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1703 - L’enlèvement et la libération de la baronne de Schmitbourg

Publié le par Persin Michel

Aujourd’hui, je vais vous conter une histoire rocambolesque qui est advenue au tout début du 18ème siècle et qui s’est conclue à Thionville au couvent du Saint-Esprit, dont le bâtiment est aujourd’hui occupé par la mairie de Thionville.

Les principaux personnages de l’affaire :

Anne Catherine, baronne de Schmitbourg [1] appelée « la baronne » dans le texte.

La baronne d’Eltz d’Ottange [2]

La dame de Caltenbach de Roussy [3]

Le sieur d’Alanzy [4]

Cretz Peter habitant de Altwies [5]

Le sieur Burthé habitant de Altwies

Le sieur Thierriat d’Espagne, gouverneur de Thionville [6]

Le receveur de l’électeur de Trêves.

 


[1] La famille de Schmibourg originaire de Coblence était alliée aussi à la famille d’Eltz.

[2] La famille d’Eltz alliée à la famille d’Hunolstein avait d’importants biens dans l’Eifel et la région de Trêves, elle avait aussi plusieurs seigneuries dans notre région, Ottange, Volmerange, Fontoy, Thionville..

[3] Cette famille appartient à un ensemble de familles de nobliaux qui s’étaient indûment appropriées des terres à Roussy et qui furent déboutées par François Maguin, conseiller à Metz et mari de marguerite de Wolter qui avait acquis la seigneurie de Roussy. On trouve dans ces familles les Caltenbach et les Halanzy.

[4] Capitaine d’un régiment de Dragons. Originaire de la Gaume.

[5] Commune dépendant actuellement de Mondorf-les-Bains

[6] Charles Thierriat d’Espagne, d’abord lieutenant du roi puis gouverneur de Thionville de 1680 à son décès à Thionville  le 25 juin 1711. Il avait été capitaine et major dans le régiment du maréchal de La Ferté et lieutenant du roi à Dôle avant d’arriver à Thionville.

 

La mairie de Thionville ancien couvent des clarisses

La mairie de Thionville ancien couvent des clarisses

La baronne explique le pourquoi de ce récit:

Anne Catherine, baronne de Schmitbourg, étant présente à Thionville, au couvent des dames abbesses et religieuses du Saint-Esprit en la ville [1], nous a dit qu’ayant réfléchit sur la conduite qu’elle a tenue pendant le temps qu’elle a séjourné chez le nommé Cretz Peter demeurant à Altwies, village dépendant du canton de Rodemack, où elle avait été envoyée, il y a environ quatre mois, de l’ordre de ses parents pour se faire soulager et guérir d’une incommodité [2] qui lui était survenue au visage. Cette conduite ayant donné lieu à ses parents d’en être mécontents, en sorte qu’ils ne voulaient plus l’écouter, ni la recevoir chez eux. C’est pourquoi voulant les désabuser des fausses impressions que cela aurait fait sur leurs esprits, elle nous a déclaré sans force, injonction, ni contrainte, mais d’une libre, sincère et franche volonté que la vérité est celle qu’elle nous déclare ce jour et nous demande de la rédiger par écrit et d’en dresser un acte authentique en présence de madame la baronne d’Eltz, de la dame abbesse du couvent du Saint-Esprit et de monsieur Alexandre, prêtre et curé de la paroisse de la ville.

La baronne est malade et va faire une cure à Altwies, près de Mondorf-les-Bains:

Pendant son séjour qui a été de trois mois ou environ chez ledit Cretz Peter où elle avait entrepris sa cure pour guérir de son indisposition, celui-ci lui aurait dit que son mal venait d’un sortilège que certaines sorcières du pays de Coblence [3], lui auraient donné et que si elle souhaitait connaître la personne qui lui avait jetée ou si elle voulait retourner chez ses parents, elle serait alors continuellement exposé au même accident. De ce fait, elle résolu de demeurer en ce pays et il lui dit alors qu’elle devait se marier car c’était le seul et unique moyen de parvenir à la guérison, sans quoi, il ne voulait pas entreprendre sa cure et comme elle ne souhaitait rien de plus que son soulagement, elle lui fit connaître qu’elle était disposée à écouter ses avis, qu’elle le regardait pour un homme habile et ne le croyait pas capable de lui conseiller la moindre chose contraire à son avantage.

