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http://www.histoiredethionville.com/ 2017/01/1669-1677-thionville-le-capitaine-saltzgueber.html

Publié le par Michel Persin

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1669-1677 - THIONVILLE - Le capitaine Saltzgueber

Publié le par Persin Michel

Gravures de soldats suisses (gardes et infanterie)

Gravures de soldats suisses (gardes et infanterie)

Mais, sans doute devrais-je dire, le capitaine « Saltzgaibre », en tout cas tous les documents le concernant sont signés de sa main avec cette orthographe, alors que dans le corps des actes rédigés par le notaire Helminger, l’orthographe employée est « Saltzgueber ou Saltzgeber ».

Hors du contexte des travaux de fortifications de Thionville, on trouve aussi les orthographes suivantes : Salzgeber, Saltzgaher, Sauzgaibre, Salsgeibre, Sahgeébre.

J’ai déjà évoqué plusieurs fois les difficultés orthographiques des documents du 17ème et 18ème siècle, où les noms n’ont pas une orthographe arrêtée, variant d’un document à un autre ou même au sein d’un même document, avec souvent une signature de la part du sujet encore différente. Dans notre cas, la graphie du nom est encore plus aléatoire car le personnage est étranger, suisse en l’occurrence, et qu’il a lui même francisé l’orthographe de son nom lors de son installation en France, sous Louis XV.

« Saltzgaibre » apparaît ainsi plus français à l’écrit, mais reste phonétiquement assez proche du nom d’origine.

Sa signature en 1669

Sa signature en 1669

Sa signature en 1674

Sa signature en 1674

Rodolphe de Saltzgaibre est capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service de sa majesté à Thionville. Il fait partie des régiments suisses enrolés au service de la France suivant en cela une tradition remontant au 15ème siècle.

La première alliance entre la France et la Suisse remonte à 1453, les troupes suisses ayant acquis sur les différents champs de bataille, une réputation de gens de guerre solides et durs aux combats

En 1480, Louis XI engage un corps auxilliaire suisse et lui accorde des priligèges.

En 1497, Charles VIII crée la compagnie des cent-suisses de la garde qui sera la première compagnie suisse permanente affectée à la garde du roi.

Puis vint la fameuse année 1515 que chaque écolier a retenue comme la victoire de Marignan, où les cantons suisses furent battus par la France ce qui amena en 1516, la paix perpétuelle conclue à Fribourg, paix perpétuelle qui devindra l’alliance perpétuelle en 1521. C’est dans le cadre de cette alliance que des contrats ou accords militaires appelés des « Capitulations » furent passés entre la France et les cantons suisses. Ces « capitulations » accordaient aux régiments suisses les privilèges suivants :

Commandement suisse et soldats de cette nationalité.

  • Exemption fiscale et franchises sur les marchandises dans les villes d’octroi.
  • Droit d’exercer la religion de leur choix
  • Justice particulière relevant de leurs coutumes
  • Paie régulière

La plupart de ces gens de guerres parlaient allemand ou des patois propres à leur région

Le fait d’être payé de façon régulière amena la fin du mercenariat individuel et la suppression du droit de pillage. On disait alors « Pas d’argent, pas de Suisses »[1]

On créa ensuite des régiments d’infanterie suisse qui furent employés sur de nombreux champs de bataille comme auxilliaire de l’armée française et où ils prouvèrent leur courage et leur détermination. 

Ils ne devaient pas être employés à l’étranger mais la France ne respecta pas toujours les accords passés. Ils firent les guerres d’Espagne et de Flandres.

Ils furent aussi très sollicités pour des travaux d’utilités public comme l’assèchement de marais et la construction de ponts et de fortifications comme à Thionville.

Puis les dérives continuèrent avec leur emploi pour le maintient de l’ordre et les gardes privées.

Effectivement, ces régiments suisses avec leur commandement et leurs coutumes propres ne se sentaient pas impliqués dans les affaires politiques de la France, on ne craignait donc pas leur impliquation ou leur parti pris dans les ffaires intérieures.

