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1755 – Construction de la nouvelle église Saint-Maximin (2ème partie)

Publié le par Persin Michel

Comme vu dans l’article précédent, en 1739, la ville n’arrive pas à décider ou à imposer à l’abbé de l’abbaye de Saint-Maximin de Trêves l’agrandissement ou la construction d’une église plus grande à Thionville et ce malgré la menace d’interdiction de l’église paroissiale. Nous allons donc voir comment au final la nouvelle église fut construite et non sans mal !

Le 12 mai 1741, une délibération du conseil de fabrique [1]  statue sur une somme de 1000 livres tournois donnée par demoiselle Lamotte et une autre somme de 800 livres tournois donnée par le sieur de Bock alors procureur du roi au bailliage de Thionville.

Le conseil de fabrique pense que ces deux sommes doivent être employées à agrandir le chœur de l’église en l’avançant dans le rempart d’une longueur de 15 pieds si toutefois on obtient la permission de le faire, en suivant le plan dressé par le sieur Morant sur les ordres du Comte de Belle-Isle, maréchal de France [2]. Pour ce faire, avec l’accord du procureur du roi au bailliage, une requête sera présentée au maréchal D’Asfeld [3] dès son arrivée à Thionville afin d’obtenir la permission de « pousser le chœur » dans le rempart et qu’alors le sieur Morant [4] devra établir un devis pour réaliser les travaux de ce nouveau chœur qui sera voûté. Une fois le devis établit on procédera à l’adjudication des travaux.

 


[1] Thiersant (curé) – Braillon – Collas – Mathis Louis – Larminat - Robert

[2] Charles Louis Auguste Fouquet de Belle-Isle, né le 22 septembre 1684 à Villefranche-de-Rouergue et décédé le 22 janvier 1761 à Versailles. Fut dans grand secours dans la construction de l’église.

[3] Claude François Bidal d’Asfeld né à Paris le 2 juillet 1665 et décédé à Paris le 7 mars 1743, fut un spécialiste de la guerre de siège, émule de Vauban. Il vint effectivement à Thionville le 30 mai 1741.

[4] Jean François Morant avait en charge les fortifications

 

Comte de Belle-Isle, maréchal de France

Comte de Belle-Isle, maréchal de France

Nous voyons bien qu’alors  la ville n’envisage toujours qu’un agrandissement de l’église.

Refus du maréchal de toucher aux remparts, de fait en 1744, la ville n’a toujours pas réussi dans ses démarches. Elle se propose le 6 septembre de la même année de présenter au roi qui doit venir à Metz, une supplique pour qu’il ordonne l’agrandissement de l’église aux frais de l’abbaye de Saint-Maximin. La ville va donc mandater le maire, monsieur Wolkringer et le procureur et syndic, monsieur Soucelier, pour se rendre à Metz.

Entre temps, l’église paroissiale de Thionville a été interdite, d’où le transfert en date du 4 décembre 1744, de l’office divin de la paroisse en l’église des pères capucins de la ville et la permission au curé de la ville d’y célébrer l’office paroissial et d’y faire toutes les fonctions pastorales accoutumées jusqu'à que les pères capucins en décident autrement.

 

 

Maréchal d’Asfeld

Maréchal d’Asfeld

Par lettre du 25 août 1752, il semblerait que le maréchal voudrait prendre des engagements avec la ville pour l’acquisition des maisons autour de l’église et sur les moyens de payer ces maisons.

L'abbé de Saint-Maximim accepte de financer la construction d'une nouvelle église en ville.

Le 29 août 1752, monseigneur le maréchal de Belle-Isle et monsieur l’intendant de Metz on réussi à faire « plier » l’abbé de Saint-Maximin de Trêves à s’engager à faire la dépense d’une nouvelle église à Thionville. La ville va donc envoyer à Metz le maire Wolkringer et le syndic Mathias Brousse pour voir le maréchal et l’intendant afin de recevoir leurs ordres.

L’abbé étant dans de bonnes dispositions, il s’engage à construire une nouvelle église à Thionville à ses frais, aux conditions que la ville donne l’emplacement et qu’il obtienne la vente de son quart de réserve de bois.

Le 4 septembre 1752, la ville s’engage à fournir le terrain et pour ce faire d’acheter les maisons joignant l’église, de pourvoir aux dépenses pour l’intérieur de la future église et pour construire la sacristie. Toutefois la ville ne peut employer les deniers de la ville qui n’y suffirait pas et demande donc à l’intendant de se pourvoir devant le conseil du roi et d’y demander aussi la permission de vendre le quart de réserve des bois communaux mis en réserve en 1725 et contenant 156 arpents. Sa majesté sera suppliée d’ordonner que sur le prix qui en proviendra, il ne sera fait aucune retenue, ni augmentation des taxes au profit que qui que ce soit, afin de ne pas en diminuer le prix.

Le 24 mars 1753, un courrier est envoyé à un avocat au conseil du roi à Paris qui explique en substance que l’abbé de Saint-Maximin de Trêves s’est engagé envers le maréchal de Belle-Isle pour construire à ses frais une nouvelle église à Thionville, mais pour se faire il a besoin d’un arrêt lui permettant la mainlevée sur un quart de réserve de 144 arpents et 25 perches [1], dans le bois appelé « Bocholtz » sur le ban de Dalheim. La ville de Thionville ayant le même besoin, l’arrêt devrait comporter les deux permissions.

Le 4 décembre 1753,  l’abbé de Saint-Maximin ayant spécifié que la construction de la nouvelle église dépassera les 100000 livres tournois, le roi ordonne que par le sieur Coulon de la Grange-aux-Bois, grand maître des eaux et forêts, sera procédé à la vente et adjudication au plus offrant du bois de l’abbaye, le prix sera remis au receveur général des domaines et bois de la généralité de Metz et sera employé à la construction de l’église de Thionville, toutefois 1/10ème sera retenu pour être employé au soulagement des pauvres communautés des filles religieuses.