Ledit Cretz Peter, remarquant la grande crédulité de la baronne, lui proposa après quelques jours de résidence chez lui, de l’emmener lui-même, là où elle le voudrait, lui promettant qu’il ne lui manquera ni or, ni argent, qu’il était assez riche pour faire sa fortune, qu’il la conduirait à Paris ou en Hollande, ou en tel endroit qu’elle souhaiterait, qu’il abandonnerait sa femme, sa famille pour la suivre, mais ces propositions ne faisaient aucune impression sur l’esprit de la baronne, car elle ne cherchait que sa guérison, ledit Cretz Peter, lui refit plusieurs fois ces propositions qui restèrent vaines.

Plus tard, la baronne fit la connaissance d’un gentil homme appelé le sieur de Burthé qui demeurait au voisinage de Cretz Peter et qui s’étant aperçu du remède préconisé, soit le mariage, lui fit après quelques jours la proposition de l’épouser, mais la baronne n’éprouvait qu’indifférence et même conçu de l’aversion pour le sieur Burthé.

Celui-ci, entra dans un grand emportement et une grande fureur, disant hautement qu’il se poignarderait. Plus il témoignait son empressement, plus la baronne avait de la haine pour le pauvre homme et sans pouvoir dire d’où cela venait, sinon qu’elle pensa que c’était un charme qui ne pouvait procéder que de la part de Cretz Peter. Alors, elle le pria de faire cesser la passion violente du sieur Burthé.


[1] Ordre des clarisses dépendant du couvent du Saint-Esprit de Luxembourg.

[2] Terme général indiquant probablement une maladie de peau

[3] Où habitaient alors ses parents

La baronne va au château de Roussy et s'engage à la lègère:

Dans ces entrefaites, la dame de Caltenbach [1], demeurant au château de Roussy ayant rendu quelques visites à la baronne, celle-ci crut de son devoir de lui rendre la réciproque en se rendant au château de Roussy où elle aperçut un officier quelle ne connaissait pas et que l’on lui dit être le sieur d’Alanzy [2], lequel eut une conversation avec elle où elle lui fit entendre qu’elle désirait s’établir dans ce pays et s’y marier et qu’il y avait un gentilhomme de distinction qui paraissait avoir un penchant pour elle, mais qu’elle même avait beaucoup de répugnance pour lui. Le sieur d’Alanzy lui proposa un sien neveu qu’il disait être galant homme, ce à quoi la  baronne qui dans toutes ces propositions ne savait quel parti prendre répondit qu’il fallait voir ce jeune cavalier.

Mais le sieur d’Alanzy ayant été averti de la faiblesse, de l’âge et de l’esprit de la baronne ne manqua pas de venir la trouver le lendemain accompagné de son neveu qu’il emmena chez Cretz Peter, qui dès qu’il vit le jeune homme, dit à la baronne que c’était la personne qu’elle devait épouser. Madame de Caltenbach étant venue avec le sieur d’Alanzy et son neveu, sollicita la baronne pour qu’elle épouse le jeune homme et le sieur d’Alanzy promis de l’entretenir toute sa vie et d’en faire son héritier. Devant tant de pression la baronne conçu pour ce jeune homme une violente passion et donna sa parole de l’épouser, à la dame de Caltenbach, et sur sa demande lui fit un billet disant que le sieur d’Alanzy lui avait promis cent ducats et une compagnie franche pour le mari de la dame de Caltenbach . S’étant ainsi séparés, la dame de Caltenbach, s’en retourna avec le sieur d’Alanzy et son neveu au château de Roussy.

La baronne part pour Coblence en bateau sur la Moselle:

Le lendemain, la baronne partit avec un ecclésiastique et une femme de chambre qui étaient venus la reprendre pour la conduire chez ses parents où elle retournait en bateau. En chemin, elle passa quelques jours à Trêves d’où elle repartit pour continuer sa route et étant arrivée aux environs de Paltz [3] au-dessus de Trêves, elle aperçu le sieur D’Alanzy avec un corps de cavalerie qui était sur le bord de la Moselle.