Ce n’était pas des mercenaires au sens propre, car ils opéraient dans un cadre strict et connu, soldats d’élites, ils étaient considérés comme des alliés. Ils avaient envers les populations une neutralité plutôt appréciée par le peuple [2] et souvent les villes demandaient à avoir des compagnies suisses en garnison chez elles.

 

[1] Ce ne fut pas toujours le cas ainsi de 1705 à 1710, certains régiments ne furent pas payés et ne subsistèrent que sur les biens personnels de leurs capitaines

[2] Nous excepterons ici les évènements des Tuileries où sur les 950 gardes suisses, 600 furent tués, 60 fait prisonniers furent massacrés par la suite et leur colonel guillotiné. Une centaine en réchappèrent. Un monument leur est dédié à Lucerne en Suisse. L’histoire n’a jamais établi leur responsabilité dans ses évènements.

Grenadier suisse avec son bonnet d'ourson à plaque et sa pipe en porcelaine

Grenadier suisse avec son bonnet d'ourson à plaque et sa pipe en porcelaine

Toutefois, servir la France avait perdu de son intérêt depuis les édits de Choiseul [1] autorisant leur emploi à d’autres travaux que celui des armes. Puis la révolution mis fin à leur emploi comme auxilliaires de l’armée française. Ils étaient encore environ 14000 à la veille de la révolution, certains participèrent encore au combats des armées révolutionnaires, mais la plupart partirent vers d’autres pays, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, d’autres rentrèrent au pays. La restauration les rappela au service armé de la France et la retraite de Russie en 1812 en vit périrent au moins 9000. Ce n’est qu’en 1831, que les troupes étrangères furent remplacées ou incorporées dans notre fameuse légion étrangère.

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Revenons maintenant à la famille « Saltzgueber » devenu la famille « Saltzgaibre » originaire des cantons « des Grisons »[2] et du « Valais ».

Canton des Grisons : (branche de Jenas)

C’était une famille de la ligue des X juridictions venant probablement du Vorarlberg. Dont Valentin Walter fut podestat de Traona [3](1555-1557) puis nous trouvons Rodolphe de Saltzgueber qui entra au service de la France dans le régiment de Salis qu’il quittera comme colonel en 1705 à Metz.

Canton du Valais : (Branche de Seewis)

Les familles Saltzgueber de ce canton s’allièrent aux Saltzgueber des Grisons, ils devinrent baron. (Renseignements tirés du dictionnaire historique et biographique de la Suisse –Société générale suisse d’histoire – Neufchatel – 1930)

Arrivée à Thionville en 1669 des deux compagnies suisses de Rodolphe de Saltzgueber

Le 22 novembre 1669, a lieu sur la place d’armes de Thionville, une montre et revue pour laquelle un rôle est établi. Je m’explique, sous l’ancien régime, un capitaine au service du roi de France était le commandant d’une compagnie, soit 100 hommes. C’était une charge ou un office quon achetait pour avoir son brevet de capitaine. Régulièrement, on faisait une montre ou revue des hommes de la compagnie pour voir s’ils étaient bien présents, s’ils existaient réellement et s’ils avaient l’équipement nécessaire et suffisant aux gens de guerre. On mettait tout cela par écrit, c’était le rôle, avec le nom de chaque soldat et le capitaine recevait une certaine somme.

C’est ce qui eut lieu à Thionville, ce 22 novembre 1669, en présence du maire, le sieur François, de Benoît de Chabré, trésorier provincial de l’extraordinaire des guerres et cavalerie et d’un autre trésorier, mais celui-ci général pour l’extraordinaire des guerres et cavalerie, tous deux aussi conseillers du roi. Ils sont délégués pour Metz, Toul, Verdun, la Lorraine, la Champagne, l’Alsace et l’Allemagne. Ensuite on trouve le capitaine Saltzgueber avec dix lieutenants et enseignes puis les hommes des deux compagnies suisses dont tous les noms sont listés. La somme reçu par le capitaine sera de 2900 livres tournois.


[1] Le duc de Choiseul essaya de 1762 à 1770 de briser les privilèges des régiments suisses en essayant de les organiser sur le modèle des régiments français. Il était colonel général des suisses et ministre de la guerre.