L’intendant de Metz, monsieur de Creil a nommé des experts pour estimer le prix des maisons à racheter pour libérer  l’espace nécessaire à la construction de la nouvelle église soit 21500 livres tournois, de plus la ville devra rebâtir la sacristie et le cimetière et faire toutes les décorations intérieures pour 25000 livres tournois soit un montant total de 46500 livres tournois. Hors la ville est incapable de trouver cette somme dans ses recettes ordinaires. De plus la ville n’a pas obtenu pour l’instant l’autorisation de vendre son quart de réserve de bois, elle compte donc demander au conseil du roi qu’il accorde à la ville :

Pendant six années, le doublement de l’ancien octroi de la ferme du vin, que la ville avait obtenu par arrêt du 4 juin 1715.

 

 

 

[1] L’arpent est une unité de mesure, ici on sous-entend « arpent carré » car on parle de surface de bois soit environ 25 ares, la perche carrée était d’environ 51 m2. 

Qu’il permette la levée de 6 sols sur chaque chariot de bois et 20 sols sur chaque benne de charbon qui entreront en ville comme dans l’arrêt du 4 juin 1710.

Que les officiers de l’hôtel de ville soient autorisés à emprunter 25000 livres        tournois pour acquérir les maisons.

Le 12 octobre 1754, la chambre de l’hôtel de ville assemblée avec le sieur Fringan, lieutenant général et procureur du roi pour le bailliage de Thionville, les notables et le curé Thiersant, invité pour l’occasion, ont convenu ce qui suit :

« Monsieur l’abbé de Saint-Maximin [1] de Trêves a bien voulu, sur l’invitation de monseigneur de Belle-Isle, par un acte de pure libéralité et sans aucune obligation de sa part, se soumettre à reconstruire à neuf l’église paroissiale de Thionville suivant les plans et devis qui ont été présentés par la ville et déposés hier au greffe de la maîtrise particulière des eaux et forêts de cette ville, sur l’emplacement indiqué derrière l’ancienne église, le rempart de la ville d’une part, la maison curiale et celle du sieur de Latouche d’autre part. cette église nouvelle doit rester et demeurer pour toujours et à tous égards sans aucune difficultés à la charge de la ville et ce tant en vertu des anciennes transactions arrêtés au parlement de Metz et déclarations du roi, cela en conformité avec l’édit de 1695 et la jurisprudence du parlement. En conséquence nous déclarons que cette reconstruction n’étant qu’un effet de la piété et générosité de l’abbé, elle ne doit lui causer aucun préjudice ni à ses successeurs. A ces conditions le procureur fondé de pouvoir de l’abbé a déclaré consentir à l’adjudication de la reconstruction de l’église en omettant ce qui reste à charge de la ville  afin que le bâtiment se fasse autant qu’il sera possible en même temps et par les même ouvriers pour la solidité des ouvrages. »

Le Révérend Père Dom Joseph Kubor, procureur de l’abbé,  a déclaré accepter le contenu et a signé avec le maire Wolkringer.

Fringan (cité au début)

Colchem,

Thiersant curé,

Collas, procureur du roi au bailliage

 J.B. Colman,

 Renouard - marchand,

 Jean Bar – marchand

 et deux autres signatures (non lisibles)

Ici, la ville décharge l’abbaye de Saint-Maximin de Trêves pour les problèmes pouvant survenir après la construction de l’église, pour son entretien et les travaux à venir. C’était une condition expresse de l’abbaye pour accepter de payer la construction de l’église et la suite des événements prouvera la clairvoyance et la prudence de l’abbaye.

Une note du 2 décembre 1754, nous dit que le conseil du roi n’a encore rien statué sur le quart de bois de réserve et sur le doublement des octrois.

Toutefois, maintenant l’abbé demande un plan de la nouvelle église et un devis estimatif en sachant que le maréchal de Belle-Isle voulait que ce soit la ville qui fournisse ce plan et ce devis à l’abbaye.

 


[1] Willibrord

Nous verrons que ce problème de plan va devenir très compliqué à résoudre tant les acteurs sont multiples et les intérêts divergents.

La ville qui se sent pressée par l’abbé va être « obligée » [1] de s’adresser au sieur Nollet, architecte et arpenteur de la ville qui va faire deux plan, un de l’église pour l’abbé et un autre pour les ouvrages incombant à la ville. Il demande comme gage 220 livres tournois alors que les architectes de Metz qui ne sont pas prêt à travailler rapidement en demande 400. En conséquence, l’abbé va accepter ce plan du sieur Nollet.

Le 3 décembre 1754, bonne nouvelle, le conseil accepte ce qui suit :

 A partir du 1er janvier 1755, la ville pourra et pour 6 années doubler l’ancien   octroi de la ferme du vin sur tous les cabarets et autres qui vendent du vin au détail.

 Elle pourra doubler le droit sur les bières, cidre, eaux de vie et vinaigre qui se  débitent en ville.

 Elle pourra emprunter à constitution de rente ou autrement, au nom de la communauté et au denier le plus avantageux [2], la somme de 25000 livres  tournois pour acheter les maisons.

Aussi dès le 13 janvier 1755, le sieur François Petit s’est rendu à Metz pour faire un emprunt de 25000 livres tournois par devant maître Soubis, avocat. Le notaire prendra la somme de 243 livres et 16 sols.

Le 16 janvier 1755, par devant les notaires royaux Louis et Probst de Thionville est passé l’acte suivant :

« Dame Marie Madeleine le Brun, veuve de feu messire Jean François de la Roche Girault, vivant écuyer et seigneur de Bétange, ancien capitaine d’infanterie et messire Jacques François de la Roche Girault, écuyer, seigneur de Bétange, commissaire d’artillerie, résident et habitant à Bétange avec demoiselle Suzanne de la Roche Girault, jouissant de ses droits et demeurant à Thionville, en leurs noms et en celui de messire Louis Joseph de Tilly, seigneur, capitaine au régiment de Piedmont Infanterie et son épouse dame Marguerite Antoinette de la Roche Girault, ils déclarent avoir vendu en toute propriété à messieurs les maire, échevins, syndic et habitants de Thionville et moyennant la somme de 10500 livres tournois une maison acquise le 14 octobre 1733 par la dame Marie Madeleine le brun et son époux avec ses aisances et dépendances située proche de l’église devant le cimetière et attenante à celle du sieur Limbourg, procureur du roi de la maîtrise des eaux et forêts au couchant et au levant sur le rempart. La maison prend ses entrées face au cimetière et aboutit sur l’arrière sur le jardin de monsieur de Latouche, avocat du roi au bailliage de Thionville. La somme compté devant monsieur Soucelier Joseph Grégoire, avocat et receveur de la ville. »

 


[1] Le curé Thiersant a essayé de son coté de faire faire un plan mais ceux qui ont été contacté n’y ont pas réussi, et en fait le plan « Nollet » semble rapidement déplaire.