La baronne se fait enlever:

Il fit arrêter le bateau  et monta à bord avec l’intention de l’emmener. La baronne protesta et le receveur de l’électeur de Trêves qui accompagnait la baronne ayant exhibé un passeport au sieur d’Alanzy pour empêcher qu’il ne les arrêta se vit répliquer par le sieur d’Alanzy qu’il respectait le passeport mais qu’il demandait que la baronne le suive car elle avait promis de se marier avec un des officiers de son régiment et qu’absolument, il l’emmènerait. La baronne, malgré la résistance du receveur de l’électeur de Trêves et la sienne fut contrainte de le suivre avec la cinquantaine de maîtres qui accompagnait le sieur d’Alanzy.

Le jour même, ils couchèrent à Grevenmacker, la baronne accompagnée par sa femme de chambre qui la quitta en ce lieu, le sieur d’Alanzy lui en ayant donné une autre. Le lendemain, un mardi, ils furent rendus au château de Roussy, chez le sieur et la dame de Caltenbach.

 


[1] Caltenbach ou Kaltenbach

[2] Alanzy ou Halanzy, famille originaire de la Gaume belgo-luxembourgeoise.

[3] On parle ici de Pfalzel, aujourd’hui quartier au nord de Trêves.

 

Cours de la Moselle de Thionville à Coblence

Cours de la Moselle de Thionville à Coblence

La baronne va être mariée contre son gré:

Dès le lendemain, le neveu du sieur d’Alanzy monta au château de Roussy dans le dessin d’épouser la baronne si quelque prêtre avait été présent mais faute de prêtre, la cérémonie fut différée au lendemain, jeudi, car le sieur d’Alanzy avait sollicité un certain prêtre inconnu et vagabond pour faire cette belle œuvre.

La baronne est sauvée du mariage et de ses "ravisseurs":

Monsieur Thierriat d’Espagne, gouverneur de Thionville,  ayant été prévenu par monsieur le Comte d’Autel [1] du mariage prévu et des conditions de ce mariage, envoya un détachement de sa garnison pour empêcher la cérémonie et pour enlever la baronne des mains du sieur d’Alanzy et de son neveu, ses ravisseurs, sans qu’il n’y eu d’autres suites, ni consommation du mariage. La baronne fut conduite dans la maison et couvent des dames et religieuses du Saint-Esprit où elle est encore actuellement, dans une grande douleur et repentir, d’un si fâcheux événement.

Renonçant à ce prétendu mariage auquel on a voulu l’induire et que si elle n’a point fait la présente déclaration plus tôt et dans le temps qu’elle a été détournée des mains du sieur d’Alanzy, ce n’a été que pour prévenir et empêcher qu’il n’arriva quelques disgrâces au sieur d’Alanzy.

La présente déclaration, sa lecture et explication ayant été faite à la baronne en langue germanique, mot pour mot, par le notaire [2] et en présence des témoins ci-dessous nommés qui ont une entière et parfaite connaissance des langues française et allemande.

La baronne persiste et signe cette déclaration comme la vérité.

Fait à Thionville au couvent des dames et religieuses du Saint-Esprit le 19 septembre 1703.

Ont signé les témoins :

Alexandre curé de Thionville, la baronne d’Eltz d’Ottange et la dame abbesse du couvent et la baronne Anne Catherine von Schmitberg

 


[1] Jean-Frédéric, comte d’Autel, baron de Vogelsang, feld-maréchal, gouverneur et capitaine général du duché de Luxembourg, chevalier de la Toison d’or, etc., naquit le 7 septembre 1645, à Luxembourg, et mourut le 1er août 1716.

[2] ADM Robin 3E7578

 

Château de Roussy - Dessin de Henri Bacher – Strasbourg - 1933

Château de Roussy - Dessin de Henri Bacher – Strasbourg - 1933

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1733 – Un dromadaire à Thionville

Publié le par Persin Michel

Dessin d’Alicia et Amandine PERSIN

Dessin d’Alicia et Amandine PERSIN

Un acte notarié « exotique » dans la production des notaires Thionvillois qui nous explique au détour d’une affaire de dettes que la ville de Thionville et les campagnes alentours recevaient parfois de drôles de visiteurs qu’on s’empressait d’aller voir contre quelques deniers.

