits, elle nous a déclaré sans force, injonction, ni contrainte, mais d’une libre, sincère et franche volonté que la vérité est celle qu’elle nous déclare ce jour et nous demande de la rédiger par écrit et d’en dresser un acte authentique en présence de madame la baronne d’Eltz, de la dame abbesse du couvent du Saint-Esprit et de monsieur Alexandre, prêtre et curé de la paroisse de la ville.

La baronne est malade et va faire une cure à Altwies, près de Mondorf-les-Bains:

Pendant son séjour qui a été de trois mois ou environ chez ledit Cretz Peter où elle avait entrepris sa cure pour guérir de son indisposition, celui-ci lui aurait dit que son mal venait d’un sortilège que certaines sorcières du pays de Coblence [3], lui auraient donné et que si elle souhaitait connaître la personne qui lui avait jetée ou si elle voulait retourner chez ses parents, elle serait alors continuellement exposé au même accident. De ce fait, elle résolu de demeurer en ce pays et il lui dit alors qu’elle devait se marier car c’était le seul et unique moyen de parvenir à la guérison, sans quoi, il ne voulait pas entreprendre sa cure et comme elle ne souhaitait rien de plus que son soulagement, elle lui fit connaître qu’elle était disposée à écouter ses avis, qu’elle le regardait pour un homme habile et ne le croyait pas capable de lui conseiller la moindre chose contraire à son avantage.

Ledit Cretz Peter, remarquant la grande crédulité de la baronne, lui proposa après quelques jours de résidence chez lui, de l’emmener lui-même, là où elle le voudrait, lui promettant qu’il ne lui manquera ni or, ni argent, qu’il était assez riche pour faire sa fortune, qu’il la conduirait à Paris ou en Hollande, ou en tel endroit qu’elle souhaiterait, qu’il abandonnerait sa femme, sa famille pour la suivre, mais ces propositions ne faisaient aucune impression sur l’esprit de la baronne, car elle ne cherchait que sa guérison, ledit Cretz Peter, lui refit plusieurs fois ces propositions qui restèrent vaines.

Plus tard, la baronne fit la connaissance d’un gentil homme appelé le sieur de Burthé qui demeurait au voisinage de Cretz Peter et qui s’étant aperçu du remède préconisé, soit le mariage, lui fit après quelques jours la proposition de l’épouser, mais la baronne n’éprouvait qu’indifférence et même conçu de l’aversion pour le sieur Burthé.

Celui-ci, entra dans un grand emportement et une grande fureur, disant hautement qu’il se poignarderait. Plus il témoignait son empressement, plus la baronne avait de la haine pour le pauvre homme et sans pouvoir dire d’où cela venait, sinon qu’elle pensa que c’était un charme qui ne pouvait procéder que de la part de Cretz Peter. Alors, elle le pria de faire cesser la passion violente du sieur Burthé.


[1] Ordre des clarisses dépendant du couvent du Saint-Esprit de Luxembourg.

[2] Terme général indiquant probablement une maladie de peau

[3] Où habitaient alors ses parents

La baronne va au château de Roussy et s'engage à la lègère:

Dans ces entrefaites, la dame de Caltenbach [1], demeurant au château de Roussy ayant rendu quelques visites à la baronne, celle-ci crut de son devoir de lui rendre la réciproque en se rendant au château de Roussy où elle aperçut un officier quelle ne connaissait pas et que l’on lui dit être le sieur d’Alanzy [2], lequel eut une conversation avec elle où elle lui fit entendre qu’elle désirait s’établir dans ce pays et s’y marier et qu’il y avait un gentilhomme de distinction qui paraissait avoir un penchant pour elle, mais qu’elle même avait beaucoup de répugnance pour lui. Le sieur d’Alanzy lui proposa un sien neveu qu’il disait être galant homme, ce à quoi la  baronne qui dans toutes ces propositions ne savait quel parti prendre répondit qu’il fallait voir ce jeune cavalier.

Mais le sieur d’Alanzy ayant été averti de la faiblesse, de l’âge et de l’esprit de la baronne ne manqua pas de venir la trouver le lendemain accompagné de son neveu qu’il emmena chez Cretz Peter, qui dès qu’il vit le jeune homme, dit à la baronne que c’était la personne qu’elle devait épouser. Madame de Caltenbach étant venue avec le sieur d’Alanzy et son neveu, sollicita la baronne pour qu’elle épouse le jeune homme et le sieur d’Alanzy promis de l’entretenir toute sa vie et d’en faire son héritier. Devant tant de pression la baronne conçu pour ce jeune homme une violente passion et donna sa parole de l’épouser, à la dame de Caltenbach, et sur sa demande lui fit un billet disant que le sieur d’Alanzy lui avait promis cent ducats et une compagnie franche pour le mari de la dame de Caltenbach . S’étant ainsi séparés, la dame de Caltenbach, s’en retourna avec le sieur d’Alanzy et son neveu au château de Roussy.