[2] C’est en fait comme le taux d’intérêt

 

Ladite dame le Brun a obtenu un délai jusqu’au 1er avril 1755 pour sortir de la maison, elle demande aussi une prime de 300 livres tournois sur la vente, la ville lui accordera 6 louis soit 144 livres tournois.

Le 2 mars 1755, monsieur Vitry de la Salle, ingénieur en chef de place de Thionville nous fait espérer un autre plan pour la nouvelle église provenant de l’ingénieur Régemorte [1] à qui il en a parlé lors de son dernier séjour à Paris.

Parallèlement entre le 10 et le 12 mai 1755 la ville va mettre en adjudication la démolition de la maison de Laroche et celle du sieur Limbourg. Mme de la Roche Girault ayant obtenu de ne sortir de sa maison que le 1er avril, les adjudicataires possibles ne peuvent voir par eux même la valeur des matériaux à récupérer, il faudra donc attendre le 12 mai pour que l’adjudication se fasse au son du tambour par toute la ville :

Adjudicataires :

Maison de la Roche

Nicolas Pépin maître maçon

Jacques François maître maçon

Simon Vernet

Pierre Coudard maître maçon

Louis Steff maître serrurier

Maison Limbourg

Simon Vernet

Le prieur des augustins

Pierre Courard

Ambroise Stéphany

Le 17 mai 1755, la démolition de la maison de la Roche est adjugée à Nicolas Pépin maître maçon pour la somme de 800 livres tournois, celle de monsieur Limbourg est adjugée à Ambroise Stéphany pour 900 livres tournois, mais celui-ci déclare avoir misé pour Jean Cosse qui accepte l’adjudication.[2]

De nombreux matériaux comme les portes et fenêtres et les ferrures doivent être récupérés pour la maison curiale. 

Le 19 mai 1755, le nouveau plan de monsieur de Régemorte est prêt et il est demandé à l’architecte Louis de Metz d’en faire le devis, car le plan est du meilleur goût. De suite, le coût du projet apparaît trop élevé et impossible à tenir pour la ville, aussi le 30 mai la ville va remercier officiellement monsieur de Régemorte en le félicitant pour son beau projet mais qui semble trop dispendieux.

Le plan du sieur Nollet accepté par l’abbé de Saint-Maximin, ne plaît guère en ville et l’on fait sentir à l’intendant un ensemble de défauts frappants. Cette affaire de plan va entraîner un retard considérable pour débuter les travaux de construction mais aussi de démolition de l’ancienne église.

 


[1] Noël de Régemorte décédé en 1790 était le fils de Jean Baptiste de Régemorte et le frère d’Antoine et Louis de Régemorte tous ingénieurs des ponts et chaussées.

[2]  Les témoins seront Simon Vervin et Nicolas Blanmangin

 

Ainsi au mois d’avril 1755, le maire Wolkringer avec le sieur Petit, procureur syndic étaient allé voir l’abbé à Trêves pour discuter des travaux à mener et lui présenter un nouveau plan fait par l’architecte Louis [1]de Metz, mais l’abbé voulait rester sur le premier plan de monsieur Nollet et ne pas mettre plus d’argent que prévu dans cette affaire.Le 9 mai 1755, la ville écrit au maréchal de Belle-Isle qu’elle est prête à commencer les travaux mais que l’abbé a pris son parti du plan Nollet et ne veut pas dépenser plus que le devis de ce plan. La ville engage le maréchal à faciliter l’exécution du plan qui lui semblera le plus convenable sans négliger celui de monsieur de Régemorte.

Le maréchal répond le 15 mai qu’il fera tout ce qu’il pourra lors de son retour vers la frontière pour voir l’abbé et le prêter à augmenter si possible sa quote part.

Coup de tonnerre le 15 mai 1755, car l’abbé vient de passer un marché avec les sieurs Meaux, Cuny, Geisler entrepreneurs de bâtiments à Metz pour la partie qui le concerne, la nef, les collatéraux, le chœur et le portail,  en suivant le devis et plan Nollet.

Il fournira les ardoises du toit à charge aux entrepreneurs de les transporter.

Les entrepreneurs s’engage à faire l’ouvrage pour 60000 livres tournois dont il toucheront cette année 10000 livres et le reste au fur et à mesure de l’avancement des travaux qui doivent durer 4 ans.

Dès le 16 mai, il écrira à la ville de Thionville, la lettre qui suit :

« Je viens de passer contrat avec les sieurs Meaux et Geisler, entreprenuers de bâtiments à Metz pour la construction de votre église paroissiale selon l’ancien plan pour la somme de 60000 livres tournois et les ardoises à fournir.

Il ne tiendra qu’a vous de voir si vous voulez les changements qui sont dans votre dernier plan et les décorations, changement de la tour et autres, pourvu que cela ne nuise pas à la solidité et le tout à vos frais sans que je sois obligé à la moindre chose.

J’espère que vous serez contant des efforts que j’ai fait pour vous procurer une église ample et convenable, les entrepreneurs vont commencer les travaux cette année. »

Le 19 mai 1755, la ville répond :

« Nous sommes véritablement très reconnaissants de ce que vous voulez faire pour nous procurer une nouvelle église. Nous souhaitant seulement que le portail du plan de monsieur Nollet fit plus d’honneur à la générosité dont la ville vous est redevable.