Résumé de l’acte en question  daté du 16 mai 1733 :

« Sont comparus en personne devant les notaires royaux de Thionville, les sieurs François Impérial et André Vannaty qui sont conducteurs d’un dromadaire et aussi les sieurs François Dubois et Claude Urial, tous les deux bourgeois de Nancy qui font du trafic et du négoce dans cette ville. Il se trouve que les sieurs Impérial et Vannaty, nous ont déclaré qu’en vertu d’une transaction passée devant le tabellion Etienne, de Nancy, en date du  13 avril 1733, ils ont convenu à l’amiable que la dette de 728 livres et 16 sols tournois qu’ils doivent aux sieur Dubois et Urial se réglera comme suit :

Ils mèneront conjointement le dromadaire et dans tous les endroits où ils passeront, les deniers qu’ils percevront des curieux venus voir le dromadaire, seront mis en bourse et la moitié appartiendra d’abord en propre et par avance audits sieurs Dubois et Urial et que l’autre moitié des deniers des curieux venus voir le dromadaire, ira aussi aux sieurs Dubois et Urial, jusqu’à concurrence de la somme de 728 livres et 16 sols tournois pour le remboursement de la dette. Pendant tout le temps où le remboursement se fera, lesdits sieurs Dubois et Urial pourront continuer leur trafic et négoce.

Il a aussi été convenu que la femme de François Impérial ne pourra pas montrer son chien aux curieux [1], dans les lieux où sera aussi le dromadaire. »

François Dubois et Claude Urial signent l’acte, François Imprial et André Vannaty ne savent pas écrire et font une croix. Un témoin signe : Denny, sergent des grenadiers au régiment de Dillon

 


[1] Ce chien devait faire différents tours de dressage pour amuser les badauds

Après ces deux courts textes, nous verrons une série d'articles sur les fortifications de Thionville réalisées par le capitaine, Rodolphe Saltzgeber, qui en 1673 avait construit le premier pont de Thionvillle et dont le nom est rarement associé aux fortifications de la ville.

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1733 – Nomination du curé Thiersant à la cure de Saint-Maximin

Publié le par Persin Michel

Nous avons vu que le curé de Saint-Maximin qui  était en poste pendant toute cette période mouvementée du passage de l’ancienne église paroissiale à la nouvelle, était Nicolas Thiersant, dont voici l’acte de nomination :

« En 1733, le 18 mai, à 8h du matin, en vertu des lettres d’institution accordées par messieurs les vicaires généraux de l’évêché de Metz, le siège vacant, du 8 du présent mois, est dévolu à monsieur Nicolas Thiersant, prêtre, chanoine de Notre Dame la Ronde de Metz[1]. Etat de la cure de Saint-Maximin de Thionville enregistré et contrôlé à Metz, le 15 du présent mois par le sieur Bretton, notaire royal et apostolique en vertu de la commission résidente en cette ville, soussignée a mis et induit ledit Nicolas Thiersant assisté de monseigneur Joseph Thorel, chanoine et doyen chanoine, curé de Gorce. (Gorze)

En la possession réelle, actuelle et corporelle de ladite cure de Saint-Maximin, annexes et dépendances, s’est faite par l’entrée libre en l’église paroissiale, la prière a été faite par le sieur Thiersant au pied du maître autel,  il a embrasser l’autel et les saints évangiles puis fait séance en la place « presbytériale » et la chair à prêcher, visite des vaisseaux sacrés, ornements et fonds baptismaux, aspersion d’eau bénite au son de la cloche et autres formalités en tel cas requises et accoutumées. Ensuite, lecture et explications en présence de messieurs les synodaux de cette paroisse et de plusieurs autres paroissiens dont plusieurs ont signé. De laquelle prise de possession, personne ne s’est opposé, il a été dressé le présent acte, fait et passé audit Thionville, le jour, heure, mois et année déjà dits. A laquelle prise de possession ont aussi assisté, Monseigneur Jean Claude de la Croix, prêtre, chanoine de l’insigne église collégiale de Saint-Sauveur de Metz et messieurs les vicaires et prêtres accoutumés de la paroisse. » (Orthographe des noms du texte et des signatures différentes comme souvent)

 


[1] Eglise primitive aujourd’hui « incluse » dans la cathédrale Saint-Etienne de Metz.

