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thionville 17eme siecle

1658 - Prévôté de Thionville: Maléfices et sortilèges à Cattenom - Sergents royaux

Publié le par Persin Michel

1658 - Prévôté de Thionville: Maléfices et sortilèges à Cattenom -  Sergents royaux

Nous allons donc voir ci-après, un acte daté du 21 octobre 1658 [1], concernant principalement le village de Cattenom. L’acte commence par nommer l’autorité qui le fait rédiger (C’est un acte de la prévôté)

« Le comte de Médavy et de Grancey, maréchal de France, général des armées du roi, conseiller en tous ses conseils, gouverneur de Thionville et pays en dépendant, prévôt et juge royal desdits lieux.[2]

Il a été démontré par le procureur du roi qu’il se commet de grands abus dans quelques villages de cette prévôté et gouvernement et spécialement en celui de « Cathenom » par les poursuites et vexations que l’on suscite à divers particuliers sous le prétexte de prétendus crimes de sortilèges. Il se trouve des personnes, en particulier le nommé Mathieu Welter qui n’ayant pas la qualité pour punir les crimes publiques, ni aucun intérêt particulier, se rendent accusateurs et parties et se font informer sur des faits de sortilèges vagues et en général sans les désigner et les spécifier comme ils devraient l’être pour ceux qui en leur personne, leurs enfants et domestiques ou même en leurs bestiaux ont souffert de préjudices ou dommages par maléfices ou sortilèges. L’ordre et la justice voudraient que les faits sur lesquels on statut soient particulièrement circonstanciés, or il arrive souvent que sur de telles informations de maléfices ou de sortilèges, les accusés soient faits prisonniers, tourmentés par tortures et autres voies odieuses, leurs biens saisis et dissipés. Quand enfin ils sont relâchés, ils n’ont aucune réparation de leur honneur ou de restitution de leurs biens, de sorte que sans être trouvés coupables, ils encourent leur ruine totale.

Je requiers donc que défenses soient faites aux officiers et gens de justice des seigneuries, hauts justiciers, de prendre avis pour juger des procès dont la connaissance leur appartient, chez d’autres juges ou avocat (Souvent des villes et villages toujours luxembourgeois) que ceux qui demeurent dans les terres de l’obéissance du roi. 


[1] Pour rappel nous sommes 15 années après la prise de Thionville par les français, et une année avant le traité des Pyrénées du 7 novembre 1659 qui a entérine l’appartenance de la ville à la France.

[2] Il avait participé aux deux sièges de la ville 1639 et 1643. Il remplaça le gouverneur précédent, monsieur de Marolles. Il sera gouverneur de Thionville durant 25 ans et décédera à Thionville le 20 novembre 1680 âgé de 78 ans. Il avait acheté cette charge 100.000 livres tournois et en pris possession le 23 mai 1656.

 

Pour remédier à de pareils désordres je fais très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes qui n’ont pas la qualité de procureur d’office ou autre qualité semblable de poursuivre la vindicte publique, de prendre parties contre qui que se soit sous prétexte de sortilèges s’ils n’ont pas d’intérêts particuliers dans les faits dont ils se plaignent.

Idem pour les officiers et juges des seigneuries hauts justiciers, défense est faite d’informer aucun faits s’ils ne sont pas précisément circonstanciés, en lieu, en temps, avec le nom et le surnom de ceux que l’on prétend avoir pris.

Passant outre ces défenses, l’on encoure pour la première fois une amende de 100 livres tournois avec tous les dépends et intérêts. Pour la seconde fois la punition sera exemplaire.

J’ordonne que la présente ordonnance sera envoyée dans chacune des justices de la prévôté, lue et publiée en présence des gens de justice et enregistrée pour être appliquée.

A Thionville le 21 octobre 1658.

Au bas cet acte figure une note de la main du sergent royal, précisant que le 4 novembre 1658, il avait fait connaître l’ordonnance à Luttange, Marange, Talange, Koenigsmacker Cattenom et Hayange ayant fait assembler les seigneurs de ces lieux et tous les officiers et justices à la réserve de Fontoy et la « Scholterye de Walmestroff » à ce qu’ils n’en n’ignorent rien. Fait en l’année 1658 et 1659. Le sergent royal signe : H. Louis

(Toutes seigneuries excentrées de Thionville appartenant au roi et proches d’autres pouvoirs)

Cet acte dénonce donc des pratiques assez courantes à l’époque, mais au final de toutes les époques, même si les manières ont changé, qui consistaient à accuser une personne de maléfices et sortilèges, crimes bien difficiles à établir et à prouver. La personne se voyait internée, parfois torturée, mais toujours dépouillée de ses biens qu’elle ne retrouvait jamais. Elle devenait alors paria dans sa commune ou partait tenter sa chance ailleurs, dans tous les cas, sa vie basculait dans la misère. Ces pratiques étaient encore largement en usage dans les seigneuries hautaines autour de Thionville dont la justice dépendait du seigneur local et de ses gens de justice. Autant les affaires criminelles ne dépendaient plus de ses seigneurs particuliers mais de la prévôté puis du bailliage et enfin du parlement de Metz, autant toutes les affaires civiles étaient encore aux mains de ses seigneurs locaux et quand ils avaient de mauvaises intentions, ils pouvaient faire beaucoup de mal.

En ce sens cette ordonnance prend acte de ses abus et tente d’y remédier mais elle est aussi une façon, pour la prévôté, de reprendre la main sur ses seigneuries hautaines et de minimiser leur pouvoirs qui d’ailleurs ne tarderont pas à devenir symboliques et honorifiques, au profit de l’intendant et de son subdélégué.

C’est un sergent royal (H. Louis) qui est chargé de porter cette ordonnance à la connaissance des seigneuries citées. Il le fera entre le 21 octobre et le 4 novembre où il certifie que toutes les seigneuries ont été averties. Nous verrons plus avant quelques informations sur les sergents royaux.

Précisions sur le sieur de Grancey : (Tiré de l’Histoire de Thionvillle de G.F. Teissier)

Il avait assisté aux deux sièges de Thionville puis acheté pour 100.000 livres la charge de gouverneur du roi à Thionville et tous les domaines du roi dans les environs. Cette charge devait lui rapporter tous les ans 700.000 livres tournois. Bien entendu, avec cet argent, il devait payer la garnison de la ville et entretenir les fortifications. Nous savons qu’il payait à minima.