[2] Le canton des Grisons est un des plus grand du pays, il se compose de 3 ligues ou républiques fédératives dont une est celle des X juridictions ou droitures.

[3] Podestat : c’est à dire le « maire » avec des pouvoirs judiciaires, de la commune de Traona en Lombardie.

Extrait du rôle où figure le nom des soldats de la compagnie de Saltzgaibre (ADM J6709)

Extrait du rôle où figure le nom des soldats de la compagnie de Saltzgaibre (ADM J6709)

Ayant construit le premier pont couvert de Thionville, on trouve une référence à son sujet dans « l’Histoire de Thionville » de Teissier qui dit ceci : [1]

«… Cette famille d’origine suisse s’est fixée en France sous Louis XV, francisant son nom en Salzgaibre le 8 avril 1673, il signe Ruedolphus Saltzgaiber, capitatius.

Charles de Saltzgaibre, capitaine au régiment de Royal-Bavière et chevalier de Saint-Louis, habitait Metz et était seigneur en partie de Nouilly »

Après la construction du pont, il participa et supervisa tous les travaux de fortifications de la ville de Thionville dans les conditions décrites dans les articles précédents.

Nous voyons que son nom n’est plus cité dans les actes à partir de septembre 1677.

Quid de ce capitaine ?

Des recherches effectuées aux archives cantonales des Grisons en Suisse, nous donnent les éléments suivants :

« Rodolphe Saltzgerber, du pays des Grisons, capitaine au régiment de Salis en février 1692, en fut nommé Lieutenant-colonel. Il se distingua beaucoup en 1692 au combat de Steinkerk. Monsieur de Polier son colonel y ayant été tué, monsieur de Saltzgerber fit manœuvrer si bien le régiment en sa place, qu’on ne s’aperçut par de la perte qu’il avait faite. Il eut le brevet de colonel le 25 juin 1702 et quitta le service en avril 1705 à cause de son grand âge. Il obtint une pension de 600 livres. Son fils Christian Saltzgerber obtint le commandement de sa compagnie, elle fut réformée en février 1716. »

 

[1] Page 143

Ces recherches en Suisse nous indiquent aussi que le régiment de Salis était un régiment d’infanterie suisse au service du royaume de France qui prit le nom de ses colonels successifs : Polier ou Porlier, Reynold, Castellas, Bettens, Monnin, Reding, Pfyffer, Sonnenberg puis en 1792 le 65ème régiment d’infanterie de ligne et enfin licencié en août 1792.

Le régiment de Salis prend part au siège de Valenciennes en 1677, puis à la bataille de Cambrai et à tous les sièges et batailles de la guerre des Pays-bas puis de la Ligue d’Augsbourg où le colonel Salis fut tué à la bataille de Fleurus en 1690.

Salis fut remplacé par le colonel Porlier ou Polier, après le siège de Namur, il fut tué à la bataille de Steinkerque le 3 août1692 et remplacé au commandement de façon adroite [1] par Rodolphe Saltzgaibre son second qui en retira un certain prestige et son brevet de colonel.

Celui-ci, atteint par la limite d’âge prit sa retraite en 1705 et se retira à Metz où il avait été de nombreuses années entrepreneurs des fortifications de la ville ainsi que de celles de Thionville.

Rodolphe de Saltzgaibre eut au moins un fils, Christian alias Christophe qui fut capitaine au régiment de Castellas (nom du régiment de Salis à dater du 25 juin 1702 à la mort du colonel Reynold).

Christian Saltzgaibre avait épousé à Metz, paroisse Saint-Eucaire, Isabelle-Claire Blanc ou Blanque. Il est décédé le 25 mai 1759, rue Chapé, dans la même paroisse. Son épouse décéda le 12 juillet 1772 à 72 ans. Ils furent inhumés au pied de l’escalier du choeur dans l’église Saint-Eucaire de Metz.

 

[1] L’ennemi et le régiment ne se rendirent pas compte que le colonel avait été tué.