Signatures au bas de l'acte de nomination (Notaire Helminger: ADM 3E7530)

Signatures au bas de l'acte de nomination (Notaire Helminger: ADM 3E7530)

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1755 – Construction de la nouvelle église Saint-Maximin (3ème et dernière partie)

Publié le par Persin Michel

Nous sommes en juin 1755 et déjà cinq plans ont été établis :

  • Morant
  • Nollet
  • Régemorte
  • Louis
  • Loriot

Le 10 juin 1755, les officiers de l’hôtel de ville se réunissent avec les députés du bailliage et les notables pour faire un point de la situation comme suit :

« Le 12 octobre 1754, il a été procédé à l’adjudication de la construction de la nouvelle église sur un plan dressé à la hâte par le sieur Nollet sur instructions du maréchal de Belle-Isle et de l’abbé de Saint-Maximin. C’est sur ce plan que l’abbé s’est rendu adjudicataire des ouvrages qui le concernent pour une somme de 55000 livres tournois.

Depuis, il a été remarqué des défauts frappants sur ce plan Nollet par tous les connaisseurs et par le maréchal qui a souhaité qu’il en fut dressé un autre par le sieur Louis, architecte à Metz avec un devis estimatif. Ce plan du sieur Louis a été trouvé par tous, bien supérieur au plan de monsieur Nollet. En conséquence, nous avons demandé à l’intendant de Metz d’envoyer à Trêves, deux députés de la ville pour demander à l’abbé de prendre en charge l’excédent de dépenses qu’exige le nouveau plan du sieur Louis.

L’abbé, bien qu’il convienne que le nouveau plan est supérieur à l’ancien  ne veut pas déroger à son engagement pour le premier plan du sieur Nollet. L’intendant et le maréchal ont été informés de ce fait, mais l’abbé, précédant toutes les instances, a traité avec des entrepreneurs de Metz, pour exécuter le plan de Nollet.

La ville a donc résolu de présenter les deux plans à l’intendant de Metz pour le supplier d’agréer le plan du sieur Louis et d’autoriser à faire la dépense qui la concerne par une adjudication au moins disant.

D’autre part, la ville est résolue à faire un caveau sous toute l’étendue de l’église projetée pour les inhumations dont la dépense serait de 6941 livres tournois, cela car le cimetière qui régnera autour de l’église n’étant de chaque côté d’environ 15 pieds, il se trouverait insuffisant pour l’inhumation des habitants.

La ville a aussi contacté les bénéficiaires des chapelles qu’il faudra reconstruire pour voir s’ils seraient disposés à prendre à leur charge ce coût, mais ils ne semble nullement disposés à le faire. »

Dans le même temps la ville envoi ce rapport au maréchal de Belle-Isle, elle en profite pour se justifier des retards et de la non mise à disposition des terrains aux entrepreneurs en attendant le choix définitif d’un plan, sachant que les fondations sont différentes. Elle dit que dorénavant elle se résignera à mettre en adéquation l’ouvrage projeté avec ses finances, mais que le coût des dépassements sera supérieur à 20000 livres tournois. Elle remercie encore le maréchal de tout le temps qu’il consacre à cette affaire.

 

L’adjudication de la démolition des maisons la Roche et Limbourg a été faite, la maison la Roche a été achetée, celle du sieur Henri Limbourg [1] également pour une somme de 8698 livres tournois fixée [2] par l’intendant de Metz, monsieur Jean Louis François de Caumartin,  et non 12000 livres tournois comme le réclamait le sieur Limbourg. Le sieur Limbourg sera libre de récupérer l’ensemble des taques de cheminées de sa maison.

En plus des maisons La roche et Limbourg, il est prévu d’acheter le jardin de Robert Latouche et Agnés Collin son épouse, le jardin est estimé par les experts Jean Louis et Jean Cosse à la somme de 6650 livres tournois, il faudra aussi détruire la gloriette de ce jardin avec son toit en ardoise dont la démolition par le sieur Blanmangin coûtera 53 livres tournois.

Les terres enlevées pour confectionner les fondations seront amenées sur la partie du rempart qui doit être élargie et le reste des terres ira combler des trous derrière l’hôpital militaire.

Le problème du plan définitif devient crucial car les entrepreneurs ont commencé à creuser les fondations d’après le plan du sieur Nollet, comme voulu par l’abbé de Saint-Maximin, les autres plans ont des fondations différentes, aussi il est urgent de se fixer définitivement sur un plan unique et cela va encore nécessiter de nombreux courriers entre la ville, l’abbé et le maréchal de Belle-Isle.

Le 30 juin 1755, le maréchal écrit aux officiers de la municipalité de Thionville pour leur dire qu’en juillet, il viendra sur la frontière et qu’à cette occasion, il verra l’abbé pour essayer de le convaincre et faire évoluer les choses dans le sens de la ville.