Sa réputation à Thionville n’était guère brillante. Au siège désastreux de 1639, il était avec Feuquières puis la bataille perdue, il se fixa à Metz. Les rapports militaires de cette bataille disent :

« …Qu’après s’être vu abandonné de tout le monde sur le champ de bataille,. Il tua même quelques fuyards de sa main pour obliger les autres à tenir tête et ne se retira qu’après avoir fait tout ce que de braves gens peuvent faire pour rallier des troupes… »

Toutefois, le sieur de Grancey, fut embastillé quelques mois et le journal de Beauchez[1] connu des historiens dit qu’il aurait été un des premiers à prendre la fuite en criant : « Sauve qui peut ! ».

Il fut toutefois rappelé au siège de 1643 où il commanda un corps de cavalerie agissant sur la rive droite de la Moselle pour empêcher que la ville ne reçoive du secours. Mais là encore, il ne put empêcher qu’un secours de deux mille hommes entre dans la ville et le duc d’Enghien l’écarta, il n’assista pas à la reddition, malade et honteux, ce qui ne l’empêcha nullement d’en acheter la charge de gouverneur en 1655.

Pendant sa gouvernance à Thionville, il eut comme commandant de place Claude Gyrault de la Roche qui décèdera en 1671, le 18 novembre.(Fut seigneur de Bétange)

Louis XIV vint à Thionville à l’automne 1657 et délivra à la ville un certificat de confirmation des privilèges dont jouissait la ville sous les Ducs de Luxembourg. Dans ce même document, Louis XIV réduisait le pouvoir du gouverneur de la ville en attribuant au bailliage de Metz, les appels des sentences échevinales de Thionville et celles des hautes justices, toutes attributions qu’avaient alors le sieur de Grancey, celui-ci fit appel mais en vain de cette décision. Enfin en 1661, un bailliage fut créé à Thionville qui fut entièrement dans les mains de seigneurs étrangers à Thionville, certains s’y fixèrent définitivement et y firent souche.

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Les sergents royaux:

Vous trouverez ci-dessous un exemple de billet pour un sergent royal de Thionville concernant une autre affaire :

 

[1] Journal d’un bourgeois de Metz, Jean Beauchez.

Billet d'ordre pour un sergent royal

Billet d'ordre pour un sergent royal

1658 - Prévôté de Thionville: Maléfices et sortilèges à Cattenom -  Sergents royaux

« Il est ordonné au premier sergent de la prévôté royale de Thionville, d’assigner Maugat Nicolas, maire au village de Talange, à comparaître demain 10 heurs du matin au greffe royal dudit Thionville pour répondre à la demande du sieur Louis Degerchat, cornet au régiment de Hombourg à peine en cas de défaut d’être promptement contraint par exécution de ses biens. Fait à Thionville le 25 septembre 1659.

Le sergent note de sa main sur le même billet :

L’an 1659, le 26 septembre. Sur la suite donnée copie à Mangin Nicolas, maire de « Tallange » en parlant à sa personne en son domicile, assignée à comparaître ce jourd’hui, 10 heure du matin au greffe royal de Thionville à ce qu’il n’en ignore par moi, sergent royal soussigné fait à Talange, l’an et jour… J. Martin

Ce billet illustre bien les problèmes liés à ces actes du 17 et 18ème siècle concernant les noms propres non encore fixés.

On peut voir aussi la rapidité d’exécution de cette convocation, du jour au lendemain.

La charge de sergent royal s’achetait, comme on le voit dans l’exemple ci-dessous :

"Le 18 juin 1749, Dominique Colette, sergent royal au bailliage de Thionville vend à Bernard Simonet qui est praticien [1] au bailliage, l’office de sergent royal du défunt Nicolas Haudry dont il s’est rendu adjudicataire le 14 juin.

La vente se fait pour la somme de 225 livres tournois, payée le jour même au vendeur en espèces sonnantes, sans y inclure les frais liés à la vente,

Dominique Colette, le vendeur s’engage à fournir à l’acheteur Bernard Simonet toutes les nécessaires : provisions, quittances, marques, désignations et accréditations.

L’acheteur s’engage lui même à faire diligence pour obtenir les lettres utiles à son installation dans son office audit bailliage de Thionville."

 

[1] Le métier de praticien est un terme général qui désigne souvent une personne ayant quelques connaissances juridiques exerçant comme clerc mais n’ayant pas de charge officielle.

*********************

Dans ce cas particulier, le sergent royal Dominique Colette s’est rendu adjudicataire le 14 juin 1749, de l’office du sergent royal Nicolas Haudry décédé, et l’a revendu le 18 juin au praticien Bernard Simonet

Extrait d'un acte de vente pour un office de sergent royal à Thionville ADM Notaire Robert 3E7772/7805

Extrait d'un acte de vente pour un office de sergent royal à Thionville ADM Notaire Robert 3E7772/7805

On notera, dans un acte du 3 mai 1783 qui liste les notables de la ville de Thionville qu’il est précisé que ne doivent pas être considéré comme notables : Les artisans et manouvriers et aussi les ministres trop inférieurs de la justice que sont les huissiers et les sergents !

Sources: Prévôté de Thionville ADM B4558 (1645 à 1658) et ADM Notaire Robert 3E7772/7805

 

 

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1669-1677 - THIONVILLE - Le capitaine Saltzgueber

Publié le par Persin Michel

Gravures de soldats suisses (gardes et infanterie)

Gravures de soldats suisses (gardes et infanterie)

Mais, sans doute devrais-je dire, le capitaine « Saltzgaibre », en tout cas tous les documents le concernant sont signés de sa main avec cette orthographe, alors que dans le corps des actes rédigés par le notaire Helminger, l’orthographe employée est « Saltzgueber ou Saltzgeber ».

Hors du contexte des travaux de fortifications de Thionville, on trouve aussi les orthographes suivantes : Salzgeber, Saltzgaher, Sauzgaibre, Salsgeibre, Sahgeébre.

J’ai déjà évoqué plusieurs fois les difficultés orthographiques des documents du 17ème et 18ème siècle, où les noms n’ont pas une orthographe arrêtée, variant d’un document à un autre ou même au sein d’un même document, avec souvent une signature de la part du sujet encore différente. Dans notre cas, la graphie du nom est encore plus aléatoire car le personnage est étranger, suisse en l’occurrence, et qu’il a lui même francisé l’orthographe de son nom lors de son installation en France, sous Louis XV.

« Saltzgaibre » apparaît ainsi plus français à l’écrit, mais reste phonétiquement assez proche du nom d’origine.