Nous ne sommes pas en état de faire exécuter le portail du plan de l’architecte Louis que le maréchal à accepté rejetant celui de monsieur Nollet. Nous vous demandons donc par votre bonté de donner préférence au plan de monsieur Louis que vous avez reconnu plus décent. »

Le 22 mai 1755, réponse laconique de l’abbé :

« Je suis fâché de ne pouvoir plus faire que je n’ai fait pour la décoration de votre ville. Je ne suis que l’administrateur des revenus de mon abbaye, ainsi jugé si je puis faire davantage. Ne comptez donc sur rien de plus. »

 


[1] Jean Baptiste Louis architecte du chapitre de la cathédrale de Metz, il a alors plus de 70 ans et son fils Michel est entrepreneur de bâtiments

 

Le 19 mai 1755, la ville avait mis le maréchal de Belle-Isle au courant de l’affaire du contrat passé par l’abbé aux entrepreneurs de Metz et de sa peine car le plan Nollet comme tout le monde le reconnaît, même l’abbé, comporte un portail à peine propre à une église de village !

Le 24 mai le maréchal de Belle-Isle, alors à Dampierre, répond qu’il fera son possible quand il retournera vers la frontière et sera à même de parler à l’abbé, mais il laisse aussi poindre son agacement devant cette affaire et engage la ville à trouver un moyen de parvenir à ses fins.

Le 28 mai 1755, la ville renvoi un courrier au maréchal lui indiquant qu’elle a fait dresser un autre plan par monsieur Loriot, architecte du roi [1] avec son devis estimatif. Bien entendu ce plan est supérieur aux autres mais le coût n’est pas en adéquation avec les finances de la ville, celui de monsieur Louis est plus abordable mais l’abbé bloque l’affaire. D’autres part, les entrepreneurs de Metz nous pressent beaucoup de leur délivrer le terrain pour commencer les fondations, mais nous leurs refusons jusqu’à réception de vos ordres car il faut savoir sur quel plan l’on se base pour faire ces fondations. Pour notre par le devis de monsieur Louis se monte à 65000 livres tournois qu’il faut ajouter aux 26000 livres tournois d’acquisition des maisons et terrains ce qui dépasse de beaucoup les 60000 livres mise en jeu par l’abbé.

Le 1er juin 1755, le maréchal répond depuis Belleville, qu’il a bien reçu le plan de monsieur Loriot qui est bien supérieur aux autres mais qu’il ne faut pas s’y attacher car trop coûteux. Il dit qu’il va écrire à l’abbé pour lui expliquer qu’on ne bâtit des églises que tous les cinq à six cent ans et que vous et vos enfants vous reprocheriez d’avoir fait un édifice aussi irrégulier pour épargner une somme aussi médiocre. Effectivement le plan du sieur Nollet qui l’a rédigé pressé par le temps, n’est proprement qu’un croquis avec des défauts insoutenables, occasionnés par la précipitation et principalement trois défauts qui rendent l’édifice ridicule et indécent :

  • Le sanctuaire serait trop étroit et non proportionné au corps de l’église.
  • La voûte des bas côtés serait trop élevée et ce vice rendrait la nef trop obscure.
  • Le portail est si simple qu’à peine serait-il supportable pour une église de campagne.

Il dit aussi son regret de tous ses atermoiements et retards et qu’il faut essayer de ne pas manquer la bonne saison de lancer enfin les travaux et d’ouvrir les fondations.

Il trouverait très désagréable qu’après tous les soins et les mouvements qu’il s’est donné depuis deux années sur cette affaire, la ville n’en vienne à rebuter l’abbé et le lasser du fait que rien n’avance, il engage donc la ville à faire tout ce qui est nécessaire pour faire avancer l’opération, car du fait de son éloignement actuel il ne peut suivre tous les détails pied à pied.

Vous verrez dans le prochain article que de nombreux courriers seront encore échangés, d’autres plans seront faits et que le maréchal de Belle-Isle continuera à se mettre au service de cette cause pour finalement arriver à faire construire cette belle église Saint-Maximin.

 

A suivre…

 

 

[1] Monsieur Loriot est professeur à l’académie d’architecture à Paris. Le plan devait être gratuit mais au final il y eut rétribution par la ville (5 louis) sur demande d’un ministre du roi.

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IVème siècle – Thionville - La légende de Saint-Maximin

Publié le par Persin Michel

Avant de continuer l’histoire de la construction de l’église Saint-Maximin de Thionville et à la demande de plusieurs personnes, je voudrais rapidement évoquer sa légende.

Note: Dans les articles précédent, Saint-Maximin a été orthographié Saint-Maximim, c'est une orthographe incorrecte mais souvent employée dans les écrits du 16 et 17ème siècle.

Saint-Maximin :

Nous sommes là au début du IVème siècle, dans le Poitou où va naître Saint-Maximin, exactement à Silly, dans le département de la Vienne. Il deviendra évêque de Trêves vers 341 ou 342, Trêves est alors qualifiée de deuxième Rome.

Il est alors un adversaire résolu de l’arianisme [1] et un ami d’Athanase d’Alexandrie [2] qu’il hébergera à Trêves dans les années 343. Participant  au concile de Sardique [3], il n’aura de cesse d’essayer de convaincre  les empereurs romains de soutenir l’église catholique contre les tenants de l’arianisme.

 


[1] L’arianisme est promu par le théologien Arius et réfute l’égalité dans la trinité, voyant une infériorité du fils par rapport au père. (En très raccourci)

[2] Principal opposant à l’arianisme ayant siégé au concile de Sardique avec Sant-Maximin.

[3] Sofia en Bulgarie

 

Enluminure représentant Athanase d'Alexandrie lors du concile de Sardique

Enluminure représentant Athanase d'Alexandrie lors du concile de Sardique

On le voit en arrière plan sur cette enluminure, habillé en évêque à coté d’un ours portant son sac de voyage, iconographie empruntée à la légende de Corbinien de Freising [1]

Il participera bien entendu à l’évangélisation de la Lorraine donc de notre région.

Il décédera à Poitiers alors qu’il était en visite chez ses parents à Silly, son corps sera inhumé dans cette ville où suivant la légende des disciples venant de Trêves, l’enlevèrent pour le rapatrier à Trêves. Poursuivis par les gens de Silly, c’est un coup de foudre tombant  devant les poursuivants qui les décidèrent à arrêter la poursuite.

Saint-Maximin fut alors inhumé à Trêves dans une abbaye (ci-dessous) qui portera alors son nom.