Le 23 août 1755, les entrepreneurs ont commencé l’excavation des terres pour les fondations depuis un mois, or rien n’est réglé au niveau du plan définitif. Le maire, Wolkringer et le syndic Petit vont aller à Metz pour obtenir une décision, mais bien qu’ils y soient restés jusqu’au 28 août, ils reviendront sans décision positive, l’abbé restant sur ses positions.

En septembre, on va nommer Pierre Conrard, maître maçon de Thionville pour surveiller les travaux, la composition de la chaux et le fait qu’on n’utilise pas les pierres de démolition des maisons qui sont de mauvaise qualité, ni de pierres bleues, pour ce travail, il sera payé 30 livres tournois par mois.

Le 29 septembre, il semble que l’on ait encore modifié l’emplacement du clocher qui devait être monté au-dessus du portail de la nouvelle église et que l’on veut maintenant mettre à l’autre bout au-dessus du chœur, ce qui obligerait la ville à racheter le jardin de monsieur Soucelier, avocat au bailliage pour une somme de 4530 livres tournois.

Le 9 novembre 1755, le sieur Meaux, entrepreneur avertit qu’il allait commencer la démolition de l’ancienne église et récupérer les matériaux qui sont estimés à plus de 5000 livres, la ville s’oppose à cette décision et demande qu’un plan unique de la nouvelle église soit enfin accrédité et estimé et que l’adjudicataire récupère les matériaux de l’ancienne église.

 

[1] Conseiller du roi et procureur à la maitrise des eaux et forêts

[2] Expertise faite par Jean Louis architecte à Metz et par Pierre Conrard, maître maçon de Thionville

 

Comme on le voit, les problèmes s’ajoutent les uns aux autres et en la matière, la ville n’a pratiquement aucun pouvoir de décision, ni les financements nécessaires.

Elle veut absolument un nouveau plan plus conforme à ses attentes, l’intendant et le maréchal de Belle-Isle, la soutiennent et lui ont demandé de contacter le sieur Jean Gauthier, ingénieur du roi de Pologne, duc de Lorraine, pour avoir un nouveau plan, celui-ci très pris ne répond pas à la ville mais à priori, il s’est rapproché du maréchal de Belle-Isle.

Le 17 novembre, on va déménager l’orgue de l’ancienne église au couvent des capucins puisque c’est là que se font provisoirement les services religieux, de même les cloches vont être descendues de la tour et entreposées, pour la démolition du clocher, l’intendant pense qu’il faille le démolir à moitié pour éviter qu’il ne s’écroule tout seul quand l’église sera démolie.

Enfin le 13 mars 1756, la ville reçoit un courrier du maréchal de Belle-Isle qui annonce avoir vu les plans du sieur Gauthier et que la ville va les voir prochainement. Mais voilà, aucun accord ne sera encore trouvé car le clocher au-dessus du chœur oblige à acheter le jardin du sieur Soucelier et éloigne les cloches de la ville, certains pensent que le clocher devrait être au-dessus du portail d’entrée ce qui revient moins cher et rapproche les cloches de la ville, d’autres encore veulent un clocher terrasse mais la ville préfère un clocher pointu en ardoises. Bref, rien n’avance et le sieur Gauthier est fort pris par ses affaires à Nancy et n’a guère de temps à modifier ses plans dans le sens de la ville, appel est donc lancé au maréchal de Belle-Isle.

Le 15 août 1756, le maréchal écrit depuis Compiègne, à la ville de Thionville, qu’il a vu le sieur Gauthier avec le sieur Trouville [1] et le sieur Le Brun [2], professeur de mathématiques à Metz, pour faire avancer le projet. A Thionville, les travaux avancent sans plan dûment validé et sur la base du plan du sieur Nollet, les fondations sont faites, les caveaux sont terminés et les murs du contour sont avancés à 5 ou 6 pieds de hauteur, sauf le mur de devant, le plan du sieur Gauthier remanié n’est toujours pas disponible.

Le 13 avril 1757, les choses semblent avoir progressées, car le sieur le Brun qui ne devait faire qu’une estimation du nouveau plan de l’architecte Gauthier, a repris le plan et propose remplacer le clocher en charpente et ardoises initial par deux tours en maçonnerie au-dessus du portail et par la même d’abaisser la hauteur de l’église de 6 pieds, modifications qui abaissent le coût de l’église.