Sa signature en 1669

Sa signature en 1669

Sa signature en 1674

Sa signature en 1674

Rodolphe de Saltzgaibre est capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service de sa majesté à Thionville. Il fait partie des régiments suisses enrolés au service de la France suivant en cela une tradition remontant au 15ème siècle.

La première alliance entre la France et la Suisse remonte à 1453, les troupes suisses ayant acquis sur les différents champs de bataille, une réputation de gens de guerre solides et durs aux combats

En 1480, Louis XI engage un corps auxilliaire suisse et lui accorde des priligèges.

En 1497, Charles VIII crée la compagnie des cent-suisses de la garde qui sera la première compagnie suisse permanente affectée à la garde du roi.

Puis vint la fameuse année 1515 que chaque écolier a retenue comme la victoire de Marignan, où les cantons suisses furent battus par la France ce qui amena en 1516, la paix perpétuelle conclue à Fribourg, paix perpétuelle qui devindra l’alliance perpétuelle en 1521. C’est dans le cadre de cette alliance que des contrats ou accords militaires appelés des « Capitulations » furent passés entre la France et les cantons suisses. Ces « capitulations » accordaient aux régiments suisses les privilèges suivants :

Commandement suisse et soldats de cette nationalité.

  • Exemption fiscale et franchises sur les marchandises dans les villes d’octroi.
  • Droit d’exercer la religion de leur choix
  • Justice particulière relevant de leurs coutumes
  • Paie régulière

La plupart de ces gens de guerres parlaient allemand ou des patois propres à leur région

Le fait d’être payé de façon régulière amena la fin du mercenariat individuel et la suppression du droit de pillage. On disait alors « Pas d’argent, pas de Suisses »[1]

On créa ensuite des régiments d’infanterie suisse qui furent employés sur de nombreux champs de bataille comme auxilliaire de l’armée française et où ils prouvèrent leur courage et leur détermination. 

Ils ne devaient pas être employés à l’étranger mais la France ne respecta pas toujours les accords passés. Ils firent les guerres d’Espagne et de Flandres.

Ils furent aussi très sollicités pour des travaux d’utilités public comme l’assèchement de marais et la construction de ponts et de fortifications comme à Thionville.

Puis les dérives continuèrent avec leur emploi pour le maintient de l’ordre et les gardes privées.

Effectivement, ces régiments suisses avec leur commandement et leurs coutumes propres ne se sentaient pas impliqués dans les affaires politiques de la France, on ne craignait donc pas leur impliquation ou leur parti pris dans les ffaires intérieures.

Ce n’était pas des mercenaires au sens propre, car ils opéraient dans un cadre strict et connu, soldats d’élites, ils étaient considérés comme des alliés. Ils avaient envers les populations une neutralité plutôt appréciée par le peuple [2] et souvent les villes demandaient à avoir des compagnies suisses en garnison chez elles.

 

[1] Ce ne fut pas toujours le cas ainsi de 1705 à 1710, certains régiments ne furent pas payés et ne subsistèrent que sur les biens personnels de leurs capitaines

[2] Nous excepterons ici les évènements des Tuileries où sur les 950 gardes suisses, 600 furent tués, 60 fait prisonniers furent massacrés par la suite et leur colonel guillotiné. Une centaine en réchappèrent. Un monument leur est dédié à Lucerne en Suisse. L’histoire n’a jamais établi leur responsabilité dans ses évènements.

Grenadier suisse avec son bonnet d'ourson à plaque et sa pipe en porcelaine

Grenadier suisse avec son bonnet d'ourson à plaque et sa pipe en porcelaine

Toutefois, servir la France avait perdu de son intérêt depuis les édits de Choiseul [1] autorisant leur emploi à d’autres travaux que celui des armes. Puis la révolution mis fin à leur emploi comme auxilliaires de l’armée française. Ils étaient encore environ 14000 à la veille de la révolution, certains participèrent encore au combats des armées révolutionnaires, mais la plupart partirent vers d’autres pays, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, d’autres rentrèrent au pays. La restauration les rappela au service armé de la France et la retraite de Russie en 1812 en vit périrent au moins 9000. Ce n’est qu’en 1831, que les troupes étrangères furent remplacées ou incorporées dans notre fameuse légion étrangère.

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Revenons maintenant à la famille « Saltzgueber » devenu la famille « Saltzgaibre » originaire des cantons « des Grisons »[2] et du « Valais ».

Canton des Grisons : (branche de Jenas)

C’était une famille de la ligue des X juridictions venant probablement du Vorarlberg. Dont Valentin Walter fut podestat de Traona [3](1555-1557) puis nous trouvons Rodolphe de Saltzgueber qui entra au service de la France dans le régiment de Salis qu’il quittera comme colonel en 1705 à Metz.

Canton du Valais : (Branche de Seewis)

Les familles Saltzgueber de ce canton s’allièrent aux Saltzgueber des Grisons, ils devinrent baron. (Renseignements tirés du dictionnaire historique et biographique de la Suisse –Société générale suisse d’histoire – Neufchatel – 1930)

Arrivée à Thionville en 1669 des deux compagnies suisses de Rodolphe de Saltzgueber

Le 22 novembre 1669, a lieu sur la place d’armes de Thionville, une montre et revue pour laquelle un rôle est établi. Je m’explique, sous l’ancien régime, un capitaine au service du roi de France était le commandant d’une compagnie, soit 100 hommes. C’était une charge ou un office quon achetait pour avoir son brevet de capitaine. Régulièrement, on faisait une montre ou revue des hommes de la compagnie pour voir s’ils étaient bien présents, s’ils existaient réellement et s’ils avaient l’équipement nécessaire et suffisant aux gens de guerre. On mettait tout cela par écrit, c’était le rôle, avec le nom de chaque soldat et le capitaine recevait une certaine somme.

C’est ce qui eut lieu à Thionville, ce 22 novembre 1669, en présence du maire, le sieur François, de Benoît de Chabré, trésorier provincial de l’extraordinaire des guerres et cavalerie et d’un autre trésorier, mais celui-ci général pour l’extraordinaire des guerres et cavalerie, tous deux aussi conseillers du roi. Ils sont délégués pour Metz, Toul, Verdun, la Lorraine, la Champagne, l’Alsace et l’Allemagne. Ensuite on trouve le capitaine Saltzgueber avec dix lieutenants et enseignes puis les hommes des deux compagnies suisses dont tous les noms sont listés. La somme reçu par le capitaine sera de 2900 livres tournois.