Acte de décès de Christian alias Christophe Saltzgaibre (fils de Rodolphe Saltzgaibre)

Acte de décès de Christian alias Christophe Saltzgaibre (fils de Rodolphe Saltzgaibre)

Ils eurent au moins huit enfants, dont Charles Dominique Gabriel Salztgaibre, né le 23 mars 1718, en la paroisse de Saint-Maximin à Metz. Il fut capitaine au régiment Royal Bavière et seigneur en partie de Nouilly. Ils demeuraient rue Mabile à Metz en la paroisse de Saint-Eucaire.

Il épousa Marguerite de Pagny, décédée en couche à 27 ans, puis Gabrielle de Brye, décédée en 1785 à 63 ans. Lui même décéda le 25 mai 1774 en la paroisse Saint-Victor à Metz. Ils furent inhumés dans le caveau familial dans l’église Saint-Eucaire.

Suivirent sept autres enfants : Marguerite décédée à 2 mois, puis Marguerite Anne julienne, Charlotte, Catherine Elisabeth, Jean François Xavier (décédé jeune) , Marguerite Nicole et Christophe qui fut curé de Serrouville.

La famille Saltzgaibre s’éteignit ainsi faute de descendant mâle en position de pouvoir procréer.

Pour conclure, voilà une belle page d’histoire pour le bâtisseur que fut Rodolphe de Saltzgaibre qui méritait bien de sortir de son anonymat pour reprendre sa place dans l’histoire Thionvilloise.

Soldats suisses au repos

Soldats suisses au repos

Références des archives de l’armée à Vincennes contactées au sujet

du capitaine Saltzgaibre

L’époque concernée est trop lointaine et aucun dossier d’officier n’existe pour cette époque.

Toutefois existe une table des signataires de la série GR 1A du ministère de la guerre avec 3 références sur Rodolphe Saltzgaibre, commissaire à Thionville en août/septembre 1672 cote GR 1A 294 – Octobre 1672 cote GR 1A 295  - Janvier/juin 1673 cote GR 1A 350

Les archives du Génie relatives à Thionville : cote GR 1 VH 1789-1803

pour les années allant de 1671 à 1913

(Il serait sans doute très intéressant d'aller voir ces documents à Vincennes)

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Publié le par Michel Persin

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1676 à 1708 - Thionville – Les fortifications (5ème et dernière partie)

Publié le par Persin Michel

En ce début d’année, nous allons clore cette série d’articles sur les travaux faits aux fortifications de Thionville entre 1634 et 1700. Ces travaux ont été commandés au capitaine Rodolphe Saltzgueber qui les a mis en œuvre. Ce capitaine de deux compagnies suisses était surtout connu pour avoir construit le premier pont (couvert) de Thionville. Cette série d’articles aura révélé son implication dans l’ensemble des travaux de fortification de la ville dès son annexion [1] à la France.

 

[1] Cette fois-ci définitive jusqu’à la guerre de 1870 puis de 1940

Carte de 1745 où la  rive droite est encore sous fortifiée et sans le canal de dérivation (Archives Nationales- Paris)

Carte de 1745 où la rive droite est encore sous fortifiée et sans le canal de dérivation (Archives Nationales- Paris)

L’acte du 10 juillet 1676, résumé ci-après, mentionne de nouveaux intervenants, dont je vais citer les titres, pour la construction d’une redoute carrée ou trapèzoïdale.

Le sieur Charles Nicolas de Soucy, écuyer et seigneur de Chambaux, conseiller du roi et commissaire ordinaire et provincial des guerres et parties pour sa majesté, conduisant la police des troupes et gens de guerre tenant garnison dans les Trois Evêchés, Thionville et Sierck et stipulant que monseigneur de Morangis, conseiller du roi en tous ses conseils, intendant de la généralité de Metz, a passé marché avec Rodolphe de Saltzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service de sa majesté pour qu’il construise en état de perfection une redoute en maçonnerie de forme carrée ou de trapèze suivant les dimensions qui lui ont été données par Monseigneur de la Haye [1], lieutenant général des armées du roi et commandant de Thionville qui juge cette redoute utile et nécessaire.