Le 26 mars 1757, monsieur de Bernage de Vaux écrit au sieur Wolkringer, maire de Thionville qu’il a vu les plans et devis repris de l’architecte Gauthier par le sieur le Brun de Metz et que cela lui semble maintenant prêt à être exécuter, il veut donc les voir rapidement à Metz, le maire et le syndic, monsieur Petit. L’entrevue a lieu le lendemain avec le sieur le Brun qui a donné toutes les explications utiles, puis ils ont vu l’intendant et parlé des difficultés qu’ils ont avec les entrepreneurs, Meaux et Geisler.

 


[1] Trouville Jean Roch, conseiller du roi, contrôleur général des domaines du roi à Metz et avocat au parlement. Secrétaire en chef de l’intendance, puis commissaire des guerres, seigneur de Ban-saint-Pierre, Clouange et autres lieux, décédé en 1758 à 59 ans, il avait épousé Madeleine Wolkringer, fille du maire perpétuel et lieutenant de police de Thionville.

[2] Louis Gardeur-Lebrun appelé simplement le Brun : Voir la notice en fin d’article.

 

Plan "le Brun" avec les escaliers montant aux deux tours et emplacement des chapelles.

Plan "le Brun" avec les escaliers montant aux deux tours et emplacement des chapelles.

Le 13 avril 1757, l’assemblée des officiers de l’hôtel de ville se réunit avec les députés du bailliage, les notables, monsieur le baron de Hain, monsieur Patiot alors trésorier, monsieur Potot receveur des finances, le sieur Creite ancien lieutenant général du bailliage, le sieur Gand contrôleur des finances, messieurs Barthel et Soucelier avocats au parlement, monsieur Breistroff, conseiller lieutenant général de police et monsieur Pierre Deschamps maître particulier de la maîtrise des eaux et forêts.

Après avoir vu les plans, le devis et tous les problèmes annexes et entendu l’ensemble des avis, la chambre de Thionville a adopté le plan revu par le sieur le Brun qui avec ses deux tours terrasses maçonnées leur paraît d’un aspect agréable. Toutefois, à l’égard de l’augmentation des prix demandée par les entrepreneurs, la chambre la récuse vu qu’ils ont profité des démolitions, celle du clocher de l’ancienne église, de la sacristie, des cinq chapelles dont quatre voûtées construites en pierre de taille et des murs et des voûtes des caves des maisons démolies. Aussi, la ville demande à monsieur l’intendant de débouter les entrepreneurs de cette demande d’augmentation.

Le 11 décembre 1757,  monsieur de Bernage [1] consent à ce que la ville qui lors de la publication de renouvellement du fermage des octrois, n’avait reçu aucune offre puisse ne les adjuger que pour un an et ainsi pouvoir avoir de meilleurs prix les années suivantes quand les circonstances de la guerre [2] et le défaut de garnison en ville seront passés.

Enfin la construction de l’église reprend et se poursuit pendant l’année 1758 et 1959 la coupole sera peinte le 30 mai 1759, par Charles Collignon, peintre de Thionville qui sera payé pour se faire 1200 livres. Enfin, le 3 novembre 1759, un courrier part vers le maréchal de Belle-Isle lui signalant que l’église de Thionville est achevée et que l’abbé de Saint-Maximin de Trêves voudrait venir dire la première messe, le maréchal en fait part à l’évêque de Metz en lui demandant son avis  mais en  l’incitant à accepter ce qui pourrait pousser l’abbé à peut être plus de générosité  sur  sa participation financière.

Toutefois, un courrier du 29  décembre 1759, arrive à la cure de Thionville en provenance de l’abbé de Saint-Maximin de Trêves. Il explique que malheureusement, il ne pourra se déplacer à Thionville pour l’inauguration car il est trop occupé à ses affaires et loin de son monastère. Il invite donc l’évêque de Metz à nommer qui il veut pour participer à cette consécration mais que peut-être au printemps, il pourra venir à Thionville pour une cérémonie.

Le 3 décembre 1759, l’évêque de Metz demande à l’archiprêtre et curé de Florange de faire une visite de la nouvelle église et de lui faire un rapport sur son état, pour voir si tout est en ordre. Ce rapport sera fait le 3 janvier 1760 et conclura à un bon état de la nouvelle église mais contestera l’emplacement des fonds baptismaux et diverses petites choses, mais dans l’ensemble l’église peut être consacrée ce qui sera fait courant 1760.