[1] Le duc de Choiseul essaya de 1762 à 1770 de briser les privilèges des régiments suisses en essayant de les organiser sur le modèle des régiments français. Il était colonel général des suisses et ministre de la guerre.

[2] Le canton des Grisons est un des plus grand du pays, il se compose de 3 ligues ou républiques fédératives dont une est celle des X juridictions ou droitures.

[3] Podestat : c’est à dire le « maire » avec des pouvoirs judiciaires, de la commune de Traona en Lombardie.

Extrait du rôle où figure le nom des soldats de la compagnie de Saltzgaibre (ADM J6709)

Extrait du rôle où figure le nom des soldats de la compagnie de Saltzgaibre (ADM J6709)

Ayant construit le premier pont couvert de Thionville, on trouve une référence à son sujet dans « l’Histoire de Thionville » de Teissier qui dit ceci : [1]

«… Cette famille d’origine suisse s’est fixée en France sous Louis XV, francisant son nom en Salzgaibre le 8 avril 1673, il signe Ruedolphus Saltzgaiber, capitatius.

Charles de Saltzgaibre, capitaine au régiment de Royal-Bavière et chevalier de Saint-Louis, habitait Metz et était seigneur en partie de Nouilly »

Après la construction du pont, il participa et supervisa tous les travaux de fortifications de la ville de Thionville dans les conditions décrites dans les articles précédents.

Nous voyons que son nom n’est plus cité dans les actes à partir de septembre 1677.

Quid de ce capitaine ?

Des recherches effectuées aux archives cantonales des Grisons en Suisse, nous donnent les éléments suivants :

« Rodolphe Saltzgerber, du pays des Grisons, capitaine au régiment de Salis en février 1692, en fut nommé Lieutenant-colonel. Il se distingua beaucoup en 1692 au combat de Steinkerk. Monsieur de Polier son colonel y ayant été tué, monsieur de Saltzgerber fit manœuvrer si bien le régiment en sa place, qu’on ne s’aperçut par de la perte qu’il avait faite. Il eut le brevet de colonel le 25 juin 1702 et quitta le service en avril 1705 à cause de son grand âge. Il obtint une pension de 600 livres. Son fils Christian Saltzgerber obtint le commandement de sa compagnie, elle fut réformée en février 1716. »

 

[1] Page 143

Ces recherches en Suisse nous indiquent aussi que le régiment de Salis était un régiment d’infanterie suisse au service du royaume de France qui prit le nom de ses colonels successifs : Polier ou Porlier, Reynold, Castellas, Bettens, Monnin, Reding, Pfyffer, Sonnenberg puis en 1792 le 65ème régiment d’infanterie de ligne et enfin licencié en août 1792.

Le régiment de Salis prend part au siège de Valenciennes en 1677, puis à la bataille de Cambrai et à tous les sièges et batailles de la guerre des Pays-bas puis de la Ligue d’Augsbourg où le colonel Salis fut tué à la bataille de Fleurus en 1690.

Salis fut remplacé par le colonel Porlier ou Polier, après le siège de Namur, il fut tué à la bataille de Steinkerque le 3 août1692 et remplacé au commandement de façon adroite [1] par Rodolphe Saltzgaibre son second qui en retira un certain prestige et son brevet de colonel.

Celui-ci, atteint par la limite d’âge prit sa retraite en 1705 et se retira à Metz où il avait été de nombreuses années entrepreneurs des fortifications de la ville ainsi que de celles de Thionville.

Rodolphe de Saltzgaibre eut au moins un fils, Christian alias Christophe qui fut capitaine au régiment de Castellas (nom du régiment de Salis à dater du 25 juin 1702 à la mort du colonel Reynold).

Christian Saltzgaibre avait épousé à Metz, paroisse Saint-Eucaire, Isabelle-Claire Blanc ou Blanque. Il est décédé le 25 mai 1759, rue Chapé, dans la même paroisse. Son épouse décéda le 12 juillet 1772 à 72 ans. Ils furent inhumés au pied de l’escalier du choeur dans l’église Saint-Eucaire de Metz.

 

[1] L’ennemi et le régiment ne se rendirent pas compte que le colonel avait été tué.

Acte de décès de Christian alias Christophe Saltzgaibre (fils de Rodolphe Saltzgaibre)

Acte de décès de Christian alias Christophe Saltzgaibre (fils de Rodolphe Saltzgaibre)

Ils eurent au moins huit enfants, dont Charles Dominique Gabriel Salztgaibre, né le 23 mars 1718, en la paroisse de Saint-Maximin à Metz. Il fut capitaine au régiment Royal Bavière et seigneur en partie de Nouilly. Ils demeuraient rue Mabile à Metz en la paroisse de Saint-Eucaire.

Il épousa Marguerite de Pagny, décédée en couche à 27 ans, puis Gabrielle de Brye, décédée en 1785 à 63 ans. Lui même décéda le 25 mai 1774 en la paroisse Saint-Victor à Metz. Ils furent inhumés dans le caveau familial dans l’église Saint-Eucaire.

Suivirent sept autres enfants : Marguerite décédée à 2 mois, puis Marguerite Anne julienne, Charlotte, Catherine Elisabeth, Jean François Xavier (décédé jeune) , Marguerite Nicole et Christophe qui fut curé de Serrouville.

La famille Saltzgaibre s’éteignit ainsi faute de descendant mâle en position de pouvoir procréer.

Pour conclure, voilà une belle page d’histoire pour le bâtisseur que fut Rodolphe de Saltzgaibre qui méritait bien de sortir de son anonymat pour reprendre sa place dans l’histoire Thionvilloise.

Soldats suisses au repos

Soldats suisses au repos

Références des archives de l’armée à Vincennes contactées au sujet

du capitaine Saltzgaibre

L’époque concernée est trop lointaine et aucun dossier d’officier n’existe pour cette époque.

Toutefois existe une table des signataires de la série GR 1A du ministère de la guerre avec 3 références sur Rodolphe Saltzgaibre, commissaire à Thionville en août/septembre 1672 cote GR 1A 294 – Octobre 1672 cote GR 1A 295  - Janvier/juin 1673 cote GR 1A 350

Les archives du Génie relatives à Thionville : cote GR 1 VH 1789-1803

pour les années allant de 1671 à 1913

(Il serait sans doute très intéressant d'aller voir ces documents à Vincennes)

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1676 à 1708 - Thionville – Les fortifications (5ème et dernière partie)

Publié le par Persin Michel

En ce début d’année, nous allons clore cette série d’articles sur les travaux faits aux fortifications de Thionville entre 1634 et 1700. Ces travaux ont été commandés au capitaine Rodolphe Saltzgueber qui les a mis en œuvre. Ce capitaine de deux compagnies suisses était surtout connu pour avoir construit le premier pont (couvert) de Thionville. Cette série d’articles aura révélé son implication dans l’ensemble des travaux de fortification de la ville dès son annexion [1] à la France.