 

[1] Jacob Banzuzl de la Haye, maréchal de camp, blessé à mort le 27 juin 1677. Cité pour sa défense de la ville de St-Thommé ou Mélia en Inde en 1674.

Le marché a été passé en présence du sieur de Saint-Lô, ingénieur général des fortifications de Lorraine et frontières.

Le marché stipule que la toise sera payée 27 livres au sieur Saltzgueber mais qu’on devra lui fournir, les pierres de taille directement en place, qu’on paiera les voitures et chariots, 3 escalins [1] chaque voiture ayant des dimensions ordinaires et que l’on fournira les ouvriers, la chaux et le sable en fonction des mesures (toisé) qui en sera fait.

Le 10 août 1676, le sieur Saltzgueber s’oblige envers sa majesté, au travers du sieur Louis de Bonafoux [2], capitaine au régiment d’Anjou et ingénieur à la conduite des travaux du roi à Thionville, de construire ce qui suit :

Premièrement :La charpente pour former une galerie en manière de chemin couvert dans la redoute de maçonnerie qui a été faite dans le petit ouvrage à la tête de la digue sur la rivière de la porte de Metz [3] avec les dimensions nécessaires pour pouvoir tirer derrière le parapet.

Il fera aussi deux portes à ladite redoute en madriers de chêne de deux pouces et demi d’épaisseur.

Il fera la charpente utile pour construire le pont sur le fossé de la demie lune à la tête du grand pont sur la Moselle avec deux barrières aux deux bouts du pont et une bascule [4]au milieu. Il fournira donc toutes les ferrures, les chaînes, bandes, verrous et clous pour les barrières et planchers de sapin de la redoute.

Il fournira les soubassements de pierre de taille pour y mettre les piliers avec des consoles aussi de pierre de taille pour soutenir les bois.

Pour cela, il recevra 500 livres tournois payables à proportion de l’avancement des ouvrages.

Le 10 février 1677, nous avons un acte qui nous donne plus de précision sur le sieur Saltzgueber :Est présent, Rodolphe Saltzgueber, capitaine au régiment Suisse de Salis et de deux autres compagnies franches de la même nation (Suisse) et major de brigade d’infanterie de sa majesté en garnison en cette ville de Thionville ainsi que le sieur Pierre Jean Jacquet dit la « Verdure » [5] et le sieur Dominique Gilant, tous ont promis et se sont engagés, l’un pour l’autre et solidairement envers sa majesté ,au travers de monseigneur Thomas de Choisy, brigadier d’infanterie des places de Lorraine et marches, de construire quatre redoutes de maçonnerie en la forme et manière qu’on leur a indiqué et de faire le transport de toutes les terres nécessaires pour former les terre-pleins et parapets, d’en faire l’engazonnement comme aussi celui des parapets du corps de la place.

 

[1] L’escalin est une monnaie d’argent des Pays-Bas valant 40 liards ou 10 sous

[2] Signe très lisiblement : Bonnafau

[3] Le canal de la Fensch à Beauregard

[4] C’est à dire une partie mobile du genre pont-levis.

[5] Un grand nombre de soldats de cette époque avaient des surnoms.

Ils devront aussi faire le gazon des chemins couverts, des demi-lunes et de la contre-escarpe, d’en relever les parapets, de faire quatre petites digues aux endroits désignés pour les inondations, les digues seront retenues par devant en construisant un mur. Il sera fait aussi un mur de clôture autour du magasin neuf et du moulin de la porte de Metz et de planter toutes les palissades autour de la contre escarpe suivant l’alignement des parapets comme le tout est prescrit dans les devis.

Pour tous ces travaux les entrepreneurs devront fournir tous les matériaux nécessaires :

À savoir, les peines d’ouvriers, le sable, la chaux, les moellons, les pierres de taille, le bois, le gazon, les chariots, les outils et ainsi ils seront payés 30 livres tournois de la toise cube pour toutes les sortes de maçonnerie, grosses ou petites, y compris les pierres de taille et ils auront 7 sols et 6 deniers de la toise cube de terre et 45 sols de la toise carrée de gazon, plus 18 deniers pour les palissades.