 

[1] Ville allemande du Tyrol

Eglise Saint_Maximin de Trêves

Eglise Saint_Maximin de Trêves

Saint-Maximin est évoqué contre le parjure et les événements climatiques destructeurs.

N’oublions pas que nous sommes alors dans les premiers temps de la chrétienté dont la doctrine n’est pas encore réellement fixée.

 

Autre question:

Emprise des fortifications de Thionville:

Elles s'étendaient jusq'au premier ring, c'est à dire l'avenue Merlin, l'avenue Vauban et l'avenue de Guise.

 

 

 

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1737-1760 THIONVILLE Construction de l'église Saint-Maximim (1ère partie)

Publié le par Persin Michel

Nous avons vu dans l’article précédent l’ancienne église Saint-Maximim et la chapelle Saint-Michel dite de l’ossuaire, accolée à cette église. Cette église s’était dégradée et ne pouvait plus contenir l’ensemble des paroissiens de la ville y compris la garnison.

La ville rachètera en 1755, les maisons des sieurs de La Roche, Limbourg et le jardin du sieur de Latouche [1] .  Toutefois, avant d’en arriver à l’achat de ces maisons, et à la construction de la nouvelle église Saint-Maximim, il y eut tout un processus que je vais dérouler ci-dessous :

Toutes les visites pastorales [2] de l’ancienne église de Thionville pointent l’impossibilité d’accueillir l’ensemble des paroissiens à cause de la petitesse de l’église et toutes signalent également un ensemble de problèmes liés à sa vétusté. Tout le monde s’accorde donc sur la nécessité d’agrandir cette église.

De plus, nous sommes encore assez proches de la cession de la ville à la France [3] et l’administration civile et religieuse n’est pas encore finalisée. Ainsi en 1733, on interdira trois confréries de Thionville, Saint-Sébastien, Saint-Roch et Saint-Antoine car les habitants se pressent aux cérémonies de ces confréries, se forment en défilés armés et parcourent la ville, perturbant  le calme de la cité.

 

[1] Marie Madeleine le Brun veuve de Jean François de la Roche Girault , écuyer et seigneur de Bétange, ancien capitaine d’infanterie. Jacques François de la Roche Girault, écuyer et seigneur de Bétange, commissaire d’artillerie à Thionville et enfin Suzanne de la Roche Girault.

Le sieur Limbourg était procureur du roi en la maitrise des eaux et forets.

Le sieur de Latouche était conseiller du roi au bailliage.

[2] De 1721 à 1751

[3] Prise en 1643, cédée en 1659

 

Toujours en 1733, la paroisse de Thionville se verra dorénavant imposer des religieux et curés d’origine française et l’abbé de l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves,

qui nommait les prêtres et curés de Thionville, car il était le collateur et décimateur de la paroisse, se voit contester dans ses choix.

 

L'abbaye Saint-Maximim de Trêves au 17ème siècle (Internet)

L'abbaye Saint-Maximim de Trêves au 17ème siècle (Internet)

Malgré cela l’affaire de l’agrandissement de l’église se précise, le sieur de Creil qui est l’intendant et commissaire de la généralité de Metz depuis 1723, écrit le 3 avril 1737 à son subdélégué de Thionville la lettre suivante :

« J’ai bien reçu votre courrier du 28 mars avec les plans que je vous avez demandés concernant l’église, j’en ai conféré avec monsieur Thiersant, curé de Thionville.

Il faudra s’en tenir pour l’agrandissement à la maison de monsieur de la Roche, ce parti convient mieux que l’autre, mais il y a un préliminaire indispensable à observer avant toutes autres choses, c’est qu’il faut avoir le consentement par écrit des abbés et religieux (de Saint-Maximim de Trêves) pour la dépense de la réédification et agrandissement de l’église qui les regarde ou une condamnation qui les y oblige et pour cela il faut commencer par une sommation judiciaire de la part des différents ordres et paroissiens de Thionville, à moins que vous ne preniez le parti, attendu que vous connaissez ces religieux, de leur écrire pour savoir leur résolution là-dessus, peut-être se détermineront-ils volontairement à se porter à cette dépense, sinon on suivra l’autre voie.

Nous verrons ensuite à prendre les moyens les plus convenables pour la dépense qui regardera les paroissiens de Thionville.

Je vous prie de faire part de ce que je vous marque, aux officiers de l’hôtel de ville. »

Les officiers de l’hôtel de ville prévenus, se réunissent le 8 avril 1737, avec les membres du bailliage, le curé Thiersant, les notables et les maîtres de tous les corps.

L’assemblée constituée va proposer deux projets :

1er projet :

« Acheter la maison de monsieur de la Roche qui l’a acquise lui-même en 1733 de la succession des héritiers « Hugony » pour y faire construire par l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves, une nouvelle église dont l’entrée sera du coté du nord vers la maison du sieur Petit et dont on fournira le plan. »

2ème projet :

« Au cas ou le sieur de la Roche ne voudrait pas vendre sa maison, on agrandira l’église du côté du couchant, on y comprendra la maison d’école qui appartient à la ville et celle de la demoiselle Barthel, de monsieur Probst et consorts, dont on fera l’acquisition.

Si cela ne suffit point, on fera du côté du midi un collatéral qui comprendra le cimetière en son entier et un autre du côté du bord dans l’endroit où sont les trois chapelles de telle largeur qu’on pourra prendre. L’ancien clocher subsistera dans l’état où il se trouve, pour pouvoir faire le tour de l’église, on rétablira l’escalier ou la pente qui est à côté de la sacristie comme elle était d’ancienneté. 

Le tout approuvé, chaque corps en particulier et tous en général, ayant même promis pour ferme et stable ce que sera fait pour l’exécution de l’un ou l’autre des projets, il ne sera pas demandé d’octroi.[1]

Pour parvenir au paiement chacun y contribuera après y avoir employé les revenus et biens de la ville disponibles et particulièrement les coupes de bois. »

 

[1] La ville n’augmentera pas les tarifs des octrois situés aux portes de la ville

Voir la situation des maisons sur ce plan de 1750 (Collection Dominique Laglasse)

Voir la situation des maisons sur ce plan de 1750 (Collection Dominique Laglasse)

Le 4 mai 1737, l’intendant [1] à qui ont été envoyé les résultats, par le curé Thiersant, a autorisé le projet.