 

[1] Cette fois-ci définitive jusqu’à la guerre de 1870 puis de 1940

Carte de 1745 où la  rive droite est encore sous fortifiée et sans le canal de dérivation (Archives Nationales- Paris)

Carte de 1745 où la rive droite est encore sous fortifiée et sans le canal de dérivation (Archives Nationales- Paris)

L’acte du 10 juillet 1676, résumé ci-après, mentionne de nouveaux intervenants, dont je vais citer les titres, pour la construction d’une redoute carrée ou trapèzoïdale.

Le sieur Charles Nicolas de Soucy, écuyer et seigneur de Chambaux, conseiller du roi et commissaire ordinaire et provincial des guerres et parties pour sa majesté, conduisant la police des troupes et gens de guerre tenant garnison dans les Trois Evêchés, Thionville et Sierck et stipulant que monseigneur de Morangis, conseiller du roi en tous ses conseils, intendant de la généralité de Metz, a passé marché avec Rodolphe de Saltzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major de brigade au service de sa majesté pour qu’il construise en état de perfection une redoute en maçonnerie de forme carrée ou de trapèze suivant les dimensions qui lui ont été données par Monseigneur de la Haye [1], lieutenant général des armées du roi et commandant de Thionville qui juge cette redoute utile et nécessaire.

 

[1] Jacob Banzuzl de la Haye, maréchal de camp, blessé à mort le 27 juin 1677. Cité pour sa défense de la ville de St-Thommé ou Mélia en Inde en 1674.

Le marché a été passé en présence du sieur de Saint-Lô, ingénieur général des fortifications de Lorraine et frontières.

Le marché stipule que la toise sera payée 27 livres au sieur Saltzgueber mais qu’on devra lui fournir, les pierres de taille directement en place, qu’on paiera les voitures et chariots, 3 escalins [1] chaque voiture ayant des dimensions ordinaires et que l’on fournira les ouvriers, la chaux et le sable en fonction des mesures (toisé) qui en sera fait.

Le 10 août 1676, le sieur Saltzgueber s’oblige envers sa majesté, au travers du sieur Louis de Bonafoux [2], capitaine au régiment d’Anjou et ingénieur à la conduite des travaux du roi à Thionville, de construire ce qui suit :

Premièrement :La charpente pour former une galerie en manière de chemin couvert dans la redoute de maçonnerie qui a été faite dans le petit ouvrage à la tête de la digue sur la rivière de la porte de Metz [3] avec les dimensions nécessaires pour pouvoir tirer derrière le parapet.

Il fera aussi deux portes à ladite redoute en madriers de chêne de deux pouces et demi d’épaisseur.

Il fera la charpente utile pour construire le pont sur le fossé de la demie lune à la tête du grand pont sur la Moselle avec deux barrières aux deux bouts du pont et une bascule [4]au milieu. Il fournira donc toutes les ferrures, les chaînes, bandes, verrous et clous pour les barrières et planchers de sapin de la redoute.

Il fournira les soubassements de pierre de taille pour y mettre les piliers avec des consoles aussi de pierre de taille pour soutenir les bois.

Pour cela, il recevra 500 livres tournois payables à proportion de l’avancement des ouvrages.

Le 10 février 1677, nous avons un acte qui nous donne plus de précision sur le sieur Saltzgueber :Est présent, Rodolphe Saltzgueber, capitaine au régiment Suisse de Salis et de deux autres compagnies franches de la même nation (Suisse) et major de brigade d’infanterie de sa majesté en garnison en cette ville de Thionville ainsi que le sieur Pierre Jean Jacquet dit la « Verdure » [5] et le sieur Dominique Gilant, tous ont promis et se sont engagés, l’un pour l’autre et solidairement envers sa majesté ,au travers de monseigneur Thomas de Choisy, brigadier d’infanterie des places de Lorraine et marches, de construire quatre redoutes de maçonnerie en la forme et manière qu’on leur a indiqué et de faire le transport de toutes les terres nécessaires pour former les terre-pleins et parapets, d’en faire l’engazonnement comme aussi celui des parapets du corps de la place.

 

[1] L’escalin est une monnaie d’argent des Pays-Bas valant 40 liards ou 10 sous

[2] Signe très lisiblement : Bonnafau

[3] Le canal de la Fensch à Beauregard

[4] C’est à dire une partie mobile du genre pont-levis.

[5] Un grand nombre de soldats de cette époque avaient des surnoms.

Ils devront aussi faire le gazon des chemins couverts, des demi-lunes et de la contre-escarpe, d’en relever les parapets, de faire quatre petites digues aux endroits désignés pour les inondations, les digues seront retenues par devant en construisant un mur. Il sera fait aussi un mur de clôture autour du magasin neuf et du moulin de la porte de Metz et de planter toutes les palissades autour de la contre escarpe suivant l’alignement des parapets comme le tout est prescrit dans les devis.

Pour tous ces travaux les entrepreneurs devront fournir tous les matériaux nécessaires :

À savoir, les peines d’ouvriers, le sable, la chaux, les moellons, les pierres de taille, le bois, le gazon, les chariots, les outils et ainsi ils seront payés 30 livres tournois de la toise cube pour toutes les sortes de maçonnerie, grosses ou petites, y compris les pierres de taille et ils auront 7 sols et 6 deniers de la toise cube de terre et 45 sols de la toise carrée de gazon, plus 18 deniers pour les palissades.

Ils recevront encore 2700 livres pour les réparations à faire au pont comme le stipule le mémoire signé par le sieur de Choisy et cela à la réception des travaux au pont.

L’acte qui suit, daté du 11 février 1677, soit le lendemain de l’acte précédent, va nous éclairer sur l’articulation de ces différents marchés et contrats.

Jean Pollin, sergent de la compagnie franche du sieur Saltzgueber, Antoine Schmit et Henry Graber, soldats de ladite compagnie et tous les trois maître maçon, se sont engagés envers le sieur Saltzgueber, le sieur Pierre Jean Jacquet et Dominique Gilant, entrepreneurs des fortifications des villes de Metz et de Thionville, pour faire toutes les maçonneries et pierres de taille que lesdits Salztgueber, Jacquet et Gilant ont entrepris pour le roi en cette ville de Thionville, le tout conformément aux plans, profils et devis signés par le sieur de Choisy et les entrepreneurs.