Ils recevront encore 2700 livres pour les réparations à faire au pont comme le stipule le mémoire signé par le sieur de Choisy et cela à la réception des travaux au pont.

L’acte qui suit, daté du 11 février 1677, soit le lendemain de l’acte précédent, va nous éclairer sur l’articulation de ces différents marchés et contrats.

Jean Pollin, sergent de la compagnie franche du sieur Saltzgueber, Antoine Schmit et Henry Graber, soldats de ladite compagnie et tous les trois maître maçon, se sont engagés envers le sieur Saltzgueber, le sieur Pierre Jean Jacquet et Dominique Gilant, entrepreneurs des fortifications des villes de Metz et de Thionville, pour faire toutes les maçonneries et pierres de taille que lesdits Salztgueber, Jacquet et Gilant ont entrepris pour le roi en cette ville de Thionville, le tout conformément aux plans, profils et devis signés par le sieur de Choisy et les entrepreneurs.

Pour ces travaux, ils seront payés 4 livres et 10 sols pour chaque toise cube, les matériaux étant fournis par les entrepreneurs. Ils devront rendre compte à la fin des travaux.

On voit bien là que les sieurs Saltzgueber, Jacquet et Gilant sont les entrepreneurs des fortifications des villes de Metz et de Thionville, qu’ils passent des marchés avec les directeurs des fortifications ou ingénieurs du roi pour la Lorraine. Une fois les marchés signés pour une certaine somme, eux même repassent un contrat avec leurs propres soldats pour effectuer physiquement les travaux et bien entendu pour une somme bien moindre car nous sommes ici dans un rapport de 30 livres à 4 livres la toise cube.

Ces relations peuvent nous sembler étranges [1] au sein d’un même régiment ou compagnie. Effectivement, des contrats [2], se passent moyennant finance, entre membres de la même armée, de la même compagnie et entre personnes qui ont un lien de subordination fort car militaire. Salztgueber est capitaine, Jacquet est lieutenant, Pollin est sergent, Schmit et Graber sont simples soldats.


[1] Dans nos régiments de pionniers ou de génie, ce genre de fonctionnement semblerait complétement anachronique.

[2] Devant notaire

Le 27 février 1677, Nicolas Larmit, Nicolas le Nut, Etienne Baudouin et Jacques la Cour, tous bourgeois de Metz s’engage solidairement envers les sieurs Saltzgueber, Pierre Jean Jacquet et Dominique Gilant, entrepreneurs des fortifications des villes de Metz et Thionville, d’effectuer tout le transport des terres qu’il faudra amener à Thionville pour former, les parapets, banquettes, batteries des bastions à raison de 32 sols la toise cube de terre. Ils s’engagent aussi à faire tout le gazonnement du dehors et dedans de la place à raison de 40 sols la toise quarrée de gazon.

Les entrepreneurs fourniront les voitures, le gazon, les outils, le bois des palissades.

Le 1er septembre 1677, le sieur Balthazar Leyendecker [1], maître recouvreur de la ville de Thionville, s’engage envers Pierre Jean Jacquet, entrepreneur des travaux de sa majesté en cette ville de faire couvrir de tuiles plates, le magasin à poudre à la gorge du bastion porte de Metz, lesquelles tuiles seront posées avec du bon mortier et des crampons entaillés dans la pierre de taille. Il devra aussi couvrir la grange au moulin à chevaux [2] de tuiles creuses de la même façon.

Pour cela il sera payé 20 écus blancs payable à proportion du travail qui se fera sans discontinuer. Le sieur Jacquet dit la « verdure » fournira les matériaux utiles.

Le 24 juin 1680, Edmond Weyrich, maire de la Basse Yutz et Jean Nicolas Weyrich, batelier à Thionville ont promis, solidairement, envers Pierre de la « verdure » entrepreneur des travaux du roi à Thionville, de voiturer incessamment avec deux bateaux, un fourni par Jean Nicolas Weyrich et l’autre par le sieur de la « verdure », toutes les pierres que ledit la « verdure » fera arracher à la carrière d’Illange sur la Moselle et que les gens du sieur la « verdure » chargeront et déchargeront des bateaux, le tout moyennant 3 livres et 10 sols par bateau.