Les religieux et abbés de Saint-Maximim de Trêves ont été invités sous plusieurs formes et depuis le 25 février 1735 à faire l’agrandissement de l’église de Thionville, mais ils ne donnent pas suite, faisant la sourde oreille.

L’assemblée de l’hôtel de ville de Thionville réunie le 4 mais 1737, notifie qu’elle serait en droit de se pourvoir en justice ordinaire pour les y faire condamner, cependant comme on ne peut trop mettre en usage les voies de la douceur, il a été résolu que le sieur Gand, conseiller échevin, se transportera à Trêves avec le curé Thiersant pour communiquer les résultats et intentions de l’assemblée, pour les porter à s’exécuter, les paroissiens s’offrant de fournir le terrain convenable pour l’église nouvelle.

Au cas, où contre tout espoir, les religieux de Trêves refuseraient de rendre une réponse favorable par écrit, l’assemblée a donné au sieur Gand pouvoir de faire une sommation à l’abbé de Saint-Maximim de Trêves, signée par les officiers de l’assemblée.

 

[1] Depuis 1721 c’est Jean François de Creil de Bournezeau, baron de Brillac

Le 10 mai 1737, sommation est faite à l’abbé de Saint-Maximim de Trêves.

 

Le 15 mai, la réponse est négative donc le 17 juin 1737, l’assemblée de Thionville est résolue à envoyer une copie du dossier au sieur Desjardins [1], procureur au Parlement de Metz et de cette ville, pour prendre avis de trois avocats.

Le 22 juin, la consultation des avocats signée de Vannier, Vigum et Gabriel avocats à la cour, donne raison aux paroissiens de Thionville et les trouve fondés à former une demande contre Saint-Maximim de Trêves en qualité de curé primitif et gros décimateur. Les avocats conseillent de s’adresser en première instance au lieutenant général du bailliage de Thionville pour faire saisir les dîmes de Saint-Maximim de Trêves.

Le 26 juin, la ville se dit résolue d’agir en conséquence et de poursuivre jusqu’à l’arrêt définitif au Parlement de Metz, elle obtient l’approbation du subdélégué de l’intendant le 29 juin 1737.

Le 5 juillet 1737, monseigneur Claude de Saint-Simon, évêque de Metz prend l’ordonnance suivante :

« Vu le procès verbal de la visite de l’église de Thionville faite le 11 juin par le sieur Louis, curé d’Usselkirch et archiprêtre de Thionville, nous ordonnons que l’église sera agrandie de façon qu’elle puisse contenir commodément les habitants de la paroisse et attendu l’inexécution des ordonnances précédentes rendues par nous ou nos prédécesseurs, nous déclarons que l’église sera interdite de fait au 15 octobre 1737, nous exhortons les habitants de Thionville et nommément les magistrats et synodaux de faire toutes diligences possibles, afin d’y contraindre ceux aux frais de qui l’agrandissement doit être fait [2]. Nous retenons de l’interdiction la chapelle du Rosaire [3] dont le sieur Everling est titulaire. »

Le 9 juillet 1737, le même évêque écrit à monsieur Wolkringer, maire de Thionville :

« Vous devez avoir appris que j’ai rendu une ordonnance qui enjoint l’agrandissement de l’église de votre ville sous peine d’interdiction, afin que les officiers de l’hôtel de ville soient encore plus autorisés à faire les diligences nécessaires pour obliger les gros décimateurs à remplir leurs obligations. Vous devez être persuadé que j’emploierai tout ce qui dépend de moi pour soutenir mon ouvrage et vous procurer les moyens de faire exécuter mon ordonnance. Quand vous aurez besoin d’être à nouveau autorisé par monsieur l’intendant, donnez m’en avis et j’agirai auprès de lui. »

Mais voilà le temps passe et rien ne se passe côte Saint-Maximim de Trêve!

Il faut préciser que l’évêque Claude de Saint-Simon était en délicatesse avec le Parlement de Metz  et que souvent ces demandes n’avaient pas l’accueil espéré.

Le 7 novembre 1739, la chambre ou assemblée de Thionville se réunit avec le bailliage et les notables de la ville pour un point de la situation.

 


[1] Claude Desjardins procureur au Parlement de Metz depuis 1695

[2] On remarquera que l’abbaye Saint-Maximim n’est pas citée

[3]  La chapelle du Rosaire se trouvait au sous/sol du beffroi de Thionville.

Il ressort de cette réunion que le dossier n’a guère avancé, la ville a été déboutée, de sa demande de se pourvoir contre l’abbé prieur de l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves qui est le curé primitif et collateur de la paroisse et décimateur dans toute l’étendu du ban, par le parlement de Metz à cause de la jurisprudence qui y est pratiquée de tous temps.  En conséquence, elle va se pourvoir en cassation pour faire condamner l’abbaye à agrandir l’église et faire lever l’interdit qui est prononcé au 1er février 1740, car il a déjà été repoussé plusieurs fois.

Signé de :

Wolkringer, maire,

Brousse fils et Larminat, échevins,

Larminat et Metzinger députés du bailliage,

Soucelier, syndic,

Dumaire, receveur,

 Handry, Bonnaventure, Louis, Debatz et Hennequin notables.

Sceau de cire rouge de la ville de Thionville de 1739 (Photo Michel Persin)

Sceau de cire rouge de la ville de Thionville de 1739 (Photo Michel Persin)

Comme on le voit, la ville n’a guère de poids dans cette affaire et doit pour agir avoir l’aval du subdélégué de l’intendant, de l’intendant, du Parlement de Metz, du conseil du Roi et l’accord « écrit » de l’abbé de l’abbaye de Saint-Maximim de Trêves sur le fait qu’il soit disposé à payer les travaux, la ville donnant le terrain.

Encore quelques  réunions et courriers à venir ! 