Pour ces travaux, ils seront payés 4 livres et 10 sols pour chaque toise cube, les matériaux étant fournis par les entrepreneurs. Ils devront rendre compte à la fin des travaux.

On voit bien là que les sieurs Saltzgueber, Jacquet et Gilant sont les entrepreneurs des fortifications des villes de Metz et de Thionville, qu’ils passent des marchés avec les directeurs des fortifications ou ingénieurs du roi pour la Lorraine. Une fois les marchés signés pour une certaine somme, eux même repassent un contrat avec leurs propres soldats pour effectuer physiquement les travaux et bien entendu pour une somme bien moindre car nous sommes ici dans un rapport de 30 livres à 4 livres la toise cube.

Ces relations peuvent nous sembler étranges [1] au sein d’un même régiment ou compagnie. Effectivement, des contrats [2], se passent moyennant finance, entre membres de la même armée, de la même compagnie et entre personnes qui ont un lien de subordination fort car militaire. Salztgueber est capitaine, Jacquet est lieutenant, Pollin est sergent, Schmit et Graber sont simples soldats.


[1] Dans nos régiments de pionniers ou de génie, ce genre de fonctionnement semblerait complétement anachronique.

[2] Devant notaire

Le 27 février 1677, Nicolas Larmit, Nicolas le Nut, Etienne Baudouin et Jacques la Cour, tous bourgeois de Metz s’engage solidairement envers les sieurs Saltzgueber, Pierre Jean Jacquet et Dominique Gilant, entrepreneurs des fortifications des villes de Metz et Thionville, d’effectuer tout le transport des terres qu’il faudra amener à Thionville pour former, les parapets, banquettes, batteries des bastions à raison de 32 sols la toise cube de terre. Ils s’engagent aussi à faire tout le gazonnement du dehors et dedans de la place à raison de 40 sols la toise quarrée de gazon.

Les entrepreneurs fourniront les voitures, le gazon, les outils, le bois des palissades.

Le 1er septembre 1677, le sieur Balthazar Leyendecker [1], maître recouvreur de la ville de Thionville, s’engage envers Pierre Jean Jacquet, entrepreneur des travaux de sa majesté en cette ville de faire couvrir de tuiles plates, le magasin à poudre à la gorge du bastion porte de Metz, lesquelles tuiles seront posées avec du bon mortier et des crampons entaillés dans la pierre de taille. Il devra aussi couvrir la grange au moulin à chevaux [2] de tuiles creuses de la même façon.

Pour cela il sera payé 20 écus blancs payable à proportion du travail qui se fera sans discontinuer. Le sieur Jacquet dit la « verdure » fournira les matériaux utiles.

Le 24 juin 1680, Edmond Weyrich, maire de la Basse Yutz et Jean Nicolas Weyrich, batelier à Thionville ont promis, solidairement, envers Pierre de la « verdure » entrepreneur des travaux du roi à Thionville, de voiturer incessamment avec deux bateaux, un fourni par Jean Nicolas Weyrich et l’autre par le sieur de la « verdure », toutes les pierres que ledit la « verdure » fera arracher à la carrière d’Illange sur la Moselle et que les gens du sieur la « verdure » chargeront et déchargeront des bateaux, le tout moyennant 3 livres et 10 sols par bateau.

Le sieur de la « verdure » n’est autre que le lieutenant Pierre Jean Jacquet dit la « verdure ».

NB : On remarquera que le sieur de Saltzgueber n’est pas cité dans cet acte, pourtant sa compagnie suisse est toujours en garnison à Thionville, comme le montre un autre acte sans rapport avec les fortifications, qui désigne un certain Pierre Jacob, tambour dans le régiment de Saltzgueber un autre acte de 1678 cite lui, un certain Pierre Jacque également tambour dans le même régiment suisse.

Enfin, le dernier acte de cette série est daté du 22 décembre 1708. Les protagonistes ont changé, nous avons là le sieur Jean Well, maître charpentier de Thionville et son épouse Marguerite Simonis lesquels promettent, solidairement, au sieur Joseph de la Vollée, entrepreneur des fortifications du roi en cette ville, de faire les travaux définis et d’en assurer l’entretien suivant un contrat qu’il leur a été lu et cela pendant dix années. Moyennant quoi, ils percevront tous les ans, payable de six mois en six mois la somme de 900 livres tournois et devront pour sureté, mettre tous leurs biens meubles et immeubles en gage.


[1] Ce recouvreur (couvreur) bourgeois de Thionville a refait le toit de l’église de Hayange en novembre 1662. Ces descendants, entrepreneurs connus à Thionville, porteront le nom de Leydecker

[2] Le moulin à chevaux se trouvait en la rue Brûlée dans le magasin du roi, il était mû par des chevaux et servait à faire de la farine quand le moulin de la ville chômait ou était arrêté.

Ce dernier acte décline une autre façon de travailler, par la signature d’un contrat d’entretien annuel valable dix ans. C’était en quelque sorte un « fermage ou bail ».

Le capitaine Rodolphe Saltzgueber et les deux autres entrepreneurs, Pierre Jean Jacquet et Dominique Gilant, ne sont plus concernés par les derniers actes. Le régiment de Salztgueber semble avoir quitté Thionville.

Rodolphe Saltzgueber, militaire et bâtisseur a construit le premier pont de Thionville et assuré pendant de nombreuses années la construction et l’entretien des fortifications de la ville de Thionville.

Récapitulatif de sa présence à Thionville :

En 1668, les actes ne le mentionnent pas.

En 1669, une revue militaire des deux compagnies suisses est faite sur la place d’armes de Thionville, elle marque son arrivée à Thionville.

1673, construction par ses soins du premier pont de Thionville, pont couvert en bois sur soubassements de pierre de taille, à l’image des ponts couverts de la Suisse.

De 1673 à 1676, il va participer et superviser tous les travaux de fortifications de la ville.

Au début de l’année 1677, il sera secondé par son lieutenant Pierre Jean Jacquet dit la « verdure » et par Dominique Gilant. Ils porteront le titre d’entrepreneurs des fortifications du roi pour Metz et Thionville.

Enfin, en septembre 1677, il a passé la main à ses seconds et n’apparaît plus dans les actes concernant les fortifications de la ville.