Le sieur de la « verdure » n’est autre que le lieutenant Pierre Jean Jacquet dit la « verdure ».

NB : On remarquera que le sieur de Saltzgueber n’est pas cité dans cet acte, pourtant sa compagnie suisse est toujours en garnison à Thionville, comme le montre un autre acte sans rapport avec les fortifications, qui désigne un certain Pierre Jacob, tambour dans le régiment de Saltzgueber un autre acte de 1678 cite lui, un certain Pierre Jacque également tambour dans le même régiment suisse.

Enfin, le dernier acte de cette série est daté du 22 décembre 1708. Les protagonistes ont changé, nous avons là le sieur Jean Well, maître charpentier de Thionville et son épouse Marguerite Simonis lesquels promettent, solidairement, au sieur Joseph de la Vollée, entrepreneur des fortifications du roi en cette ville, de faire les travaux définis et d’en assurer l’entretien suivant un contrat qu’il leur a été lu et cela pendant dix années. Moyennant quoi, ils percevront tous les ans, payable de six mois en six mois la somme de 900 livres tournois et devront pour sureté, mettre tous leurs biens meubles et immeubles en gage.


[1] Ce recouvreur (couvreur) bourgeois de Thionville a refait le toit de l’église de Hayange en novembre 1662. Ces descendants, entrepreneurs connus à Thionville, porteront le nom de Leydecker

[2] Le moulin à chevaux se trouvait en la rue Brûlée dans le magasin du roi, il était mû par des chevaux et servait à faire de la farine quand le moulin de la ville chômait ou était arrêté.

Ce dernier acte décline une autre façon de travailler, par la signature d’un contrat d’entretien annuel valable dix ans. C’était en quelque sorte un « fermage ou bail ».

Le capitaine Rodolphe Saltzgueber et les deux autres entrepreneurs, Pierre Jean Jacquet et Dominique Gilant, ne sont plus concernés par les derniers actes. Le régiment de Salztgueber semble avoir quitté Thionville.

Rodolphe Saltzgueber, militaire et bâtisseur a construit le premier pont de Thionville et assuré pendant de nombreuses années la construction et l’entretien des fortifications de la ville de Thionville.

Récapitulatif de sa présence à Thionville :

En 1668, les actes ne le mentionnent pas.

En 1669, une revue militaire des deux compagnies suisses est faite sur la place d’armes de Thionville, elle marque son arrivée à Thionville.

1673, construction par ses soins du premier pont de Thionville, pont couvert en bois sur soubassements de pierre de taille, à l’image des ponts couverts de la Suisse.

De 1673 à 1676, il va participer et superviser tous les travaux de fortifications de la ville.

Au début de l’année 1677, il sera secondé par son lieutenant Pierre Jean Jacquet dit la « verdure » et par Dominique Gilant. Ils porteront le titre d’entrepreneurs des fortifications du roi pour Metz et Thionville.

Enfin, en septembre 1677, il a passé la main à ses seconds et n’apparaît plus dans les actes concernant les fortifications de la ville.

Bien entendu, de 1717 à 1789, les fortifications de la ville vont continuer de se perfectionner et de s’étendre, principalement sur la rive droite de la Moselle, vers Yutz et son double couronné. On y verra alors à l’œuvre, les ingénieurs Duportal, Tardif, Cormontaigne et Filley. L’ensemble de ces ingénieurs, comme Saltzgueber et ses compagnies suisses ont œuvré à partir de plans en partie élaborés ou au moins validés par Vauban.

Rappel:  Les articles sur les fortifications et le capitaine Saltzgueber sont tirés d'un ensemble d'actes notariés : ADM 3E7534-3E7535 (Helminger)

Dans le prochain article nous verrons plus en détail qui était Rodolphe de Saltzgueber et quelle fut sa vie après avoir quitté Thionville.

 

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