 

A suivre…

 

Archives municipales de Thionville. Notes Braubach BB8/14/22/27/34/3644

 

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1482 – Thionville, la chapelle Saint-Michel (Fin)

Publié le par Persin Michel

D’après quelques auteurs anciens, le chœur de cette ancienne église Saint-Maximin de Thionville aurait été reconstruit vers 1500 [1] et les murs de la nef réhabilités en gothique flamboyant pour remplacer l’église d’origine, de style roman, datant de 1123, comme semble l’indiquer une inscription sur une pierre retrouvée en 1755 lors de la destruction de l’église.[2]

Une autre hypothèse, serait que l’église romane primitive de Thionville, dédiée à Saint-Eustache se trouvait rue brûlée. Un important incendie l’ayant détruite avec les 2/3 de la ville vers le 15ème siècle, ce qui serait à l’origine du nom de la rue « Brûlée ». L’église aurait alors été reconstruite en style gothique à l’emplacement du parvis actuel de l’église Saint-Maximim.

Au moins une de ces hypothèses est vraie. Alors, nos ancêtres n’étant pas spécialement idiots, ont probablement réaliser les travaux de construction ou de reconstruction du chœur et de la nef, en même temps que les travaux de construction de cette chapelle Saint-Michel soit vers 1479/1485, la chapelle ayant un mur mitoyen avec le chœur de l’ancienne église [3].

De nombreux documents anciens nous apportent la certitude que la chapelle Saint-Michel dite de l’ossuaire se trouvait bien accolée sur le côté droit du chœur de l’église, en relation directe avec le cimetière et l’ossuaire.[4]

Ainsi, Charles Abel dans son histoire de Thionville [5], nous dit que les chapelles de Notre-Dame, Sainte-Croix, Sainte-Anne et Saint-Jean-Baptiste occupaient l’intérieur de  l‘église et la chapelle Saint-Michel contigüe au chœur, donnait sur le rempart. [6]

Ces chapelles intérieures n’étaient pas de simples autels qu’on aurait plaqués contre les murs de l’église, comme c’est souvent le cas. Non, c’était de véritables petites chapelles qui faisaient saillies sur l’extérieur de l’église et pouvaient contenir entre 25 et 10 personnes. Elles avaient un plafond voûté et leur autel était parallèle au maître autel situé dans le chœur. La plus belle de ces chapelles était  celle de la Sainte-Croix.

Peu après 1626, une cinquième chapelle fut ajoutée, elle était dédiée au Saint-Sacrement. [7]

 

 

[1] Sans aucune certitude sur cette date.

[2] Cette date de 1123 est peu crédible car non prouvée.

[3] Effectivement cela met bien cette construction ou réhabilitation de la première église Saint-Maximim, aux alentours de 1500.

[4] ADM la série 29J et le fonds Braubach GG18 A vol XIX CH 1

 aux archives municipales de Thionville 

[5] Manuscrit à la bibliothèque municipale de Nancy – 1860.

[6] Charles Abel, notable et historien Thionvillois, né le 2//12/1824 et décédé le 02/05/1895. Docteur en droit en 1847. Auteurs de nombreux articles sur l’histoire régionale.

[7] Il y avait de nombreuses chapelles à Thionville soit internes à des églises ou à des bâtiments comme le beffroi ou l’hôpital des pauvres, soit isolées comme Saint-Pierre, Sainte-Anne, Saint-François et d’autres encore plus petites, proches d’un oratoire.

 

Nous  allons voir grâce à un document exceptionnel ayant appartenu à Charles Abel et aujourd’hui propriété de monsieur Dominique Laglasse, où se trouvait exactement la chapelle Saint-Michel qui en fait avait été reconvertie en sacristie. Nous verrons aussi de façon détaillée l’ancienne église de Thionville et son environnement.

Plan de l’ancienne église de Thionville avec son environnement immédiat daté de 1750, propriété de Charles Abel en 1884, actuellement dans la collection de Dominique Laglasse,  archiviste, de Thionville

Plan de l’ancienne église de Thionville avec son environnement immédiat daté de 1750, propriété de Charles Abel en 1884, actuellement dans la collection de Dominique Laglasse, archiviste, de Thionville

Dans les petit rectangles marquées d'une croix sont les chapelles et leur autel

Le rectangle au milieu tout en haut est le maître autel

 En haut à gauche = Notre Dame - En haut à droite = Sainte-Croix

Au milieu à gauche = Sainte-Anne  - Au milieu à droite  = Saint-Jean Baptiste

Tout en bas à gauche = Saint-Sacrement

A gauche de l'entrée principale, se trouve l'escalier qui mène à la crypte et à l'ossuaire.

A droite en entrant, on trouve l'escalier qui monte au clocher.

On voit sur ce plan de 1750, soit cinq années avant sa destruction, que la chapelle Saint-Michel est devenue la sacristie de l’église.

Plusieurs visites pastorales [1] de cette église mentionnent que la sacristie est insalubre car elle touche pratiquement aux terres du rempart qui se trouve derrière, amenant des eaux de ruissellement et que le plancher en est pourri par l’humidité amenée des tombes qui se trouvent sous ce plancher. On y voit aussi qu’une tombe brisée se trouve juste à l’entrée de cette sacristie.

On notera le cimetière qui se trouve sur le coté droit de l’église avec une entrée latérale dans l’église. On remarque aussi que la porte de l’ancienne chapelle Saint-Michel à cette époque sacristie, donne bien dans le cimetière.

 


[1] De 1696 à 1754, de valeur inégale en fonction de la personne qui conduisait la visite et s’attachait à certains aspects plus qu’à d’autres. 

Ce cimetière fut créé en 1521 comme l’atteste le document suivant :

« le 12 janvier 1521, deux échevins de la ville attestent que les enfants de Johan von Dickirchen, échevin de Thionville, ont donné à la nouvelle confrérie, leurs droits sur une place inculte près de la chapelle Saint-Michel pour y établir un cimetière à l’église paroissiale »

Il est à remarquer que le cimetière est très petit et ne peut contenir plus de 150 corps, ce qui obligeait à faire régulièrement de la place en transférant les ossements dans l’ossuaire sous l’église. Le problème se reposera plus tard dans la nouvelle église.

Ainsi en 1733, une visite pastorale note que des crânes et des os sont entreposés jusque sous l’escalier menant à la crypte et sont visibles de la rue. Qu’il faudra donc construire un ossuaire dans le petit cimetière afin de solutionner ce problème,[1] ce qui fut fait par la suite.