La baronne part pour Coblence en bateau sur la Moselle:

Le lendemain, la baronne partit avec un ecclésiastique et une femme de chambre qui étaient venus la reprendre pour la conduire chez ses parents où elle retournait en bateau. En chemin, elle passa quelques jours à Trêves d’où elle repartit pour continuer sa route et étant arrivée aux environs de Paltz [3] au-dessus de Trêves, elle aperçu le sieur D’Alanzy avec un corps de cavalerie qui était sur le bord de la Moselle.

La baronne se fait enlever:

Il fit arrêter le bateau  et monta à bord avec l’intention de l’emmener. La baronne protesta et le receveur de l’électeur de Trêves qui accompagnait la baronne ayant exhibé un passeport au sieur d’Alanzy pour empêcher qu’il ne les arrêta se vit répliquer par le sieur d’Alanzy qu’il respectait le passeport mais qu’il demandait que la baronne le suive car elle avait promis de se marier avec un des officiers de son régiment et qu’absolument, il l’emmènerait. La baronne, malgré la résistance du receveur de l’électeur de Trêves et la sienne fut contrainte de le suivre avec la cinquantaine de maîtres qui accompagnait le sieur d’Alanzy.

Le jour même, ils couchèrent à Grevenmacker, la baronne accompagnée par sa femme de chambre qui la quitta en ce lieu, le sieur d’Alanzy lui en ayant donné une autre. Le lendemain, un mardi, ils furent rendus au château de Roussy, chez le sieur et la dame de Caltenbach.

 


[1] Caltenbach ou Kaltenbach

[2] Alanzy ou Halanzy, famille originaire de la Gaume belgo-luxembourgeoise.

[3] On parle ici de Pfalzel, aujourd’hui quartier au nord de Trêves.

 

Cours de la Moselle de Thionville à Coblence

Cours de la Moselle de Thionville à Coblence

La baronne va être mariée contre son gré:

Dès le lendemain, le neveu du sieur d’Alanzy monta au château de Roussy dans le dessin d’épouser la baronne si quelque prêtre avait été présent mais faute de prêtre, la cérémonie fut différée au lendemain, jeudi, car le sieur d’Alanzy avait sollicité un certain prêtre inconnu et vagabond pour faire cette belle œuvre.

La baronne est sauvée du mariage et de ses "ravisseurs":

Monsieur Thierriat d’Espagne, gouverneur de Thionville,  ayant été prévenu par monsieur le Comte d’Autel [1] du mariage prévu et des conditions de ce mariage, envoya un détachement de sa garnison pour empêcher la cérémonie et pour enlever la baronne des mains du sieur d’Alanzy et de son neveu, ses ravisseurs, sans qu’il n’y eu d’autres suites, ni consommation du mariage. La baronne fut conduite dans la maison et couvent des dames et religieuses du Saint-Esprit où elle est encore actuellement, dans une grande douleur et repentir, d’un si fâcheux événement.

Renonçant à ce prétendu mariage auquel on a voulu l’induire et que si elle n’a point fait la présente déclaration plus tôt et dans le temps qu’elle a été détournée des mains du sieur d’Alanzy, ce n’a été que pour prévenir et empêcher qu’il n’arriva quelques disgrâces au sieur d’Alanzy.

La présente déclaration, sa lecture et explication ayant été faite à la baronne en langue germanique, mot pour mot, par le notaire [2] et en présence des témoins ci-dessous nommés qui ont une entière et parfaite connaissance des langues française et allemande.

La baronne persiste et signe cette déclaration comme la vérité.

Fait à Thionville au couvent des dames et religieuses du Saint-Esprit le 19 septembre 1703.

Ont signé les témoins :

Alexandre curé de Thionville, la baronne d’Eltz d’Ottange et la dame abbesse du couvent et la baronne Anne Catherine von Schmitberg

 


[1] Jean-Frédéric, comte d’Autel, baron de Vogelsang, feld-maréchal, gouverneur et capitaine général du duché de Luxembourg, chevalier de la Toison d’or, etc., naquit le 7 septembre 1645, à Luxembourg, et mourut le 1er août 1716.

[2] ADM Robin 3E7578

 

Château de Roussy - Dessin de Henri Bacher – Strasbourg - 1933

Château de Roussy - Dessin de Henri Bacher – Strasbourg - 1933

Voir les commentaires