Bien entendu, de 1717 à 1789, les fortifications de la ville vont continuer de se perfectionner et de s’étendre, principalement sur la rive droite de la Moselle, vers Yutz et son double couronné. On y verra alors à l’œuvre, les ingénieurs Duportal, Tardif, Cormontaigne et Filley. L’ensemble de ces ingénieurs, comme Saltzgueber et ses compagnies suisses ont œuvré à partir de plans en partie élaborés ou au moins validés par Vauban.

Rappel:  Les articles sur les fortifications et le capitaine Saltzgueber sont tirés d'un ensemble d'actes notariés : ADM 3E7534-3E7535 (Helminger)

Dans le prochain article nous verrons plus en détail qui était Rodolphe de Saltzgueber et quelle fut sa vie après avoir quitté Thionville.

 

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1664 à 1700 - Thionville – Les fortifications (4ème partie)

Publié le par Persin Michel

Après les deux intermèdes concernant Saint-Nicolas et les 60 ans de l’église Notre Dame de l’Assomption, revenons aux travaux sur les fortifications de Thionville réalisés par et sous la supervision de Rodolphe Salzgueber.

                                                                        **************

Le 15 juin 1674, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg

à réaliser à dires d’expert et gens de connaissances, deux corps de garde pour les officiers, un à la porte de Metz sous la voûte et l’autre à la porte de Luxembourg, joignant l’entrée de la voûte à main droite, lequel sera couvert d’ardoises.

Il devra faire les murailles (murs) de bonne maçonnerie, d’y faire des fenêtres garnies de vitres et de fil d’archet au-devant. Les jambages seront de pierre de taille, des cheminées et aussi des lits de camp, tables et bancs seront nécessaires pour la commodité de l’officier.

Il rebouchera les petites brèches qui sont au-dessus des portes, pour cela il recevra 350 livres.

Il devra aussi recouvrir les corps de gardes à l’avancée de la porte de Metz, c’est à dire d’y remanier toutes les tuiles et en remettre des neuves pour remplacer celles cassées ou manquantes afin qu’il ne pleuve plus dans les corps de garde et pour cela il recevra 3 livres.

Il devra encore faire les réparations aux ponts des portes de Metz et de Luxembourg, consistant en la pose de madriers à remettre sur le dessus des ponts, il lui faudra fournir le bois et la main d’œuvre et recevra alors 103 livres et 15 sols.

Dans la rue brûlée, il devra rétablir les grands moulins à cheval dans les magasins du Roi, vis à vis de la maison du sieur Klein. Il devra fournir la main d’œuvre et toute la ferrure nécessaire et aussi le bois et rendre les moulins propres à faire de la farine, alors il touchera 278 livres et 10 sols.

Le sieur de Salzgueber, devra démolir toutes les maisons [1] qui sont comprises dans l’alignement de la rue qui doit conduire de la porte du pont à la place et fera transporter une partie des matériaux proche de la porte de Luxembourg en des lieux où ils ne gêneront pas. Pour ces démolitions, il recevra 318 livres.

Le 19 juin 1674, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg à faire les réparations nécessaires aux chemins couverts de Thionville et de la manière suivante :

[1] D’après les plans, cela n’a semble-t-il concerné, qu’une seule maison située devant l’entrée du pont.

Après avoir bien aplani, dressé, épointé les palissades, il sera fait une rigole profonde de 3 pieds ou 3 pieds et demi dans laquelle seront plantées les palissades, attachées et bien chevillées avec de bons linteaux comme prévu sur le profil qui lui a été remis afin que les palissades soient si bien dressées et alignées que les pointes ne fassent qu’une même ligne. La rigole sera remplie de terre, lesquelles seront si bien battues entre et contre les palissades qu’elles seront rendues inébranlables. Salzgueber sera payé 7 livres et 10 sols pour chaque cent de palissades qu’il aura planté, il s’est en outre engagé à faire des barrières de sortie vis à vis des fossés des bastions, des demie lunes suivant l’alignement des palissades, aux barrières ils remettra les vieilles serrures en état et les attachera en sorte qu’elles ferment bien et il sera payé 6 livres pour chaque barrière.

Il devra aussi faire le gazonnage au-dessus du parapet de maçonnerie qui se fera comme suit : Le gazon sera coupé tout d’une main, en bonne terre et bien enraciné. Il aura 14 à 15 pouces de long, 4 pouces d’épaisseur et 6 pouces de largeur. Il sera posé en boutir de liaison avec les terres qui seront mises entre ledit gazon et les palissades, lesquelles terres seront choisies les meilleures, les plus grasses, bien battues.

Les gazons seront bien joints et posés l’un contre l’autre en sorte que les lits de l’un couvrent bien les joints de l’autre et de deux en deux. Il sera posé sur un lit de petites fascines de bois de saule coupé en saison afin qu’elles puissent reprendre et elles auront leurs cimes tournées du coté du parement c’est à dire le gros bout du coté des palissades.

Les fascines seront fournies sur les lieux à la charge de sa majesté. Salzgueber sera payé à raison de 40 sols par toise carrée de gazonnage posé.

Il devra transporter toutes les terres superflues et inutiles dans le chemin couvert pour en former les glacis suivant les plans et alignements qu’il aura reçu. Il sera payé pour ce travail 40 sols pour chaque toise cube de terre charriée.

Le 29 août 1674, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg afin de réaliser un rempart à l’extrémité du pont, afin de gagner le terrain qui est beaucoup plus bas que les piles du pont et qu’on puisse s’en servir pendant que l’on construit l’ouvrage à la tête dudit pont.

Chaque chevalet ne différera en rien de ceux qui ont été faits contre la porte de la ville si ce n’est pour leur hauteur, ils seront posés sur le bon fond et arrêtés avec des pillots, en sorte que les débordements des eaux ne puissent les endommager. Le dessus du pont sera conforme à la charpenterie faite sur les piliers de maçonnerie.

L’on observera que la rampe devra être douce afin que les chariots puissent monter et descendre avec beaucoup de facilités.

L’entrepreneur sera payé à raison de 15 livres la toise courante en mesurant du milieu de la dernière pile jusqu’à l’endroit où finira le rempart.

Le fer nécessaire sera fourni et posé par ledit Salgueber.