Le maréchal de Belle-Isle décèdera peu de temps après l’inauguration de l’église soit le 22 janvier 1761 à Versailles.

 


[1] D’une grande famille de conseillers d’état, maître des prévôts de Paris. Bernage de Vaux fut intendant, c’est lui qui fit venir Louis Gardeur-Lebrun à la sous-direction des travaux et communications à Metz.

[2] Guerre de 7 ans (1756 à 1763) qui fut pratiquement une des premières guerres mondiales tant les nations et les pays impliqués furent nombreux et qui vida en partie Thionville de ses troupes et des ses revenus.

 

Voilà notre nouvelle église Saint-Maximin construite et consacrée, mais voyez vous les ennuis ne sont pas terminés pour la ville car le 25 février 1762, les entrepreneurs ayant construit l’église vont écrire à l’abbé pour lui dire que leur dépense a été bien plus forte que prévue, celui-ci leur propose 100 louis de plus, qu’ils refusent, se réservant d’aller en justice, après avoir refait de nouveaux toisés des ouvrages.

Le sieur Nollet réclame le 8 novembre 1762, 226 livres qui lui seront payées, pour des mesures faites par lui pendant les travaux.

Le 12 novembre 1762, la ville apprend la mort de l’abbé de Saint-Maximin, ce qui ne va rien arranger. Les entrepreneurs, au vu des nouveaux toisés, vont porter l’affaire en justice et le 5 janvier 1767, la ville de Thionville sera condamnée, par un arrêt du conseil d’Etat à payer plus de 55000 livres de supplément, ce qui l’obligera à refaire un emprunt et à taxer plus fortement, les plus imposables de ses habitants, dans lesquels on trouve principalement des marchands, un cabaretier, un tanneur, le directeur de la poste aux lettres, un apothicaire et un chirurgien, une rentière et un député.

De nombreux plans successifs furent établis avec des variantes et des devis estimatifs, soit un travail important qui sera finalisé par le sieur le Brun, professeur de mathématiques à Metz, qui aura l’idée des deux tours clochers en terrasse,  variante qui amènera une économie certaine ce qui avec la lassitude de toutes les parties, amènera à la réalisation concrète de l’église.

 

Ici, se termine le récit un peu long et technique de la construction de la nouvelle église Saint-Maximin qui nous montre un investissement important de la ville, de ses habitants et de ses officiers municipaux tant au niveau de leur implication personnelle, principalement à ne pas lâcher sur la qualité architecturale qu’il voulait pour la nouvelle église de leur ville et cela malgré les difficultés financières, et alors qu’ils ont, en fait, si peu de pouvoir de décision. Pouvoirs qui sont eux, aux mains de l’intendant et du maréchal de Belle-Isle, dont il faut ici se souvenir, de son implication et de son suivi bienveillant à l’égard de la ville.

Louis le Brun :

Exactement, Louis Gardeur-Lebrun né le 18 septembre 1714 à Metz, son père Sébastien était charpentier puis entrepreneur. Louis le Brun s’engagea très jeune dans le régiment Dauphin Dragons puis fut nommé ingénieur géographe.

Ensuite, il ouvrit à Metz une école de mathématiques où étudièrent aussi deux de ses frères. En 1752, il est nommé ingénieur de la ville de Metz puis, il enseignera les mathématiques à l’école royale d’artillerie. Monsieur de Bernage de Vaux, intendant, le fera nommer en 1756 à la sous-direction des travaux et des communications où il fut l’adjoint de Jean Gauthier, architecte du roi de Pologne. Après le décès du maréchal de Belle-Isle, il dirigera le service des travaux et communications.

Il arrêta ses cours de professeur de mathématiques en 1781 et décéda le 19 février 1786 à Metz où il fut inhumé.

NB : Cette courte notice montre bien que Louis Gardeur – Lebrun, dit le Brun, avait des relations étroites avec monsieur de Bernage de Vaux, le maréchal de Belle-Isle et Jean Gauthier, architecte du roi de Pologne, tous impliqués fortement dans la construction de la nouvelle église Saint-Maximin de Thionville.

 

1903 - L'église lors de la démolition des remparts

1903 - L'église lors de la démolition des remparts

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