Pour être très explicite sur ce sujet, lors du démantèlement des remparts de la ville en 1903 par les allemands, on a retrouvé les fondations de cette ancienne église, avec une partie des colonnes et des murs du chœur qui montrent bien la chapelle Saint-Michel.

Mais aussi, c'est soixante tombereaux de squelettes qui furent retirés de l'ossuaire et transférés au cimetière Saint-François. On a examiné un peu ces squelettes qui pratiquement tous, étaient ceux de jeunes hommes, plutôt grands et en bonne santé avec des dents très saines. Sans aucun doute de jeunes soldats tués lors des différents sièges de la ville.

De nombreux notables de Thionville se faisaient inhumer dans leur caveau familial dans cette église, les registres paroissiaux de la ville en font foi. Certains, se faisait inhumer dans l'église des Augustins, d'autres au cimetière Sainte-Suzanne, hors la ville à Saint-Françoi, mais nous reparlerons de ces différents cimetières dans le prochain article.

Sur le coté droit de cette église, vis à vis du cimetière, il y avait un grand bâtiment appartenant au sieur de la Roche, avec ses dépendances et son jardin à l’arrière. Ce bâtiment touchait au rempart côté Moselle comme la chapelle Saint-Michel et il était mitoyen vers la ville avec la maison du sieur Limbourg, elle même mitoyenne avec la maison de la cure ou presbytère et son jardin à l’arrière.

 

[1] A cette époque, les règles sanitaires et la relation des habitants avec les morts, poussent à la disparition puis à l’interdiction de ces ossuaires

Revenons à l’église, comme je l’ai dit précédemment, lors de la destruction des fortifications de la ville en 1903, les fondations du chœur de cette église furent retrouvées. (Plan ci-contre)

Le chœur avait une forme plus arrondie, plus profonde, on a sans doute tronqué une partie de celui-ci lors d’un élargissement des remparts. Les colonnes qui soutenaient la voûte étaient finement travaillées montrant de façon explicite la nature gothique de l’édifice.

 

Extrait d’un relevé des fondations par Massonnet  (Archives municipales de Thionville)

Extrait d’un relevé des fondations par Massonnet (Archives municipales de Thionville)

Pour terminer, je voudrais mentionner le rapport du 24 janvier 1725, commandité par l’évêque de Metz afin de voir si cette église était encore à même de suffire aux besoins de la population de Thionville. Ce rapport fut précédé d’une expertise in situ menée par  Gilles Bonnard, prêtre, docteur en théologie à la faculté de Paris, chanoine trésorier de l’église de Metz en compagnie d’Alexandre, archiprêtre et curé de Thionville. Eux mêmes accompagnés par monsieur de Brillac [1], gouverneur de la ville avec quelques officiers et ingénieurs [2] de la ville.

Cette visite très détaillée, nous donne les dimensions de l’église qui sont les suivantes :

Le chœur fait environ 12 m de longueur sur une profondeur de 4 mètres y compris le maître autel ce qui ne laisse pratiquement plus de place pour y mener correctement les cérémonies quand le clergé et ses desservants sont autour de l’autel. [3]

La nef fait environ 24 m de longueur sur 14 m de largeur devant le choeur et seulement 10 m vers la porte d’entrée, en y comprenant les chapelles qui sont séparées entre elles par de gros piliers ou jambages.

La chaire à prêcher est desservie par un escalier de pierre fort imposant.

A l’entrée se trouve une tribune haute, faisant 4 m de profondeur sur la largeur de l’église et soutenue par deux piliers.

L’espace libre entre tous ces éléments est donc peu logeable, de plus, l’église est en assez mauvais état général.

Elle peut contenir tout au plus, 1000 à 1100 personnes mais dans des conditions de confort relatif.

Or, il se trouve que la population de la ville est de 3000 personnes sans compter la garnison qui se monte à 2150 hommes en période calme et peut monter à 5000 personnes lors des périodes de guerres.[4]

Lors des grandes cérémonies les officiers et leur valet occupent toutes les places et les bourgeois de la ville restent au dehors alors qu’eux ont payé leur banc. La population gronde et l’agrandissement de l’église est jugé impossible ne pouvant s’étendre vers le rempart qu’elle touche presque, ni vers la ville où se trouve la tour des habitants (le beffroi) qu’il est impossible de détruire.

Il fut donc convenu que la construction d’une nouvelle église était la seule solution et qu’il fallait s’y employer.

 

[1] François de Brilhac, maréchal de camp commandeur de l’ordre de Saint-Louis. Gouverneur de Thionville pendant 7 années et décédé à Thionville le 14 septembre 1731.

[2] Dont Cormontaigne.

[3] Les mesures sont données en toise, une toise = 6 pieds = 1,959m environ

[4] La garnison se compose de 2 escadrons et 3 bataillons, 2 français et 1 suisse soit environ 1800 hommes et 200 officiers. Il y a aussi une brigade d’officiers réformés de Bavière et 150 valets pour les officiers soit 2150 hommes en période calme.-

 

Après de nombreuses péripéties, la ville rachètera en 1755, les maisons des sieurs de La Roche, Limbourg et le jardin du sieur de Latouche [1] . Elle fera construire en 1756 la nouvelle église Saint-Maximim. 

 


[1] Marie Madeleine le Brun veuve de Jean François de la Roche Girault , écuyer et seigneur de Bétange, ancien capitaine d’infanterie. Jacques François de la Roche Girault, écuyer et seigneur de Bétange, commissaire d’artillerie à Thionville et enfin Suzanne de la Roche Girault.

Le sieur Limbourg était procureur du roi en la maitrise des eaux et forets.

Le sieur de Latouche était conseiller du roi au bailliage.

 

En dehors des bâtiments à usage militaire, Thionville avaient beaucoup de bâtiments à usage religieux et l'histoire de ces bâtiments bien que complexe à reconstituer est très intéressante pour cerner l'histoire de la ville et de ces habitants pour qui la religion fut d'un grand secours dans les périodes difficiles que traversa la ville. Les chapelles ou autels furent nombreux tout comme les confréries qui finirent pour certaines d'entre elles par être interdites.

Littéralement on ne savait à quel saint se vouer !

 

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