Le 15 mai 1675, Rodolphe Salzgueber, capitaine de deux compagnies suisses et major d’une brigade au service de sa majesté, s’engage envers messire Louis de Saint-Lô, écuyer et seigneur de Lespinay, capitaine au régiment de la marine ayant la direction des fortifications des villes et places des pays de Lorraine et frontières de Luxembourg à faire toute la charpenterie nécessaire aux ouvrages de la ville, pour les toitures, couverture des orgues, guérites, planchers, lits de camp, lambris et les portes et ventillons, les toitures seront en ardoise, le bois sera du sapin. Il fera aussi deux guérites en bois de chêne, une sur le devant de la porte de Metz et l’autre sur le coté qui regarde la place. Il sera payé pour cela 700 livres tournois.

Il devra faire les réparations au tambour qui joint le flanc gauche du bastion de Metz, y démolir tout ce qui n’est pas solide et le rétablir bien solide et pour cela il aura 28 livres la toise cube.

Il devra faire trois aisances de pierre de taille dans le grand fossé aux endroits convenus et recevra alors 220 livres pour chacune.

Il fera aussi la maçonnerie à une petite écluse qui sera sur le glacis du chemin couvert, vis à vis de l’angle flanqué de la branche droite de l’ouvrage vers Terville et recevra alors 200 livres la toise cube. La terre nécessaire pour faire la digue de l’écluse lui sera payée 40 sols la toise cube et il recevra le même prix pour les terres utiles pour former la digue qui joindra la gorge de l’ouvrage le long de la Moselle avec le chemin couvert et cela pour retenir l’eau dans le marais, les terres superflues seront mises sur le glacis et bien battues.

Ensuite, il fera tout le pavé depuis la porte du pont jusqu’à la place d’arme et il fera aussi une chaussée au bout du grand pont. Il devra terminer ces travaux pour la fin octobre de ce mois (soit 5 mois) et sera alors payé d’après le toisé.

Un avenant à ce contrat daté du même jour, stipule qu’il devra aussi faire six barrières, avec leur cadenas, aux accès aux remparts, il fera aussi un petit corps de garde en planches dans le bas du «Ferdinand »[1] et devra démolir une croix de pierre qui est sur la place, le tout pour 44 livres et 10 sols.

Sierck :
Le même jour, 15 mai 1675, un autre contrat lui demande de réparer toutes les brèches qui sont aux murs du château de Sierck avec une bonne maçonnerie de chaux et de sable en utilisant les meilleurs moellons du pays. Il devra en outre fournir sept barrières avec cadenas pour la petite place proche les « Récollets ». Pour ces travaux, il recevra 20 livres la toise cube de maçonnerie et 22 livres et 10 sols pour les barrières.

Il lui faudra aussi faire une banquette de pierre sèches derrière la grande « Brèche » et mettre sur la redoute un plancher, puis de faire un petit pont au-dessus du fossé avec une palissade à droite et à gauche et enfin une guérite de madriers sur le flanc de la grande face, il recevra alors 34 livres et 15 sols.

[1] Ouvrage bastionné se trouvant à coté du grand pont.

Plan de Sierck en 1747

Plan de Sierck en 1747

Le 17 janvier 1676, le sieur Saltzgueber [1] sera chargé de transporter toutes les terres pour faire le chemin couvert à la tête de la muraille qui retient les encadrements de la porte de Metz et autour du moulin et cela suivant les plans fournis. Les terres seront prises en défonçant le terrain pour atteindre le niveau demandé qui est au-delà du glacis c’est à dire de manière que le glacis soit vu du corps de la place, il devra laisser en place des témoins de profil afin de pouvoir en faire le toisé [2]. Le tout sera payé à raison de 40 sols la toise cube.

Il devra aussi engazonner les parapets et les banquettes puis les palisser.

Il devra construire en pierre de taille, trois lieux d’aisance aux endroits marqués et les faire comme celles entre le bastion de Metz et d’Enghein et recevra alors 222 livres pour chaque aisance construite.[3]

Ensuite, il fera un corps de garde en maçonnerie à la porte du pont conformément aux plans et recevra la somme de 1100 livres tournois. (Le prix est élevé car le descriptif des travaux est très long et explicite afin d’obtenir un bâtiment de bonne qualité)

[1] Maintenant le nom s’orthographie avec un « t »

[2] Faire le toisé, c’est prendre les mesures des travaux réalisés afin d’établir le prix.

[3] Se reporter aux plans dans les articles 2ème et 3ème parties

Il fera ensuite quatre casernes [1] avec chacune quatre chambres en bas et un couloir au milieu et encore quatre chambres à l’étage avec au-dessus un grenier. Il y aura des cheminées et des portes fermant à clés. Chaque caserne lui sera payé 3300 livres tournois.

Il devra encore faire le magasin à poudre situé vis à vis de la gorge du bastion de Metz suivant les plans joints avec des fondations très solides pour 30 livres la toise cube. Il fera un plancher de madriers de chêne, une porte bien ferrée avec serrures et verrous pour cela il aura 110 livres. Le tout devra être livré pour la fin novembre 1676.

Les voitures pour charrier la terre, les moellons, la chaux et le sable seront payés par les intendants.

Le 21 janvier 1676, le lieutenant Pierre Jean Jacquet de la compagnie de Saltzgueber va passer commande à Dominique « Geyralding » de Raon-l’Etape dans les Vosges, pour un lot très important de bois, dont 3000 planches, livrable à Thionville. Pour cette opération, un bourgeois de la ville, Dominique Scwadol, se portera caution en versant 40 écus blancs à 3 livres tournois l’écu.

Dans le même document, le même lieutenant, Pierre Jean Jacquet passera commande, auprès de Etienne Marmoy et Nicolas Marmoy, frères, demeurant à la tuilerie de Lagrange, pour 60000 tuiles et 30000 briques livrables en juillet pour le prix de 8 livres et 10 sols le mille. Le témoin de l’affaire sera un bourgeois de Thionville, Balthazar Leyendecker.

Nous sommes rendus en 1676 et depuis 1634, soit 42 ans, les fortifications de la ville ont constamment été améliorées et entretenues. Le sieur Saltzgueber avec ses gardes suisses et les artisans de la région, sous les ordres du directeur des fortifications, à l’aide des plans et profils fournis par les ingénieurs du Roi dont Vauban, a été la cheville ouvrière de ces travaux. Nous verrons dans une prochaine et dernière partie, début 2017, les travaux qu’il a encore réalisé sur la place de Thionville avec une petite notice sur ce personnage peu connu faute de document le concernant.

 

[1] Ce qui correspond à 24 chambres mais sans connaître le nombre d’hommes par chambre.

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